"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 28 avril 2020

Archiprêtre André Tkatchev: Une percée dans la Vie éternelle


La vie vaut-elle la peine d'être vécue ? Cette question a été posée par l'un des philosophes modernes. Or, ni un kangourou ni un papillon ne se poserait jamais une telle question. Aucun être vivant n'essaierait de comprendre son existence par son seul instinct. Pourtant, l'homme a en lui quelque chose qui le distingue des choses et des êtres ordinaires, quelque chose qui l'oblige à comprendre sa vie.

Pourtant, la plupart des gens sont faibles, c'est pourquoi ils traversent la vie sans en connaître le sens. Dans l'Antiquité, de nombreux philosophes, arrivés à l'idée que leur vie n'était pas enracinée dans l'éternité, ont délibérément choisi d'y mettre fin. Heureusement, ils furent toujours en minorité. La plupart des gens sont nés et vivent jusqu'à un âge avancé, se détournant instinctivement des questions éternelles pressantes. Cependant, tout le drame de la vie chrétienne consiste à nous réveiller du sommeil. Non pas pour nous mener à une impasse et au suicide, mais pour une percée dans la vie éternelle. C'est une question très grave.

Saint Jean de Cronstadt a comparé l'homme à une poule. Une poule naît deux fois. Au début, la poule subit les douleurs de l'accouchement et pond un œuf. Mais ce qui naît n'est pas encore une poule. Maintenant, l'œuf doit être couvé et éclos. Ce n'est qu'après une longue période d'incubation qu'un être vivant poilu, humide et drôlement jaune éclora de l'intérieur d'une coquille morte. L'homme aussi doit naître deux fois. D'abord, comme une jeune grenouille, comme Mowgli, comme un petit humain ; puis comme une personne, comme un être humain intelligent, comme un enfant de Dieu par Grâce. Celui qui ne naît pas deux fois restera un œuf. Il est destiné à être mangé, à la coque ou dur ; à être mangé cru par un humain ou un animal. Les détails n'ont pas d'importance. Il y a beaucoup de gens dans cette situation.

À la lumière de ce qui a été dit, il y a une beauté particulière dans le rituel de la bénédiction d'un œuf décoré et dans tout ce qui est lié aux œufs de Pâques. Comme nous le savons, c'est un œuf qui a été offert en cadeau à l'empereur Tibère par Marie-Madeleine. Tout cela parce que nous sommes comme les œufs.

L'éveil à une vie consciente et intelligente peut être comparé à une résurrection d'entre les morts. Le Christ ressuscité manifeste Sa présence constante dans notre monde par le fait qu'un grand nombre de personnes, ayant entendu Son Nom, ayant lu Sa Parole et ayant goûté à Ses Mystères, jettent leur linceul funéraire et, comme un papillon sorti d'un cocon, volent vers le haut pour s'envoler, vivant une nouvelle vie. Telle est la signification de la célébration de la Résurrection du Christ. Si nous ne nous relevons pas d'une mort vivante et malodorante, si nous ne nous levons pas et ne commençons pas à nous déplacer après avoir été longtemps couchés dans un cercueil - que ce soit par négligence, par découragement ou par haine - alors notre foi est vaine (1 Cor. 15:14).

La Résurrection du Christ justifie la vie humaine et lui donne en même temps un sens. La croyance en la résurrection se situe à mi-chemin entre l'enseignement selon lequel il n'y a pas de vie après la mort et la doctrine de la réincarnation. Celles-ci nous attaquent des deux côtés. Certains comparent les êtres humains à de l'herbe ; dès que quelqu'un est fauché par la mort, ils s'empressent de le livrer à un feu anéantissant comme s'il n'avait jamais existé. D'autres, ayant le sentiment de l'éternité dans leur cœur mais ne croyant pas au Christ, fantasmeront sur leur vie passée ou future comme un poisson, un moustique, un buffle, etc. Le Christ miséricordieux nous sauve de l'un de ces dangers et ne nous laisse pas tomber dans l'autre. Par Son Incarnation unique et Sa mort et Sa résurrection rédemptrices tout aussi uniques, il nous permet de comprendre que nous sommes à la fois éternels et uniques.

Dans Son hypostase, le Christ a assumé la totalité de la nature humaine. Cela signifie que tous seront ressuscités, ceux qui le veulent et ceux qui ne le veulent pas, ceux qui le savent et ceux qui n'y ont jamais pensé. Le Christ a vécu une seule vie sur terre. Il ne s'incarnera pas une deuxième fois, il ne sera pas crucifié à nouveau, il ne sera plus ressuscité. Cela signifie que nous aussi, nous vivons une seule vie. Nous l'écrivons comme une copie unique ; il n'y a pas de brouillons.

S'étant incarné et ayant souffert, le Christ a gagné le droit de juger les gens. En tant que Dieu, Il avait le pouvoir de le faire, mais les gens ne considéraient pas qu'Il en avait le droit. Dieu est en haut et au loin, pensaient les gens. Il est saint et pur. Nous vivons ici-bas dans la saleté et les péchés, et il n'y a rien de commun entre nous et Lui. "Es-tu capable de nous juger", pourrait-on dire au Grand Dieu du Ciel, "nous qui rampons comme des vers dans les péchés?

Parce que Dieu est bon, cet argument est monstrueux. Mais pour l'arracher comme une piqûre des lèvres humaines rusées et flatteuses, Dieu personnellement, dans Son Fils, s'est uni à la nature humaine, est descendu vers nous et est devenu l'un des nôtres. Avant sa résurrection, Il fut un bébé, il fut allaité et pleura de faim. Il avait besoin de chaleur et de protection. Quand Il grandit, Il travailla dur, se fatigua, et froid et  faim. Il se déplaça à pied. Il fut insulté par Ses compatriotes et injurié par les scribes ; Il fut trahi par un disciple et renié par un autre. Il vécut et ressentit, dans notre peau, tout ce qui pouvait être vécu sur terre. Il a le droit de nous juger - non pas parce qu'Il est Dieu, mais parce qu'Il est l'Homme.

A cause du travail de son âme, il rassasiera ses regards; Par sa connaissance mon serviteur juste justifiera beaucoup d'hommes,  (Isaïe 53:11). Là où deux ou trois sont réunis en Son nom, Il a promis de rester mystiquement parmi eux. Et Il habite parmi nous maintenant, car c'est en Son Nom que nous célébrons. En tant que précurseur pionnier de notre salut (cf. Hébreux 2:10), Il nous conduit vers une terre de paix. C'est là que se trouvent la justification, la compréhension et la sanctification de notre existence temporaire.

L'Église tout entière est la continuation à travers l'histoire du fait de la vérité de la Résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, un fait éternel et qui, comme un rayon de lumière, traverse les siècles. 

C'est de cette source que proviennent le courage des martyrs, la sagesse des saints, la patience des vénérables et la miséricorde des désintéressés. Tout acte d'ascèse et tout ce qui est sacré se nourrit de cette source. Même si nous ne sommes pas nous-mêmes vénérables, ni martyrs ou saints, nous vivons et respirons encore par ce seul fait nouveau dans la vie de l'homme - même si nous ne nous en rendons pas compte. Pourtant, il serait certainement bénéfique pour nous d'en être conscients. Car, en fait, il y a une bonne raison pour laquelle l'esprit aussi bien que le cœur sont nécessaires.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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