L'archimandrite Andreas a démissionne du saint Archevêché d'Athènes.
Photo : UOJ
Le théologien de renommée internationale a annoncé qu'il démissionnait de la prêtrise. Comment traiter cette situation et quelle est la raison possible de cette décision ?
Le 24 août, l'un des plus célèbres prédicateurs, missionnaires, théologiens et écrivains spirituels orthodoxes, l'archimandrite grec Andreas (Konanos), a annoncé sa décision de quitter la prêtrise. Le père Andreas n'a pas expliqué les motifs de son action, se contentant d'écrire un message sur Facebook pour dire que les raisons de son départ sont multiples.
"Mes chers amis, je vous souhaite tout le succès possible ! Aujourd'hui est une étape importante dans ma vie. Quelque chose de très important touche à sa fin. Et quelque chose de nouveau commence", écrit-il dans sa déclaration. "Aujourd'hui, 24.08.20, j'ai présenté au saint Archevêché d'Athènes ma démission du sacerdoce, et je suis redevenu un citoyen ordinaire de ce monde. Je suis maintenant le "simple" Andreas Konanos".
Selon le père Andreas, il démissionne du sacerdoce, mais il n'est déçu ni par la foi ni par son cheminement, et son essence ne changera jamais - seules sa "forme et son apparence seront différentes maintenant".
Le père Andreas est un homme et un prêtre trop célèbre pour que son départ passe inaperçu. Cependant, les réactions des orthodoxes à son départ du sacerdoce sont très émotionnelles et souvent diamétralement opposées. Certains condamnent sévèrement la décision du père Andreas et disent que maintenant tous ses livres devraient, sinon être brûlés, du moins ne plus jamais être ouverts. D'autres se demandent "comment continuer à vivre" même si des personnes aussi profondes et spirituelles abandonnent leur croix ? Certains, au contraire, admirent le "courage" de son acte et expriment des paroles de soutien au père Andreas. Quelqu'un appelle à la prière pour lui, et quelqu'un jubile et écrit "je le savais" et que ses livres ont toujours "eu une odeur protestante".
Il existe d'innombrables versions des raisons pour lesquelles le père Andreas a quitté le sacerdoce (et à en juger par ses paroles, il deviendra "un citoyen ordinaire de ce monde" - et du monachisme). Certains net-citoyens [néologisme formé sur net et citoyen] sont sûrs que ce n'était pas sans une femme, quelqu'un prétend qu'après vingt ans de service, l'archimandrite Andreas a soudain réalisé que la prêtrise "n'est pas sa tasse de thé" et qu'il ne peut plus être hypocrite. Il y a aussi une version de certaines raisons disciplinaires. En particulier, les paroles de l'ancien prêtre, selon lesquels il continuerait à "écrire, parler et aider de [sa] pauvre force qui que ce soit avec authenticité et honnêteté, mais avec plus d'ouverture, d'ampleur et de liberté", ont été interprétés comme une indication de la limitation de cette "ampleur et liberté" de la part de l'évêque au pouvoir à Athènes (ce qui, en fait, n'est jamais arrivé).
Alors, comment pouvons-nous, en tant que chrétiens orthodoxes, réagir à la démission de personnes comme le père Andreas ? Pouvons-nous croire ses livres et ses paroles après qu'il ait renoncé au sacerdoce ? Et enfin, quelle pourrait être la véritable raison d'un tel acte ?
"M'aimes-tu plus qu'eux ?"
Rappelons-nous que l'histoire du christianisme n'est pas tant l'histoire des justes qui n'ont jamais péché que celle des pécheurs qui sont devenus des saints. Et il y a eu beaucoup de cas de trahison par rapport au Christ et à l'Église dans cette histoire. Par exemple, avant les affres de la mort du Christ, l'apôtre Pierre a promis qu'il ne serait jamais "tenté" de s'éloigner de son Maître et a déclaré "Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai jamais." De plus, l'évangéliste Matthieu nous dit que "tous les autres disciples ont dit la même chose" (Matthieu 26, 35). C'est-à-dire qu'ils étaient convaincus qu'ils ne quitteraient jamais le Sauveur et qu'ils le suivraient jusqu'au bout ...
La dernière Cène. Athos, Monastère Vatopedi
Mais, comme nous le savons, tous les apôtres se sont détournés du Christ. Pierre l'a renié trois fois et Judas l'a trahi pour 30 pièces d'argent. Le cas de Judas est exceptionnel car il s'est suicidé et il est mort sans se repentir. Mais qu'en est-il des autres apôtres ? Avons-nous le droit de les condamner ? Pouvons-nous dire que puisqu'ils ont tous été effrayés, dispersés, et que certains ont ensuite renoncé, tous leurs actes antérieurs n'ont aucune valeur ? Certainement pas.
D'abord, parce qu'une personne est faible. Deuxièmement, parce qu'elle peut toujours changer par la repentance. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé aux disciples du Christ.
Euthymios Zigabenos, interprétant l'Évangile de Saint Matthieu, écrit qu'avec ses mots "Je ne serai jamais tenté et ne te renierai jamais", l'apôtre Pierre a montré sa foi, "en attendant, il aurait dû ajouter : si tu m'aides". C'est pourquoi, dit Zigabenos, "nous avons de solides preuves que la volonté d'une personne ne fera rien sans la permission de Dieu, et la permission de Dieu n'est pas bénéfique sans la volonté d'une personne". Pierre et Judas sont des exemples des deux. Par conséquent, nous ne devons pas être négligents, en laissant tout à Dieu, ni penser que par notre diligence nous faisons tout. Dieu Lui-même ne fait pas tout pour que nous ne restions pas dans la paresse, mais Il ne nous fournit pas tout pour que nous ne devenions pas orgueilleux".
En d'autres termes, dès qu'une personne devient orgueilleuse, elle décide qu'elle peut réaliser quelque chose avec ses propres forces - une chute lui arrive, comme à l'illustre l'apôtre Pierre. Mais cela ne signifie pas que la manifestation de la faiblesse place l'homme hors de la miséricorde de Dieu - le même Pierre s'est repenti du péché de trahison et, par une réponse affirmative à la question posée trois fois "M'aimes-tu plus que ceux-ci ?" a confirmé son amour pour Dieu.
Par conséquent, il ne devrait pas y avoir de jubilation ou de désespoir avec une condamnation sévère envers le père Andreas. Nous ne savons pas comment sa vie future va se dérouler ; nous ne savons pas non plus s'il trouvera en lui-même la force de revenir à Dieu et de servir par la repentance. Et bien que nous ne puissions pas accepter et comprendre son acte, bien que nous nous sentions indignés par celui-ci, nous devrions quand même nous rappeler que seul le Seigneur le veut et doit le juger.
Que faire des livres de l'archimandrite Andreas ?
L'archimandrite Andreas au travail
Il ne faut surtout pas les brûler. Nous ne devrions pas non plus condamner sans discernement toutes les activités du père Andreas en tant que prêtre. Livres, sermons, interviews, vidéos - tout cela, nous l'espérons, sera utile à ceux qui souhaitent se former et apprendre les bases de la foi orthodoxe pour longtemps. Oui, son changement a blessé certains et en a déçu d'autres, oui, il soulève de nombreuses questions mais ...
Selon le grand saint Jean Chrysostome, même les mauvais professeurs méritent d'être écoutés, car ils "n'offrent pas leurs propres commandements mais ceux du Dieu, que Dieu a révélé dans la loi par l'intermédiaire de Moïse".
Le Seigneur lui-même souligne que dans des cas comme celui-ci, il faut écouter les paroles des enseignants mais ne pas agir selon leurs actes : "Alors Jésus dit aux foules et à ses disciples Les maîtres de la loi et les Pharisiens sont assis sur le siège de Moïse. Vous devez donc veiller à faire tout ce qu'ils vous disent. Mais ne faites pas ce qu'ils font, car ils ne mettent pas en pratique ce qu'ils prêchent" (Mt 23,1-3). Jean Chrysostome, expliquant ce passage de l'Evangile, dit que le Christ "n'enlève pas le respect dû aux enseignants corrompus, les soumettant ainsi à la plus grande condamnation, et à ceux qui écoutent son enseignement, enlevant tout prétexte de désobéissance ; de peur que quelqu'un ne dise : Je suis devenu paresseux parce que mon professeur est mauvais, Il m'enlève la raison même". Selon le grand saint, même les mauvais enseignants méritent d'être écoutés, car ils "n'offrent pas leurs propres commandements mais ceux du Dieu, que Dieu a révélé dans la loi par l'intermédiaire de Moïse".
Il en va de même pour les livres du père Andreas - au début, il ne parlait pas de lui-même, mais de l'Évangile et des Saints Pères (plus tard, sa position a quelque peu changé), ce qui signifie que dans ses écrits, vous pouvez trouver beaucoup d'avantages pour vous-même.
L'âne et le Christ
D'autre part, le cas du père Andreas prouve clairement que les paroles du prophète David sont vraies : "tout homme est menteur", ainsi que la justice de la sagesse populaire : "pour ne pas être désillusionné, il ne faut pas se faire d'illusions".
D'un point de vue chrétien, cela signifie qu'il ne faut pas trop s'attacher à une personne ou la considérer comme une autorité infaillible en matière spirituelle. Un chrétien ne peut et ne doit chercher que le Christ et ne s'efforcer que pour Lui. À son tour, le prêtre est le guide des croyants sur le chemin du Sauveur, et non sur eux-mêmes.
Certains théologiens modernes ont dit que lors de l'entrée du Seigneur à Jérusalem, le peuple a étendu ses vêtements sous les pieds d'un âne par respect pour le Christ. Cette image a une signification symbolique, dans laquelle le "destin de l'âne" sur lequel le Christ était assis est chaque prêtre qui se transforme en un véritable âne au moment où il pense que les cris "Hosanna au plus haut des Cieux" et les vêtements sur terre sont pour lui et non pour le Christ.
Or, le père Andreas semble avoir oublié cette vérité. Un véritable culte s'est développé autour de sa personnalité, dont les adeptes ont perçu les paroles du prêtre comme les paroles d'un oracle et ont simplement cessé de penser de manière critique, fascinés par sa personnalité, et ont perdu leur désir de lutter pour le Christ. En même temps, le père Andreas lui-même consacrait trop de temps à des activités extérieures, et non à ce que le prêtre devait faire en premier lieu.
Le "destin de l'âne" sur lequel le Christ était assis est chaque prêtre qui se transforme en un véritable âne au moment où il pense que les cris "Hosanna au plus haut des Cieux" et les vêtements sur terre sont pour lui et non pour le Christ.
Que doit faire un prêtre ?
Le théologien et éditeur grec Dimitris Sotiropoulos écrit qu'au sein de l'Église, un certain groupe de prêtres est divisé en trois catégories.
Les premiers sont des starlettes qui rivalisent pour gagner des adeptes et atteindre la gloire des "grands noms". "Ce sont les archimandrites, les prêtres et les métropolites qui font preuve d'une activité remarquable sur les réseaux sociaux, font des discours bruyants, parfois en criant, parfois en enregistrant constamment des vidéos et en publiant des communiqués de presse sur leurs activités".
Le second est celui des "stars", c'est-à-dire de ceux qui sont réputés dans le "style de vie ecclésiastique" mais qui s'efforcent de monter encore plus haut. Cette catégorie, selon Sotiropoulos, comprend ceux qui souffrent de "convoitise prophétique, de théories du complot" et ceux qui racontent des "foutaises débridées". En même temps, les "stars" aiment afficher beaucoup de photos de leurs offices, même si leurs églises sont à moitié vides, il suffit "que les poses en ressortent bonnes".
Et, en fait, la troisième catégorie est celle des "superstars", à laquelle appartient le père Andreas (Konanos). Ce sont des gens qui rassemblent un public particulier, qui sont engagés dans l'édition et qui ont des centaines de milliers d'adeptes sur les médias sociaux. "Des prêtres qui s'attaquent à tout ce qui est scientifique, des archimandrins qui reçoivent des hommes et des femmes des commentaires suspicieux et flatteurs sur leur beauté, des moines du Mont Athos qui sont les invités vedettes de restaurants gastronomiques, d'autres personnes du Mont Athos qui ne se réunissent pas dans leurs monastères, des discours et des relations publiques, des métropolites qui apparaissent constamment sur les canaux, avides d'un trône d'archevêque".
À cet égard, Sotiropoulos a exhorté les prêtres à quitter les médias sociaux et à se concentrer sur la prière et le culte.
Bien sûr, on ne peut pas être d'accord avec toutes ses remarques, car l'activité missionnaire est tout simplement nécessaire, surtout à notre époque et dans notre pays. Tout comme la présence des ecclésiastiques sur les réseaux sociaux est nécessaire. Car s'ils n'y sont pas, nous allons tout simplement perdre la jeunesse et donner le champ d'information aux sectaires et aux athées.
Mais il a entièrement raison sur un point : cette activité ne doit pas annuler l'essentiel de la vie d'un prêtre : la prière et la piété personnelle. Les problèmes dans la vie spirituelle commencent par l'abandon de la règle de la prière. La négligence de ses responsabilités directes, la célébration indigne de la Liturgie, la préparation inadéquate de celle-ci - tout cela conduit non seulement à l'"épuisement" mais aussi à la perte de la grâce, qui se traduit finalement soit par le cynisme et l'indifférence, se transformant en divers péchés (ivresse, fornication, désir d'enrichissement matériel), soit par la démission du sacerdoce.
Les activités sociales d'un ecclésiastique ne doivent pas annuler l'essentiel de la vie d'un prêtre : la prière et la piété personnelle.
Par conséquent, quelle que soit l'activité extérieure d'un prêtre missionnaire, sans travail intérieur, sans repentir, sans purification des péchés et sans prière, cette activité sera au mieux nulle, et au pire, il sera possible de lui appliquer les paroles du Christ : "Si quelqu'un fait trébucher un de ces petits - ceux qui croient en moi -, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui accroche au cou une grosse meule de moulin et qu'il se noie dans les profondeurs de la mer" (Matthieu 18, 6). C'est ce dont tous les prêtres doivent se souvenir.
Sur le "christianisme joyeux" et la soutane sacerdotale
Pour être juste, il faut dire que ces derniers temps, il y a eu des détails troublants dans le comportement du père Andreas. Il a presque complètement coupé sa barbe, autrefois luxuriante, et a évité d'apparaître sous la scoufia de moine et, plus tard, dans les vêtements monastiques.
De plus, le Père Andreas a montré un certain parti pris pour la soi-disant "joyeuse chrétienté". Un de ses livres, publié en Russie en 2018, est intitulé "Bonjour, Seigneur ! Livre sur la foi joyeuse". Dans l'introduction, il est dit qu'il s'agit d'un livre "sur la libération des sentiments de culpabilité".
Il est incontestable que le christianisme est une affaire de joie. Mais en même temps, il est impossible d'être chrétien sans larmes de repentir. Le Christ commence Son sermon non pas par des paroles de joie, mais par des paroles de repentance. De plus, pour un chrétien, la vraie joie est toujours le résultat de la repentance.
Que s'est-il passé ?
Le père Andreas n'a pas parlé des raisons qui l'ont poussé à prendre une telle décision. Mais, je pense que l'on peut encore tirer certaines conclusions.
Le fait est que dans les derniers livres et discours de l'archimandrite Andreas, il y avait trop peu des saints Pères et d'Évangile, et trop de laïcs et, pour ainsi dire, de psychanalystes. Il nous semble qu'il a commencé à chercher des réponses aux questions d'actualité de la vie quotidienne non pas dans les œuvres des Pères de l'Église ou dans les Saintes Écritures, mais dans les ouvrages de Brian Tracy [1], Anthony Robbins [2], Deepak Chopra [3] et d'autres "motivateurs" modernes et figures de la culture du self-made. Ainsi, à un moment donné, ils sont devenus plus importants pour lui que l'apôtre Matthieu, Abba Dorothée et saint Jean Climaque. Finalement, selon le journaliste Mikhail Tiurenkov, le père Andreas (Konanos) "a rejoint les rangs des psycho-entraîneurs branchés, vifs et délibérément jeunes, dont le nombre, hélas, augmente également aux dépens des moines russes".
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Bien souvent, on peut entendre les paroles de certains prêtres et moines qui disent que l'Évangile est dépassé et ne répond pas aux questions modernes. De plus, ils pensent que la Parole de Dieu contredit directement nos vues et qu'elle devrait faire l'objet d'une révision et d'une adaptation importantes. Et il ne s'agit pas seulement de la position de la Bible par rapport à la fornication ou à l'homosexualité, mais de bien d'autres choses que l'homme moderne ne veut pas ou ne peut pas accepter.
Parmi ces choses, il y a le repentir même, que la littérature psychanalytique moderne appelle pour une raison quelconque "culpabilité", dont il faut certainement se débarrasser, et l'attitude intransigeante de l'Église à l'égard du jeûne, ainsi que le rejet des moyens numériques modernes de contrôle sur une personne. L’Eglise devient de plus en plus incommode, et si c'est le cas, alors inutile. Le cas de l'archimandrite Andreas ne fait que confirmer le fait que vous et moi vivons à une époque d'apostasie universelle, c'est-à-dire de désaffiliation ou de renoncement. C'est pourquoi nous devrions, plus que jamais, nous souvenir des paroles d'Euthymios Zigabenos [4] : "Obéissons aussi toujours à Dieu et ne résistons pas, même s'il semble que Ses paroles ne concordent pas avec nos pensées et nos opinions. Sa parole doit être plus importante que nos notions et nos points de vue".
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
NOTES:
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Brian_Tracy
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthony_Robbins
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Deepak_Chopra
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Euthyme_Zigab%C3%A8ne
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