En date du 26 mars, l’higoumène du monastère de Koutloumousiou a adressé la lettre suivante à la Sainte-Communauté du Mont Athos au sujet du prochain Concile panorthodoxe :
« À la Sainte Communauté de la Sainte Montagne de l’Athos, à Karyès
Nous saluons fraternellement Votre Révérence en Christ,
Ayant lu avec grande attention la vénérable lettre patriarcale qui nous a été transmise relativement au Concile panorthodoxe, accompagnée des décisions s’y rapportant et de son règlement d’organisation et de fonctionnement, ainsi que la lettre du monastère de Karakallou qui exprime sa préoccupation, nous portons à votre connaissance ce qui suit, eu égard à l’importance exceptionnelle du Concile convoqué, tant pour le présent que l’avenir du monde orthodoxe. Concrètement, outre les nombreux éléments positifs des documents, surgissent certaines questions qui touchent le contenu théologique de la Tradition patristique.
1) Le règlement d’organisation et de fonctionnement du Concile panorthodoxe présente l’image d’une synaxe de primats, et non celle d’un Concile panorthodoxe selon le modèle des Conciles œcuméniques. Ce sentiment est créé par la limitation des membres aux seuls Primats des Églises autocéphales, ayant le droit exclusif de suffrage et de parole, ce qui exclut les autres membres de chaque délégation, mais également le grand nombre des évêques appartenant à chaque Église. Cela ne constitue pas la meilleure expression du système conciliaire. Nous craignons que, de cette façon, pénètre involontairement dans l’Église la théologie de la primauté, laquelle, par ailleurs, constitue l’aboutissement de la théologie de la personne, apparue au XXème siècle. Déjà sont apparues des opinions selon lesquelles le dogme et l’office liturgique ne peuvent constituer le lieu de l’unité ecclésiale, en tant que facteurs prétendument impersonnels, la personne du primat étant le seul lieu d’unité mis en avant.
2) Concernant le sujet des relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien, il est quelque peu inconséquent que l’Église, une, sainte, catholique et apostolique reconnaisse d’autres Églises chrétiennes, avec lesquelles, par voie de conséquence, elle peut être ou non en communion. C’est-à-dire qu’il semble que la question de la clarification de la foi est placée a posteriori, après la reconnaissance d’une communauté chrétienne en tant qu’Église, comme si la théologie constituait un complément de l’ecclésiologie. Il ressort de la formulation que le seul critère d’ecclésialité considéré est la succession apostolique historique ou la célébration du baptême.
3) L’article 22 du document « Relations de l’Église orthodoxe avec le reste du monde chrétien » qui se trouve assurément en rapport avec le dialogue œcuménique préjuge clairement de l’infaillibilité du Concile, et formule par écrit l’opinion plus générale selon laquelle « la foi orthodoxe authentique n’est sauvegardée que par le système conciliaire » et aussi qu’un Concile constitue le juge désigné et ultime en matière de foi ». Il implique enfin la condamnation de toute contestation des décisions du Concile par des personnes ou des groupes (y compris, manifestement, des hiérarques diocésains). Si cela ne résulte pas simplement d’une formulation malheureuse, on réfute ainsi le fait que le peuple fidèle est le gardien de la foi. Contrairement à cet article, la vie de l’Église témoigne que des personnes (i.e. les Pères théophores, les saints moines, les martyrs et les confesseurs), des groupes, et enfin le plérôme entier du peuple de Dieu, suivant la tradition apostolique de la sainteté, ont proclamé invalides des grands Conciles comportant de nombreux membres.
4) Étant donné que la tradition patristique, et ce conformément aussi aux documents, constitue un critère de l’unité ecclésiale et étant donné également que le futur Concile revendique une validité panorthodoxe, le plérôme de l’Église attend de lui qu’il n’ignore pas les Conciles précédents, ceux qui ont été convoqués sous saint Photius et saint Grégoire Palamas, qui ont fixé la théologie ainsi que l’expérience patristiques immuables et ont formé la conscience de l’Orthodoxie qu’elle a d’elle-même, pouvant en outre donner des réponses à l’homme d’aujourd’hui. S’il n’est pas fait mention de cela, il semblera éventuellement que l’Église orthodoxe n’accepte pas la théologie postérieure au septième Concile.
5) Enfin, bien que cela soit de moindre importance, nous ne comprenons pas l’utilité de la présence d’observateurs hétérodoxes à un Concile où il s’agit de discuter, à une large échelle, des questions nous concernant.
Le plérôme ecclésial attend vraiment du saint et grand Concile qu’il manifeste l’expression authentique de la tradition. En même temps parviennent de toutes parts des voix distinguées, d’où il ressort l’inquiétude que certaines positions créent des problèmes majeurs ou mineurs, lesquelles, fort probablement, provoqueront des schismes. Aussi, nous pensons que notre Lieu sacré, toujours sensible aux questions de foi et d’expérience orthodoxes, devrait articuler un discours correct et limpide, lequel contribuerait à l’édification de tous et qui probablement influerait positivement sur l’œuvre du Concile.
Cela étant, nous demeurons dans l’amour du Christ,
L’higoumène du saint monastère de Koutloumousiou,
+ Archimandrite Christodoulos et ses frères en Christ »
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