"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 15 janvier 2025

LA PREMIÈRE DU FILM "GENEVIEVE". SAINTE DE PARIS"


Ste Geneviève et St- Siméon Stylite 

Le 15 janvier 2025, la première du film documentaire "Geneviève. Une sainte de Paris", rapporte Patriarchy.ru. C'est le premier film sur les saints occidentaux vénérés qui ont un lien spécial avec la Russie.

Saint Geneviève a brillé au Ve siècle. Saint Germain d'Auxerre a immédiatement vu en elle les qualités uniques d'une ascéte. Sa vie fut pleine de miracles incroyables : ses prières ont guéri, elle a prédit l'avenir pour beaucoup. La renommée à son sujet s'est répandue loin à l'est, d'où le moine Siméon le Stylite a transmis ses salutations et ses demandes de prière - un témoignage fort de la véritable unité de l'Église de cette époque et du fait que Geneviève est une sainte orthodoxe.

Saint Geneviève est devenu témoin du baptême des Francs, missionnaire et conseillère du roi Clovis. Par ses prières, elle a protégé à plusieurs reprises Paris de la famine, des guerres et des épidémies. La chose la plus terrible est l'image de la profanation monstrueuse et de l'incendie de ses reliques pendant la Révolution française.

Une sainte européenne apparemment lointaine s'est rapprochée des émigants russes qui se sont retrouvés en France après la révolution. Elle est apparue à certains et les a assurés de son intercession, beaucoup ont trouvé un lieu de repos éternel dans le cimetière près de Paris qui lui est dédié - Saint-Geneviève-des-Bois. Grâce aux prières au moine, une église orthodoxe russe est apparue à Paris. Récemment, le nom de Geneviève est devenu un nom de saint orthodoxe.

Le film a été tourné dans des lieux liés à la vie et à la vénération de cette sainte - dans l'église des Trois Saints à Paris, dans le cimetière russe de Saint-Geneviève-des-Bois, sur le lieu de naissance de la sainte à Nanterre, et à Montmartre.

La première du film "Geneviève Sainte de Paris" aura lieu le mercredi 15 janvier à 20h30 à l'antenne et sur les plateformes de la chaîne de télévision Spas. Le film sera également projeté le 16 janvier à 11h00, le jour de commémoration de sainte Geneviève.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Pravoslavie.ru


mardi 14 janvier 2025

Père Georges Calciu: le Mal banalisé

 Père Gheorghe Calciu

Aujourd'hui, nous nous sommes habitués à tout mal.

 Nous nous sommes tellement habitués à cet état que personne n'est perturbé par une nouvelle hérésie qui se présente. 

Nous ne sommes plus troublés par l'homosexualité, ou par un "Da Vinci Code". 

Nous nous sommes habitués au mal. C'est le côté le plus sombre de nous tous. 

Nous nous sommes habitués au mal de telle manière que nous ne le remarquons plus. 

C'est notre état moral dans le monde d'aujourd'hui. Chaque hérésie qui se produit gagne principalement sa présence dans la ville, par les lois sales de la société et toutes les sociétés modernes ont de telles lois. 

Elles sont tous au service de l'Antéchrist pour détruire toute morale, pour isoler la personne, pour créer la division, pour en faire une esclave, un rouage de l'agenda du gouvernement. 

Peu importe si vous vivez dans la « plus grande » démocratie ! Tout cela nous a fait nous habituer lentement au mal. 

Aujourd'hui, personne ne proteste sur ce qui se passe près de chez nous, ou quand on se moque de Jésus, ou que notre foi a été transformée en jeu. 

Les chrétiens sont considérés comme retardés parce qu'ils croient en Jésus-Christ. On nous dit qu'il n'y a pas d'autre foi que ce qui est palpable : et [on a] « le droit » de profiter de la vie, sans retenue !

Version française Claude Lopez-GInisty
d'après

lundi 13 janvier 2025

Père Eugène Murzine: La prière n'est pas un moyen de changer la volonté de Dieu, mais de trouver la communion avec lui

 



Le but de la vie d'un chrétien n'est pas de supplier Dieu pour [obtenir] certaines choses terrestres, mais de connaître Dieu et de trouver la joie éternelle dans la communion avec Lui.

La prière n'est pas un moyen de changer la volonté de Dieu, qui, selon la parole de l'apôtre, est « bonne, acceptable et parfaite » (Rom 12 : 2).

La prière est un moyen d'entrer en communion avec le Créateur, de toucher la source de l'amour, de la vie et de l'immortalité. Par conséquent, le but de la prière n'est pas de réaliser un désir lié aux circonstances de notre vie, mais de se rapprocher de Dieu.

« La prière ne change pas Dieu, mais elle change celui qui prie », écrivit Søren Kierkegaard, précurseur de l'existentialisme européen. Son contemporain, notre théologien russe et ascète saint Ignace Briantchaninov, a interprété la même idée comme suit : « Dieu n'a pas besoin de nos prières ! Il sait, avant même notre demande, ce dont nous avons besoin ; Lui, le Très Miséricordieux, déverse d'abondantes bénédictions sur ceux qui ne le Lui demandent pas. Nous avons besoin de prière : elle assimile une personne à Dieu. Sans cela, une personne est étrangère à Dieu, et plus on s'exerce dans la prière, plus on se rapproche de Dieu. »

Le plus haut degré de prière est une prière d'action de grâce. Ce n'est pas un hasard si le sacrement central de l'Église s'appelle l'Eucharistie, c'est-à-dire l'action de grâces. C'est un sacrifice de gratitude envers Dieu en réponse à ses bonnes actions envers le monde, qu'Il a accomplies par la création, la rédemption et le salut de l'humanité. 

Dans le sacrement de l'Eucharistie, une personne ne se rapproche pas seulement de Dieu, comme l'a écrit saint Ignace, mais s'unit à Lui spirituellement et physiquement par l'acceptation du Corps et du Sang de Jésus-Christ sous la forme du pain et du vin. Et il est logique de construire notre prière quotidienne selon le modèle de la prière eucharistique, en mettant la gratitude à Dieu en premier lieu. Ce n'est pas un hasard si l'une des premières prières du matin commence par l'action de grâce : « Alors que je me relève du sommeil, je Te remercie, Sainte Trinité. »

Cependant, il nous semble parfois que nous n'avons aucune raison particulière d'être reconnaissants à Dieu. Ou, à cause de nombreux problèmes et difficultés, nous L'oublions tout simplement. En ces moments, nous n'offrons à Dieu que des demandes d'aide, de délivrance, de consolation, de guérison, etc. de nos cœurs, pleines de chagrins et d'inquiétudes. La prière de supplication occupe également une place essentielle dans le culte de l'Eglise. Il existe même une forme spéciale de cette prière appelée ecténie, lorsqu'un diacre ou un prêtre proclame certaines demandes de prière, et que la chorale répond « Seigneur, aie pitié » ou « Accorde ceci, ô Seigneur ». Pendant l'ecténie,  nous prions pour le beau temps, les récoltes, une vie calme, la santé et le bien-être des vivants, et le repos des morts.

Mais même une telle prière de supplication n'est pas une tentative de manipuler Dieu ou pour qu'il ait pitié de nous. Cela peut plutôt être comparé à une conversation confidentielle entre un fils ou une fille avec leur père, dans laquelle ils parlent à Dieu de leurs difficultés, de leurs désirs et de leurs espoirs, et en retour, ils reçoivent ce dont ils ont vraiment besoin et ce qui est vraiment utile. Ce n'est pas un hasard si saint Nicolas de Serbie, répondant à la question de savoir pourquoi nous devrions prier, si Dieu sait tout à l'avance, a écrit : « Après tout, les parents savent aussi ce dont leurs enfants ont besoin, mais ils attendent que leur enfant le leur demande.

Les parents savent que la prière adoucit et enrichit le cœur d'un enfant, le rend humble, doux, obéissant, miséricordieux et reconnaissant. Vous voyez combien d'étincelles célestes jaillissent de la prière du cœur humain ! » Comme les enfants, nous parlons à Dieu de nos désirs et de nos besoins, mais en même temps, nous ne savons pas si c'est ce dont nous avons besoin, et nous Lui demandons de nous aider à comprendre si ce que nous voulons contribue à l'objectif principal de notre vie - le salut de nos âmes et la réalisation du Royaume des Cieux. En ce sens, une prière de supplication est plutôt un moyen d'aider les gens à apprendre et à accepter la volonté de Dieu.

La volonté de Dieu reste toujours inchangée - le bien de l'homme, son salut et l'octroi de la vie éternelle. 

Regretter que nous ne pouvons pas changer Sa volonté, c'est comme se souhaiter du mal. La prière devient une source de vitalité. Elle nous assimile à Dieu, nous rend capables de reconnaître et de percevoir la Providence de Dieu. Le but de la vie d'un chrétien n'est pas de supplier Dieu pour certaines choses terrestres, mais de connaître Dieu et de trouver la joie éternelle dans la communion avec Lui.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Orthodox Network Blog

samedi 11 janvier 2025

DIMANCHE APRÈS LA NATIVITE


LE CHRIST EST NÉ !  GLORIFIEZ-LE !

 Ce dimanche a une double désignation, car il est à la fois le dimanche après la Nativité et le dimanche avant la Théophanie, que nous célébrerons dimanche prochain. Ainsi, liturgiquement, nos pensées se dirigent vers le baptême du Christ. Tout comme la sainte Mère de Dieu est le lien entre le Ciel et la Terre, saint Jean le Précurseur, et Baptiste, est le lien entre l'ancienne et la nouvelle alliance.

Chaque année, quelques voix s'élèvent pour regretter la commercialisation de Noël, mais il arrive souvent que l'on entende parler de choses auxquelles les gens s'opposent sans qu'aucune alternative ne soit proposée. Le plaisir et les biens matériels deviennent si facilement le centre de toute cette occasion. Pourtant, ces choses ne peuvent être correctement comprises et contrôlées sans la compréhension de la foi. Par conséquent, les médias continuent à contribuer à l'aggravation de la situation. La publicité pour les cadeaux de Noël, les aliments, les pantomimes et toutes sortes de divertissements commencent en novembre. Le fait que les magasins et les rues soient décorés de lumières colorées aura une influence. Tout au long du mois de décembre, les gens pensent à Noël parce qu'il y aura une fête au bureau, à la salle des fêtes, au club de golf, à la crèche de l'école, pour n'en citer que quelques-unes. 



 Le fait que les magasins et les rues soient décorés de lumières colorées aura une influence. Les gens pensent à Noël tout au long du mois de décembre parce qu'il y aura une fête au bureau, une fête à la salle des fêtes, une fête au club de golf, le spectacle de la nativité à l'école, pour ne citer que quelques exemples. Au milieu du mois, certaines personnes vous diront qu'elles ont déjà pris trois repas de Noël, voire plus. Le jour de Noël est alors considéré comme la fin des célébrations de Noël, lorsque les médias pensent immédiatement aux soldes ou à la commande de vacances d'été, et les douze jours de la saison de Noël sont complètement oubliés. C'est bien triste, mais c'est ainsi que fonctionne le monde contemporain et il est peu probable que cela change pour le mieux. Ce scénario malheureux est aggravé par les programmes réalisés par les agences de radiodiffusion sur le thème supposé de la véritable signification de Noël. Sous cette ombrelle, nous trouvons les enfants, l'hospitalité, les œuvres de charité, l'amitié, la générosité et bien d'autres causes et idées louables. Toutes ces choses devraient être des facteurs dans nos vies de toute façon, et pas seulement à cause d'une date particulière. La véritable signification de Noël est l'Incarnation : Dieu prend chair humaine pour marcher parmi Sa création, pour nous sauver de nos péchés. Cette réalité stupéfiante est magnifiquement exprimée dans l'impressionnant kondakion de saint Romanos le Mélode :

Kondakion de Noël - Ton 3

La Vierge en ce jour met au monde l’Eternel, et la terre offre une grotte à l’Inaccessible! Les anges et les pasteurs le louent, et les mages avec l’étoile s’avancent. Car Tu es né pour nous, petit Enfant, Dieu pré éternel !

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La lecture de l'Évangile du dimanche pour aujourd'hui est Matthieu 2, 13-23 et elle poursuit le récit qui a commencé dans la lecture de l'Évangile du jour de la Nativité. C'est pourquoi elle semble commencer au milieu du récit.

Fuite en Egypte


Nous voyons maintenant la raison pour laquelle la Sainte Vierge a été fiancée. Joseph était le gardien et il comprenait son rôle. La preuve en est que l'ange n'a pas dit à Joseph de fuir avec sa « femme », mais a utilisé le terme de l'enfant et de sa mère. Tout a un sens profond. Le Seigneur s'est enfui en Égypte et a ainsi établi qu'Il était pleinement humain. S'il était resté à Bethléem et était tombé entre les mains d'Hérode, mais avait survécu, Il aurait montré qu'Il n'était pas humain. En outre, il existe deux sources d'iniquité, Babylone et l'Égypte. Par l'action des mages, Il accepte l'adoration de Babylone, puis Il sanctifie l'Égypte par Sa propre présence. Joseph reçut l'ordre de rester en Égypte jusqu'à ce qu'il reçoive de Dieu l'ordre de revenir, ce qui nous donne une leçon à apprendre, à savoir que nous devons attendre la volonté de Dieu. 

 De plus, nous voyons l'arrogance insensée d'Hérode qui pensait pouvoir contrecarrer la volonté de Dieu. Comment fit-il ? Dans sa rage et sa haine démoniaque, il ordonna le massacre d'enfants innocents. 

Le massacre des innocents


Il existe un parallèle entre la rage meurtrière d'Hérode et celle de Pharaon, qui a également massacré les enfants des Hébreux. Pharaon a été trompé par Moïse, et Hérode a été trompé par les mages. Les innocents furent-ils lésés par Hérode ? Rien ne justifiait sa réaction disproportionnée, mais Dieu a récompensé ces jeunes âmes par des couronnes de gloire. Toutes ces choses furent accomplies conformément aux prophéties. Jérémie s'est référé à Rama et a mentionné Rachel pleurant ses enfants. Rama est un lieu élevé et c'était l'héritage de la tribu de Benjamin, qui était le fils de Rachel, et elle fut enterrée à Bethléem. Jérémie identifie donc Rachel à Bethléem, où l'on pleurait beaucoup les enfants assassinés. 



 


Hérode (voir note) est mort dans une grande agonie. Théophylacte donne une liste des horreurs médicales. L'ange apparut à nouveau à Joseph, lui ordonnant de revenir car Hérode était mort. Obéissant à cet ordre, il découvrit qu'Archélaüs, de même nature qu'Hérode, avait succédé à son père comme roi. Joseph craint les conséquences et est averti qu'il doit se rendre dans la région de Galilée, dont la population est majoritairement païenne. Néanmoins, une prophétie dit qu'il sera appelé Nazaréen. Bien que saint Matthieu ait rapporté cette information, nous ne connaissons pas l'identité du prophète dont les paroles ont été retenues comme significatives. C'est ainsi que Joseph s'est installé à Nazareth. 

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NOTE:

Il semble nécessaire d'ajouter quelques détails biographiques sur Hérode dont le nom, comme celui de Judas et d'autres, est devenu synonyme d'iniquité. Les éléments suivants sont tirés de l'Encyclopaedia Brittannica

Son père était Antipater, un Edomite de sang arabe, dont les ancêtres avaient embrassé le judaïsme. D'un point de vue mondain, le père et le fils considéraient qu'il était avantageux d'être dans le camp des vainqueurs et étaient donc pro-romains plutôt qu'anti-romains. C'est ce qui permit à Hérode de devenir roi, car il bénéficiait de l'appui de Rome et avait d'ailleurs hérité de la citoyenneté romaine de son père. L'histoire l'appelle Hérode le Grand. Cela peut s'expliquer par le fait qu'il était un bâtisseur enthousiaste. Il a reconstruit le temple de Jérusalem, mais il est probable qu'il l'a fait pour des raisons d'autosatisfaction plutôt que par ferveur religieuse. Il a également construit des forteresses et un port, et a financé des projets de construction à Damas, Antioche et dans d'autres villes. Ses deux épouses les plus connues sont Doris et Mariamne (qu'il a ensuite fait tuer, ainsi que ses deux fils, sa mère, son frère et son grand-père).  Il eut huit autres femmes, dont une Samaritaine, et eut quatorze enfants. Sa santé mentale et physique se détériora gravement. Il déshérita et tua son fils aîné, nommé Antipater comme son père. Hérode se querella avec les tribus voisines, perdit le soutien de l'empereur Auguste et, dans une souffrance extrême, perdit le sens des réalités. C'est vers la fin de sa vie que, fou de haine et de rage, il ordonna le massacre des innocents. Hérode mourut à Jéricho. Son fils Archélaos lui succède comme ethnarque, mais le royaume fut divisé en trois, Philippe et Antipas devenant tétrarques. Il convient de noter qu'Archélaos est le fils de la femme samaritaine d'Hérode, Malthace. Il avait été éduqué à Rome et ne devait sa position qu'à l'appui romain. En outre, il était connu pour être dissipé et cruel. Il n'était aimé ni de l'establishment juif ni du peuple, et il n'est donc pas difficile de comprendre les craintes fondées de Joseph.  

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
in Mettingham. 
ENGLAND 


Philip Chrysopoulos: Sainte-Sophie : le centre de la foi orthodoxe grecque à travers les siècles

Sainte-Sophie, la basilique byzantine: source/reporter grec

Sainte-Sophie à Istanbul (Constantinople) reste le centre symbolique de la foi orthodoxe grecque même près de six siècles après sa chute aux mains des Ottomans et sa conversion en mosquée.

De 537 à 1453, la « Grande Église », comme l'appelaient les Byzantins, était le cœur oriental du christianisme.

L'immense temple contenait un total de vingt-trois mille fidèles, et 525 prêtres, diacres et chanteurs servirent ses liturgies.

Cependant, l'importance de Hagia Sophia ("Sainte Sagesse" ) n'était certainement pas seulement à cause de sa taille imposante.

Sainte-Sophie dans l'histoire

Construit sur une zone stratégique de terre dans la « Nouvelle Jérusalem », comme Constantinople s'appelait au moment de sa construction, c'était un symbole de la grandeur de l'Empire byzantin et de la domination de la foi chrétienne après des décennies de persécution par les Romains.

Elle a servi de centre absolu de la vie religieuse, politique et artistique pour tout le monde byzantin.

Le rôle de Hagia Sophia dans la politique et la religion reste controversé même aujourd'hui, près de six cents ans depuis que le symbole ultime de l'Empire byzantin a été repris par les Ottomans et un siècle après l'effondrement de l'Empire ottoman.

La basilique dans sa forme la plus récente a été achevée en 537 après J.-C., mais l'église d'origine sur le site de Sainte-Sophie aurait été construite à l'époque de Constantin Ier en 325 après J.-C. sur les fondations d'un temple païen.

Son fils, Constantius II, a consacré la grande basilique en 360. Elle a été endommagée en 404 par un incendie lors d'une émeute suite au deuxième bannissement de saint Jean Chrysostome, alors patriarche de Constantinople.

Elle a été reconstruite et agrandie par l'empereur romain Constance Ier. Le bâtiment restauré a été redédié en 415 par Théodose II, mais il a été brûlé à nouveau lors de l'insurrection de Nika en 532.

L'incendie de la basilique a déclenché la vision de Justinien Ier de construire une magnifique cathédrale pour remercier Dieu d'avoir sauvé son trône pendant l'insurrection de Nika et pour honorer la chrétienté. En même temps, l'énorme bâtiment présenterait au monde une exposition indéniable du pouvoir et de la richesse de Justinien.

Ce fut le 23 février lorsque l'empereur donna l'ordre de construire Sainte-Sophie. Les architectes Anthème de Tralles et Isidore de Milet furent appelés à ériger la magnifique basilique, qui allait devenir le plus grand symbole du christianisme dans le monde.

L'empereur Constantin Ier, présentant un modèle de la basilique de Constantinople Sainte-Sophie à la Mère de Dieu. 

La conception du site époustouflant

Sainte-Sophie combine une basilique longitudinale et un bâtiment centralisé d'une manière tout à fait originale avec un énorme dôme principal de 32 mètres soutenu sur des pentes et deux demi-dômes, un de chaque côté de l'axe longitudinal.

Dans le plan, le bâtiment est presque carré. Il y a trois allées séparées par des colonnes avec des galeries au-dessus et de grandes piliers en marbre qui s'élèvent pour soutenir le dôme. Les arches de soutien du dôme étaient couvertes de mosaïques représentant six anges ailés, appelés "hexapterygon".

Les murs au-dessus des galeries et la base du dôme sont percés par des fenêtres, qui, dans l'éblouissement de la lumière du jour, obscurcissent les supports et donnent l'impression que la canopée flotte dans les airs.

Le marbre utilisé pour le sol et le plafond fut produit en Anatolie et en Syrie, et les briques utilisées dans les murs venaient d'Afrique du Nord. L'intérieur de Sainte-Sophie est bordé d'énormes dalles de marbre qui auraient été conçues pour imiter l'eau en mouvement.

Les 104 colonnes de Sainte-Sophie ont été importées du temple d'Artémis à Éphèse ainsi que d'Égypte. Le bâtiment mesure quelque 93 mètres de longueur et 81 mètres de largeur et, à son point le plus élevé, le toit en dome s'envole d'environ 61 mètres dans l'air.

Les architectes de Sainte-Sophie, en créant un espace unique au monde dans son impression générale et son incroyable souci du détail, ont créé un bâtiment qui a une qualité éthérée et d'un autre monde indéniable.

La basilique a son propre sens spirituel unique et étrange qui est ressenti par tous ceux qui y entrent et qui ne peuvent être expliqués par aucune règle d'architecture ou d'ingénierie.

Ce chef-d'œuvre architectural n'a pris que six ans à construire, un temps remarquablement court pour une œuvre d'une telle ampleur. La liturgie d'inauguration a été menée par le patriarche Minas le 27 décembre 537. L'empereur a été étonné lorsqu'il est entré dans le temple. Il s'est levé à la chaire, a levé ses mains vers le ciel et s'est exclamé : « Merci, Dieu, pour avoir fait ce travail avec moi. Je t'ai battu, Salomon. »

Les grands tremblements de terre de 553 et 557 ont malheureusement affecté la stabilité du grand dôme de Sainte-Sophie. Le 7 mai 558, pendant les travaux de restauration, le mur avant est du dôme s'est effondré et a écrasé l'autel et la chaire.

Justinien a donné l'ordre de reconstruire le temple, et la restauration a pris presque six ans. Depuis que l'autel a été détruit, le temple a dû être nouveau consacré.

La deuxième cérémonie d'inauguration a été faite avec la même majesté que la première le 24 décembre 563 par le patriarche œcuménique de Constantinople de l'époque, Eutychius.

Détails intérieurs de la Sainte-Sophie. Crédit : Mark Ahsmann 

Sainte-Sophie est devenue le centre du monde orthodoxe grec

Sainte-Sophie est devenue le siège du patriarche orthodoxe de Constantinople et un cadre principal pour les cérémonies impériales byzantines, telles que les couronnements. Cependant, comme d'autres églises de la chrétienté, la basilique offrait également un sanctuaire contre la persécution aux hors-la-loi.

En 726, l'empereur Léon l'Isaurien interdit la vénération des icônes, ordonnant à l'armée de détruire toutes les icônes religieuses et d'inaugurer la période connue sous le nom d'iconoclasme byzantin. Toutes les images et statues religieuses furent ensuite retirées de Sainte-Sophie.

Au fil des ans, l'immense église subit des dommages causés par les incendies et les tremblements de terre, mais elle fut toujours restaurée. Pendant la quatrième croisade, Sainte-Sophie fut ravagée et profanée par des chevaliers croisés d'Occident.

Pendant l'occupation latine de Constantinople, qui dura de 1204 à 1261, l'église devint une cathédrale catholique romaine. Enrico Dandolo, le Doge de Venise qui commanda le saccage et l'invasion de la ville par les croisés en 1204, est enterré à l'intérieur de l'église, très probablement dans la galerie supérieure de l'Est.

Après la reprise de la ville par les Byzantins en 1261, le temple fut restauré, car il avait failli être détruit au cours des années précédentes. Les empereurs byzantins qui suivirent tentèrent de ramener l'église emblématique à son ancienne gloire, mais ils eurent peu de succès.

Le 29 mai 1453, après plus de neuf siècles de service comme centre de la chrétienté, la gloire de Sainte-Sophie prit fin avec l'Empire byzantin. Malgré les efforts courageux du dernier empereur byzantin, Constantin XI Paléologue, qui se battit avec courage pour défendre Constantinople, la ville tomba entre les mains des Ottomans dirigés par le sultan Mehmed II.

Malgré le fait que Sainte-Sophie était en ruine, la basilique chrétienne a fit quand même une forte impression sur les nouveaux dirigeants ottomans, et ils décidèrent de la convertir en mosquée. Quatre minarets furent ajoutés aux coins extérieurs du bâtiment.

De nombreux changements se produisirent également  à l'intérieur du bâtiment. Toutes les mosaïques et icônes saintes survivantes furent recouvertes de plâtre ou de peinture jaune, à l'exception de la Theotokos (la Vierge Marie, représentée avec Jésus).

Le style architectural unique de Sainte-Sophie, et du dôme en particulier, allait influencer l'architecture ottomane, notamment dans le développement de la Mosquée Bleue, construite à Istanbul au cours du XVIIe siècle.

Encore une fois une mosquée

Sainte-Sophie s'est transformée en mosquée. 
En 1934, le président turc Kemal Ataturk transforma le bâtiment emblématique en musée. Ces dernières années, certains travaux de restauration furent effectués sur Sainte-Sophie, et plusieurs des mosaïques furent découvertes.

Malgré les ravages du temps, Sainte-Sophie reste universellement reconnue comme l'un des plus beaux bâtiments du monde. Il a été déclaré site du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1985.

Début juillet 2020, le Conseil d'État turc a annulé la décision du Cabinet de 1934 d'établir le musée, révoquant le statut du monument, et un décret ultérieur du président turc Recep Tayyip Erdogan a ordonné le reclassement de Sainte-Sophie en mosquée.

Le décret de 1934 a été jugé illégal en vertu de la loi ottomane et turque, car le waqf de Sainte-Sophie, doté du sultan Mehmed, avait désigné le site comme mosquée ; les partisans de la décision ont fait valoir que Sainte-Sophie était la propriété personnelle du sultan.

Cette désignation est controversée, invoquant la condamnation de l'opposition turque, de l'UNESCO, du Conseil Mondial des Églises et de nombreux dirigeants internationaux.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Greek Reporter


vendredi 10 janvier 2025

Métropolite Philarète [Voznesensky], le nouveau confesseur: Lignes directrices pour tous les chrétiens orthodoxes



1. N'oubliez pas que vous êtes fils (fille) de l'Église orthodoxe. Ce ne sont pas des mots vides. Rappelez-vous l'engagement que cela implique.

2. La vie terrestre est éphémère ; on n'est guère conscient de la rapidité de son passage. Néanmoins, cette vie transitoire détermine le destin éternel de votre âme. N'oubliez pas cela un instant.

3. Essayez de vivre pieusement. Priez Dieu à l'église, priez Dieu à la maison - avec ferveur, avec foi, en vous confiant à la volonté de Dieu. Accomplissez les préceptes saints et salvateurs de l'Église, ses règles et ses commandements. En dehors de l'Église, en dehors de l'obéissance à elle, il n'y a pas de salut.

4. Le don des mots est l'un des plus grands dons de Dieu. Il ennoblit l'homme, l'élevant au-dessus de toutes les autres créatures. Mais comment ce cadeau est maintenant mal utilisé par une humanité corrompue ! Protégez ce don et apprenez à l'utiliser comme il convient à un chrétien. ne jugez pas, ne parlez pas paresseusement. Évitez, comme le feu, le langage grossier et la conversation séduisante ; n'oubliez pas les paroles de notre Seigneur et Sauveur : Par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné. (Mt 12:37) Ne vous laissez pas aller à mentir. La Sainte Écriture avertit sévèrement : Le Seigneur détruira tous ceux qui disent un mensonge. (Ps 5:4)

5. Aimez votre prochain comme vous-même, selon le commandement du Seigneur. Sans amour, il n'y a pas de christianisme. Rappelez-vous, l'amour chrétien est AUTO-SACRIFIANT et non égocentrique. Et ne manquez pas une occasion de montrer de l'amour et de la miséricorde.

6. Soyez doux, pur et modeste dans vos pensées, vos paroles et vos actes. n'imitez pas les prodigues. ne prenez pas exemple sur eux et évitez de les connaître de près. N'ayez pas de relations inutiles avec les incroyants - l'incrédulité est contagieuse. Observez la douceur et les convenances toujours et partout ; évitez d'être contaminé par les habitudes éhontées du monde d'aujourd'hui.

7. Craignez la vanité et l'orgueil ; fuyez-les. L'orgueil a fait que l'ange le plus élevé et le plus puissant soit exclu du Ciel. Souvenez-vous, "tu es poussière et tu retourneras à la poussière..." Abaissez-vous profondément.

8. La tâche fondamentale dans la vie est de sauver son âme pour l'éternité. Gardez cela comme la tâche la plus essentielle, la principale préoccupation de votre vie. Malheur à ceux dont l'indifférence et la négligence amènent leurs âmes à la ruine éternelle.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
citant
 Orthodox Heritage, 
Vol 7, number 09-10, p 32

jeudi 9 janvier 2025

« Notre ami Lazare s'est endormi, mais je vais aller le réveiller » (Jean 11, 11)


Rappelez-vous la scène touchante à Bethanie après la mort de Lazare. La même chose se produit après la mort de chacun. 

Lazare est la personne bien-aimée que le Seigneur nous a enlevée. Et nous sommes Marthe et Marie, pleurant le défunt. Et Jésus est le même - hier, aujourd'hui et à jamais. Oui, Il est également prêt à venir vers nous dans notre moment de chagrin, comme il est venu à Bethanie vers la famille en deuil. C'est Lui, Dieu Tout-Puissant Lui-Même, qui est devenu un frère aimant, un ami proche, dont ils ont dit : « Jésus a pleuré ».

Et nous sentons aussi que Jésus nous comprend, qu'Il souffre avec nous, que notre chagrin ne Lui est pas étranger, qu'Il nous parle dans ce chagrin comme celui qui a pleuré avec les sœurs de Lazare et la mère sur le cercueil de son fils ; comme celui qui a vécu chaque épreuve et chaque peine, qui aimait Ses amis et, mourant, a pris soin pour Sa Mère. Il nous parle comme le Fils de l'homme, comme « un homme de souffrance et familier de la douleur » (Is. 53: 3). 

Il prononce les mots que personne d'autre ne peut prononcer et qui se déversent comme un baume sur les blessures de notre cœur. Et il nous dit, comme à Marthe : « Je suis la résurrection et la vie ; quiconque croit en moi, même s'il meurt, vivra » (Jn. 11:25). Celui que vous pleurez se lèvera.

En écoutant cette voix divine, notre peine s'atténue, un rayon de lumière céleste illumine la tombe fraîche et notre avenir sombre, et nous réalisons qu'en nous unissant au Christ, nous ne pouvons pas dire que notre vie sans joie.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Russian Orthodox Cathedral 

of Saint John the Baptist

mercredi 8 janvier 2025

Sur Orthodoxie.com_ « Pour devenir maître de ses pensées », une interview de Jean-Claude Larchet

Jean-Claude LARCHET

Version originale française de l’interview de Jean-Claude Larchet parue en roumain dans la revue du monastère de Putna Cuvinte către tineri [Paroles adressées aux jeunes], n°17, 2024, pp. 62-67

1. Comment garder notre esprit intact afin que nous puissions prier tout en étant exposés à un afflux d’informations sans précédent ?

Nous ne sommes pas exposés à un afflux d’informations dans précédent : c’est nous-mêmes qui nous y exposons ; c’est notre volonté et notre responsabilité qui sont en jeu. Personne n’est obligé d’être sur les réseaux sociaux. Personnellement, je ne suis inscrit sur aucun. Des personnes qui aiment mes livres avaient créé une page Facebook à mon nom. Je leur ai demandé de l’enlever. On n’est pas non plus obligé de recevoir des messages et d’en envoyer sur son smartphone. Personnellement j’ai un smartphone qui est réglé pour ne recevoir que les appels d’un très petit nombre de personnes – la majorité étant des membres de ma famille – qui peuvent me contacter ou que je peux contacter en cas de nécessité ; les appels d’autres personnes sont bloqués et mon téléphone ne sonne pas ; quand je sors, je l’oublie d’ailleurs très souvent à la maison. En ce qui concerne les emails, on peut aussi faire une sélection, d’abord en ne donnant pas son adresse à tout le monde, ensuite en ne répondant pas à tous les emails. L’Internet est bien utile pour faire des recherches, mais il faut en limiter l’usage, en ne se laissant pas, par exemple, entraîner à suivre les liens proposés. On n’est pas non plus obligé de regarder la télévision, et si on la regarde, on doit veiller à en limiter l’usage aux émissions informatives et formatrices, que l’on trouve notamment sur les chaînes culturelles. Par rapport à toutes les sollicitations extérieures, venant en particulier des médias numériques, il faut faire une sélection a priori ; cela s’apprend ; et il faut que les enfants, dès l’école primaire, fassent cet apprentissage sous la conduite d’enseignants qui sont eux-mêmes capables de maîtriser les médias. Il faut évidemment que les parents eux aussi montrent l’exemple, car comment des parents qui sont constamment sur leur smartphone pourraient exiger de leurs enfants qu’ils ne fassent pas la même chose ?

Je dois ajouter que le flux de pensées que l’homme doit gérer est d’abord un flux interne. Nous ne cessons de penser, de nous souvenir, d’imaginer ; il est même impossible de ne pas penser (saint Grégoire de Nysse l’avait déjà fait remarquer). La Philocalie est un recueil de textes des Saints Pères, dont l’un des principaux buts est d’apprendre à gérer ce flux interne au moyen d’une attitude fondamentale pour la vie spirituelle – plus précisément d’abord pour éviter les mauvaises pensées, ensuite pour faire place à la prière – qui est ce que les Pères grecs appellent la nepsis, qui signifie à la fois vigilance et sobriété, et que l’on traduit souvent en français, pour intégrer ces deux aspects, par « vigilance sobre » ou par « sobriété vigilante ». Cette attitude est si importante que le titre complet de la Philocalie est Philocalie des Pères neptiques, c’est-à-dire Philocalie des Pères vigilants. Cette attitude s’acquiert progressivement par des exercices continuels, par un travail intérieur qui permet, au bout d’un certain temps, de ne plus être soumis au flux intérieur de ses pensées (de ne plus en être l’esclave), mais de devenir maître de ses pensées, c’est-à-dire d’abord de les voir arriver, puis de discerner celles qui sont bonnes et celles qui ne le sont pas, puis de rejeter les pensées mauvaises (ou, quand on prie, toutes les pensées qui ne sont pas celles de la prière). Il se réalise ainsi une purification intérieure, mais aussi une amélioration de nos dispositions intérieures et de notre comportement extérieur, car nos dispositions, notre comportement et nos actes dépendent de nos pensées.

2. Quelles sont vos attentes, en tant que fidèle laïc, à l’égard des membres des communautés monastiques d’aujourd’hui ?

On devient moine pour faire son salut, le monastère constituant un endroit à l’écart du monde, qui en évite l’agitation et les soucis, et permet de se consacrer pleinement à l’ascèse et à la prière.

Il y a pour les moines – et d’abord pour l’higoumène qui dirige la communauté – un danger de faire entrer dans le monastère le monde que l’on a quitté – par exemple sous forme d’organisation de cessions ou de camps de jeunes –, ou de quitter régulièrement le monastère sous prétexte de mission (confessions, prédications, conférences, etc.).

Cela dit, les monastères ont toujours joué un rôle important dans la vie des fidèles qui souhaitent mener une vise spirituelle sérieuse et approfondie. Il y trouvent ce qu’ils ne trouvent pas dans la plupart des paroisses, en particulier l’exemple d’un mode de vie totalement consacré à Dieu, dans une vie communautaire fondée sur l’amour mutuel des frères ou des sœurs, et des conseils sur la vie ascétique (le combat contre les passions, l’acquisition des vertus, la pratique de la Prière de Jésus) que, généralement, ils ne reçoivent pas dans leur paroisse. Ils peuvent aussi se confesser auprès de pères spirituels expérimentés (dans les meilleurs des cas doués de charismes) et recevoir d’eux des conseils avisés, capables de les faire progresser, voire de changer leur vie.

Mais les fidèles qui viennent dans les monastères (et peuvent y séjourner quelques jours) doivent y venir en tant que pèlerins, dans le cadre d’une démarche personnelle, où ils se fondent discrètement dans le rythme des services liturgiques, et non dans le cadre de démarches collectives. De même, la sortie de moines (et notamment de l’higoumène) pour aller dans le monde doit être limitée au strict nécessaire et ne pas devenir une pratique habituelle, voire un système, comme on le voit dans certains monastères, qui finissent par perdre de vue la finalité de la vie monastique et même l’identité de celle-ci. C’est d’ailleurs en préservant strictement leur mode de vie retiré de monde que les monastères peuvent avoir le plus d’impact positif sur les fidèles, qui viennent justement dans les monastères pour y rencontrer un mode de vie différent de celui du monde et en rupture par rapport à celui-ci.

3. Le multiculturalisme et la mondialisation sont-ils des problèmes ou plutôt des défis fructueux ? Quelle est, selon vous, la pensée de Dieu pour les fidèles chrétiens orthodoxes dans le contexte social actuel ? 

Le multiculturalisme et la mondialisation sont deux processus différents mais qui ont le même effet négatif : une perte progressive d’identité des sociétés traditionnellement chrétiennes, le premier par une relativisation ou un mélange des cultures, le second par la suppression des frontières dans tous les domaines, notamment dans le domaine éthique, avec l’imposition, par les institutions mondiales (comme l’OMS) ou européennes, de lois légitimant et banalisant des comportements et des pratiques qui ne sont pas conformes à l’éthique chrétienne (avortement pour convenance personnelle, euthanasie, déviations sexuelles, changement de sexe, mariages homosexuels, procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels ou les femmes seules, recours à des mères de substitution, etc.). Le processus de « contamination » est souvent rapide : en Grèce, pays traditionnellement orthodoxe, on a pu observer, à partir de l’intégration du pays à la Communauté européenne, une détérioration rapide des structures familiales traditionnelles et que l’on croyait solides, et le phénomène de sécularisation qui affectait depuis longtemps les autres pays d’Europe occidentale.

En tant que chrétiens nous ne pouvons pas nous opposer aux lois de nos pays respectifs (car dans la plupart de ces pays nous sommes devenus minoritaires, sans pouvoir et sans influence), mais il est vital de préserver notre identité, c’est-à-dire nos valeurs spécifiques et notre mode de vie particulier. Il est important que, à l’occasion des différentes réformes sociétales, ces valeurs soient rappelées (par le clergé, mais aussi par les théologiens qui réfléchissent sur les questions éthiques) et que la vie communautaire se resserre pour renforcer le sentiment d’appartenance à l’Église. Celle-ci, il ne faut pas l’oublier, est la vraie société des chrétiens, qui sont eux-mêmes, selon l’expression de saint Paul, des « hommes nouveaux » dont les modèles sont le Christ et les saints qui ont acquis la ressemblance à Lui.

4. Quelle est l’importance de la relation avec une personne dans la guérison d’une dépendance ? Y a-t-il des exemples et des conseils à ce sujet dans les écrits des Saints Pères ?

Face à la dépendance d’une personne, ses parents, proches et amis sont malheureusement presque toujours impuissants. Ils peuvent cependant aider d’une manière indirecte, car la dépendance est toujours un moyen de fuir une réalité difficilement supportable, ou un moyen de trouver une satisfaction plus grande que celle qu’offre la réalité. L’attention et l’amour que l’on porte à une personne dépendante peuvent l’aider à trouver plus de satisfaction dans le monde réel qui l’entoure. Les vrais amis (ceux de la vie réelle) peuvent faire expérimenter aux amateurs des faux amis et des « like » superficiels de Facebook la richesse et la joie d’une amitié véritable.

Mais pour être libéré d’une dépendance, la personne qui peut le plus aider est le père spirituel. Je ne parle pas du prêtre de paroisse à qui l’on se confesse de temps en temps, rapidement, et sans avoir avec lui une relation approfondie, mais d’un père spirituel compatissant, aimant et priant, sur lequel on peut compter à tous les instants, et qui suit de manière permanente l’état de son enfant spirituel, en lui donnant continuellement les conseils adéquats pour se libérer de sa dépendance. Cela ne peut être le fait du seul père spirituel (bien qu’il y ait parfois des miracles de la part de pères spirituels charismatiques) mais cela suppose aussi un travail, une volonté et  effort de la part de celui qui est dépendant, autrement dit cela doit s’accomplir dans le cadre d’une collaboration étroite, avec, je le rappelle, un vrai suivi de part et d’autre.

Le père spirituel, surtout s’il est un moine engagé dans la vie ascétique traditionnelle, est un expert dans la libération par rapport à une dépendance, et même par rapport à une multitude de dépendances. Car nous sommes tous, en tant que membres d’une humanité déchue, dépendants d’une multitude de passions, qui sont fortement implantées en nous-mêmes et qu’il est difficile d’éliminer. La vie ascétique n’est rien d’autre qu’un effort permanent et méthodique de libération par rapport à ces passions. Et d’ailleurs il est fréquent que le mot « liberté » soit utilisé comme un équivalent du mot « apatheia » (impassibilité) que l’on trouve dans les textes patristiques pour désigner un état atteint par celui qui a en lui maîtrisé les passions.

Cela répond à la seconde partie de votre question : les écrits ascétiques des Saints Pères fournissent la méthode à suivre pour se libérer de cette forme fondamentale de dépendance que constituent les passions, et cette méthode est en fait utilisable pour toutes les autres formes de dépendance, y compris celles qui n’existaient pas à l’époque où les Pères ont composé leurs traités, car elle est fondée, comme je l’ai expliqué dans une réponse précédente, sur une maîtrise des pensées qui sont à la source de tous les comportements.

5. Quelle est la maladie de l’âme dont l’homme contemporain est le moins conscient, qui l’éloigne de Dieu sans même s’en rendre compte ?

Pour donner une réponse classique, qui est aussi valable pour toutes les époques, on peut dire que c’est l’orgueil, qui nous donne une impression d’autonomie et d’autosuffisance, et donc nous rend oublieux de notre dépendance à Dieu et de la relation que nous avons avec Lui par nature objectivement (en tant qu’êtres créés à Son image) et que nous devons avoir aussi subjectivement, en tant que personnes, par notre foi et toute notre vie spirituelle.

On peut dire aussi que c’est la philautia, l’amour égoïste de soi, que les Saints Pères considèrent comme la mère de toutes les passions, qui est un état fondamental de l’homme déchu, et qui est un obstacle spontané à l’amour de Dieu et à l’amour du prochain.

Mais on peut dire plus largement que l’homme déchu est a priori inconscient de toutes ses passions, qu’il considère comme des tendances naturelles, définissant, selon leur proportion et leur mélange, le caractère de chacun.

Tout cela constitue ce que j’’ai appelé, dans mon livre L’inconscient spirituel, un « inconscient déifuge », c’est-à-dire qui tend à nous éloigner de Dieu.

Mais heureusement il y a aussi en nous un inconscient que j’ai appelé « théophile » qui nous rattache à Dieu, et qui explique que tous les hommes ont en eux un besoin de transcendance, et par là un besoin de religion ou du moins de spiritualité. Malheureusement, ce besoin se satisfait souvent par de pseudo-religions et de pseudo-spiritualités. C’est pourquoi l’Église demande dans sa prière en s’unissant à celle du Christ : « … qu’ils Te connaissent Toi le seul vrai Dieu » (Jn 17, 3).

La tâche missionnaire de l’Église est de faire connaître le vrai Dieu et la vraie façon de lui rendre grâce (c’est le sens étymologique du mot ortho-doxie – croyance et célébration justes et droites). L’Église doit s’appuyer sur cette tendance vers la transcendance qui se trouve au fond de tout homme, en révélant son but véritable ; c’est ce qu’a fait saint Paul quand il s’est adressé aux Athéniens : « Hommes Athéniens, je vous trouve à tous égards extrêmement religieux. Car, en parcourant votre ville et en considérant les objets de votre dévotion, j’ai même découvert un autel avec cette inscription: “À un dieu inconnu !” Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce » (Actes 17, 22-23).

En ce qui concerne chacun de nous, la tâche est de travailler, par la vie ascétique, à réduire en nous la part de l’inconscient spirituel en prenant conscience des passions sous-jacentes à nos états, à nos dispositions, à nos pensées, et à nos actes, ce qui se fait par la pénitence intérieure et par la manifestation des pensées et la confession, et en acquérant la conscience que ce qui nous relie à Dieu (Son image qui est en nous) – c’est ce que les Pères appellent la connaissance de soi dans sa forme la plus fondamentale – et en concrétisant cette conscience par l’acquisition des vertus (par lesquelles se forme en nous la ressemblance à Dieu). C’est le rôle de la vie spirituelle en Christ, nourrie par les saints mystères de l’Église, de réaliser cela.

6. Quelle est la disposition de l’âme qui rapproche le plus facilement l’homme de Dieu ?

D’abord la pénitence, par laquelle, premièrement, nous prenons conscience de nos péchés qui nous ont séparés de Dieu, et de nos passions qui nous maintiennent éloignés de Lui, et par laquelle, deuxièmement, nous nous désolidarisons de ces péchés et de ces passions.

Ensuite la prière, qui est le mode fondamental de notre relation à Dieu. En priant constamment, nous sommes constamment proches de Dieu, et même unis intimement à Lui si notre prière est pure et s’accomplit avec une âme et un cœur purifiés.

7. Comment rechristianiser la culture d’aujourd’hui ?

Les pays occidentaux dont la culture a été pendant un, voire presque deux millénaires, fondée sur les valeurs chrétiennes, se sont déchristianisés à une vitesse vertigineuse. Selon des statistiques récentes, il y a aujourd’hui en France plus de 50% de jeunes qui ne croient pas en Dieu. En Europe occidentale, le catholicisme a connu une décroissance rapide depuis les années 60 du siècle dernier, et les communautés protestantes – luthérienne et réformée – se portent encore plus mal, étant soumises à un processus de sécularisation massive. Les réformes sociétales progressivement appliquées par tous les pays occidentaux, dont j’ai parlé précédemment, sont le signe d’une perte des repères fondamentaux de la morale d’inspiration chrétienne. La violence et les comportements sauvages se multiplient dans nos sociétés. La notion du bien et du mal se perd, y compris chez ceux qui devraient être les premiers à l’avoir et à l’exposer (en France, le Président du Comité National d’Éthique n’a pas hésité à dire : « Je ne sais pas ce que sont le bien et le mal, et vous avez de la chance si vous le savez vous-même ! »). La religion étant abandonnée, la morale n’est plus enseignée nulle part, et ne peut d’ailleurs plus avoir de fondement solide, car seul Dieu, qui est absolu, peut donner à la morale un fondement absolu. Comme le disait Dostoïevski, « si Dieu n’existe pas, tout est permis ».

Beaucoup d’adultes et la plupart des jeunes sont déboussolés dans ce monde qui a relativisé toutes les valeurs. Mais là est peut être le salut : beaucoup souffrent de cette situation qui apparaît finalement invivable. Beaucoup se réfugient dans les drogues numériques pour y échapper, mais cela ne résout rien, et au contraire, cela aggrave le problème, car les réseaux sociaux contribuent largement à la décomposition du monde.

On constate depuis quelques années, d’abord aux États-Unis puis en Europe occidentale, que de nombreuses personnes – en majorité de jeunes adultes – se tournent vers l’Église orthodoxe et s’y convertissent, parce qu’ils perçoivent que c’est elle qui  a le plus et le mieux conservé le christianisme authentique et ses valeurs, grâce à son respect de la Tradition qui la rattache de manière vivante à foi des origines – celle léguée par le Christ et par les Apôtres, celle entretenue par les Saints Pères, celle incarnée par les grands spirituels de notre époque, celle que vivent les chrétiens orthodoxes les plus engagés, laïcs et moines. C’est par l’exemple que ceux-ci donnent au monde d’une vie éclairée, droite et épanouissante, que le christianisme peut redevenir contagieux et se répandre à nouveau.

Interview réalisée par l’Archimandrite Dosoftei Dijmărescu