Philippe Henne, « Le vertige divin. La saga des stylites », Paris, éditions du Cerf, 2014, 311 p.
Le dominicain Philippe henne, professeur à l’Université catholique de Lille, est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages de vulgarisation sur des Pères de l’Église, grecs et surtout latins.
Dans ce livre, il présente la vie de stylites bien connus qui ont vécu entre le Ve et le VIIIe siècles, comme Siméon l’Ancien, Daniel ou Siméon le Jeune, et moins connu comme Alypius (cependant très populaire dans l’Église serbe où de nombreuses familles l’ont adopté comme saint patron de leur lignée), Luc, Lazare le Galésiote, Josué, Serge.
Une introduction présente la vie monastique en général et ses divers contextes (politique, religieux, économique, ascétique) au IVe siècle.
Le stylisme, né au début du Ve siècle en Syrie, est une forme d’ascèse très rigoureuse qui consiste à vivre en permanence sur l’espace restreint du chapiteau d’une colonne ou d’une plateforme un peu plus large posée dessus. Les stylites généralement vivaient (et dormaient) debout, et pour garder en permanence cette position ils s’attachaient parfois à des cordes ou à des chaines, et allaient jusqu’à se suspendre par leurs cheveux. Lorsqu’ils devaient s’étendre, ils disposaient à peine de la place pour le faire. Pour les empêcher de chuter, l’espace dont ils disposaient était parfois clôturé, comme le montrent certaines icônes.
Certains stylites, comme saint Alypius, ont mené ce genre de vie pendant plus d’un demi siècle.
Dans son introduction, l’auteur évoque quelques précurseurs des stylites: les moines stationnaires, qui restaient immobiles, le plus souvent debout, pendant de longues périodes (ce type d’ascèse est pratiqué aujourd’hui encore, dans un autre contexte spirituel, par certains ascètes hindous).
Dans les siècles qui ont suivi la grande période du stylisme, les stylites vivaient parfois sur d’autres supports plus larges. L’auteur mentionne les dendrites qui vivaient sur des arbres, le plus souvent dans des abris ou de petites cabanes qu’ils y avaient construits.
Mais il faudrait ajouter ceux qui vivaient sur d’étroits pics rocheux (comme le montre la vidéo que l’on pourra voir ">ici et qui présente un stylite actuel), ou dans une petite cellule située au sommet d’une tour: ce fut le cas d’ascètes de Géorgie, marqués par l’influence des treize Pères syriens qui, au VIe siècle, vinrent s’établir dans le pays et y importèrent des pratiques monastiques de leur région d’origine, et cela explique la présence de tours, qui ne sont pas des clochers ni des tours de guet, à côté d’anciennes églises géorgiennes.
Les stylites sont en général des hommes, mais l’auteur signale qu’il y eut aussi quelques femmes stylites, dont la rigueur de vie ne fut pas moindre.
Le stylisme est une forme d’ascèse propre à l’Orient, puisqu’il n’y eut en Occident qu’un seul stylite, saint Walfroy, qui vécut au VIe siècle dans les Ardennes.
Quelques stylites vivaient au milieu d’une communauté de moines. D’autres avaient choisi une vie érémitique, mais cet érémitisme était relatif.
D’une part, ils dépendaient, pour leur nourriture en particulier, de choses apportées par d’autres moines ou par des visiteurs qui les leur faisaient parvenir au moyen de cordes ou d’échelles.
D’autre part, la forme spectaculaire de leur mode de vie – leur élévation au-dessus de sol qui leur assurait une certaine visibilité, et la rudesse de leur ascèse, qui était très impressionnante – a rapidement attiré les foules autour d’eux, et certains stylites sont devenus de véritables « vedettes ». Beaucoup d’entre eux ont ainsi été amenés à consacrer une partie de leur activité à la prédication, à l’exhortation et aux conseils spirituels, et plusieurs ont été des thaumaturges.
Pour écrire ce livre, l’auteur a puisé aux sources principales: les Vies de ces saint ascètes. Son style est très accessible et vivant, et la présentation du livre, qui obéit aux nouvelles normes de l’éditeur suite à une réorganisation générale de la maison d’édition, est aérée et agréable.
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