L'archevêque Damaskinos Papandréou est né Dimitrios Papandreou en 1890, à Dorvitsa, en Grèce. Il s'est enrôlé dans l'armée grecque lors des guerres balkaniques. Ordonné prêtre de l'Eglise orthodoxe grecque en 1917, il fut nommé archevêque d'Athènes en 1941.
Pendant l'Holocauste, l'archevêque Damaskinos et le chef de la police d'Athènes Angelos Evert ont sauvé des milliers de Juifs grecs.
Bien qu'environ 87% de la population juive de la nation, de 60.000 à 70.000 Juifs grecs, aient péri pendant l'Holocauste, 10.000 ont survécu, en grande partie grâce au refus du peuple grec de coopérer avec les plans allemands de déportations.
Avec l'arrivée de l'occupation des puissances de l'Axe, les déportations de villes comme le port du nord de Thessalonique furent entreprises à un rythme rapide. Beaucoup de Juifs fuyant les persécutions dans le nord trouvèrent refuge à Athènes.
Le 20 Septembre 1943, Dieter Wisliceny, adjoint d'Adolf Eichmann, l'administrateur de la solution finale nazie, arriva à Athènes. Wisliceny ordonna au rabbin Elie Barzilaï de comparaître devant lui, pour lui fournir des chiffres exacts sur la population juive d'Athènes afin de créer un Judernat. Composé de Juifs qui furent contraints de s'y engager, ce Judernat (Conseil juif) rendait les Juifs "responsables" de maintenir la loi et l'ordre dans la communauté juive, et les utilisait comme agents de liaison entre les autorités allemandes et la population juive.
Wisliceny ordonna à Barzilaï de fournir les noms et adresses de tous les membres de la communauté juive d'Athènes, les noms de tous les Juifs étrangers vivant dans la région, les noms des juifs italiens d'Athènes, et les noms de ceux qui avaient aidé les juifs qui s'étaient échappés en Palestine. Il ordonna aussi à Barzilaï de compiler une liste d'individus prêts à servir sur un nouveau conseil, dont Barzilaï devait être président, qui créerait une force de police juive pour mener à bien les demandes nazies, et il dévoila ses plans pour créer des cartes d'identité pour toute la population juive d'Athènes.
Ebranléé par sa rencontre avec le commandant nazi, le rabbin contacta l'archevêque Damaskinos et l'informa de la réunion.
Comme Mgr Damaskinos savait ce qui s'était passé dans le nord, il suggéra que toute la communauté juive s'enfuie, car elle ne pouvait pas être protégée.
Le rabbin Barzilaï demanda aux Allemands plus de temps pour composer les listes demandées, puis, après une rencontre avec d'autres dirigeants de la communauté juive, il détruisit les dossiers communautaires et conseilla au peuple juif de fuir. Quelques jours plus tard, le rabbin lui-même quitta la capitale et rejoignit la résistance.
L'Eglise de Grèce, sous la direction de Mgr Damaskinos, condamna les plans d'Hitler pour le pays et chargea les prêtres d'annoncer sa position dans leurs sermons.
Les Juifs avaient participé librement avec d'autres Grecs à tous les domaines de vie pendant 2.300 ans, coexistant en harmonie avec leurs compatriotes orthodoxes, contribuant par un bon travail dans de nombreux domaines. Les Juifs vivaient à Athènes depuis l'époque d'Alexandre le Grand, au milieu du IVe siècle, beaucoup avaient cherché refuge en Grèce, après avoir été expulsés d'Espagne en 1492. Pendant l'Holocauste, la population juive grecque a été presque entièrement détruite.
Comme ils se préparaient à mettre en œuvre la déportation et les assassinats en masse de leur solution finale, les nazis compilaient des rapports de renseignement au sujet de la population juive d'Athènes. Ils choisirent d'importantes fêtes juives pour leurs actes monstrueux, à commencer par un ordre donné la veille de Yom Kippour, signé par le commandant militaire allemand d'Athènes, le général SS Jürgen Stroop, qui a organisa la communauté juive de la ville sous supervision nazie.
La population juive d'Athènes avait augmenté depuis le déclenchement de la guerre. Mgr Damaskinos et le travail du rabbin avaient transformé la ville en un refuge sûr. Comme beaucoup de Juifs nouvellement arrivés n'avait pas lieu de résidence fixe, le renseignement allemand sur la population juive était souvent erroné.
Sous l'ordre émis par Stroop, les Juifs devaient paraître dans les bureaux de la communauté dans les cinq jours pour déclarer leurs résidences et enregistrer leurs noms. Malgré la menace de conséquences désastreuses pour défaut de comparaison, seulement 200 d'entre eux se présentèrent.
Dans un cas similaire, les autorités allemandes annoncèrent qu'elles avaient l'intention d'apporter une farine spéciale à Athènes pour la Pâque, avec laquelle la population juive pourrait préparer les azymes, à condition qu'elle soit prête à se manifester et à s'inscrire auprès des autorités. Bien que cet acte de fausse bonté en incita certains, beaucoup plus de Juifs s'inscrivirent parce qu'ils avaient peur que les nazis exercent des représailles sur leurs voisins chrétiens, qui les avaient protégés de la persécution.
Quand les Allemands commencèrent à arrêter les juifs, plus de 600 prêtres grecs orthodoxes furent arrêtés et déportés en raison de leurs actions pour aider les Juifs, et beaucoup de Juifs furent sauvés par la police grecque, le clergé et la résistance. Mgr Damaskinos et Evert affrontèrent la menace de mort pour leurs efforts, et ils aurait sûrement été tués si l'étendue de leur aide avait été connue des Allemands.
Il y avait plusieurs moyens d'évasion. Beaucoup partirent en bateau à partir d'Oropos, en Attique, où ils étaient souvent obligés de payer des frais énormes pour un voyage de trois semaines vers la Turquie. Certains jeunes hommes sans famille s'enfuirent dans les camps de partisans dans les montagnes. De faux certificats de baptême et de nouveaux papiers d'identité de l'Église orthodoxe grecque aidaient aussi le fuyard Juif désespéré.
L'archevêque Damaskinos supervisa la création de plusieurs milliers de ces certificats, et le chef de la police d'Athènes Evert fournit plus de 27.000 faux papiers pour servir d'identité aux Juifs désespérés cherchant une protection contre les nazis.
L'archevêque ordonna également aux monastères et aux couvents d'Athènes de donner refuge aux Juifs, et exhorta ses prêtres à demander à leurs congrégations de cacher les Juifs dans leurs maisons. En conséquence, plus de 250 enfants juifs furent cachés par le seul clergé orthodoxe.
Quand tous les appels officiels à arrêter les déportations eurent échoué, l'archevêque Damaskinos lança un appel direct aux Allemands, sous la forme d'une lettre composée par le célèbre poète grec Angelos Sikelianos et signée par d'éminents citoyens grecs, dans une tentative audacieuse de faire appel au cœur et à l'esprit des autorités d'occupation, dans la défense des Juifs qui étaient persécutés.
La lettre provoqua la colère du général nazi Stroop, qui menaça l'archevêque de mort par un peloton d'exécution. La réponse de Mgr Damaskinos fut "les chefs religieux grecs ne sont pas fusillés, ils sont pendus. Je vous demande de respecter cette coutume". Le simple courage de la réponse du chef religieux prit le commandant nazi au dépourvu, et sa vie fut épargnée.
L'appel de l'archevêque et de ses compagnons grecs est unique, il n'y a pas de document similaire de protestation contre les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale qui ait été mis en lumière dans tout autre pays européen. Il s'y lit entre autres choses:
"L'Église orthodoxe grecque et le monde universitaire du peuple grec, protestent contre la persécution... Le peuple grec a eu la douleur d'apprendre que les autorités d'occupation allemandes ont déjà commencé à mettre en œuvre un programme de déportation progressive de la communauté juive grecque... et que les premiers groupes de déportés sont déjà sur le chemin de la Pologne... "
"Selon les termes de l'armistice, tous les citoyens grecs, sans distinction de race ou de religion, devaient être traités de manière égale par les autorités d'occupation. Les juifs grecs ont fait leurs preuves... précieux contributeurs à la croissance économique du pays [et] citoyens respectueux des lois qui comprennent pleinement leurs devoirs comme Grecs. Ils ont fait des sacrifices pour le pays grec, et ils furent toujours sur le front de la lutte de la nation grecque pour défendre ses droits historiques inaliénables... "
"Dans notre conscience nationale, tous les enfants de notre mère Grèce sont une unité inséparable: ils sont des membres égaux de l'organisme national sans distinction de religion... Notre sainte religion ne reconnaît pas les qualités supérieures ou inférieures fondée sur la race ou la religion, comme il est dit: «Il n'y a plus ni Juif ni Grec» et condamne donc toute tentative de discrimination ou de création de différences raciales ou religieuses. Notre destin commun, à la fois aux jours de gloire et dans les périodes de malheur national, ont forgé des liens indissociables entre tous les citoyens grecs, sans exception, indépendamment de leur race ... »
"Aujourd'hui, nous sommes profondément préoccupés par le sort de 60.000 de nos concitoyens qui sont juifs... Nous avons vécu ensemble dans l'esclavage et la liberté, et nous avons appris à apprécier leurs sentiments, leur attitude fraternelle, leur activité économique, et plus important, leur patriotisme indéfectible... "
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Grèce perdit 580.000 des 6,5 millions d'habitants de sa population d'avant-guerre, et 100.000 Grecs supplémentaires furent blessés dans les combats. Des Grecs ordinaires se mirent en danger de mort, pour protester contre les autorités d'occupation. Dans le cas de la population juive d'Athènes, l'assimilation et un fort mouvement de résistance, ont permis à au moins quelques juifs grecs de survivre à l'attaque nazie.
Cinq mille Juifs restent à Athènes, pour aider à reconstruire la vie juive dans l'après-guerre en Grèce. Le gouvernement grec considère l'héritage juif dans le cadre du patrimoine national du pays, et a rénové le Musée juif de Grèce à Athènes. Site honoré parmi de nombreux trésors de la nation historique, le site de la plus ancienne synagogue de la Grèce est une ruine du Ve siècle avant J.-C., situé dans l'antique marché d'Athènes, l'Agora au pied de l'Acropole.
Après la guerre, l'archevêque Damaskinos servit comme régent de Grèce jusqu'au retour d'exil du roi Georges II. Lorsque les combats éclatèrent entre les soldats grecs pro-royalistes et des partisans communistes en 1945, l'archevêque fut nommé Premier ministre. Il appela0 à la paix et à l'ordre dans le pays. Il renonça à sa position de leadership quand le roi fut formellement rappelé en 1946.
L'archevêque Damaskinos mourut à Athènes le 20 mai 1949.
Mémoire éternelle!
Version française Claude Lopez-Ginisty
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