"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 9 juillet 2015

Vladimir MOSS: Le pain de l'Eucharistie (1)

Saint Marc d'Ephèse

Lorsque les Eglises orthodoxe et catholique romaine s’anathématisèrent  en 1054, le principal sujet de leur querelle ne fut ni le Filioque, ni la compétence universelle de la papauté, bien que ces grandes questions dogmatiques fissent partie de l'échange de correspondance. 

Le sujet principal de leur querelle était quelque chose qui n'avait pas été une pomme de discorde auparavant, et ne le devint pas par la suite: la question de savoir si le pain de l'Eucharistie devrait être levé, comme cela avait été la pratique en Orient, ou sans levain, comme en Occident.

     Le fait que cette question ait été tacitement laissée de côté dans presque toutes les discussions œcuméniques ultérieures est compréhensible; il fut jugé inutile et nuisible à l'objectif commun d'unité des Eglises de se concentrer sur une question ou un rituel liturgique quand de grandes questions dogmatiques étaient restées en suspens; les différences de rite étaient considérées comme tolérables tant qu’un accord dogmatique pouvait être atteint [*] 

Néanmoins, il est une figure majeure dans les relations entre orthodoxes et catholiques qui était en désaccord avec cette ligne de pensée: saint Marc d'Ephèse. Au concile de Florence en 1439 "il insista pour appeler les Latins à revenir aux normes de l'Orthodoxie en éliminant, entre autres choses, leur "sacrifice mort" dans le pain sans levain." Compte tenu de l’irréprochable Orthodoxie de Marc et de sa sainteté aux yeux de l'Eglise orthodoxe, et de l'impossibilité de l'accuser de mesquinerie ou de légalisme, il peut être utile maintenant, sur le point d'une éventuelle nouvelle et définitive "poussée vers l'unité" entre l'Orthodoxie et le papisme, d’examiner une fois de plus les arguments sur cette question.
*
Commençons par nous demander: quel type de pain le Seigneur utilisa-t-Il à la dernière Cène?

Notre premier témoin, saint Paul, témoigne que le Seigneur "prit du pain", c’est-à-dire du pain au levain, αρτος (I Corinthiens 11 :23, 26, 27). Comme les trois évangélistes synoptiques (Matthieu 26: 26-29; Marc 14: 22-25 et Luc 22: 19-20), l’archevêque Averky [Taushev] de Jordanville écrit: "Tous les trois décrivent cet événement approximativement de la même façon. Le Seigneur  prit 'le pain, le bénit, le rompit et le distribua parmi les disciples, en disant: "Prenez, mangez; ceci est mon corps. "Le mot pain" est ici "Artos [αρτος]" en grec, ce qui signifie "pain levé", le pain qui a été levé avec la levure, par opposition à "azymon [αζυμων]", comme est appelé le pain sans levain utilisé par les Juifs à Pâques. 

Il faut supposer que ce pain avait été spécialement préparé sur les instructions du Seigneur, afin d'établir le nouveau Mystère. L'importance de ce pain réside en ce qu'il est comme vivant, symbolisant la vie, par opposition à du pain sans levain, qui est mort. 

Pierre, Patriarche d'Antioche, a expliqué l'importance de l'utilisation de pain au levain dans sa correspondance avec l’archevêque vénitien Dominique de Grado en 1052. Les pains sans levain (αζυμα), a-t-il dit, furent prescrit pour les Juifs en souvenir de leur fuite précipitée d'Egypte, "de sorte que, se souvenant des merveilles que Dieu avait faites parmi eux, ils respecteraient Ses commandements et n’oublieraient jamais Ses actes." 

Mais le pain parfaitement levé (αρτος) -qui, à travers le rituel est fait Corps sans souillure de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ- est donné en souvenir de Sa dispensation dans la chair. 'Car chaque fois que vous mangez ce pain (αρτος) et buvez cette coupe, dit-il, "vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne" (I Corinthiens 11.26). Maintenant, remarquez, très saint frère en esprit, que dans tous ces endroits un pain (αρτος), et non pas un azyme [pain azyme, αζυμα], est proclamé être le Corps du Seigneur, car il est entier et complet (αρτιον). Mais le pain azyme est mort et sans vie et de toutes les manières incomplet. Mais quand le levain est introduit dans la pâte de blé, il devient, pour ainsi dire, vivant et substantiel." 

     Par conséquent, "les Latins étaient dans l'erreur, selon Pierre, s’ils pensaient que le sacrement qui scellait la nouvelle alliance avait été institué avec le pain sans levain. Car le pain azyme avait été divinement désigné sous l'ancienne alliance pour commémorer l'Exode, tandis que les évangélistes indiquent expressément que Jésus désigna le pain levé (αρτος) comme Son Corps. Ce n’était pas un choix arbitraire, puisque les propriétés physiques du pain (αρτος) en ont fait un symbole approprié de vie, et de plénitude, tandis que les matsoth [pluriel de matsa, pain azyme en hébreu (αζυμα en grec)] invoquaient la privation. Car, manquant de sel et de levain, ils ne pouvaient pas correctement servir tous les jours de "nourriture de vie" à l'homme, ce que le Logos offrit aux hommes dans la chair ». 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après 
le texte de Vladimir Moss 
publié le 19 juin/ 2 juillet 2015  
en la fête du saint apôtre Jude
et de saint Jean [Maximovitch]

Note:
[*] Par exemple, Père Alexandre Schmemann écrit: "Presque tous les arguments byzantins contre les rites latins sont depuis longtemps devenus sans importance, et seuls les véritables déviations dogmatiques de Rome sont restées" ( (The Historical Road of Eastern Orthodoxy, New York: Holt, Rinehart and Winston, 1961, p. 248 [en anglais]).



Aucun commentaire: