"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 16 mars 2015

Entretien avec Arnaud GOUILLON: « Les 120.000 Serbes qui vivent encore au Kosovo sont parqués dans des ghettos… »


Votre ONG – Solidarité Kosovo – paraît un peu décalée par rapport à l’actualité beaucoup plus orientée vers le Moyen-Orient. On préfère aider les chrétiens d’Orient que ceux, oubliés, du Kosovo. Les Serbes orthodoxes du Kosovo sont-ils encore en danger ?
Lorsque nous avons créé Solidarité Kosovo en 2004, le Kosovo était en proie à de terribles pogroms antichrétiens. Malgré la violence de ces attaques, personne ne s’est opposé aux actes terroristes, ni ne s’est ému du triste destin des familles serbes du Kosovo.
Le bilan des attaques antichrétiennes qui durent depuis 1999 au Kosovo est affligeant :
– 150 églises et monastères ont été détruits ;
– 250.000 Serbes ont été chassés de la terre de leurs ancêtres (soit 70 % de la population chrétienne du Kosovo) ;
– 1.300 personnes ont été kidnappées et n’ont jamais été retrouvées ;
– Des milliers de maisons ont été incendiées.
En 2013 et 2014, le Kosovo était le seul territoire européen à apparaître sur l’atlas de l’intolérance édité par Le Figaro Magazine et qui recense les zones où les chrétiens ne peuvent vivre leur foi en paix. Aujourd’hui encore, en 2015, quatre sites chrétiens du Kosovo sont classés dans la catégorie « en péril » sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO…
Quelle est la situation actuelle des chrétiens de ce petit État de l’ex-Yougoslavie ? Vous évoquez des enclaves orthodoxes en milieu hostile.
Les 120.000 Serbes qui vivent encore au Kosovo sont parqués dans des enclaves. Une enclave, c’est un ghetto, une prison à ciel ouvert de laquelle on ne peut sortir sans risquer l’accrochage, l’agression, l’humiliation. Le Kosovo est parsemé de petites enclaves, comme autant de villages d’Astérix. Certaines enclaves comme Orahovac sont toujours protégées par des fils de fer barbelés, d’autres comme Zac sont sous la protection permanente de la police. Triste destin pour ces chrétiens quand on sait que le Kosovo comportait jadis la plus grande densité d’édifices chrétiens au monde et que c’est sur ce territoire qu’est née l’identité serbe. Le Kosovo est à la Serbie ce que l’Île-de-France est à la France. Aujourd’hui, les Serbes du Kosovo représentent un peu moins de 10 % de la population du Kosovo, qui est composée à 90 % d’Albanais musulmans.
Dans votre dernier bulletin, vous faites état des difficultés de votre aide humanitaire à pénétrer au Kosovo. Que s’est-il passé, et quelles sont les raisons qui vous ont obligés à rester une semaine à la frontière ?
En 10 ans et 35 convois humanitaires, je n’avais jamais vu cela. Les « difficultés à la douane » rencontrées lors du transit de notre aide de fin d’année sont un doux euphémisme pour qualifier cette triste expérience. Pourquoi empêcher le passage d’un camion chargé de 30 m3 d’aides, de vêtements neufs, de jouets à destination de la population chrétienne du Kosovo-Métochie ? Manifestement, la réponse est dans la question…
Le 17 mars, vous fêterez le 11e anniversaire de Solidarité Kosovo. Quel était votre but au départ ? Et pourquoi cet engagement personnel envers ce pays pourtant loin de nos préoccupations ?
Le but que nous nous sommes fixé au départ et que nous poursuivons aujourd’hui encore est d’« apporter une aide matérielle et morale aux populations serbes chrétiennes du Kosovo ». Pourquoi cet engagement personnel ? Les raisons sont multiples, mais je crois que les pogroms antichrétiens qui ont frappé le Kosovo en 2004 ont produit chez moi un déclic. Un pogrom, une violence faite à un peuple, où qu’ils se produisent, est odieux. Mais qu’ils se déroulent en Europe, à deux heures d’avion de Paris, me les rendait plus scandaleux encore. Car ces églises en flammes au Kosovo, c’était un bout de la civilisation européenne qui disparaissait.
Pouvez-vous dresser un bilan de ces onze années passées au service des Serbes qui se sont retrouvés, un beau jour, sous domination albanaise ?
Si l’esprit est resté le même, l’association a beaucoup évolué durant cette décennie. Notre bilan, c’est 35 convois humanitaires de 2004 à 2014. C’est plus d’une vingtaine de projets réalisés sur place en partenariat officiel avec l’Église du Kosovo, dans le domaine de la réhabilitation scolaire, du développement économique, du sport ou de l’aide à l’enfance. La valeur totale du matériel apporté (400 tonnes) dépasse les 2 millions d’euros.
Certes, nous n’avons pas changé le monde avec ça. Mais nous avons aidé des gens concrètement. Nous avons œuvré à ce que leur vie soit moins rude. Nous avons permis à quelques écoliers anonymes de pouvoir étudier en paix. Nous avons permis à quelques vieilles femmes oubliées d’avoir moins froid l’hiver. Nous avons rendu le sourire à quelques enfants. À tous, nous avons montré qu’il ne fallait jamais désespérer et que la solidarité n’était pas un mot abstrait.
Tout cela n’a été possible que grâce aux donateurs. Vers 2005, ils étaient une dizaine, ils sont aujourd’hui 10.000… L’association vit à 100 % de dons privés, ce qui nous garantit une liberté d’action et une indépendance totales. La petite association humanitaire grenobloise est ainsi devenue, en une décennie de travail acharné, la principale ONG à intervenir dans les Balkans.

Entretien réalisé par Floris de Bonneville

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SOLIDARITE KOSOVO

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