Michel Quenot, Une autre vision de la femme. Sa place et son rôle dans l’histoire du salut, Orthdruk, Bialystok, 2018, 240 p. Diffusion pour la France : Monastère de la Transfiguration, F-24120 Terrasson (www.librairie-monstere.fr) ; pour la Suisse : Albert le Grand, Fribourg.
Dans ce nouvel ouvrage thématique, comme d’habitude richement illustré par une iconographie orthodoxe bien choisie, le Père Michel Quenot aborde la question importante de la présence, de la place et du rôle de la femme dans la vie de l’Église.
La plus grande partie du livre présente des grandes figures féminines: dans l’Ancien Testament, dans l’entourage de Jésus, dans l’Église naissante et dans les premiers siècles du christianisme. Une place de choix est accordée à la Vierge Marie, la Mère de Dieu, « femme plus vénérable que les chérubins et les séraphins ».
Le livre s’ouvre par un chapitre sur la place des femmes en iconographie byzantine et leur représentation.
Le second chapitre s’intéresse à Adam et Ève dans les récits de la Genèse, et amorce une réflexion sur le féminin dans ses rapports au masculin, qui est reprise est prolongée dans le dernier chapitre. Cette réflexion critique à juste titre les visions déformantes de la femme et de la féminité qui se sont développées dans notre société occidentale moderne à partir surtout des années soixante, depuis les excès du féminisme (prenant souvent, paradoxalement, la virilité comme modèle) jusqu’aux confusions de la théorie du genre, destinée surtout à justifier l’homosexualité et le transexualisme, et que les lobbies LGBT ont réussi à faire entrer jusque dans l’enseignement dispensé dans les écoles primaires. Son étude des grands types féminins de la spiritualité chrétienne aide l’auteur à (re)définir positivement le sens de la féminité, la valeur et l’importance des charismes de la femme (dans le couple, dans la famille et dans l’Église).
On peut regretter que dans ce beau livre qui célèbre la femme chrétienne, l’auteur se soit arrêté au XVIe siècle et n’ait pas évoqué de grandes figures contemporaines (dont l’une des plus connue en France est Mère Marie Skobtsov), pour mieux marquer la continuité qu’il signale dans le titre de son dernier chapitre (« La femme d’hier et d’aujourd’hui: continuité ou rupture »).
On peut regretter aussi que le chapitre 2 développe, dans son commentaire de la Genèse une anthropologie douteuse en suivant les théories discutables développées par Paul Evdokimov dans son livre La femme et le salut du monde, fortement marquées par la psychologie de C. G. Jung elle-même influencée par des courants ésotériques non chrétiens.
L’influence d’Evdokimov se retrouve dans le dernier chapitre, avec notamment l’idée saugrenue (empruntée cette fois au père Serge Boulgakov, influencé lui aussi par un courant ésotérique, celui de la sophiologie, notamment dans sa conception aberrante de la maternité hypostatique du Saint-Esprit conçu comme un être féminin) que « dans son être profond, la femme entretient un lien particulier avec l’Esprit Saint comme l’homme avec le Christ ».
Si l’auteur ne s’était pas limité en tout et pour tout à six références bibliographiques actuelles, majoritairement extérieures à la tradition orthodoxe, et s’était référé aux riches réflexions des Pères sur le sujet (dont on peut, par exemple, trouver une excellente sélection dans le volume La femme : les grands textes des Pères de l’Église, collection Ictus n° 12, éditions Migne), il aurait donné une meilleure qualité à ses réflexions personnelles qui ont globalement une bonne orientation et sont utiles (surtout dans la situation de déphasage actuelle), mais pêchent pas manque de cohérence quant aux fondements anthropologiques qu’elles tentent de définir sur ce sujet à vrai dire très complexe et plein de risques.
Jean-Claude Larchet
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