"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 5 février 2020

SOLIDARITE KOSOVO



Des rires, des chants, des larmes, des danses... 
Un convoi sous le signe de la rencontre!


"Les jours se suivent et ne se ressemblent pas", dit le proverbe. C'est vrai aussi pour les convois de Noël de Solidarité Kosovo ! Chaque année, en partant, nos volontaires, même les plus expérimentés, ne peuvent pas savoir comment se déroulera leur semaine. Cette année encore en a été une belle illustration, avec un convoi particulièrement riche en rencontres.


C’est au pied de l’église de Leposavic, au Nord de Mitrovica, dans la partie encore majoritairement serbe, que nous retrouvons le Père Serdjan, responsable du bureau humanitaire de Solidarité Kosovo à Gracanica, accompagné de Milovan et Slavko, que la plupart d’entre nous connaissent déjà. Les sourires sont resplendissants, la joie de se retrouver évidente, les embrassades chaleureuses. On redécouvre le grand rire généreux de Serdjan, les blagues incessantes de Milovan et le sourire plus discret de Slavko. On se demande et on se donne des nouvelles, puis on remonte dans les fourgonnettes, direction Gracanica où nous passons la nuit.

Dès le lendemain matin, nous entrons de plain-pied dans l’esprit de ce convoi. En effet, nous partons directement en Métochie, la moitié Ouest du Kosovo, dont le nom signifie "terre des églises". Habituellement, nous y allons en fin de séjour, avec en point d’orgue une nuit passée dans le magnifique monastère de Visoki Decani, joyau de l’orthodoxie serbe et de la chrétienté.


Le sourire d'un jeune garçon de l'enclave de Banja. 

Cette année, c’est par là que nous commençons : les enclaves de Banja, Suvo Grlo et Crkolez, que nous visitons presque chaque année en raison de leur isolement dans une région où les attaques et menaces sont fréquentes, sont les premières que nous visitons. Nous y retrouvons avec bonheur ces quelques dizaines d’enfants que nous voyons grandir depuis plusieurs années. Tel jeune garçon qui se cachait il y a quelques années dans les jupes de sa mère est aujourd’hui un jeune homme au visage fier et déterminé, qui nous offre un verre de la rakija qu’il a distillée avec son père pour la première fois cette année ; telle jeune fille vue pour la première fois à la fin de l’adolescence vient aujourd’hui aux distributions chercher des vêtements pour son premier enfant qu’elle porte serré contre elle pour le protéger du froid mordant.

À Decani, nous retrouvons le Père Petar, père hôtelier, qui nous accueille comme toujours comme des hôtes de marque.


Nos volontaires dans l'église du monastère de Decani, avec le Père Petar. 

Le lendemain, nous retrouvons les deux enclaves de Orahovac et Velika Hoca, que nous connaissons bien également. Dans cette dernière, nous sommes invités à déjeuner chez le Pope Milenko, qui nous accueille avec son fils, pope lui aussi. Pendant le repas, nous parlons notamment de son ami Peter Handke, grand écrivain élu Prix Nobel de littérature en 2019, grand ami du Kosovo-Métochie et de Velika Hoca en particulier… et qui a depuis son élection été lui aussi interdit de séjour par les autorités du Kosovo.

Ici aussi, nous retrouvons ces enfants tellement attachants, que repartent les bras chargés de cadeaux et les yeux écarquillés.


Un enfant de l'enclave d'Orahovac qui rentre chez lui les bras chargés de cadeaux apportés par nos volontaires passe devant l'une des nombreuses maisons en ruine qu'on peut voir dans ce petit quartier serbe. 

Dans l’après-midi, nous nous rendons — autre nouveauté — dans la région de Prizren, à l’extrême Sud de la Métochie. Depuis des années, Solidarité Kosovo y aide des enclaves et des familles, mais le convoi de Noël n’y passait pas. Cette année, nous y sommes allés : c’est l’occasion de découvrir de nouveaux visages, de serrer de nouvelles mains, de faire naître de nouveaux sourires.

À Prizren même, nous touchons un peu mieux du doigt ce que fut la violence des pogroms antiserbes de mars 2004. En deux jours, les extrémistes albanais ont rasé l’intégralité du quartier serbe de la ville, détruit par le feu toutes les églises de la ville, dont la cathédrale Saint-Georges, siège de l’évêché du Kosovo-Métochie, et chassé tous les Serbes. Aujourd’hui, ils sont une vingtaine à être revenus vivre à Prizren, dans quelques maisons reconstruites dans le quartier serbe et dans une ruelle du centre-ville. L’évêché a été déplacé à Gracanica, bien que la cathédrale soit en cours de reconstruction, sous la protection de la Kfor. Reconstruit également après avoir été intégralement détruit, le séminaire, qui accueille environ 40 élèves, là aussi sous protection permanente.


Convoi de Noël 2019


Nous visitons la cathédrale, magnifique bien que les travaux ne soient pas finis, ainsi que l’église de la Vierge de Levisa, entourée de barbelés et dont l’intérieur est encore presque intégralement noirci par la fumée des pneus enflammés par les extrémistes albanais. Quand la fumée laisse apparaître les fresques pluricentenaires, on constate qu’elles ont été attaquées à coups de pics ou de marteaux…
Le soir, nous dormons au Monastère des Saints-Archanges, à 10 km environ de Prizren, après une soirée mémorable durant laquelle Serdjan, Milovan et Pajo — ami de longue date de l’association, récupéré la veille à Banja — nous ont régalés de chants populaires serbes magnifiques, auxquels nous avons répondu par des chants tirés de nos souvenirs de scoutisme.



Les ruines de l'églises du Monastère des Saints-Archanges, près de Prizren, vues depuis l'hôtellerie. Le monastère a été détruit et reconstruit plusieurs fois, la dernière fois pendant les pogroms antiserbes de 2004. 


Le lendemain, nous allons à Novake, non loin de Prizren : ce village martyr en 1999, puis à nouveau en 2004, a vu quelques familles réinvestir ces ruines qui avaient été leurs maisons. Ils y vivent à une vingtaine de personnes, sur ces terres que la violence de leurs voisins les avait obligés à quitter, travaillant la terre pour survivre (cf. magazine Automne 2019). C’est ce que nous a raconté un des hommes du village, la voix ferme malgré la souffrance et l’angoisse qui ont dû jadis la faire trembler, et peut-être encore aujourd’hui, parfois : "Nous avons décidé de revenir ici, d’où nous n’aurions jamais dû partir : nous avons toujours été ici chez nous et nous serons ici chez nous jusqu’au bout. Et tant pis si ce bout doit être la mort : nous ne partirons plus."



À Novake, quelques familles vivent au milieu des ruines de leur village, attaqué sauvagement en 1999 et en 2004. 

Pour cette première visite à cet héroïque village, nous ne pouvons pas refuser d’entrer dans une maison et de nous asseoir autour de la collation généreusement préparée sur la table. Nous ne pouvons pas refuser de trinquer plusieurs fois à l’amitié neuve, à la vie qui continue malgré tout, à l’avenir que nous construisons ensemble en dépit des tempêtes passées et de celles qui s’annoncent. Alors nous prenons le temps, nous mangeons ce nécessaire dont ils n’hésitent pas à se priver pour nous faire honneur, nous buvons le sang de leur terre. Nous serrons ces mains qui seules peuvent assurer la subsistance de ces corps vieillis par une vie âpre mais portés par des âmes pétries d’espérance et de volonté farouche. Nous embrassons ces hommes dont les yeux — qui ont vu tant de choses terribles, leurs maisons détruites, leurs familles jetées sur les routes, parfois pire encore — se mouillent à l’évocation de l’amitié entre nos deux peuples.


Et alors que nous partons, se déroule cette jolie scène qui fera de cette visite un moment inoubliable : une de nos volontaires s’agenouille, pour lui dire au revoir, devant la petite fille d’un de nos hôtes, petite brune au sourire pétillant. Immédiatement, celle-ci ouvre grand les bras et se jette dans ceux de notre volontaire. Elle restera blottie un long moment dans les bras de cette inconnue venue d’un pays lointain et ne parlant pas sa langue, abandonnée comme savent l’être les enfants ; autour d’elles, on se regarde en souriant, plus émus qu’on ne veut bien le montrer…



Le calin de Novake, sans doute l'image que nous retiendrons le plus longtemps de ce convoi. 


Au moment de monter dans les fourgons, résonne à nouveau cette phrase que les premiers volontaires de Solidarité Kosovo, il y a 15 ans maintenant, entendaient déjà : "Revenez nous voir. Même les mains vides, revenez : ce dont nous avons le plus besoin, c’est de votre amitié. Revenez." Alors l’émotion prend le dessus, et nous nous embrassons tous à nouveau, avec aux lèvres et au cœur une seule promesse : nous reviendrons, amis de Novake !

Autre nouveauté encore : à Strpce — prononcez "Cht(eu)rrrpcé", il n’est pas forcément inutile de le préciser… —, nous sommes accueillis dans une petite pièce qui jouxte une jolie église, et qui est déjà presque pleine d’une vingtaine d’enfants qui nous regardent avec curiosité. Nous les écoutons chanter pour nous plusieurs chansons populaires de la région. Les voix s’affirment peu à peu, les regards s’emplissent de fierté. Les nôtres s’humidifient encore une fois d’entendre ces enfants chanter tour à tour la gloire de leurs ancêtres morts au Champ des Merles, la beauté de leurs monastères ou l’espérance qu’un jour ils pourront vivre ici en paix. Nous apprenons que ces enfants chantent ensemble un peu partout au Kosovo-Métochie, et qu’ils ont, pour pouvoir nous recevoir, chamboulé le programme d’un récital qu’ils iront donner le soir même. Nous leur laissons plusieurs cartons de vêtements et de cadeaux qui seront distribués le lendemain, ainsi que plusieurs guitares, flûtes et percussions qui leur permettront d’accompagner leurs chants. Un volontaire accorde les guitares et leur montre trois accords. Puis nous les voyons s’envoler, nuée de rossignols joyeux, vers le bus qui les mène à leur récital du soir, pendant que nous partageons un verre avec le pope de la paroisse, qui nous fait part de sa fierté devant les progrès accomplis en quelques mois par cette jeune chorale.

Puis nous rentrons à Gracanica. Dans la nuit qui est tombée depuis longtemps — ici, le soleil se couche avant 17 heures —, nous retrouvons l’entrepôt de l’association, où nous travaillons encore un moment pour réorganiser les chargements des fourgonnettes pour les distributions du lendemain.

Au réveil, une autre surprise nous attend : pendant la nuit, les températures sont tombées largement en dessous de zéro. Avec la neige qui tombe par intermittence depuis le premier jour de distributions, ça annonce une journée compliquée. En effet, nous allons aujourd’hui parcourir la région de Novo Brdo : une succession de plusieurs enclaves réparties dans les montagnes à l’Est de Gracanica. Chaque année, cette partie du convoi est celle qui est le plus amenée à changer : les routes dans la région sont en mauvais état, de nombreuses enclaves ne sont joignables que par des chemins de terre défoncés. Avec la neige qui a gelé pendant la nuit, il ne fait aucun doute que certains de ces chemins seront impraticables, en tout cas avec nos fourgonnettes.

Alors que nous partons, Serdjan décroche son téléphone et passe de nombreux coups de fil dans le but d’avoir une idée un peu plus précise de là où on peut aller ou non, et de prévenir les uns et les autres de venir nous attendre à des endroits où nous pouvons nous rendre sans danger. Cette organisation de dernière minute nous permettra de bien remplir la journée malgré l’imprévu. Quand nous ne pouvons nous rendre jusqu’aux maisons, nous déposons des cartons en bas des chemins y menant. Parfois, une vieille voiture dévale le chemin et nous pouvons alors charger le coffre. Ici ou là, deux volontaires montent dans ces vieilles voitures pour aller au moins saluer les familles qui se retrouvent pratiquement isolées jusqu’à ce que la neige fonde : notre présence est aussi importante que ce que nous apportons, ce convoi 2019 nous l’a particulièrement bien montré.



Dans un des nombreux hameaux isolés de l'enclave de Novo Brdo, deux volontaires passent un long moment à montrer à un petit garçon le fonctionnement d'une boite à musique qu'il vient de recevoir. 

Finalement, c’est au terme d’une journée harassante que nous retrouvons notre auberge pour fêter ensemble le passage à la nouvelle année. Une nouvelle soirée à nouveau ponctuée de chants serbes et français (et même bretons !), mais aussi de danse, nos hôtes tenant à nous apprendre les rudiments du Kolo, une tentative qui se finira en éclats de rire, en embrassades et en verres levés à la santé de tous les nouveaux amis rencontrés pendant ces quelques jours.

Le lendemain, nous repartons vers Belgrade, laissant derrière nous ce Kosovo-Métochie que nous aimons tant et des amis très chers. Quelques jours plus tard, nous échangeons nos impressions. Elles sont unanimes, résumées dans ces deux extraits des messages échangés à ce moment-là : "Les sourires, les visages, les voix, les paysages et les regards des petits et grands que nous avons croisés resteront longtemps dans ma mémoire", affirmait une des nouvelles de cette année, pendant qu’un autre, plus expérimenté, déclarait de son côté : "Je reviens de ce convoi encore plus retourné que les années précédentes. J’ai vraiment réalisé l’importance de ce que nous faisons pour ces gens".

C’est effectivement ce qui a fait la beauté de ce convoi en particulier : cette chance que nous avons eue de pouvoir prendre plus de temps à chaque rencontre nous a permis de vraiment réaliser à quel point notre présence est importante pour ces gens qui ont souvent l’impression que le monde entier les oublie.

Grâce à vous, nous avons pu cette année leur montrer que de nombreux Français les gardent dans leurs pensées et leurs prières. Merci encore pour votre générosité et votre soutien, merci de faire de nous vos ambassadeurs, année après année, auprès des Serbes du Kosovo-Métochie !
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