Accepter le saint sacrement de l'obéissance, l'un des trois vœux monastiques, signifie accepter le saint sacrement du Christ. Les deux autres vœux, la virginité ou la plénitude de la sagesse, et de la pauvreté, dans le sens de renoncer à des possessions matérielles, sont entièrement contenus dans le grand sacrement de l'obéissance. Sans elle, "ni la prêtrise, ni le Saint Sacrement, ni la prière de l'esprit, ni le jeûne ou les veilles, ne sauvent" [15]. Voilà pourquoi l'obéissance devient pour le moine la pierre d'angle. Même ses tâches quotidiennes portent le même nom: "obéissance [obédience]."
Par la soumission, par l'obéissance, le moine suit le Christ dans son obéissance à Dieu le Père, devenant un fils de Dieu, c'est ce qui rend tous ses frères ensemble, "les enfants du Très-Haut." (Psaume 81: 6)
Cette obéissance il la dirige non seulement vers son père supérieur, mais aussi vers tous les autres hommes; En outre, il perfectionne sa disponibilité pour tous dans le monde. Pour chacun, il donne ce qui est bon, se sent redevable envers tous, selon les paroles de l'Apôtre Saint Paul: "Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimer les uns les autres; car celui qui aime les autres a accompli la loi." (Romains 13: 8)
Le moine est celui qui élève le sacrifice au rang de principe unique, sur lequel est centré toute sa vie. Il se sacrifie en permanence; il ne vit plus pour lui-même, mais pour Dieu et l'œuvre des mains de Dieu - l'ensemble de l'humanité. Voilà pourquoi il croit que ses réalisations ne sont pas siennes, mais celles de ses semblables. Cependant, ses échecs, en chutant ou lors de toute autre chose non accomplie, son manquement ou celui de ses semblables, est une plaie pour lui, difficile à guérir, car tout manquement de sa part, sera reflété dans la vie de son semblable. Toute chute, toute chose inaccomplie ou toute impuissance, il la ressentira d'une manière aiguë comme un obstacle sur le chemin de sa prière au nom de ses frères humains. Ainsi sa vie devient une vie d'amendement, de mise au service de son prochain. Ses larmes deviendront un sacrifice de purification pour le monde entier, pour les gens qu'il aimait si bien qu'il se retira du monde. Voilà pourquoi ce n'est pas un hasard si saint Grégoire le Théologien dit que les larmes de moines sont le bain de purification du monde [16].
Dans la vie du moine, nous trouvons ce qui est écrit dans la Sainte Écriture au sujet de Jésus Christ Rédempteur, lorsqu'il avait douze ans et que ses parents allèrent le chercher dans le Temple. La Sainte Vierge le gronda, mais il dit: "Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?" (Luc 2:49) Par cela, il a montré que toutes choses doivent être canalisés vers Dieu, doivent être soumises à Sa volonté. Rien sans Dieu et tout pour Dieu. Après cela, l'Écriture dit: "Et il descendit avec eux, et vint à Nazareth, et il leur était soumis" (Luc 2:51). Le Christ fit obéissance à Dieu le Père, à la Vierge Marie et au Juste Joseph - dans cet ordre! Envers les autres personnes, il montra Son amour et Sa disponibilité "enseignant dans leurs synagogues, prêchant la bonne nouvelle du Royaume, et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple." (Matthieu 9:35)
Cet épisode montre très bien comment le moine se positionne, dans son obéissance, envers les autres. Il pose d'abord et avant tout sa vie aux pieds du Christ Rédempteur, qui a placé dans son esprit l'appel de la vie monastique. Répondant à cet appel, il obéit d'abord à la volonté de Dieu, envers qui il est obéissant en tout.
Il écoute son père supérieur comme il le ferait pour la Sainte Vierge, lui obéissant comme celui qui connaît le sacrement de son cœur et la hauteur de sa vocation.
Il obéit à ses frères comme il le ferait au Juste Joseph, comme des ouvriers des mêmes labeurs demandés par cette vocation. Et il se rend disponible à tous les hommes, "pour leur bien, pour l'édification." (Cf. Romains 15: 2)
Les autres vertus ne sont pas tissées dans le cœur du moine, ni sans obéissance, ni sans humilité. On ne peut pas parler de la patience, de l'amour, de la bonté, sans avoir comme fondement de la vie monastique le sacrement du Christ - l'obéissance. Saint Jean-Baptiste met dans la bouche de Christ Rédempteur les paroles suivantes pour qui voudra Le suivre:
"Si tu te pares, orne-toi de Mon bijou! Si tu t'armes, arme-toi de Mes bras! Si tu te vêts, revêts-toi de Mes vêtements! Si tu t'alimentes, nourris-toi à Ma table! Si tu voyages, voyage sur Mon chemin! Si tu hérites, hérite de Mon héritage! Si tu vas dans ton pays, entre dans la ville dont je suis le maçon et le constructeur! (Cf. Hébreux 11, 10) Si tu construis une maison pour toi-même, construis ta maison dans Mes tentes! Je ne demande pas de paiement pour ce que je te donnerais, mais je te dois récompenses si tu utilises tout ce qui est à moi!" Quelle générosité peut surpasser celle-ci? "Je suis ton père, te dit le Christ, je suis ton frère, je suis ta fiancée, je suis ta maison, je suis ta nourriture, je suis ta tunique, je suis ta racine, je suis ta fondation, je suis tout ce que tu pourras souhaiter! Je vais te servir de telle sorte que tu ne manqueras de rien! Car je suis venu non pour être servi, mais pour servir! " (Matthieu 20:28). Je suis ton ami et un de tes membres et ta tête et ton frère et ta sœur et ta mère! Je suis tout! je te demande une seule chose: sois près de moi! Je deviens indigent pour toi, mendiant pour toi, [Je suis] sur la Croix pour toi, dans le sépulcre pour toi. Là-haut, j'intercède pour toi; ici-bas, je suis un messager du Père pour toi. Tu es tout pour moi; frère et héritier et ami et un de mes membres! Que peux-tu demander de plus? "[17]
Ce dévouement, [qui consiste à] se jeter dans les bras du Christ, n'est pas abandon, ni destruction de la personnalité, mais bien au contraire, affirmation de la liberté en Dieu, liberté de mouvement en Dieu et connaissance de Dieu. Seul celui qui fait don de lui-même peut le vivre, le goûter et l'avoir!
Ce sacrifice n'est pas simplement pour soi-même, tout comme le Christ Lui-même n'a pas fait don pour Lui-même. L'homme confessionnel voit et ressent les besoins de ce monde; il est transparent, car en lui seul " l'Esprit lui-même intercède par des soupirs ineffables." (Romains 8:26), et le Christ "a été formé en lui" (Galates 4:19). Ainsi, chaque cas devient important et est vécu pleinement par la prière incessante; c'est la présence de Dieu dans le cœur et dans l'esprit. Saint Silouane l'Athonite fois demanda un jour à son confesseur: "Comment puis-je donc pleurer pour ce monde?" Et son confesseur répondit: "Connais par la prière l'état de ce monde, ce que sont ses besoins, et ainsi tu seras capable de pleurer [pour lui]".
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna
[16] Irenné Hauserr S.I., The Theology of Tears. Weeping and the Piercing of the Heart According to the Eastern Fathers – With an Anthology of Patristic Texts, Sibiu, 2000, p. 113.
[17] Saint John Chrysostom, Homilies on Matthew, p. 868-869.
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