Le Père Séraphim de Sarov est certainement le saint le plus universellement connu bien au delà des frontières de l’église orthodoxe russe. Sa popularité tient à ce que sa personnalité lumineuse et sa spiritualité authentique s’expriment en un langage simple et accessible à nos contemporains. Ses enseignements témoignent de la Voie Royale de l’Orthodoxie universelle : tout y est mesuré et conforme à l’ascèse et l’enseignement traditionnels, avec toujours cette grande sagesse qui fait que la lettre et l’esprit ne sont jamais confondus, que la règle de conduite spirituelle reste garde-fou et non carcan rigide, de même que les dogmes sont limites nécessaires au salut de l’homme, mais non prison.
La haute exigence qu’il eut pour lui-même, l’acribie ( justesse, respect strict d’une règle) qu’il s’appliqua, ne l’empêchèrent pas de pratiquer pour les autres l’économie divine. Saint Séraphim parle directement aux cœur des fidèles. La longue ascèse qui fut la sienne, sa descente en lui-même pour y éradiquer ce qui n’était pas de Dieu, son ascension aux plus hauts sommets de la prière, lui ont permis après de longues années de silence prégnant face à l’Absolu, de connaître le fonctionnement subtil de l’être humain dans toutes ses composantes, âme, corps et esprit.
Le merveilleux témoignage de celui qui fut guéri par lui, démontre avec éloquence que l’enseignement du saint Staretz de Sarov n’était pas seulement un bel édifice théologique, mais une prière vivante. En effet le texte sur l’Acquisition du Saint Esprit restitué par Nicolas Alexandrovitch Motovilov nous montre en saint Séraphim un homme très simple, familier, accessible, aux paroles doucement persuasives, qui, avec un respect infini et une humilité insigne « dévoile » à l’un de ses frères en humanité le plus grand des mystères chrétiens, celui de la présence quasi tangible de Dieu. Et à Nicolas Alexandrovitch, émerveillé par cette révélation extraordinaire, qui s’inquiète de savoir s’il pourra se remémorer d’une manière aussi claire et vivante qu’au moment même où il l’éprouve encore, la miséricorde de Dieu ainsi manifestée par la prière du staretz, le saint répond : « Je pense que le Seigneur vous aidera à la retenir à jamais dans votre mémoire sinon Sa Bonté n’aurait jamais condescendu à répondre à mon humble prière et Il n’aurait pas ainsi anticipé la requête du pauvre Séraphim ; ceci [est] d’autant plus[vrai]qu’il n’est pas donné à vous seulement de la comprendre, mais par vous ceci est [destiné] au monde entier afin que vous ayez confirmation de l’œuvre de Dieu et que cela soit utile aux autres. » ( Entretien avec Motovilov : Chapitre 7, La Paix et la Chaleur de la Grâce –sauf indication contraire, tous les textes cités dans cet ouvrage ont été traduits par l’auteur)
Apprendre à prier avec l’aide de saint Séraphim, fait de nous soudain des émules de Nicolas Alexandrovith Motovilov. Le saint Staretz lui-même a voulu que cette merveilleuse révélation nous parvienne et nous vivifie. Cela requiert donc que l’on s’engage dans cette Voie de la prière en demandant au saint sa bienveillante intercession pour qu’il nous aide à retrouver une foi profonde et un état d’esprit favorable à cette noble entreprise. Que sa sainte prière pallie donc notre tiédeur et notre peu de foi !
Saint Séraphim avait une expérience particulière de la prière et il avait indubitablement atteint la perfection dans ce domaine spirituel. Nous ne saurions donc avoir de maître plus approprié. Il connaissait toutes les facettes de la prière, celle d’Eglise et ses offices, celle de la Règle monastique, et surtout celle de la prière hésychaste de Jésus qu’il pratiqua en nouveau stylite mille jours et mille nuits sur un rocher au Désert de Sarov. Sa prière fit, à plusieurs reprises, se rejoindre le Ciel et la terre et les hôtes célestes le gratifièrent de nombreuses apparitions. Sa familiarité avec la Mère de Dieu et les saints était telle qu’il semblait frapper à l’huis du Paradis et y être introduit dès qu’il se mettait en prière. On le vit resplendissant de Lumière. On l’aperçut, élevé au-dessus du sol comme si le Ciel plutôt que notre terre exerçait son irrésistible attraction sur lui. Il voyait le passé comme présent, vivant à cette lisière du temps mystique où le monde sensible et l’au-delà se rejoignent dans la mémoire éternelle du Créateur. Pour qui vit, comme il le faisait, dans l’Aujourd’hui de Dieu, seule mesure divine du temps dans l’éternité, ce temps n’existe plus que comme tension vers l’avant, vers cet avenir de l’âme en Dieu dans le Jour sans déclin du Royaume. Le passé n’existe plus et le futur est l’éternel présent du Créateur. La clef de ce Royaume est la prière.
Il a durant sa belle vie longuement parlé de cette conversation intime avec Dieu qu’était sa prière. Ses Instructions Spirituelles, même si elles ne recouvrent pas le seul sujet de la prière, donnent une idée relativement complète de ce que recommandait saint Séraphim à ceux, laïcs ou religieux, qui lui demandaient comment prier. Ces enseignements, écrits en 1839, six ans après son bienheureux natalice (naissance au Ciel) par le hiéromoine Serge et révisés par le Métropolite Philarète pour des raisons de correction grammaticale et de clarté, furent publiées en 1841. Même si leur agencement n’est pas le fait de l’humble Séraphim, les thèmes abordés constituent clairement avec l’Entretien, l’essentiel de l’enseignement du Staretz de Sarov, une véritable anthologie sur la prière. Cependant d’autres sources, ses Vies en particulier, et diverses paroles de Père Séraphim conservées par la Tradition, confirment les enseignements des Instructions, les complètent, et mentionnent également certaines règles de prière donnée par le saint.
Comment saint Séraphim pria-t-il dans sa préparation au Désert de Sarov, avant véritablement de se mettre à enseigner les autres? Une vie anonyme précise : « qu’adhérant strictement à la règle de prière de saint Pacôme, prescrite par les Pères du Désert, saint Séraphim se levait vers minuit pour réciter le Mésonyktikon (Office de Minuit) et l’Orthros (Matines) et pour lire Prime. Avant dix heures du matin, il commençait à lire les offices de Tierce, Sexte et None et les Psaumes Typiques. A la fin de l’après-midi, il récitait les Vêpres et après son repas du soir, l’Apodypnon (Complies). Avant de se retirer pour dormir, il lisait les prières du coucher. En plus de cela, il récitait les Psaumes, d’abord selon la règle de saint Pacôme, puis plus tard selon une séquence qu’il avait établi lui-même et qu’il appelait « la règle personnelle de Séraphim ». Il lisait aussi l’Ecriture et plus particulièrement les Evangiles. Le reste du temps, il répétait continuellement la prière hésychaste du cœur dans le silence. ( Prepadobny Seraphim Sarovsky, p. 18, cité in : Constantine Cavarnos & Mary-Barbara Zeldin, Saint Seraphim of Sarov, Institute for Byzantine & Modern Greek Studies, USA,1980)
Claude Lopez-Ginisty,
La Garde de la Jérusalem Intérieure,
La prière selon Saint Séraphim de Sarov,
Editions du Désert,
2003
(épuisé)
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