"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 3 mai 2011

Renaissance Pascale au Monastère d'Optina



Ce qui suit est un article des chroniques du monastère d'Optina par le hiéromartyr Basile [Vasily](Roslyakov), sur Pâques durant les années de  reconstruction du monastère au début des années 1990. Les moines portaient le poids de mauvaises conditions de vie, et de la reconstruction interminable des bâtiments du monastère qui avaient été réduits en ruines pendant la période du communisme en Russie.

Père Basile, qui est mort des mains d'un meurtrier sataniste le matin de Pâques en 1993, a écrit cet essai pendant son temps comme chroniqueur du monastère. Le futur martyr aimait la fête des fêtes [Pâques] de toute son âme; quand on lui a demandé à son premier repas pascal après qu'il ait reçu le baptême à Moscou ce qu'il voulait plus que tout autre, il a répondu qu'il voulait "mourir à Pâques."

Cet extrait est tiré du livre, 

Thou Hast Proved Me, O God, and Knowest

 (La vie du hiéromoine Basile).
* * *
En parlant aujourd'hui du monastère d'Optina, nous pouvons utiliser le mot "renaissance". Que les gens parlent du passé glorieux du monastère, raisonnent sur son actualité, ou prophétisent au sujet de son avenir, ce mot est utilisé partout et en tout, secrètement ou ouvertement. Il est un symbole, un signe qui indique la direction de l'écoulement du temps, il détermine le plus fidèlement l'essence du désir d'aujourd'hui, dans lequel le temporaire et l'éternel sont joints, touchant les plans de l'humanité et les jugements de Dieu.

Vraiment, le monastère d'Optina "est en train de naître d'en haut", naissant de la miséricorde de Dieu et des prières hardies des saints Pères d'Optina. Mais il acquiert sa vie non pas comme un enfant irrationnel, mais comme Lazare mort les quatre jours, incarnant le sens unifié, qui place la renaissance près de la résurrection.

La résurrection du Christ est arrivée, et donc notre foi est vraie, dit l'apôtre Paul. [1] En rapportant ses paroles au sort du monastère d'Optina, on peut dire que la magnificence et la gloire d'Optina est vraie, car le début de sa renaissance a eu lieu. Ceux qui ont reçu à nouveau la vie ressentent sa plénitude d'une nouvelle façon.

C'est probablement pourquoi le monastère d'Optina a une sensibilité particulière pour les événements des quarante jours du Carême et de la Semaine Sainte de la Passion; c'est probablement pourquoi le monastère accueille la Sainte Résurrection du Christ avec une joie extraordinaire.

Le monastère portait le fardeau de la reconstruction tandis qu'il marchait sur la voie tracée par le calendrier liturgique, et comprenait ses secrets spirituels. Comme en guise de réponse reconnaissante, les dates commémorées animaient la vie quotidienne du monastère, diminuant les afflictions temporaires et confirmant l'espoir intemporel.

Insensiblement le Triode de Carême fondit, le printemps entra en ses droits, et à travers les portes grandes ouvertes du dimanche des Rameaux, la Semaine de la Passion entra dans la vie du monastère. Chaque étape vers Pâques devint tangible. Clairement marquée et illuminée par le chant d'église est la voie qui nous rapproche de la fête sainte. "Je vois ta chambre nuptiale parée, ô mon Sauveur..." Un peu plus loin et, "Ayant abordé avec Ta redoutable Cène mystique…" Pourtant, un peu plus loin," A Ta Cène mystique aujourd'hui..."

Maintenant, l'église est remplie de participants à la Sainte Cène, maintenant le feu se propage jeudi sur toute la terre, maintenant le silence sépulcral contraint la terre, tout est apaisé, et la voix du Sauveur rompt le silence du Vendredi Saint, "Ne me pleure pas, ô Mère..., je me relèverai et serai glorifié... "

L'église de l'Entrée est prête à rencontrer le Sauveur avec une nouvelle iconostase dans le sanctuaire latéral de Saint Nicholas. Hier encore, l'église était secouée de conversations bruyantes et de coups de marteaux, comme se rappelant avec son être de la crucifixion du Christ. La Croix brillante élevée au-dessus de l'iconostase, proclame à présent la victoire de la vie sur la mort.

Les derniers préparatifs, les précautions finales. Sans hâte, tout en temps utile, les gens commencent à affluer dans l'église. La foule bigarrée remplit le monastère. Voici les gens de Kozelsk ainsi que les Moscovites, les paroissiens réguliers et des personnes non familières, les enfants, les personnes âgées et les jeunes bruyants.

Une heure avant minuit, les cloches appellent tous aux offices. C'est bruyant et confiné dans l'église: la foule au comptoir des cierges, les files d'attente derrière les hiéromoines qui écoutent les confessions, des groupes de nouveaux arrivants regardant les icônes avec curiosité. Partout c'est l'impatience et l'attente. Enfin, la proclamation du prêtre annonce le début des Matines. Plus loin, la parole hésitante du lecteur est noyée par des conversations à voix haute, alors qu'il l'appelle tous modestement à garder le silence. Mais alors le chœur commence le canon pour le Grand Vendredi, et avec le premier Irmos, comme une vague de la mer, le chant saute sur les bavards oisifs et les recouvre, en les privant de leur audace et de leur force dernières. Tout se déplace vigoureusement dans un même élan à la rencontre des Matines de Pâques. Un peu de débandade survient quand ils portent l'icône et la Croix de l'autel en temps opportun pour la procession, mais même cette mêlée est vite remplacée par l'éclairage silencieux et concentré des cierges.

L'attente et le pressentiment de la joie fixe les membres de chacun, et seuls leurs yeux se tournent vers les Portes Royales. Maintenant, un chant calme peut être entendu venant de l'autel, et comme par un effort incroyable, le rideau est tiré sur le côté, les Portes Royales sont ouvertes, et un flot de lumière et de son s'écoule de l'autel dans l'église, de l'église dans l'obscurité nocturne, puis se propage ensuite impérieusement sur toute la terre. 


Le Père archimandrite et le clergé viennent de l'autel en brillants vêtements de fêtent qui multiplient les rayons pascaux, et en suivant le chemin marqué, ils sortent de l'église. Un train brillant comme la queue d'une comète semble suivre la procession, qui ceint l'église dans un anneau de feu, ne s'arrêtant que devant les portes fermées. La proclamation éclate en vérité venant des lèvres, "Que Dieu Se lève et que Ses ennemis soient dispersés!"

Quelles sont ces paroles grandes et mystérieuses? Comme l'âme tremble et se réjouit en les entendant! Avec quelle grâce farouche elles remplissent la nuit pascale! Elles sont incommensurables comme le ciel et aussi près que le souffle. En elle est une longue attente, transfigurée dans l'instant de la réunion, les problèmes de la vie engloutis par l'éternité de la vie,  la vieille langueur de l'âme de l'homme faible, disparaissant dans la joie de la vérité possédée. La nuit s'efface devant ces paroles, le temps court devant leur face. Il semble que l'église tremble, et ses portes s'ouvrent d'elles-mêmes, incapables de résister à l'inondation de joie de l'homme qui se brise contre elles. L'écho de l'église vide entonne le tropaire pascal, mais bientôt se cache de la multitude dans la coupole, et disparaît dans les dômes blancs. L'église devient comme un débordement, un calice élevé. "Buvons au breuvage nouveau." La fête nuptiale est établie par le Christ Lui-même, l'invitation résonne dans la bouche de Dieu Lui-même. 
Ce n'est plus un office pascal qui se déroule dans l'église, mais une fête pascale. "Le Christ est ressuscité, en vérité, Il est ressuscité!" tonnent les proclamations, et le vin de la joie et l'allégresse débordent, renouvelant l'âme pour la vie éternelle. Le coeur comprend comme à aucun autre moment que tout ce que nous recevons de Dieu, nous le recevons librement. Nos offrandes imparfaites sont éclipsées par la générosité de Dieu, et ne sont plus considérées, tout comme la lumière d'un feu n'est pas vue dans la lumière aveuglante du soleil.

Comment peut être décrite la nuit pascale? Comment pouvons-nous exprimer en mots sa grandeur, sa gloire et sa beauté? Cela pourrait être fait seulement en écrivant l'office pascal du début à la fin. Il n'y a pas d'autres termes qui conviennent pour cela. Comment le moment pascal peut-il être mis sur le papier? Que pourrait-on dire pour le rendre compréhensible et tangible? On ne peut qu'ouvrir les bras dans la perplexité et montrer l'église ornée pour la fête: "Venez et réjouissez-vous..."

La semaine lumineuse passe comme un jour. Et il y eut un soir, et il y eut un matin; un jour. [2] Celui qui a vécu ce jour-là n'a pas besoin de preuve de la vie éternelle, ou une explication des paroles de l'Ecriture Sainte: Qu'il n'y aurait plus de temps. [3] Le temps revient seulement le Samedi Lumineux, quand lors du dîner de fête, l'higoumène félicite les frères dans la Résurrection du Christ, et souhaite que tous préservent soigneusement la joie pascale dans leurs cœurs.

Aujourd'hui le monastère d'Optina est en train de renaître et c'est un début: ici tout est servi pour la première fois. Le premier Grand Carême, la première Pâques. Mais près de l'autel sont les tombes de nos startsy, et beaucoup trop souvent la sagesse et le souci de nos pères sont observables dans les bâtiments du monastère usés par le temps. C'est pourquoi nous disons: "Pour la première fois", mais nous ajoutons, "après une longue interruption."

Le lien avec les temps anciens est en cours de restauration, le monastère d'Optina est en cours de restauration, la vérité est en cours de restauration. A la tête de tout cela est le Christ ressuscité du tombeau. "Je ressusciterai et je serai glorifié!"


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Notes:
[1] Cf. 1 Corinthiens 15:14.
[2] Genèse 01:05.
[3] Apocalypse 10:06.

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