Recension: Métropolite Hilarion (Alfeyev) de Volokolamsk, « L’Orthodoxie », tome 2, « La doctrine de l’Église orthodoxe », Paris, Éditions du Cerf, 2012, 464 p., collection « Initiations ».
Les éditions du Cerf viennent de publier le tome 2 du monumental ouvrage du métropolite Hilarion Alfeyev sur l’Église orthodoxe (2e partie de « L’Orthodoxie », tome I, publié en 2010 par les éditions du monastère de Sretensky à Moscou). Le premier volume, paru en 2010, traitait de l’Église orthodoxe (avec une forte insistance sur l’Église russe) dans son enracinement historique et dans les fondements canoniques dont découlent ses structures et son organisation. Le présent volume traite de la doctrine théologique de l’Église orthodoxe concernant successivement : « Le sources de la doctrine orthodoxe », « Dieu », « Le monde et l’homme », « Le Christ », « L’Église » et « L’eschatologie ».
L’exposé est clair et bien ordonné. Tout en se voulant un ouvrage d’initiation, il aborde les questions qu’il traite d’une manière assez complète et approfondie.
On est frappé par le fait que l’auteur, volontairement, ne cite que très peu les auteurs modernes et privilégie constamment les références patristiques, après avoir souligné, dans un beau chapitre introductif consacré aux sources de la doctrine orthodoxe, que « l’héritage patristique a toujours joué un rôle particulier dans la tradition orthodoxe » et que « la foi confessée par l’Église orientale est définie comme “foi apostolique, foi patristique et foi orthodoxe” » (p. 30), en notant toutefois que « le théologien contemporain ne doit pas seulement connaître et citer les Pères, mais se pénétrer en profondeur de l’esprit patristique et assimiler le mode d’esprit patristique » (p. 32). Parmi les Pères dont les noms reviennent souvent dans les références, on trouve saint Syméon le Nouveau Théologien, saint Grégoire de Nazianze et saint Isaac le Syrien, des auteurs fondamentaux auxquels Mgr Hilarion a consacré des monographies et dont il a traduit certaines œuvres en russe.
On apprécie dans ce livre non seulement la solide culture patristique de l’auteur, mais le sens de l’équilibre et de la mesure dont il fait constamment preuve.
Les éditions du Cerf viennent de publier le tome 2 du monumental ouvrage du métropolite Hilarion Alfeyev sur l’Église orthodoxe (2e partie de « L’Orthodoxie », tome I, publié en 2010 par les éditions du monastère de Sretensky à Moscou). Le premier volume, paru en 2010, traitait de l’Église orthodoxe (avec une forte insistance sur l’Église russe) dans son enracinement historique et dans les fondements canoniques dont découlent ses structures et son organisation. Le présent volume traite de la doctrine théologique de l’Église orthodoxe concernant successivement : « Le sources de la doctrine orthodoxe », « Dieu », « Le monde et l’homme », « Le Christ », « L’Église » et « L’eschatologie ».
L’exposé est clair et bien ordonné. Tout en se voulant un ouvrage d’initiation, il aborde les questions qu’il traite d’une manière assez complète et approfondie.
On est frappé par le fait que l’auteur, volontairement, ne cite que très peu les auteurs modernes et privilégie constamment les références patristiques, après avoir souligné, dans un beau chapitre introductif consacré aux sources de la doctrine orthodoxe, que « l’héritage patristique a toujours joué un rôle particulier dans la tradition orthodoxe » et que « la foi confessée par l’Église orientale est définie comme “foi apostolique, foi patristique et foi orthodoxe” » (p. 30), en notant toutefois que « le théologien contemporain ne doit pas seulement connaître et citer les Pères, mais se pénétrer en profondeur de l’esprit patristique et assimiler le mode d’esprit patristique » (p. 32). Parmi les Pères dont les noms reviennent souvent dans les références, on trouve saint Syméon le Nouveau Théologien, saint Grégoire de Nazianze et saint Isaac le Syrien, des auteurs fondamentaux auxquels Mgr Hilarion a consacré des monographies et dont il a traduit certaines œuvres en russe.
On apprécie dans ce livre non seulement la solide culture patristique de l’auteur, mais le sens de l’équilibre et de la mesure dont il fait constamment preuve.
En ce qui concerne la critique biblique par exemple, il considère que le chrétien orthodoxe ne doit pas la rejeter mais ne doit cependant en accepter les conclusions que dans la mesure où elles ne contredisent pas sa propre tradition.
Contre une certaine idolâtrie que manifestent les conservateurs à l’égard du slavon, il constate que les textes liturgiques comportent assez souvent des fautes de traduction malheureuses par rapport aux textes grecs originaux, outre qu’ils sont aujourd’hui en partie hors des possibilités de compréhension du commun des fidèles; mais d’autre part, il note, pour tempérer l’ardeur des progressistes qui veulent russifier l’ensemble des textes liturgiques, que les traductions modernes existantes ne sont guère à la hauteur, se montrant même parfois partiales ou triviales (p. 23-28).
Ou encore tout en soulignant l’importance du Filioque comme facteur de division entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe (un facteur que le dialogue œcuménique, depuis plusieurs années, tend à occulter en raison de son impuissance à le traiter), et en refusant d’y voir, comme le faisait V. V. Bolotov, un simple theologoumenon (opinion théologique), il rejette l’excès inverse, que l’on trouve chez L. P. Karsavine et V. Lossky, qui consiste à vouloir, de manière trop systématique, expliquer à partir de cette erreur théologique l’ensemble des déviations théologiques et ecclésiologiques de l’Église catholique romaine. « Les Pères, note-t-il, n’exagéraient ni ne minimisaient l’importance du Filioque en tant que facteur de division » (p. 120-121).
Dans le chapitre sur la sainteté de l’Église, l’auteur aborde avec courage (de la part d’un évêque) la question de l’indignité de certains membres du clergé (qui de tout temps éloigna de l’Église bon nombre de fidèles), et plus généralement la question du mauvais comportement de certains chrétiens (qui furent souvent un objet de scandale pour les incroyants). L’auteur n’hésite pas à citer les violentes critiques que saint Grégoire de Nazianze adressa à certains évêques de son temps, et les appréciations très négatives de saint Syméon le Nouveau Théologien porta sur le clergé de son époque. Tout en étant parfaite en elle-même, l'Église n'est pas constituée de membres parfaits. Son but n’est pas d’exclure ceux-ci mais de leur proposer des soins leur permettant de s’améliorer; l’auteur rappelle à cet égard que plusieurs Pères ont utilisé l’image de l’hôpital pour qualifier l’Église accompagnant ses membres dans leur marche terrestre vers la perfection eschatologique. Il conclut ce chapitre en soulignant que l’Église n’a jamais cessé de se remettre en question, qu’elle ne cesse de témoigner de sa vocation à la sainteté, et qu’elle n’a jamais abaissé son idéal moral et spirituel même si un grand nombre de ses membres, les prêtres en tête, n’y ont jamais vraiment correspondu » (p. 330).
Dans l’ensemble de son exposé, le métropolite Hilarion prend soin de présenter ce qui distingue les positions orthodoxes des positions catholiques romaines et des positions protestantes là où elles divergent.
On peut regretter que, dans le cadre de l’exposé christologique (p. 215-223), il passe sous silence (diplomatie ecclésiastique oblige ?) le caractère hérétique du monophysisme des Églises non chalcédoniennes, pourtant pointé par plusieurs conciles œcuméniques, par des Pères majeurs comme saint Maxime le Confesseur ou saint Jean Damascène et par le Sydodikon de l’orthodoxie.
Un autre point discutable de l’exposé est une certaine sympathie que le métropolite, sans doute sous l’influence d’Isaac le Syrien qu’il a beaucoup étudié, manifeste envers la doctrine de l’apocatastase professée par ce dernier ainsi que par saint Grégoire de Nysse (p. 443-449, 454-455). Leur conception est certes modérée au regard de la conception dure d’Origène (que le métropolite rejette), mais cependant elle ne peut être considérée comme ayant été acceptée par l’Église, et il est certainement abusif de présenter le métropolite Antoine de Souroje et V. Lossky comme des « défenseurs de l’apocatastase et du salut universel » (p. 454-455). Il n’en reste pas moins vrai que le salut de tous sans exception s’il ne peut être un certitude (qui reviendrait à nier la liberté qu’ont les hommes et les démons de refuser Dieu éternellement, malgré la volonté qu’a Dieu de sauver toutes ses créatures) doit faire l’objet de l’espérance et de la prière de tous les chrétiens (p. 455).
Il nous semble enfin que dans la section intitulée « Le salut comme divinisation » (p. 284 s.), le métropolite Hilarion assimile abusivement le salut à la divinisation, alors que ces deux notions devraient être distinguées: si le premier homme n’avait pas connu la chute, il aurait pu être divinisé sans avoir à être sauvé, tandis que pour l’homme déchu, la divinisation a pour condition le salut. Le salut est pour l’homme déchu la libération, par le Christ, des effets du péché ancestral: la mort définitive et la crainte qu'elle suscite, la tyrannie du diable et la domination du péché; tandis que la divinisation est l’acquisition de caractères et d’un mode d’existence qui assimilent par grâce le fidèle à Dieu.
Ces faiblesses sont cependant minimes au regard de l’ensemble de cette présentation de la doctrine orthodoxe, qui est sans doute actuellement l’une des meilleures à l’usage non seulement des débutants en quête de catéchèse, mais de fidèles soucieux de perfectionner ou de confirmer leurs connaissances de la foi orthodoxe. L’un des intérêts de cet ouvrage est aussi qu’il apporte à certaines questions débattues hier et aujourd’hui des réponses sages et équilibrées.
On doit une fois de plus souligner l’excellent travail qu’accomplit le métropolite Hilarion qui, bien que très occupé par ses fonctions à la tête du service des relations extérieures du patriarcat de Moscou, continue à publier des ouvrages, produit des rapports de grande qualité, donne des homélies imprégnées de culture patristique et spirituellement profondes, produit sur la chaîne de télévision religieuse Soyouz des émissions catéchétiques fort bien faites, et se montre comme l’un des meilleurs compositeurs de musique liturgique de notre temps.Contre une certaine idolâtrie que manifestent les conservateurs à l’égard du slavon, il constate que les textes liturgiques comportent assez souvent des fautes de traduction malheureuses par rapport aux textes grecs originaux, outre qu’ils sont aujourd’hui en partie hors des possibilités de compréhension du commun des fidèles; mais d’autre part, il note, pour tempérer l’ardeur des progressistes qui veulent russifier l’ensemble des textes liturgiques, que les traductions modernes existantes ne sont guère à la hauteur, se montrant même parfois partiales ou triviales (p. 23-28).
Ou encore tout en soulignant l’importance du Filioque comme facteur de division entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe (un facteur que le dialogue œcuménique, depuis plusieurs années, tend à occulter en raison de son impuissance à le traiter), et en refusant d’y voir, comme le faisait V. V. Bolotov, un simple theologoumenon (opinion théologique), il rejette l’excès inverse, que l’on trouve chez L. P. Karsavine et V. Lossky, qui consiste à vouloir, de manière trop systématique, expliquer à partir de cette erreur théologique l’ensemble des déviations théologiques et ecclésiologiques de l’Église catholique romaine. « Les Pères, note-t-il, n’exagéraient ni ne minimisaient l’importance du Filioque en tant que facteur de division » (p. 120-121).
Dans le chapitre sur la sainteté de l’Église, l’auteur aborde avec courage (de la part d’un évêque) la question de l’indignité de certains membres du clergé (qui de tout temps éloigna de l’Église bon nombre de fidèles), et plus généralement la question du mauvais comportement de certains chrétiens (qui furent souvent un objet de scandale pour les incroyants). L’auteur n’hésite pas à citer les violentes critiques que saint Grégoire de Nazianze adressa à certains évêques de son temps, et les appréciations très négatives de saint Syméon le Nouveau Théologien porta sur le clergé de son époque. Tout en étant parfaite en elle-même, l'Église n'est pas constituée de membres parfaits. Son but n’est pas d’exclure ceux-ci mais de leur proposer des soins leur permettant de s’améliorer; l’auteur rappelle à cet égard que plusieurs Pères ont utilisé l’image de l’hôpital pour qualifier l’Église accompagnant ses membres dans leur marche terrestre vers la perfection eschatologique. Il conclut ce chapitre en soulignant que l’Église n’a jamais cessé de se remettre en question, qu’elle ne cesse de témoigner de sa vocation à la sainteté, et qu’elle n’a jamais abaissé son idéal moral et spirituel même si un grand nombre de ses membres, les prêtres en tête, n’y ont jamais vraiment correspondu » (p. 330).
Dans l’ensemble de son exposé, le métropolite Hilarion prend soin de présenter ce qui distingue les positions orthodoxes des positions catholiques romaines et des positions protestantes là où elles divergent.
On peut regretter que, dans le cadre de l’exposé christologique (p. 215-223), il passe sous silence (diplomatie ecclésiastique oblige ?) le caractère hérétique du monophysisme des Églises non chalcédoniennes, pourtant pointé par plusieurs conciles œcuméniques, par des Pères majeurs comme saint Maxime le Confesseur ou saint Jean Damascène et par le Sydodikon de l’orthodoxie.
Un autre point discutable de l’exposé est une certaine sympathie que le métropolite, sans doute sous l’influence d’Isaac le Syrien qu’il a beaucoup étudié, manifeste envers la doctrine de l’apocatastase professée par ce dernier ainsi que par saint Grégoire de Nysse (p. 443-449, 454-455). Leur conception est certes modérée au regard de la conception dure d’Origène (que le métropolite rejette), mais cependant elle ne peut être considérée comme ayant été acceptée par l’Église, et il est certainement abusif de présenter le métropolite Antoine de Souroje et V. Lossky comme des « défenseurs de l’apocatastase et du salut universel » (p. 454-455). Il n’en reste pas moins vrai que le salut de tous sans exception s’il ne peut être un certitude (qui reviendrait à nier la liberté qu’ont les hommes et les démons de refuser Dieu éternellement, malgré la volonté qu’a Dieu de sauver toutes ses créatures) doit faire l’objet de l’espérance et de la prière de tous les chrétiens (p. 455).
Il nous semble enfin que dans la section intitulée « Le salut comme divinisation » (p. 284 s.), le métropolite Hilarion assimile abusivement le salut à la divinisation, alors que ces deux notions devraient être distinguées: si le premier homme n’avait pas connu la chute, il aurait pu être divinisé sans avoir à être sauvé, tandis que pour l’homme déchu, la divinisation a pour condition le salut. Le salut est pour l’homme déchu la libération, par le Christ, des effets du péché ancestral: la mort définitive et la crainte qu'elle suscite, la tyrannie du diable et la domination du péché; tandis que la divinisation est l’acquisition de caractères et d’un mode d’existence qui assimilent par grâce le fidèle à Dieu.
Ces faiblesses sont cependant minimes au regard de l’ensemble de cette présentation de la doctrine orthodoxe, qui est sans doute actuellement l’une des meilleures à l’usage non seulement des débutants en quête de catéchèse, mais de fidèles soucieux de perfectionner ou de confirmer leurs connaissances de la foi orthodoxe. L’un des intérêts de cet ouvrage est aussi qu’il apporte à certaines questions débattues hier et aujourd’hui des réponses sages et équilibrées.
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