"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 25 janvier 2021

Christophe Levalois: Recension : « Petite théologie pour les temps de pandémie » de Jean-Claude Larchet (Éditions des Syrtes)

 « Petite théologie pour les temps de pandémie », un livre de J.-C. Larchet

Jean-Claude Larchet, Petite théologie pour les temps de pandémie, Éditions des Syrtes, 282 pages, 2021, 15 euros.



Voilà un livre qui arrive au bon moment ! La crise sanitaire que vit le monde depuis un an a suscité de nombreux ouvrages, mais c’est le premier qui examine les questions posées par l’action déstabilisatrice de la Covid-19 pour les sociétés et les individus du point de vue théologique tout en se penchant sur les conséquences concrètes pour la pratique religieuse. Une réflexion chrétienne de fond sur toutes les interrogations que pose cette crise est ainsi offerte pour aider à discerner le chemin à emprunter dans les incertitudes et les angoisses nées des tumultes de notre temps. Grâce à sa connaissance approfondie des Pères de l’Église, de la théologie orthodoxe, des questions de la maladie, de la souffrance et de la mort, mais aussi de l’actualité de l’orthodoxie dans le monde, Jean-Claude Larchet a réussi ce tour de force de rédiger en quelques mois un livre d’une grande richesse qui est un véritable vade-mecum sur le sujet.

La première des grandes questions abordées par l’auteur est celle de la responsabilité de Dieu dans les épidémies et les malheurs infiniment nombreux qui touchent le monde et les humains. Est-ce pour châtier ou pour éduquer ? Très méthodiquement, avec de nombreuses références et des citations pertinentes, il examine tous les aspects de cette épineuse question très fréquemment posée et source de révolte, de colère ou de scandale pour un bon nombre de personnes. Plusieurs éléments, qu’il développe avec clarté, concourent à la réponse détaillée qu’il donne.

La deuxième grande question examinée est celle de la prophylaxie, en somme des mesures de protection contre la maladie comme le confinement et des épreuves qu’elles apportent comme la privation de la communion eucharistique. L’auteur a notamment le souci de montrer comment des tribulations peuvent être aussi l’opportunité de voir les choses différemment et d’en tirer malgré tout un bien.

Un autre problème très délicat amené par la situation sanitaire, qui est objet de polémiques, est celui de la communion au moyen d’une cuiller unique et le risque redouté d’une contamination par celle-ci. Là également, Jean-Claude Larchet examine les différentes facettes du sujet avec toutes les précisions concrètes nécessaires et présente en outre les arguments des uns et des autres. Il déroule ainsi toute l’étendue et la complexité de la question. Il observe au final à ce propos : « Montrer comme nous l’avons fait, que certaines méthodes alternatives ne sont cependant pas contraires à la Tradition (avec un grand T), devrait permettre en cas de nouvelles pandémies, d’avoir une vue plus claire des choses et d’aborder la situation d’une manière plus sereine ».

Enfin, last but not least !, il est de la première importance, comme l’indique le titre de la dernière partie, de « vaincre le virus de la peur ». En effet, ainsi que le souligne l’auteur, « parallèlement au coronavirus s’est répandu ce que des commentateurs ont appelé “le virus de la peur”, plus contagieux que lui, et plus redoutables par ses effets destructeurs sur la vie sociale et économique, et sur la vie intérieure — tant psychique que spirituelle — des individus. » Fragilité de l’être humain ! Et des sociétés ! Cela n’est pas sans rappeler la phrase de Paul Valéry au lendemain de la Grande Guerre, extraite d’un texte non moins remarquable par son constat désenchanté et lucide porteur de profondes interrogations : « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » (« La Crise de l’Esprit », 1919). L’une des armes souvent convoquées dans la tradition ascétique, avec la prière, pour ne pas être englouti par la peur, est la « mémoire de la mort », laquelle « maintient la conscience en éveil ». Cette « mémoire » est trop vite oubliée dans l’insouciance des jours heureux, dont on constate aussi régulièrement la… fugacité. Les temps d’épreuves sont également des temps de dévoilement, souvent accompagnés d’un brutal dépouillement. Pour y survivre, nous sommes conduits, sinon forcés, à nous remémorer d’une part ce qu’il y a de vraiment essentiel dans nos existences et où il se trouve, d’autre part à réaliser que toute lumière authentique, créatrice et bienfaisante, que nous pouvons transmettre au monde pour son édification, vient de notre propre intériorité, laquelle est la clef de voûte de notre vie et de sa solidité. Jean-Claude Larchet observant cette peur répandue, la crainte de la mort qu’elle apporte, l’impératif pour y faire face d’une vie qui s’ancre dans une démarche spirituelle, nous rappelle la grande, libératrice et salutaire proclamation de Pâques : le Christ a vaincu la mort. L’ultime réponse se trouve là !

Christophe Levalois

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