Le prêtre Oleg Vrona, recteur de l'église Saint-Nicolas de Tallinn, parle de l'attitude chrétienne envers la patience et sa bonté, la vertu, qui montre notre confiance en Christ. Jeune homme, le père Oleg a vécu au couvent de Pukhtitsa, où il est devenu convaincu que la patience n'est pas une chose impossible, c'est une qualité très utile pour tous. Cet article en est un exemple.
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La deuxième fois que je suis venu au Pukhtitsa, c'était en
mars 1978 ; cette fois, ce n'était pas un pèlerinage, je suis venu là pour me
préparer à mon ordination.
J'ai été accueilli à la maison d'hôtes, celle "sur la
colline", où j'avais séjourné auparavant. J'aimais bien cet endroit. Le
temps que j'ai passé dans sa cellule ascétique, cachée au sous-sol, n'était pas
du tout fastidieux. Chaque jour, quelqu'un venait partager la cellule avec moi.
Certains de ces colocataires étaient des pèlerins assez expérimentés ; avec
leur barbe touffue et leurs cheveux longs attachés avec un ruban, ils
ressemblaient exactement à de vrais moines. Ils me racontaient des histoires
captivantes et réalistes sur la vie monastique dans ces quelques monastères
qui, par miracle, n'avaient pas été fermés et profanés. Ils se vantaient de
connaître les noms des higoumènes, des moines du grand habit et des mystérieux startsy clairvoyants, et j'étais presque totalement ignorant du sujet.
Nous continuions souvent à parler même après minuit.
Évidemment, j'ai dû résister à la tentation de trop dormir et de manquer l'office de minuit le matin. Et au fait, je faisais de mon mieux pour ne pas trop
dormir. Maintenant, il semble que j'ai eu beaucoup de succès. Mon attitude à
l'égard des offices était le critère pour que l'abbesse et les moniales
évaluent mon état de préparation et mon éligibilité pour l'ordination.
Deux généreux contraires
Higoumène Angelina
Ma préparation à l'ordination était la suivante : L'office
de minuit et la Divine Liturgie le matin, puis le travail au couvent, et enfin
les vêpres et les matines le soir. Cela a donc continué jour après jour. Heureusement,
j'avais un vieux livre d'heures, publié, je suppose, avant la Révolution. Un
choriste me l'avait donné quand je chantais dans une chorale d'une église de
Saint-Pétersbourg, et j'ai rapidement appris à lire couramment en slavon.
Au couvent, cela s'est avéré être une compétence très utile. Au début, on m'a
confié la lecture de la neuvième Heure, puis du Psaume 103, et ensuite de l'exapsalme, un cathisme et un canon. Les moniales ne me laissaient jamais lire l'office de minuit ; elles le lisaient elles-mêmes, et je devais lire les heures
et les épîtres. Dans l'ensemble, comme je devais acquérir les connaissances
essentielles, je devais tout lire (ou presque), tout ce qu'un acolyte ordinaire
lit habituellement, soit dans un monastère, un couvent ou une église
paroissiale.
Je devais venir à l'église un peu plus tôt pour trouver la
moniale responsable de l'ordo des offices, et apprendre quel genre de
service nous aurions ce soir-là - un office simple, une agrypnie , ou un polyeleos. Et la moniale me donnait des instructions sur qui devait lire les
versets du canon, et combien devaient être lus. Elle m'aidait aussi à
comprendre comment lire les tropaires et les kontakia pendant les Heures. Il y
avait deux moniales qui s'occupaient de l'ordo des services : la religieuse
Séraphima et la religieuse Angelina. Elles avaient tous les deux la cinquantaine.
À mon avis, il s'agissait de deux êtres complètement opposés, mais très généreux. Mère
Angelina était loquace, souriante et directe. Lorsqu'elle m'a expliquait quelque
chose au sujet du service, elle me traitait comme un égal, comme si j'étais
littéralement son collègue, qui venait d'oublier un peu le typicon, et sa
tâche était de m'aider à m'en souvenir.
Mère Séraphima, au contraire, était très réservée et
taciturne ; elle parlait d'une voix douce et calme, faisant en sorte que
son interlocuteur se concentre sur le sujet de la conversation. Dans ses grands
yeux gris, qui étaient comme un miroir reflétant son âme, on pouvait voir
qu'elle n'était attachée à rien de mondain, qu'elle était plongée dans la
prière.
Un choix difficile
Quand je me souviens de Mère Séraphima, je me souviens
immédiatement d'une histoire que les moniales m'avaient confié.
L'histoire m'a beaucoup touché. Voilà. C'est ce qui suit : Quand la jeune moniale
Séraphima arriva au couvent de Pukhtitsa, elle n'avait d'autre famille que sa
mère. Comme elless étaient encore jeunes toutes deux, elles n'avaient pas vraiment peur pour
l'avenir de sa mère. Néanmoins, les années passent vite ; enfin, Séraphima fut confrontée à un problème grave et insoluble : comment remplir son devoir filial
sans quitter le monastère. La seule issue semble évidente pour tout le monde :
quitter le monastère pour s'occuper de sa mère âgée et malade.
Des cas similaires sont très fréquents. J'ai fait la
connaissance d'une moniale de Tallinn, qui a dû quitter le couvent de
Pukhtitsa pour s'occuper de son frère aîné, plus âgé. Le gouvernement
soviétique avait confisqué leurs terres agricoles à Petchory et les avait
exilés en Sibérie. Ils sont rentrés chez eux en mauvaise santé. Plusieurs
années plus tard, lorsque son père et son frère moururent, la moniale ne put
revenir au couvent - elle était trop vieille et souffrait en outre de
pancréatite chronique. Les moniales l'auraient peut-être acceptée, mais elle n'osait
pas les déranger. Quelle humilité elle eut pourn prendre cette décision ! Ne pas
insister sur sa propre volonté mais obéir à la volonté de Dieu est une qualité
précieuse pour un chrétien. Heureusement, la moniale avait une sœur qui
vivait à Tallinn avec sa famille, alors elle avait quelqu'un pour s'occuper
d'elle. Néanmoins, son couvent bien-aimé lui manquait toujours ; c'était facile
à voir, et elle m'en parla à plusieurs reprises.
Une rencontre fortuite avec un évêque
Source sainte
Chaque fois que la mère de Séraphima venait au couvent et
était rejetée par l'higoumènee dans sa volonté d'entrer au couvent, elle allait à
la source Sainte, un lieu où la Mère de Dieu était apparue un jour. Dans la
solitude de la forêt, elle pleurait et priait la Sainte Mère de Dieu, exprimant
sa douleur maternelle.
Un jour, elle vint au couvent et, comme d'habitude, se dirigea
vers la source pour prier la Mère de Dieu. Le même jour (à noter que ce n'était
ni le jour précédent ni le jour suivant, mais le même jour), l'évêque qui
dirigeait le diocèse estonien à l'époque, est également venu au couvent
Pukhtitsa. Comme à son habitude, il se rendit à pied à la source avant le
service des Vigiles.
L'évêque était presque arrivé à destination lorsqu'il
entendit des sanglots amers venant de la forêt. Il se dirigea en suivant ce bruit, et quelques
minutes plus tard, il vit la vieille dame. Dépassée par son chagrin, elle
n'avait pas entendu les pas qui s'approchaient. L'évêque commença à parler.
La raison de ses pleurs toucha son cœur ; avec une grande détermination, il
promit de l'aider.
Moniale âgée
Couvent de Pukhtitsa
Le même jour, après la Vigile nocturne, l'évêque annonça à
l'higoumènee et aux moniales étonnées que le lendemain, il y aurait une tonsure
monastique dans le couvent. Les sœurs commencèrent à se demander avec anxiété
qui l'évêque allait tonsurer moniale. Et comme elles furentent stupéfaites de voir
que celle qui devait être tonsurée était la mère de la monialee Séraphima. Beaucoup
de sœurs pleuraient des larmes de joie - elles étaient heureuses pour la mère
et la fille. Et que ressentait l'higoumène à ce moment-là ? Elle devait aussi
être satisfaite du résultat. L'évêque prit la responsabilité de l'avenir de la
moniale et de sa mère et soulagea la conscience de l'higoumène ; après tout, en
raison des circonstances, l'higoumène Angelina aurait dû blesser Séraphima et sa
mère.
N'était-ce pas un miracle ? Bien sûr que oui! Et les
miracles arrivent toujours au bon moment. On a seulement besoin d'attendre un peu.
La hâte est un obstacle qui ne permet pas à Dieu d'organiser notre vie de la
manière qui est la meilleure pour nous. Nous lisons dans Siracide : Comme sa
miséricorde est grande, ainsi est sa correction aussi : il juge un homme selon
ses oeuvres. Le pécheur n'échappera pas avec son butin, et la patience des
pieux ne sera pas frustrée (Siracide 16:13-14). Et maintenant, souvenons-nous
des paroles de Dieu : "par votre persévérance vous sauverez vos âmes" (Luc 21,19). Ces mots sont si simples, mais si difficiles à accomplir. Gloire à Dieu, un
jour j'ai vu ceci arriver.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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