"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 5 juin 2023

Archiprest Andrei Gavrilenko: VIVRE ET SE SOUVENIR DE LA MORT. COMMENT LE SOUVENIR DE LA MORT AIDE-T-IL DANS LA VIE SPIRITUELLE ?

Maintenant, nous devons apprendre à vivre et à faire la distinction entre ce qui est important et ce qui est secondaire. Maintenant, la différence entre le mortel et l'immortel, le corruptible et l'incorruptible est devenue flagrante.

     

La propriété, les habitudes et le mode de vie, tout cela a disparu. La vérité nue demeure : nous sommes mortels, mais nous voulons vraiment vivre. Je me souviens d'une phrase célèbre de l'écrivain Mikhaïl Boulgakov, originaire de Kiev : « C'est vrai, nous sommes mortels, mais c'est la moitié du problème. La mauvaise nouvelle, c'est que parfois nous mourons soudainement. » Pendant la guerre, ce « parfois » devient  une règle et réveille les chrétiens endormis : « Je dois toujours avoir le souvenir de la mort... » Comme un coup de tonnerre, les paroles de l'Écriture nous reviennent en mémoire : Souviens-toi de la fin, et tu ne feras jamais d'erreur (Sir. 7:36).

Tous les ascètes parlent d'une seule voix du souvenir de la mort. Mais ce n'est pas une tâche fatale, et il n'y a pas de désespoir noir ici. Ce souvenir est imprégné de foi dans le Royaume de Dieu et d'une récompense dans l'au-delà. Ce souvenir est imprégné de la tâche de faire des efforts pour monter au Ciel. Grâce à cela, tout ce qui entrave la vie éternelle et notre salut sera retranché quotidiennement. Grâce à cela, nous pouvons établir des relations chrétiennes avec le monde, les gens et Dieu.

Le souvenir de la mort est donné par Dieu. C'est un grand cadeau. St. John Climacus dit : « Tout comme le pain est vital pour la vie physique, de même le souvenir de la mort est vital pour la vie spirituelle. »

Les avantages du souvenir de la mort se manifestent en au moins trois points : il nous encourage à effectuer des tâches spirituels et à faire des efforts quotidiens ; il nous aide à supporter paisiblement les problèmes et les difficultés; et il nous affermit dans la prière.

Ce souvenir interdit à l'esprit de se relâcher, au corps d'être paresseux et à l'esprit de s'endormir. Cependant, cela ne devrait pas déborder en un cadre anormal. Une mémoire fructueuse et appropriée de la mort, selon saint Jean Climaque, se manifeste par l'impartialité pour chaque créature, l'abandon de votre volonté et l'acceptation de la volonté de Dieu.

Un nouveau martyr attendait la mort par peloton d'exécution dans une cellule de détention. Chaque jour, pendant plusieurs jours d'affilée, il se lisait le Canon du Départ de l'âme. Il se prépara à la mort et accepta la volonté de Dieu. Mais des rumeurs ont soudainement fait état d'un réexamen de l'affaire et de sa grâce. Ici aussi, il devait obéir à la volonté de Dieu. Il a écrit plus tard : « Je n'ai pas tenté Dieu, et j'ai arrêté de lire le Canon pour le Départ de l'âme. »

Pour vivre, nous devons nous souvenir pour qui nous vivons et qui contrôle nos vies. Dans le langage biblique, il est exprimé par les mots « marcher devant la face de Dieu », être avec Dieu, Le louer à chaque souffle, comme le dit le roi David : Que tout ce qui respire loue le Seigneur (Ps. 150:6). Pour y parvenir, il est nécessaire, selon les paroles de la liturgie de Jean Chrysostome, « de nous confier nous-mêmes et les uns les autres, et toute notre vie au Christ notre Dieu ». Nous devons définir l'esprit et exercer la volonté dans la bonté, le cœur dans des sentiments saints et le corps dans les pratiques ascétiques.

L'esprit ne devrait jamais être paresseux et sans activité. Il doit être occupé.

Saint Jean du Sinaï conseille de bons exercices pour cela : « Il y a beaucoup d'activités pour un esprit actif. Méditation sur l'amour de Dieu, sur le souvenir de Dieu, sur le souvenir du Royaume, sur le souvenir du zèle des saints martyrs, sur le souvenir de Dieu Lui-même présent, selon celui qui a dit, j'ai vu le Seigneur devant moi (Psaume 15:8), sur le souvenir des puissances saintes et spirituelles, sur le souvenir  de son départ, de son jugement, de son châtiment et de sa condamnation".1

Ainsi, nous devrions enseigner à notre esprit à aimer Dieu, à nous souvenir de Dieu et de Son omniprésence, du Royaume des Cieux et de la mort, à faire preuve du zèle des martyrs, à nous souvenir des Anges, au départ de l'âme du corps, à la torture, au tourment et à la condamnation éternelle. Ces choses vous empêchent de chuter. Et elles accordent l'âme, comme un instrument de musique, au service de Dieu.

L'échelle Sainte [de saint Jean Climaque] nous raconte l'histoire d'un moine négligent qui mourut et fut ensuite ramené à la vie. Pendant les douze années restantes de sa vie, il ne prononça pas un mot, ferma sa cellule et versa « de chaudes larmes ». Le souvenir de la mort mène à la crainte de Dieu. C'est un don de Dieu, une vertu, le rejet du confort mondain pour le bien du réconfort céleste. Selon saint Jean Climaque: « Celui qui s'est mortifié pour tout dans le monde se souvient vraiment de la mort, et celui qui a encore un certain attachement ne peut pas exercer librement la méditation de la mort. »

La prière est aussi nécessaire que l'air pour ce travail spirituel. Surtout quand la mort plane sur vous et quand, comme une personne condamnée, vous ne connaissez pas le "nombre de vos jours". Le saint hiéromartyr Michael Cheltsov, dans ses « Mémoires d'un homme condamné à mort, à propos de son expérience », raconte son expérience de la proximité de la mort : « Ce n'est que pendant la prière - et même alors pas immédiatement - que je me suis un peu oublié. C'était triste, un poids lourd dans le cœur, sombre et morne, et un état de mélancolie involontaire, qui ne peut pas être exprimé en mots ou s'intégrer dans des concepts ou des formules spécifiques. Alors que je me levais pour prier, j'avais l'impression qu'une force inconnue m'éloignait et que j'étais terriblement peu enclin à prier ; je prononçais les mots, mais la même question douloureuse restait dans mon esprit, et il n'y avait pas de paix dans mon cœur. Je lisais, sans comprendre ; j'ai relu les mêmes paroles de prière deux et trois fois, et ce n'est qu'en me forçant ainsi que je me suis finalement libéré de mon bourreau ; mon âme devenait calme, apaisée, et je terminais ma prière tranquillisé, et peut-être même joyeux, semblant avoir trouvé une réponse favorable à ma question et prêt maintenant à aller à la mort. Seule la prison a permis de ressentir et de faire l'expérience du vrai plaisir, du calme et de la joie dans la prière et à partir de la prière. »

Face aux bourreaux, lorsque l'arrière de la tête était glacé par le museau d'un pistolet, nous voyons de nombreux nouveaux martyrs s'agenouiller les mains levées vers le ciel. le saint Hiéromartyr, l'évêque Ambroise (Goudko) de Sarapul était à genoux, les mains levées vers le ciel, priant Dieu pendant qu'ils creusaient un trou peu profond pour lui. La mort, selon les Nouveaux Martyrs, est un passage dans l'éternité. Mais déjà au cours de notre vie, nous communions avec cette éternité dans la prière. D'où le travail de la prière - la possibilité de connaître la vie incorruptible, tout en vivant dans un corps corruptible.

Nous qui vivons dans le monde et qui nous inquiétons de la vie de nos proches et de notre propre peuple, devons avoir au moins les rudiments d'une telle prière avec la mémoire de la mort. Elle nous rassurera, nous donnera de l'espoir et nous apprendra à remettre nos vies entre les mains de Dieu. Ceux qui ont de la sagesse comprendront que le souvenir de la mort est une grande incitation pour continuer à vivre.

Le saint hiéromartyr Anatoly Jourakovsky, qui, alors qu'il était encore jeune, était célèbre dans toute Kiev, a écrit que le Christ nous donne non seulement la vie, mais aussi la vie en abondance (cf. Jean. 10:10).

Nous devrions garder à l'esprit le principe de l'être : « Tout ce qui ne grandit pas, meurt ». 2 Le souvenir de la mort nous aide précisément à grandir. Il nous aide à garder le cœur en direction du Ciel, encourage le corps dans la douleur et le labeur ascétique, réconforte l'esprit agité et donne à l'esprit la motivation de rechercher les choses qui sont en Haut..., placez votre affection sur les choses d'en Haut (Colossiens 3:1–2).


Version fran4aise Claude Lopez-Ginisty

d'après

ORTHOCHRISTIAN


Notes:

Source de la citation : https://azbyka.ru/otechnik/world/the-ladder-of-divine-ascent/ .

Citation du célèbre auteur russe Victor Petrovich Astafyev (1924-2001).


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