Il y a un manque tragique de sources primaires concernant
notre saint Père Botolph d’Iken, et la plupart des récits hagiographiques qui
existent ont été écrits plusieurs siècles plus tard, et sont souvent truffés
d'erreurs et d’anachronismes. La tragédie est d'autant plus aigue lorsque l'on
considère qu'il y a au moins 78 églises historiques ou actuelles qui lui sont
dédiées en Grande-Bretagne ; en outre, il convient de noter que c’est plus
que pour tout autre saint britannique d’avant la Conquête, et que sa vénération
s’est étendue non seulement à travers Angleterre, mais en Scandinavie ainsi. Dans ce qui suit, nous avons
essayé de discerner les grandes lignes de la vie de saint Botolph d’après les
rares aperçus fragmentaires de lui que nous avons dans deux sources
anglo-saxonnes, ainsi que dans les récits hagiographiques plus tardifs. […]Nous
espérons cependant que cette simple ligne chronologique donnera un aperçu de
cet extraordinaire saint du Suffolk et le situera un peu dans le milieu
spirituel du 7ème siècle. (Veuillez noter
que les dates sont approximatives et à titre indicatif.)
615 - Saint Botolph naît de parents
anglo-saxons probablement nobles.
Vers 620 – Jeune garçon, il entre dans un
monastère d’Angleterre pour commencer sa formation spirituelle.
630 - 647 - Comme adolescent ou jeune adulte,
saint Botolph se rend en Gaule pour compléter sa formation monastique. Dans la
période troublée du début du 7ème siècle, cela a pu être autant pour le
protéger que pour l’instruire dans
la piété ou pour l’éduquer. Nous savons que de nombreux jeunes membres de la
noblesse anglo-saxonne – à la fois de jeunes hommes et de jeunes femmes - étaient
envoyés dans les monastères et les couvents de Gaule pour échapper à la menace
dangereuse des païens Merciens déchaînés. D'après les sources, il semble qu'il
passe une période de temps significative au grand monastère double de Saint Fare
(appelé Eboriacum) dans la Brie, mais plus tard rebaptisé Faremoutiers en son
honneur. Là, il rencontre les saintes filles du roi Onna d'Anglie orientale, Sétride
et Ethelburge, et se lie d'amitié spirituelle avec toutes deux. Ensemble, elles
le persuadent de retourner au royaume de leur père pour fonder un monastère et lui
écrivent des lettres de recommandation.
En dépit de sa réputation de pionnier de la
Règle de saint Benoît, en Angleterre, nous savons cependant que sa formation à
Faremoutiers-en-Brie aurait été fortement influencée par la règle celtique du
célèbre missionnaire irlandais saint Colomban, que nous savons avoir été
observée, en conjonction avec la Règle de saint Benoît, ainsi que d'autres
règles monastiques franques de l'époque. Cela aurait impliqué que la formation
monastique de saint Botolph était de caractère très ascétique, combinant de longs
services monastiques, avec distinctement un chant prolongé du Psautier, et un accent
rigoureux mis sur la discipline spirituelle et l'obéissance ainsi que sur l'importance
de l'étude intellectuelle des Écritures et les Ecrits des Pères.
647-651 - Botolph retourne en Angleterre et se
rend à Rendlesham dans le Suffolk, ancienne capitale de la Cour de Wuffings en
Anglie orientale, emportant avec lui les recommandations de filles d’Onna.
Après quelques négociations, le roi Onna lui attribue des terres à Icanho
(Iken), un éperon marécageux, "entouré de tous côtés par les
branches" de la rivière Alde qui en aurait fait quelque chose comme
une île sainte d’Anglie orientale.
Stratégiquement, le monastère fut idéalement placé, en étant proche de la cour
royale de Rendlesham, et à quelques kilomètres au sud du siège de l'évêque
diocésain que Saint Félix avait établi à Dommoc (Dunwich).
651-653 - Le raid du belligérant païen Penda,
roi des Merciens, oblige Onna à s'exiler et conduit au saccage et à la destruction
de nombreux monastères et églises d’Anglie orientale, y compris le monastère de
Saint Fursey à Cnobheresburg (Burgh Casaintle). Il est probable que saint
Botolph voyage beaucoup au cours de ces années sur le fleuve et sur terre, faisant
la prédication de l'Evangile et l'établissement des églises. La mention dans le
bréviaire de Schelswig déclare qu'il fonda une église le long des berges de la
Tamise, dédiée à saint Martin de Tours, ce qui indique à nouveau son fond et
son inspiration missionnaire gaulois. Arnold-Foster suggère que cette église
aurait pu être à Bladon près de Woodstock sur la rive de la Tamise.
653 - S'il n'a pas déjà rencontré saint Cedd,
comme cela semble tout à fait probable compte tenu des forts liens de saint
Botolph avec l’Essex et la Mercie orientale, où saint Cedd fut également très
actif, il le rencontre certainement au baptême du roi Sieghburt d'Essex qui a
eu lieu à l'église de Saint-Grégoire à Rendlesham. Il est possible que saint
Botolph accompagna saint Cedd dans son activité missionnaire dans l'Essex, au
moment de tous les bouleversements dans le Suffolk. Alors que Bède le
Vénérable, significativement, ne mentionne pas le nom de saint Botolph,
certains chercheurs ont émis l'hypothèse qu'il est le "prêtre"
anonyme visé par l'Histoire ecclésiastique de Bède, comme le saint accompagnant
Cedd à cette époque?
654 - L'entrée de la Chronique anglo-saxonne
déclare laconiquement: "En cette année Onna a été tué et Botwulf commencé
à boiser sa cathédrale à
Icanho". Le terme "boiser" [faire des colombages] indique sans
doute qu'il y avait eu une structure temporaire en place avant cela, qui pouvait
avoir été abandonnée pendant une certaine période de temps durant le chaos des
raids de Penda. Il est également possible que le boisage de la cathédrale, sous le successeur d’Onna, le roi
Aethelhere, était un mémorial pour Onna.
En 1977, en même temps que la découverte d’une
croix de calcaire de 1 ½ mètre à la base de la tour, les fouilles sur le mur
nord de la nef ont découvert les fondations d'argile d'un bâtiment en bois qui
remonte à la période moyenne-saxonne, selon toute vraisemblance la cathédrale-même
que saint Botolph construisit et où il célébrait. Par ailleurs, exactement au
même moment où saint Botolph faisait le colombage de sa cathédrale à Iken, nous
savons que saint Cedd, l'Apôtre d’Essex, établit également ses propres monastères
à Bradwell et Tilbury. Son église, dédiée à saint Pierre à Bradwell, est
toujours debout et affiche un style du Kent que saint Botolph aurait connu et pouvait
très bien avoir copié à Iken, avec sa structure tripartite (narthex, nef et autel,
qui peut aussi être vue dans la disposition de l'Eglise anglo-saxonne de
Brandon) et peut-être aussi, un chœur à trois arcades.
654-669 - Pendant cette période, le monastère
de saint Botolph devient un centre missionnaire monastique important, sans
doute avec une bibliothèque de bonne taille et un scriptorium, étant donnée son
importance dans la tradition
colombanienne et le commentaire de Ceolfrid sur l'étendue de son savoir. Bien
qu'aucun stylets n’aient été trouvés à Iken à ce jour, ce qui est encore
imputable à la férocité de la profanation païenne, des exemples importants ont
été trouvés à Blythburgh et Brandon.
Durant cette période, saint Botolph développe une
réputation de saint staretz et en particulier de puissant intercesseur et d’exorciste,
faisant par le signe de la Croix, la conquête, pour le Christ, des marais remplis
de démons. Alors que les vies médiévales ultérieures ont pu employer une
certaine quantité de licence poétique, tous les chrétiens traditionnels reconnaissent
que la vie de saint Botolph impliqua un véritable combat spirituel contre les
forces démoniaques, en particulier étant donné le succès de son travail
missionnaire dans l'Anglie orientale. Ce succès missionnaire a été avéré
récemment par de nouvelles fouilles archéologiques dans le voisinage local d’Iken.
Ainsi, il existe des preuves de l’existence d'une autre petite église juste en
face de la rivière de la cathédrale à Iken sur le pointe de Barber, ainsi qu'une
autre église juste à côté de la cathédrale au-dessus de l'ancien terrassement
païen sur la colline de Burrow, en plus d'un site monastique sur la colline de
Yarn à quelques miles au sud de la colline de Burrow en Butley, qui à l'époque
anglo-saxonne était une île coupée du continent par des vasières traversées par
un pont-jetée. En ce sens, nous parlons plus d’un archipel monastique centré
autour d’Iken plutôt que simplement d’un monastère isolé.
Durant ces années, apparemment suite à une
morsure de serpent, sans doute à partir d'un lointain ancêtre des vipères qui
peuvent encore être trouvées dans les marais d’Iken, saint Botolph fit un autre
voyage missionnaire à un endroit "éloigné de la mer, dans une grande
solitude, avec une rivière qui coule à travers la vallée, et accessible à
travers les forêts ou la jungle ", où il consacra deux églises aux saints
Pierre et Paul.
Encore une fois, il est difficile d'identifier
avec précision ceci, compte tenu de la référence non spécifique et de la
propagation formidable d'églises aujourd'hui dédiées à saint Botolph, mais il est
plausible que ce voyage missionnaire aurait pu être dans le Warwickshire
profond. Il y a plusieurs dédicaces d'églises qui sont maintenant dédiées à saint
Botolph le long de la frontière anglo-galloise, et nous savons que vers la fin
du 7ème siècle, peu après le repos en Christ de saint Botolph, il avait un
bâtiment de jeunes filles au monastère double de Much Wenlock. D’autre part, ou
en plus de cela, ce voyage missionnaire aurait pu être dans la région du
Lincolnshire et du Yorkshire, peut-être dans le cadre d'une visite au nouveau monastère
à Lastingham de son contemporain monastique, et possible collaborateur, saint
Cedd.
670 - Le professeur de Bede, l'abbé Ceolfrid de
Jarrow, visite le monastère de Botolph à Ikenhoe après son ordination par l’évêque
Wilfred. Il reste au monastère pendant quelques mois, travaillant peut-être
dans la boulangerie du monastère. L'auteur de la Vie de Ceolfrid décrit saint
Botolph comme "un homme à la vie et à la connaissance inégalées, et plein
de la grâce de l'Esprit Saint". Il est probable que le silence de Bede
peut en outre donner du poids aux influences franques et irlandaises de saint
Botolph, par opposition aux influences directement ioniennes ou romaines, influences
qui étaient les données de l'histoire de la conversion de l'Angleterre au christianisme,
en dehors du récit romano-centré du Vénérable Bède.
17 Juin 680 - En ce jour, selon les paroles de
son biographe Norman, l’abbé
Folcard, saint Botolph repose "en présence des frères dans le monastère
qu'il avait construit". La référence dans La Vita tardive à son "âge et à ses infirmités" suggère
qu'il avait bien plus de soixante ans au moment de sa mort. On dit que son
successeur fut Edelheg qui est nommé dans la charte de Much Wenlock.
Malheureusement, autour de 870 le même raid viking qui martyrisa le roi Edmond,
rasa également Iken jusques au sol, tua vraisemblablement ses moines et pilla
le monastère de ses possessions sacrées, de ses livres et de ses reliques. La
croix anglo-saxonne qui fut découverte à la base de la tour ouest par le Docteur Stanley
West en 1977 est supposée avoir été érigée à sa mémoire autour du 9ème ou 10ème
siècle.
Saint
Père Botolph d’Iken, prie Dieu pour nous!
Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après
voir son acathiste
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