Tchotki est le nom que les Slaves donnent à la corde à nœuds utilisée pour dire la prière de Jésus. Les Grecs l'appellent komvoskhinion, qui est un mot plutôt long, donc [ces chapelets] sont plus communément appelés tchotkis. Un terme anglais simple serait "corde de prière {Prayer rope)." Tchotki est un mot pluriel, comme l'anglais «perles». Le mot signifie littéralement "compteurs", c'est-à-dire les choses avec lesquelles on compte.
Il existe diverses formes de tchotkis, et on les voit faits de divers matériaux. Mais l'espèce la plus authentique est censée être faite de laine noire. D'autres couleurs sont parfois utilisées dans la séparation des plus grands noeuds et dans la Croix, mais le cordon lui-même et ses nœuds doivent être noirs. Pourquoi? Parce le tchotki, comme la prière de Jésus elle-même, est une chose assez particulière et doit être discrète. Un tchotki noir sur l'habit d'un moine ou d'une moniale sont difficiles à voir. La laine est préférée à tout matériau plus dur, car le tchotki doit être silencieux. Les perles cliquettent, et ne sont donc pas utilisées. Encore une fois l'idée d'activité privée et de discrétion. Une autre chose contre les perles, c'est qu'elles peuvent rassembler et transmettre des vibrations "indésirables". Cela s'applique aussi aux fibres synthétiques, qui sont à base de plastique. C'est pourquoi nous n'utilisons que de la laine pure.
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Nous tenons le tchotki dans la main gauche quand on l'utilise, parce que le côté gauche du corps est censé être le côté réceptif et vulnerable aussi. Le tchotki est souvent appelé l'épée des moines, car ils écartent avec lui l'Ennemi qui nous attaque, on le suppose, de la gauche. Selon la tradition, on doit toujours l'avoir en main. Si vous travaillez, vous l'enroulez autour de votre poignet. En fait, même cela n'est souvent pas possible - dans certains emplois ils deviennent sales ou endommagés, même s'ils sont enroulés autour de votre poignet. Mais telle est la tradition. Les diacres, les prêtres et les évêques qui sont aussi des moines les portent quand ils officient dans les services de l'Église et pendant la Liturgie, ce qui les rend visibles. Mais c'est la coutume. Quand une personne est tonsurée et vêtue en l'état monastique, le tchotki est parmi les divers articles de vêtements et insignes mis sur le nouveau moine ou la nouvelle moniale à la cérémonie d'habillement.
Les tchotkis ne devraient pas être vendus. (Il le sont souvent, en fait, mais ce n'est pas idéal.) Ils sont censés être faits spécialement pour l'individu qui en a besoin, et la transaction devrait avoir la bénédiction du père spirituel du destinataire, parce que la personne qui fait le tchotki transfère quelque chose de son propre esprit à la personne qui le reçoit. Pour dire les choses en langage moderne, "une relation spirituelle est établie." Et ce n'est pas une petite chose.
La plupart des traditions invoquées précédemment vont paraître absurdes à l'esprit sceptique et rationaliste. Mais tel n'est pas le cas. Un réel discernement spirituel est demandé dans ces matières.
A propos de la fabrication de tchotkis, une chose importante: celui qui les fait doit être à jeun, chaste, et silencieux. Cela signifie que c'est un travail à faire à la poustinia [désert, solitude] ou en un autre lieu privé et non pas dans des rassemblements publics ou sociaux. Pourquoi? Parce que nouer chaque nœud est un acte sacré et plutôt privé accompagné d'une triple prière à la Sainte Trinité.
Il s'agit d'un engendrement symbolique ou d'un enfantement. L'ouvrage est tenu entre les genoux et ramenés vers les reins et le giron dans la main gauche. Puis vient la première prière à la Sainte Trinité. Tandis que l'on fait la première boucle au-dessus du pouce et qu'on la soulève vers l'espace entre les quatrième et cinquième doigts, on forme le bras droit d'une Croix, et on dit: "Au nom du Père." Avec la deuxième boucle, qui est tombée sur le côté gauche de la main entre le pouce et l'index, on fait le bras gauche de la Croix, et on dit: "Et du Fils". Lorsque l'on passe le cordon sous les fils dans la paume de votre main, on forme le bras en bas de la Croix, et on dit: "Et de l'Esprit Saint". Lorsque l'on passe l'autre cordon sous les fils sur le dos de la main, on forme la barre du haut de la Croix. On a fini, et on dit: "Amen."
Lever le noeud des doigts constitue "la naissance». Lorsque l'on tire le noeud serré, on verra ce que l'on a engendré et fait sortir de son giron. Au début, cela prend une forme protoplasmique, comme le noyau d'une cellule vivante, ou d'un atome. Sa forme circulaire, avec les boucles de tissage complexe en multiples de 4, est une forme archétypale, trouvée dans la nature dans les choses vivantes ou non vivantes. Le cercle, ou la figure géométrique à 4 côtés (ou 8 - ou 16 - ou 32 côtés, etc), ou la figure géométrique contenue dans un cercle, est un symbole trouvé dans toutes les cultures humaines, anciennes et modernes. Dans le christianisme, la figure à 4 côtés est la Croix, et les Pères depuis longtemps ont compris sa forme archétypale et sa force. Qu'elle soit géométrique ou circulaire, ou les deux, cette forme symbolise la divinité qui est en relation par les trois personnes, avec la Création. Nous pensons qu'elle a un pouvoir de guérison, et nous la peignons dans nos icônes autour du Christ quand Il manifeste Sa Divinité, et près de la colombe, et partout où la puissance ou la voix du Père se fait sentir ou entendre (seulement dans la moitié inférieure du cercle en haut de l'icône - regardez les icônes de la Transfiguration, ou de la Pentecôte, ou de la Théophanie, par exemple).
Cette figure, [...], symbolise la Divinité seulement dans ce qui a trait à Sa création, et c'est donc également une déclaration de Création. L'acte de faire le nœud du tchotki est donc un passage à l'acte de création. Il s'agit d'un acte sacramentel et d'une prière.
Lorsque le nœud a été serré et se glisse dans son emplacement définitif sur le cordon, les deux boucles restantes doivent alors être tirées. On prend les fils lâches dans le nœud avec un clou, et à chaque fois on tire la boucle à travers. Cela doit être fait trois fois avant que l'extrémité libre du cordon soit assez lâche pour fermer la boucle en tirant: chaque fois que l'on tire une boucle, on invoque à nouveau la Trinité. Lorsqu'on tire le premier volet, on dit: "Au nom du Père," au deuxième volet: "Et du Fils," au troisième volet: "Et du Saint-Esprit", et quand on tire sur la libre extrémité du cordon pour fermer la boucle, on dit: "Amen." Cette opération est répétée tout en tirant dans la seconde boucle, et le nœud est maintenant terminé. Il y a eu trois bénédictions pendant qu'on le faisait.
Faire un tchotki implique un travail manuel. Mais c'est bien plus qu'un artisanat, c'est une prière et une chose sainte.
Demander à apprendre comment faire un tchotki, ou consentir à apprendre à une personne à le faire, ne doit pas être fait à la légère. Ici encore, le discernement spirituel est nécessaire.
Pour l'esprit rationaliste séculier, tout cela semble fantaisiste et farfelu. Mais cela vient d'une civilisation chrétienne ancienne et très saine. C'est l'expression d'une mentalité religieuse qui voit toute la création et toute l'activité humaine comme sacrée, et donc chargée d'énergies divines et de significations. Nous-mêmes nous sommes ainsi chargés, et sommes constamment partie prenante d'un vaste jeu de forces et de volontés libres qui sont à l'œuvre dans l'univers, sous la direction de la Sainte Sagesse.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
A hieromonk of the Patriarchate of Constantinople
CHOTKI -- WHAT THEY ARE AND HOW WE MAKE THEM
Christ the Saviour Orthodox Church
ONTARIO CANADA
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