Introduction
Il est clair depuis des décennies que l'Eglise
orthodoxe russe finira par avoir à mettre en place une Métropole Orthodoxe Russe
d'Europe (Russian Orthodox Metropolia of Europe = R.O.M.E. ) unie, « base d'une future nouvelle
Église locale », selon les paroles du Patriarche Alexis II, à jamais mémorable.
Les seules raisons pour lesquelles cela n'existe pas encore, sont dues aux
conséquences de la persécution athée de l'Église russe après 1917, aux
conditions chaotiques qui ont suivi, et aux divisions politiques et
spirituelles de la diaspora russe en Europe occidentale. Une telle Métropole
unie a été rendue impossible par le manque de confiance de la grande majorité
des émigrés russes, et d'autres membres de l'Église, dans l'autorité d'un
Patriarcat captif de l'athéisme.
Et puis il y avait le fait que de nombreux
émigrés qui se sont installés spécifiquement à Paris étaient les dissidents
mêmes, ou leurs descendants, qui avaient mené la Révolution russophobe et puis avaient
quitté l'Église russe.
Cependant , trois événements ont changé tout
cela. Ce sont : l'union de l'Eglise de Russie (Patriarcat) et de l' Eglise Hors
de Russie (EORHF) en 2007, ce qui prouve que l'Eglise en Russie est libre; le
rejet clair de l'unité avec l'Eglise-mère, par la juridiction de Paris (
« Rue Daru ») dans un accès de colère adolescent (bien que la repentance soit
toujours possible ); un très vaste nouvelle diaspora russophone en Europe, qui
rend certaines des attitudes des anciens émigrés politisés sans pertinence.
À la lumière de ces événements, il a été
possible d'envisager plus clairement la voie à suivre et les structures d'avenir.
Celles-ci prennent la forme d'une Métropole européenne unie dans le cadre de
l'Église en dehors de Russie, elle-même sous l'autorité patriarcale, selon
l'accord de 2007 entre les deux parties de l'Eglise. Pourquoi une telle
Métropole unique de l'Europe est-elle nécessaire et pourquoi les Métropoles nationales
sont-elles inutiles?
Une Métropole unie
d'Europe
Il n'y aurait aucun sens à essayer de mettre en
place des Métropoles nationales pour deux raisons. Tout d'abord, toute
Métropole devrait avoir plusieurs évêques, plusieurs dizaines de milliers de
fidèles actifs dans les grandes paroisses, et une infrastructure de biens
d'Église, ainsi qu'un séminaire. Aucun pays d'Europe occidentale ne se trouve
dans une telle situation. Unis nous nous tenons debout, divisés nous tombons.
En d'autres termes, une Métropole doit avoir une réelle substance et ne pas
être un fantasme philosophique et financièrement en faillite de
micro-communautés de membres du clergé non formés, sans leurs propres locaux et
sans la tradition. En réalité, le territoire d'Europe occidentale est un peu
plus grand en taille que de nombreuses Métropoles de la Fédération de Russie ou
que la Métropole du Kazakhstan. Là, la structure de plusieurs évêques
diocésains opérant sous l'autorité d'un métropolite, comme cela est nécessaire
en Europe occidentale, est maintenant quelque chose de commun.
Deuxièmement, toute acceptation de Métropoles nationales
risquerait d'encourager la maladie spirituelle du nationalisme, si commune dans
l'histoire européenne. L’Europe de l'Ouest a une culture de base commune dans
un premier millénaire d'Orthodoxie romaine provinciale et un deuxième
millénaire de sécularisme, soit dans son aspect protestant/catholique romain ou
bien sous la forme de l'athéisme. En d'autres termes, il y a peu de différences
réelles de mentalité en Europe occidentale - c'est un ensemble culturel, avec
une philosophie de la civilisation et de l'histoire similaires.
Ce n'est ni l'Asie, ni l'Amérique latine, ni
l'Afrique, mais l'Europe de l'Ouest dans son ensemble, qui est passée par une
succession de phases et de périodes historiques similaires, du Premier
Millénaire au Moyen-Age, de la Renaissance à la Réforme, des Lumières à la
Révolution industrielle, des guerres européennes ( mondiales) à l' Europe dominée
par l’Union Européenne.
Structure
L’Europe de l'Ouest se divise nettement en
diocèses. Avec une population de plus ou moins exactement 400 millions ,et une population
orthodoxe russe multinationale d'au moins cinq millions, il y a six archevêchés
géographiques clairement découpés : les terres germanophones: l’Allemagne,
l’Autriche, la Suisse alémanique, le Luxembourg, le Liechtenstein, les Pays-Bas,
la Flandre et aussi la Hongrie, avec une histoire liée à l'Autriche ( 129
millions ); les terres francophones : la France, la Wallonie, la Suisse romande,
Monaco ( 69 millions ); les îles (Grande-Bretagne et Irlande) - 69 millions ; l’Ibérie:
Espagne, Portugal et Andorre ( 55 millions ); les terres italophones :
Italie, Tessin , République de Saint-Marin, Malte ( 52 millions ); la Scandinavie :
Suède, Finlande, Danemark, Norvège et Islande (26 millions d'euros, une zone vaste,
mais avec une petite population).
On peut donc supposer que la Métropole future
pourrait initialement être composée de six évêques régionaux, dirigés par un métropolite.
C'est un minimum. Ces énormes territoires pourraient facilement avoir besoin de
deux ou plusieurs évêques; cela ferait un total minimum de douze évêques,
dirigés par un métropolite. Il aurait très certainement besoin de sa propre
cathédrale centrale et de son propre séminaire (et non d’un institut de
philosophie), où le clergé pouvaient être correctement et pratiquement formé dans
la liturgie et la pastorale. En cela, nous devons apprendre à partir des
exemples de petites Églises locales orthodoxes, celles des pays tchèques et de
Slovaquie, de Pologne, de Serbie (responsable de l'ex-Yougoslavie), ou de
Lettonie et des Eglises orthodoxes moldaves de l'Eglise orthodoxe russe.
Vers une future Église
locale?
S'il n'y a pas Européens de l'Ouest, alors il
ne peut y avoir d’évolution d’une telle Métropole orthodoxe russe d’Europe vers
une future nouvelle Église locale. Autrement dit, si les gens ne sont pas résidents
permanents en Europe occidentale, si leurs descendants ne sont pas nés ici, ils
ne sont pas Européens de l'Ouest, mais ils sont simplement de passage. Dans ce
cas, les chapelles des ambassades dans les capitales, ou les diocèses
titulaires attachés aux églises locales dans les Balkans ou ailleurs, sont suffisantes.
Seulement si les gens ont une certaine identité d’Européens de l'Ouest et
parlent la langue locale, ou s’ils sont en fait d'Europe occidentale par
ascendance, peut-on parler d'une Eglise locale future, célébrant en langues
locales et vénérant les saints locaux. Dans le même temps, cependant, il ne
peut y avoir d’Église locale s'il n'y a pas de racines dans la tradition vivante
russe orthodoxe.
Aucune Eglise locale peut être construite sur une
imagination superficielle, intellectuelle, sur un compromis, une Hémidoxie (moitié
d’Orthodoxie) désincarnée, mais seulement sur la tradition incarnée de
l'Orthodoxie, dans ce cas, la tradition russe. Les expériences ratées en France
et aux Etats-Unis ont rendu cela tout à fait clair. Tout simplement, une Eglise
qui n'est pas enracinée dans la tradition orthodoxe russe - en termes de
dogmatique (par exemple, l'attitude vis-à-vis de l'œcuménisme), de discipline
monastique et ascétique (jeûne et prière), de vie de famille orthodoxe
(continuité), de droit canon (clergé canoniquement ordonné), de pratique
liturgique (par exemple la capacité de célébrer et de chanter correctement, la
tradition de la confession et de la communion, la tenue vestimentaire pudique),
d'iconographie et de calendrier canoniques, n'est pas une Eglise orthodoxe
russe, mais seulement un « isme » de type protestant/ catholique /
anglican/ uniate, décoré avec des icônes.
Conclusion
Toutes les tentatives pour établir une Métropole
orthodoxe russe d'Europe, sans parler d'une nouvelle Église locale, ont jusqu'à
présent échoué à cause d'un manque de personnes qui soient enracinées dans la
tradition orthodoxe russe et qui vivent dans toute l'Europe. De ce fait, il y a
eu un manque correspondant de finance et d'infrastructure.
L'Eglise se développe à partir du bas, depuis
la base, elle n'est pas créée de haut en bas par une élite intellectuelle qui
n'a pas de racines dans la tradition, mais seulement dans un système philosophique moderniste libéral,
datant d’une attitude idéologique russophobe, anti-Incarnation et donc anti-tsariste
du début du 20ème siècle. La Tradition de l'Église se tient debout sur deux
jambes - la vie de famille (la continuité de la tradition incarnée, transmise
d'une génération à l'autre) et la vie monastique (les moines viennent de
familles et vivent selon l'enseignement ascétique des Pères de l'Église).
La Tradition de l'Eglise est donc trinitaire,
sur la base de l'Incarnation du Fils (vie familiale) et sur le Saint-Esprit
(vie ascétique). L'Eglise se développe sur ces deux jambes et la tradition doit
être maintenue intégralement.
L'Eglise ne se développera pas par l'ingérence
et la contamination hétérodoxes, introduites par les vieux idéologues laïques
ou par leurs récents convertis mal informés, issus de milieux hétérodoxes qui
n'ont pas encore intégré la foi.
L'Europe d'aujourd'hui est à 95 % athée. Paradoxalement,
il se peut qu’un tel contexte ingrat puisse produire le fruit nécessaire pour
une nouvelle Eglise locale. C’est seulement lorsque la semence hétérodoxe de jadis
aura disparu que pourra surgir la
vie nouvelle. Tout comme la Russie fut un jour gouvernée par des athées, là
aussi une nouvelle vie a vu le jour. La même chose peut être vraie pour
l'Europe occidentale où tant de
nos gens sont venus à nous dans la dernière génération, où de nouveaux émigrés
de l'ex-Union soviétique, se sont ajoutés aux couches et générations plus
anciennes du passé.
Archiprêtre Andrew
Phillips,
Colchester, Essex,
Angleterre
7 / 20 mai 2014/ Saint Nil de la Sora
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
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