Il y a cinq ans a eu lieu en Russie la canonisation du bienheureux staretz Paul de Taganrog. Par sa vie, il a incarné l’exemple brillant et exigeant de la sainteté dans le monde. Sa mémoire est fêtée le 23 mars au Calendrier des Pères (5 avril au calendrier civil) et le 7juin au Calendrier des Pères (20 juin au calendrier civil).
Paul Stojkov naquit le 21 novembre 1792 et reçut son prénom
en l’honneur de S. Paul, patriarche de Constantinople, le confesseur, dont la
mémoire est commémorée le 19 novembre. Les parents du garçon, Paul et Parascève
Stojkov, étaient des nobles aisés du district de Krolevets, dans la province de
Tchernigov, et un grand nombre de paysans étaient attachés à leur domaine. De
toute évidence, c’étaient des gens pieux. Cependant, ils rêvaient de donner à
Paul, comme frère aîné, une bonne instruction, et ils lui assurèrent une vie
confortable. Le bienheureux a dit lui-même : « Tout mon souhait de
jeunesse était de prier Dieu, et mon intention, d’aller dans les lieux
saints ». À seize ans déjà, il quitta la maison
paternelle et partit pèleriner aux lieux saints de Russie, ce qu’il fit pendant
une année entière. Lorsque Paul revint à la maison, son père le punit
sévèrement et l’empêcha désormais de se rendre dans les saints lieux. Le saint
reconnut lui-même par la suite que son père ne partageait pas ses aspirations,
mais fut toutefois impuissant à les changer : lorsque Paul eut 25 ans, il
donna à son fils sa part d’héritage, lui donnant sa bénédiction de l’utiliser à
sa guise, et le laissa partir. Paul commença par libérer tous les paysans
attachés à son domaine, et distribua aux pauvres l’argent de la vente de ses
biens. Après cela, il put réaliser son rêve d’antan, à savoir partir pèleriner
aux lieux saints. On sait que ce pèlerinage du bienheureux Paul dura dix ans.
Pendant cette période de sa vie, il put visiter de nombreux monastères,
laissant à chacun d’entre eux, des dons importants. Par la suite, il aimera
visiter les monastères de Solovki, des Grottes de Kiev et de Potchaïev.
À l’âge de 35 ans, Paul apparaît dans la ville de Taganrog et y restera pour toujours. Pendant longtemps, il vécut chez des gens, dans différents appartements. Son dernier refuge devint l’appartement dans la ruelle Depaldovski (actuellement Tourgueniev), où il n’avait pas seulement sa cellule, mais louait toute une petite maison. Il s’habillait très simplement, portait un vêtement de paysan et parlait en petit-russien, de telle façon qu’il était difficile de même deviner sa noble origine. Doté naturellement d’une grande force physique, Paul se faisait embaucher pour des travaux journaliers et travaillait sans s’épargner. Cependant, dès que la cloche résonnait, il quittait tout et se précipitait à l’église, sans manquer aucun office. Il se plaisait le plus à la cathédrale de la Dormition, pour laquelle il acquit de nombreuses icônes, veilleuses et fit toute une série d’autres dons. Paul aimait allumer les veilleuses et nettoyer les icônes, il portait toujours avec lui un petit banc et une serviette blanche pour le faire.
On racontait aussi que lorsque l’on construisit des chapelles adjacentes à la cathédrale (à cette époque, Paul était d’un âge avancé), il portait lui-même les briques, inspirant les autres par son exemple. Une fois, le recteur de la cathédrale qui était bien disposé envers le bienheureux, vit au moment de la Grande Entrée de la Liturgie le bienheureux revêtu d’ornements liturgiques resplendissants, comme ceux d’un évêque. Après cette vision, il eut une relation encore meilleure avec le saint. Il est vrai que les membres du clergé ne vénéraient pas ainsi le staretz, certains n’étaient pas bienveillants à son égard. Lorsqu’il ne pouvait plus travailler, il avait l’habitude, après l’office, de se rendre au marché. Paul marchait constamment avec un bâton à la main et deux sacs en toile sur les épaules. Les commerçants s’efforçaient de le faire venir chez eux, car ils savaient qu’après leur journée serait réussie. Beaucoup lui donnaient des produits alimentaires en guise d’aumône, mais le bienheureux ne les acceptait pas de tous, et il chassait même certains avec son bâton. Lorsqu’il s’installa dans une maison séparée, Paul commença à donner sa bénédiction à certains de vivre en sa compagnie un certain temps, tandis que d’autres purent y rester toujours.
C’est ainsi que, peu à peu, une communauté commença à se constituer. Le vieillard se distinguait par une grande sévérité, n’accordait de faveurs à personne. En particulier, il n’aimait pas la désobéissance. Toutefois, lorsque des visiteurs venaient chez lui, il dénonçait leurs péchés de façon originale : en présence de l’un des novices, il nommait leurs péchés, comme s’ils étaient ceux de celui-ci. Le novice haussait alors les épaules et demandait pardon, mais le visiteur lui-même comprenait que ses propres péchés étaient ainsi dénoncés, et il partait avec un profit spirituel.
Se préoccupant principalement de la vie intérieure, le bienheureux Paul d’attribuait que fort peu d’importance à la propreté de sa cellule. Il donnait à ses novices sa bénédiction pour la nettoyer seulement une fois par semaine, le samedi. Ce faisant, il les bénissait pour ramasser les ordures dans des sacs qui restaient encore trois jours dans la maison, et ensuite, il les faisait brûler. Il ne donnait pas sa bénédiction pour les jeter. Il dormait sur un banc étroit, qu’il ne recouvrait de rien et il plaçait sous sa tête l’un de ses vêtements en guise d’oreiller. Il dormait très peu, il estimait particulièrement la prière nocturne. Sur les murs de sa cellule, il y avait de nombreuses icônes, devant lesquelles brûlaient tout le temps des veilleuses, et aussi des bacs de sable sur lesquels brûlaient aussi une grande quantité de cierges en permanence. Dans sa cellule se trouvaient toujours de nombreux sacs et corbeilles avec toutes sortes de provisions qu’il distribuait à ses visiteurs nécessiteux. Le bienheureux faisait du bien en particulier aux prisonniers.
Chaque semaine, il envoyait à la prison toutes sortes de nourritures, il s’intéressait aux malades et les aidait plus intensément. Lorsque l’un des prisonniers mourrait, le saint achetait lui-même un cercueil, un vêtement et tout ce qui était nécessaire à l’enterrement. Grâce à lui, tous les détenus étaient enterrés chrétiennement. Ayant aimé dès sa jeunesse le haut-fait de pèleriner, le bienheureux ne l’abandonna pas à un âge plus avancé. Habituellement, il prenait avec lui quelques novices, et allait avec eux vénérer les saints lieux. Ce faisant, Paul attribuait une grande importance à toutes les épreuves et difficultés qu’ils devaient absolument supporter pendant le voyage. Avec le temps, alors qu’il ne pouvait plus lui-même entreprendre de tels voyages, il aimait bénir ses novices pour de tels pèlerinages, les aidant toujours en voyage de façon invisible. Le staretz Paul de Taganrog, ou « Pavlo Pavlovitch », comme beaucoup l’appelaient, avait reçu de Dieu de nombreux dons spirituels. Il avait notamment le don de clairvoyance.
De nombreuses paroles du bienheureux se réalisèrent par la suite. Ainsi, il prédit au hiéromoine Damien (Kasatos) qu’avec le temps, il deviendrait un grand homme, tel « qu’il ne puisse être plus grand ». De nombreuses années après, ce hiéromoine devint patriarche de Jérusalem. Le bienheureux Paul a guéri de très nombreuses personnes, parfois même quand les médecins avaient renoncé à soigner le patient. Parfois, la maladie cessait après que le staretz ait tapé avec son bâton sur l’endroit malade. Un homme, dont l’épouse était mourante à la maison, ayant entendu parler de ce thaumaturge inhabituel se rendit chez lui malgré la longue distance, avec le dernier espoir. Or, à peine était-il arrivé sur le seuil de la maison qu’il reçut un coup de bâton sur la tête et l’entendit dire : « Pourquoi es-tu venu ? Ta femme est à la maison et a préparé des vareniki (sorte de raviolis). Ne comprenant rien, l’homme partit chez lui. Mais il fut encore plus étonné lorsqu’il trouva sa femme à la maison en bonne santé, qui lui avait déjà préparé un bol de vareniki. Il s’avéra qu’elle fut guérie le moment même où le staretz Paul le frappa légèrement son mari à la tête.
Des cas semblables, l’un plus incroyable les uns que les autres étaient nombreux. Mais la vie du staretz arrivait à sa fin. On sait que peu avant son trépas, S. Jean de Cronstadt lui rendit visite. La tradition qui a été conservée témoigne que celui-ci salua Paul par les paroles : « Bonjour, colonne qui va de la terre au ciel », ce à quoi ce dernier répondit : « Bonjour à toi, soleil qui brille depuis l’occident jusqu’à l’orient ». Le bienheureux Paul est décédé le 23 mars 1879, après avoir, peu avant, communié aux Saints Mystères. La nuit même lors de laquelle le staretz est mort, un archiprêtre connu de Taganrog, qui avait pris en grippe le juste durant sa vie, vit que les anges avec des chants joyeux accompagnaient au ciel une sainte âme quelconque. À sa question, « c’est l’âme de qui ? », il reçut la réponse « Pavlo Pavlovitch ». Après cela, l’archiprêtre se repentit amèrement pour sa mauvaise attitude envers le staretz. Le trépas de Paul fut encore marqué par un miracle. Lorsqu’il décéda, nombreux furent ceux qui virent une ombre jaunâtre passer sur tout son corps, après quoi le corps entier se blanchit, comme la neige, tandis que la joie éclairait le visage du défunt. Le staretz avait prédit qu’il y aurait beaucoup de « mouches » le jour de son enterrement. Il voulait dire par cela, qu’une foule immense de personnes viendrait lui faire ses adieux. Et effectivement, il y eut tant de monde, que beaucoup durent faire la queue pendant plusieurs heures pour arriver jusqu’à la tombe du bienheureux Paul pour lui faire leurs adieux.
Il y eut
alors beaucoup de guérisons. Le staretz Paul était fort vénéré alors qu’il
était encore en vie, mais après son trépas, le nombre de ceux qui le vénéraient
s’était encore accru. Les paroles du saint s’accomplirent encore :
« Bien que je meure, ma place [l’emplacement
de ma tombe] ne restera
pas vide… » Non seulement la tombe du staretz devint un lieu de pèlerinage,
mais également sa cellule qui, jusqu’à présent reçoit de nombreux visiteurs.
Avec le temps, ceux qui vénéraient le saint bâtirent une chapelle au cimetière.
La canonisation tant attendue du staretz Paul au titre des saints vénérés
localement eu lieu le 20 juin 1999. Ce jour, ses reliques furent transférées
solennellement en l’église Saint-Nicolas de Taganrog. « On a transporté
Paul à la tombe, et de la tombe, à la cathédrale », aimait fredonner souvent
le bienheureux avant sa mort. La canonisation du saint fut accompagnée de
miracles. Alors qu’elle eut lieu lors d’une belle journée, avec un ciel clair,
un arc-en-ciel apparut ; plus tard, sur le lieu des célébrations, les
nuages constituèrent une croix dans le ciel. La canonisation au titre de toute
l’Église de Russie eut lieu en 2016. Sa mémoire est fêtée le
10/23 mars et le 7/20 juin.
Le bienheureux Paul guidait ceux qui venaient chez lui par de nombreux conseils, dont certains nous sont parvenus. Il est connu qu’il estimait grandement les œuvres caritatives et la bienfaisance, notamment l’ornement des saintes églises. Il insistait pour que dans les maisons des fidèles, il y ait toujours suffisamment d’huile pour les veilleuses, de cierges et d’encens, afin qu’une veilleuse brûle devant une icône sans interruption. Il enseignait d’honorer les fêtes ecclésiales les jours du dimanche, mais aussi le vendredi, qu’il vénérait particulièrement, enseignant à remettre ce jour-là toutes les affaires sans importance à plus tard.
Il louait hautement les pèlerinages, le vagabondage pour le Christ avec toutes les difficultés et les privations qui lui sont liées.
D’autres enseignements du saint ont été
conservés. « Prie fortement et avec insistance. Un sentiment mauvais te
suggérera que cette prière n’est pas sincère, qu’elle est pleine de doutes,
mais prie malgré cela. Lorsque tu fais quelque chose de mal, ne perds pas
courage et prie, car qui peut t’aider dans tout cela ? Quel homme ?
Personne, si ce n’est Dieu et prie-Le, prie et prie toujours. Il a l’éternelle
vérité et une force invincible ! Prie Dieu toujours. Il faut rechercher la
consolation et le plaisir dans la prière. Il faut considérer la veille dans la
prière comme le moment le plus empli de grâce. Il faut aimer la pureté de l’âme
plus que la propreté corporelle et y aspirer de toutes les forces de l’âme et
la soutenir sans relâche par les bonnes œuvres, le labeur et les prières. Sois
un bon zélateur de l’Orthodoxie ! Depuis les Apôtres et jusqu’à
maintenant, l’Église se maintient malgré les faiblesses, tant des pasteurs
que des fidèles, elle est sainte, et il n’y a de vérité qu’en elle et nulle
part ailleurs ! »
Version française Bernard Le Caro d'après
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