Sainte Martyre Maria
commémorée le 26 Janvier
(† 1930)
*
Les afflictions intenses,
comme l'or dans la fournaise,
purifient l'âme, lui donnent vie,
la fortifient et la tempèrent.
Saint Nouveau Martyr Joseph de Petrograd
+
À quelques quarante-cinq kilomètres de Pétrograd, il y a la petite ville de Gatchina, bien connue de tous les habitants de Pétrograd
pour ses jardins, ses parcs et ses palais. Dans cette ville, avant la
révolution a vécu Maria, moniale qui était connue non seulement des
résidents de Gatchina, mais également de nombreux habitants de Pétrograd.
La Révolution de 1917 trouva Matouchka Maria sur son lit de malade. Après avoir subi une encéphalite
(inflammation du cerveau), elle entra dans l'état de la maladie que
l'on appelle maladie de Parkinson (du nom de Parkinson, médecin qui a
décrit cet état): tout son corps est devenu comme enchaîné et immobile,
le visage exsangue et comme un masque; elle ne pouvait parler, mais elle
se mit à parler avec la bouche mi-close, à travers ses dents, en
prononçant lentement et d'une voix monocorde. Elle était totalement
invalide et avait constamment besoin d'aide et que l'on s'occupe d'elle.
Habituellement, cette maladie produit de fortes changements
psychologiques (irritabilité, obstination pénible consistant à répéter
des questions stéréotypées, égoïsme et égocentrisme exagérés,
manifestations de sénilité, etc), ce qui fait que ces patients se
retrouvent souvent dans les hôpitaux psychiatriques.
Mais
mère Maria, étant totalement invalide physiquement, non seulement
n'a pas dégénéré physiquement, mais elle a révélé des caractéristiques
tout à fait extraordinaires de sa personnalité et de son caractère, ce
qui n'est pas une caractéristique de ces patients: elle est devenue
extrêmement douce, humble, soumise, peu exigeante, concentrée en
elle-même; elle s'absorba dans la prière constante, en supportant son
état difficile sans le moindre murmure.
Comme
pour la récompenser de cette humilité et de cette patience, le Seigneur
lui envoya un don: la consolation des affligés. Des gens tout à fait
inconnus, se trouvant dans les afflictions, la douleur, la dépression et
le découragement, commencèrent à lui rendre visite et à s'entretenir
avec elle. Et tous tous ceux qui vinrent, partirent consolés, avec
le sentiment d'une illumination dans leur douleur, d'un apaisement de
l'affliction, d'une accalmie de leurs craintes, de la disparition de
leur dépression et de leur découragement. Les nouvelles de l'existence
de cette moniale extraordinaire s'étendirent progressivement bien
au-delà des limites de la ville de Gatchina.
Matouchka
Maria vivait dans une petite maison de bois à la périphérie de la
ville, où je lui rendis visite en Mars 1927. En attendant d'être reçu,
j'examinai les nombreuses photographies dans la salle de réception et
j'en remarquai deux: celle du Métropolite Benjamin (de Pétrograd, le nouveau martyr) et celle du Métropolite Joseph (qui allait bientôt devenir le hiérarque du "mouvement Joséphite" ). Le Métropolite Joseph sur sa photographie avait écrit une dédicace touchante à Matouchka Maria, en citant largement son travail Dans les Bras du Père, tandis que le Métropolite Benjamin avait écrit brièvement: "Pour la très profondément respectée Matouchka Maria souffrante, qui, parmi tant d'autres personnes souffrantes, m'a consolé moi aussi, pécheur... "
J'ai
eu la grande chance d'être présent à la manifestation de miracles de
guérison d'âmes en peine. Un jeune homme, qui avait grandi découragé
après l'arrestation et l'exil de son père qui était prêtre, quitta Matouchka
avec un sourire joyeux, ayant résolu d'accepter le rang de diacre. Une
jeune femme, qui était en deuil, devint radieuse de joie, avec la même
résolution de devenir moniale. Un homme âgé qui souffrait profondément
de la mort de son fils quitta Matouchka droit comme un i et plein de courage. Une femme âgée, qui était venue en larmes, repartit calme et ferme.
Quand je suis allé vers elle, j'ai dit à Matouchka
Maria qu'une dépression terrible m'attaquait souvent, qu'elle durait
parfois pendant plusieurs semaines, et que je n'avais pu trouver aucun
moyen de m'en débarrasser.
"La dépression est une croix spirituelle, me dit-elle,
" elle est envoyée pour aider le pénitent qui ne sait pas comment se
repentir, c'est-à-dire, celui qui, de nouveau, tombe après le repentir
dans ses péchés antérieurs... Et donc, seuls deux médicaments peuvent
traiter cette souffrance parfois extrêmement difficile de l'âme. Il faut
soit apprendre à se repentir et à offrir les fruits de la repentance,
ou bien porter cette croix spirituelle, sa dépression, avec humilité,
douceur, patience et beaucoup de gratitude envers le Seigneur, se
souvenant que la portée de cette croix sera comptée par le Seigneur
comme fruit de la repentance... Et après tout, quelle grande consolation
que de réaliser que votre découragement est le fruit non reconnu de la
repentance, un auto-châtiment
inconscient en l'absence des fruits qui sont exigés... À cette pensée,
on devrait en venir à la contrition, et puis la dépression fond peu à
peu et les vrais fruits de la repentance seront conçus... "
Avec ces paroles de Matouchka
Maria, c'était comme si quelqu'un avait littéralement fait une
opération sur mon âme et enlevé une tumeur spirituelle... Et je partis devenu un autre homme.
Vers 1930 Matouchka
Maria fut arrêtée. Elle fut accusée de propagande
contre-révolutionnaire et de participation à une organisation
contre-révolutionnaire, conformément aux paragraphes 10 et 11 de
l'article 58 (du code pénal soviétique). Son frère fut également arrêté. "L'organisation "était composé de seulement deux personnes. Et
la "propagande" contre le communisme était son don de consolation dans
les afflictions. Ceux qui étaient présents lors de l'arrestation firent un tableau effrayant de la dérision et de la violence cruelle
infligée à la patiente malade qui était paralysée et incapable de tout
mouvement physique. Le "crime politico-religieux" de Matouchka
Maria était aggravé par son refus de reconnaître le Métropolite Serge
après sa fameuse Déclaration de 1927, qui conduisit à un schisme dans l'Église russe.
La
pauvre moniale fut traînée par les bras, qui étaient tordus derrière
son dos, le long du plancher et du sol, de son lit au camion par deux tchékistes... Balançant son corps paralysé et très souffrant, les tchékistes
le jettèrent dans le camion et l'emportèrent. Son frère fut emmené
dans une autre automobile, surnommée "corbeau noir" (une limousine noire
utilisée en particulier pour le transport des victimes d'arrestations
effectuées dans les profondeurs de la nuit; décrite par Soljenitsyne dans le premier volume de L'Archipel du Goulag).
Ceux qui aimaient Matouchka
Maria, pleins de compassion, commencèrent à lui apporter de modestes
colis en prison. Ils furent acceptés pendant un mois. Et puis, un jour,
ils n'acceptèrent plus les colis et dirent brièvement: "Elle est morte
à l'hôpital." (Les patients handicapés étaient généralement tués.) Le
corps ne fut pas rendu.
Son
frère, petit homme faible et raffiné, qui avait pris soin d'elle avec
dévouement, et avait reçu les visiteurs, obtint cinq ans
d'emprisonnement dans un camp de concentration de Sibérie après neuf mois d'enquête.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
I.M.Andreyev
Russia's Catacomb Saints,
St. Herman of Alaska Brotherhood,
Platina, California.
USA
1982
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