Père Pantéléimon ( Nijnik)
Portrait spirituel de Jordanville (17)
Pourquoi Dieu considère-t-il le monastère de la Sainte Trinité de Jordanville avec bienveillance? La réponse est très simple. C'est parce que ce monastère a été bâti avec beaucoup de labeur, de sueur, de larmes par ses fondateurs et par les frères.
Comment donc naquit ce monastère? Son fondateur, le Père Pantéléimon ( Nijnik + 1984) est né dans un village de la province de Grodno. En 1913, alors qu'il avait 18 ans, il partit pour l'Amérique afin de gagner de l'argent. La dernière chose que lui dit sa mère avant qu'il ne se séparent fut: " Très cher fils, ne perds pas Dieu!"Après avoir souffert souffert outre Atlantique, le futur archimandrite Pantéléimon, qui était alors simplement connu sous le nom de Peter, abandonna son rêve de trouver le bonheur sur terre et décida de se consacrer entièrement au service du Seigneur. En 1918, il rejoignit la Fraternité du monastère de Saint Tikhon qui avait été fondée en 1905 par le hiérarque, confesseur et Patriarche Tikhon lui-même alors qu'il était encore archevêque d'Amérique du Nord et des îles Aléoutiennes.
Dans ce monastère, Peter Nijnik fut tonsuré moine et ordonné prêtre. Père Pantéléimon passa dix ans dans le monastère de Saint Tikhon sans jamais en sortir. Pendant ce temps, il étudia attentivement les écrits des Pères ascètes. Son cœur était enflammé par le désir d'imiter, même dams une moindre mesure, leur exploits ascétiques dans la réclusion. Père Pantéléimon admettait qu'il avait décidé "d'acheter une parcelle de terre déserte quelque part dans la forêt, près d'une source, et d'y construire une petite chapelle, d'y prier et de vivre loin de l'agitation et du bruit du monde."
Le temps passant, Père Pantéléimon trouva des gens qui partageaient ses aspirations. La première personne fut le chef de chœur et lecteur Jean Kolos, qui devint plus tard l'archimandrite Joseph. Après, ils furent rejoints par le moine Jacques ( Machérouk) du monastère de Saint Tikhon.
Ayant gagné de l'argent pour le versement initial en travaillant dans l'usine Sikorsky, les partenaires achetèrent une parcelle de terre près du village de Jordanville, Et ainsi, Père Pantéléimon, qui fut bientôt suivi par d'autres, déménagea dans ce désert béni que désirait leur cœur.
Père Pantéléimon s'en souvient. " Pendant le printemps 1930, après Pâques, j'ai cessé de travailler dans l'usine Sikorsky et je suis venu tout seul sur ma terre. Tout ici était désert; tout était silencieux, sans âme qui vive. Plusieurs fois, je montais sur la colline dans la forêt, et de là je regardai ma propriété: une vieille maison de deux pièces dans fenêtres avec un puits à proximité, et quatre autres puits à chaque coin de la propriété, rien d'autre que cela...et tout ceci au beau milieu de la forêt; tout était silencieux à l'entour- un vrai désert. Je me souviens que la première chose que j'achetai pour la maison fut une petite bouilloire en métal... Quelquefois, j'allais dans la cour, j'allumai un petit feu avec du bois entre trois pierres, j'y posai la bouilloire et je partais pour Jordanville...pour acheter des provisions à l'épicerie du village. Lorsque j'étais de retour, l'eau bouillait et le petit déjeuner était prêt."
Pett à petit, la fraternité grandit. Le hiéromoine Elie ( Gavriliouk) du monastère de Saint Tikhon se joignit à la communauté, puis ce fut qu tour du chef de chœur Pierre Kozlov, qui devint plus tard le hiéromoine Paul, puis Philippe Pisarik plus tard moine Philarète.
Et ainsi, après plusieurs années de travaux inlassables, les frères se construisirent une nouvelle maison en bois avec une église, des cellules et d'autres pièces à l'intérieur. Pour la fête de la Pentecôte, le 17 juin 1935, l'archevêque Vitay ainsi que de nombreux invités arriva au monastère pour prendre pert à la célébration de consécration de la nouvelle église. La veille de la consécration, les frèreset les pèlerins prièrent jusques à minuit. L'office de consécration fut beau. A la fin de la Divine Liturgie, quand l'archevêque sorti sur la solea pour le sermon, quelqu'un cria soudain "Au feu!" En quelques minutes le bâtiment fut couvert de flammes. Par la seule miséricorde de Dieu, personne ne fut blessé. Il est impossible d'imaginer ce qui se passait dans l'âme des moines, car tout ce qu'ils avaient donné, toute l'énergie et l'amour de ces dernières années était détruit devant leurs yeux. Je pense qu'après un tel incident, beaucoup d'entre nous auraient désespéré et seraient arrivés à la conclusion que Dieu ne voyait pas favorablement tous ces labeurs. Pourtant ces moines étaient différents. Plusieurs années plus tard, quand ils eurent économisé assez d'argent, et que presque tous les moines de la Fraternité d'imprimeurs de Saint Job de Potchaïev était arrivée de Slovaquie, les frères de la fraternité de Jordanville construisirent une nouvelle cathédrale. Cette fois, elle était non pas de bois, mais en briques!
Et ce n'est pas surprenant, nul fruit mauvais ne peut pousser sur la bonne terre de la vie monastique de pénitence pleine d'épreuves. Alors que l'église était en feu, c'est avec juste raison qu'une vieille dame dit: " Vos œuvres montent vers Dieu comme le sacrifice d'Abel! Regardez comme ces flammes montent droit au ciel!" Un des moines, exprimant l'opinion de tous, répondit: " Oui, oui, nous le voyons, mais ces flammes nous rappellent un autre feu pire encore qui brûle à présent notre pauvre Mère la Russie. Que sont ces flammes par rapport à la souffrances de la Russie?"
Alors devons-nous être surpris après avoir entendu ces paroles, que le monastère de la Sainte Trinité, qui deut son origine dans les régions forestières inexploitées d'Amérique, avec quelques simples moines, soit devenu avec le temps le principal monastère de toute l'Eglise Russe à l'Etranger?
Petit à petit, un village russe complet surgit autour du monastère: beaucoup d'orthodoxes russes achetèrent ou se construisirent des maisons à côté du monastère. La plupart d'entre eux étaient des gens simples, dont le cœur étaient attiré par le saint lieu. Pourtant d'autres [plus connus] possédaient des maisons près du monastère. C'était le cas du violoncelliste et chef d'orchestre Mtislav Rostopovitch and de la chanteuse d'opéra Galina Vichnevskaïa son épouse, la famille de Maxime Chostakovitch, fils du compositeur Dimitri Chostakovitch, la famille des peintres Alexandre Benois et Zinaïda Serebriakova, Anna Marly, chanteuse russe et auteur de l'hymne de la résistance française.
L'écrivain Soljenitsyne venait en visite pour la fête du monastère. Le hiéromoine Séraphim ( Rose) et l'écrivain Soloukhine y séjournèrent en même temps. De nos jours, des membres de la famille royale bulgare viennent souvent au monastère.
Pourtant, malgré le fait que Jordanville soit d'une telle importance pour la vie des russes à l'étranger, il préserve son atmosphère de simplicité monastique et d'humilité. La vie au monastère se déroule jour après jour dans la paix et la quiétude. Tôt le matin, les moines se lèvent pour assister à l'Office de Ninuit et à la Divine Liturgie. Après, ils vont accomplir leur obédiences quotidiennes. L'éminent higoumène du monastère, Vladika Laure, assiste chaque jour à l'Office de Minuit ( En fait, il est le premier arrivé dans l'église), à la Divine Liturgie, et aux Complies. De même, il prend toujours ses repas avec les frères.
Tous les frères travaillent au réfectoire à leur tour, comme ils se relaient pour les offices à l'église et chacun d'eux a plusieurs autres obédiences. C'est la raison pour laquelle on n'est pas étonné de voir un archimandrite, Doyen du séminaire, ou un abbé, Econome du monastère qui travaillent à l'atelier d'imprimerie.
Ce qui distingue la vie du monastère de la Sainte Trinité, c'est le fait qu'il n'y a pas de femmes, alors que c'est le cas dans beaucoup de monastères russes. Les moines font les repas, leur lessive, le ménage et le travail administratif eux-mêmes. Les plus anciens habitants du monastère, les archimandrites Flor et Job et le hiérodiacre Méthode donnent l'exemple en accomplissant [encore ] toutes leurs obédiences. Ils travaillent à leurs obédiences jusque tard dans la nuit. Et quand tout le monde est déjà endormi, Père Flor déambule dans les bâtiments du monastère pour vérifier si toutes les portes et fenêtre sont fermées.
En dépit du fait que les moines soient extérieurement très occupés, ils n'oublient pas l'essentiel: la prière. Le père Flor a dit un jour que le labeur le plus exigeant était la prière. Et ce ne sont pas des paroles dénuées de sens, c'est là l'expérience de Jordanville.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après le texte du site Rousky Inok
( Le Moine Russe) de Jordanville
Русскiй Инокъ
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