"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 31 août 2014

Panayiotis Christou: La Vie Monastique dans l’Eglise Orthodoxe (5)



Moine russe


Les idéaux de la vie monastique
      Comme les premiers ascètes se retirèrent du monde dans le désert, ils étaient décidés à se détacher de nombreux biens de ce monde: le mariage, la richesse et l'action indépendante. Le célibat n'admettait pas de degré, mais était absolu. Dans la pauvreté, cependant, il s'est produit la modification que nous avons mentionné ci-dessus à propos de la vie idiorrhythmique. Mais même ici, la pauvreté était essentiellement maintenue, car la propriété des moines idiorrhythmiques n'a jamais été suffisante pour vivre confortablement. Enfin, l'obéissance, soit à un higoumène ou au père spirituel du désert, l'abba, était une préoccupation importante des moines. 

L’esprit égoïste, indépendant représentait le monde séculier, et devait donc être complètement déraciné. C'est-à-dire, que le jeune ascète devait remettre sa volonté mauvaise à Dieu dans la personne de son père spirituel, afin qu'elle puisse être transformée en une bonne volonté. Ce point est clairement illustré par une anecdote dans laquelle un abba, désireux de tester le degré d'avancement de son fils spirituel, lui demanda s'il voyait les cornes-qui étaient non-existentes- d'une bête de somme qui passait par là; et il répondit sans hésiter: "Oui, je les vois, abba."

      Le respect de ces trois vertus est assuré par les novices dans un vœu spécial, au cours duquel ils sont tonsurés. La formulation de ce vœu a coïncidé avec la fondation du système cénobitique, et la base scripturaire et doctrinale du monachisme fut élaborée peu après. Sans elle, le monachisme était en danger de dévier dans le sens des Messaliens itinérants. De cette façon, la soumission du monachisme à l'Eglise, et la canalisation de son pouvoir de direction qui ont été utiles à l'Eglise ont été atteints. Cette soumission a été scellée par Justinien et incorporée dans les lois (Nearai, 5, I.67, i).

      Les vices qui menacent l'intégrité morale de l'ascète ne sont pas ces seuls trois vices. Dans l’arétologie [partie de la philosophie morale qui traite de la vertu] subséquente, d'autres vices, en collaboration avec ceux-ci, constituent les huit pensées mortelles: la gourmandise, la fornication, l'avarice, la colère, la tristesse, l’acédie [découragement spirituel], la vanité et l'orgueil. Les passions qui correspondent à ces pensées doivent être anéanties et un état d'impassibilité atteint. L'auto-examen et l'auto-censure, surtout avant d'aller dormir, fournissent au moine des armes puissantes, car il s’apprête à lutter contre les démons. Mais son arme principale est la prière continue et la prière intense. L'ensemble de la vie des moines est dominée par cette conversationavec Dieu; "Toute la vie est un temps pour la prière" (Basile, Discours ascétiques, PG, XXXI, 877).

      Les vingt-quatre heures de la journée du moine sont divisées en trois périodes de huit heures: une pour la prière, une pour le repos, et une pour le travail. Leur travail intense a un triple objectif: assurer leurs moyens de subsistance, afin d'aider leurs semblables, et éviter les mauvaises pensées, qui envahissent la conscience de l'homme, notamment quand il est au repos. Les produits de l'art et de l'artisanat monastique ont toujours été d'une qualité exceptionnelle et sont toujours en forte demande, en particulier leurs peintures et sculptures sur bois. En outre, des œuvres de la littérature classique et chrétienne ont été conservées dans des copies qui sont venues des ateliers monastiques.

     Les activités philanthropiques des moines étaient liées à leur travail. Comme nous l'avons déjà observé, cette dévotion à la philanthropie a été promue et systématisée par Basile le Grand. Après son époque, un monastère sans maison d'hôtes, sans hôpital et sans école était inconcevable. Un simple exemple, nous pouvons dire que le monastère de Pantocrator à Constantinople, qui a été créé au XIIe siècle, avait un hôpital avec des hommes et des femmes médecins, organisés d’une manière qui rappelle les hôpitaux d'aujourd'hui. Il était divisé en quatre sections: médecine, chirurgie, gynécologie et infirmerie pour les yeux et l’ouie. Les vestiges de cette activité philanthropique sont encore visibles de nos jours. Les Bédouins qui vivent près du monastère du Sinaï, ne font jamais leur propre pain, mais il leur est donné gratuitement par le monastère de Sainte-Catherine; et ceux qui visitent tout monastère orthodoxe y reçoivent une hospitalité gratuite.

      Les moines qui s'occupaient de travail, comme nous l'avons décrit ci-dessus, et y combinent la lutte pour se libérer des passions et servir ceux qui en ont besoin, ont été appelés autrefois actif (de praktikoi). Mais au-delà de l’action, il y a une étape supérieure dans l'échelle de la perfection monastique: la contemplation (theoria), l'aspiration à la communion directe avec Dieu et Sa vision. Cette différenciation des activités de moines se rencontre très tôt, dans un poème de Grégoire le Théologien:

                     "Préfèrerez-vous l'action ou la contemplation?
                       La contemplation est l'occupation des parfaits,
                       L’action appartient à la majorité.
                       Toutes deux sont bonnes et chères;
                        Choisissez celle qui vous sied."

      Le silence a été une condition indispensable pour l'ascète dans sa quête de la perfection. Par le silence, on entend le calme intérieur et la tranquillité extérieure connexe à travers laquelle les causes de la passion sont supprimés. Cet état a donné son nom à la dernière période brillante de la théologie mystique byzantine: l’hésychasme.

       Le silence était indissolublement lié à l'ascèse chrétienne. Les efforts des premiers moines dans ce sens ont pris la forme d'éviter le babillage et de rester silencieux lorsque les circonstances l'exigeaient. Abba Poimen est cité comme ayant dit: "Celui qui parle au nom de la volonté de Dieu agira justement; et celui qui demeure silencieux pour le bien de la volonté de Dieu agira également justement." (Sentences des Pères, 721). Dans tous les cas, l'élément de silence, même s’il n'est pas trop prédominent dans la pensée monastique, a ensuite reçu une plus grande attention en raison de son lien avec la prière intérieure. Il a été jugé que la prière, comme produit de la disposition du cœur, n'a pas besoin d'être exprimée à haute voix, dans la mesure où une telle expression, en produisant des stimuli externes, peut interrompre la concentration sur l'objet de la prière. Ainsi, il en résulta l'oraison mentale intérieure, qui est devenue cristallisée dans la brève prière de Jésus, répétée sans cesse.

      Entouré par l’absolu, le silence spirituel, les yeux spirituels des moines "contemplatifs" sont ouverts. Ils deviennent dignes de visions et profitent de l'expérience spirituelle qui ne peut être décrite qu’avec difficulté. Ils vivent dans un état ​​d'illumination continue de vision de la lumière, et de communion avec les choses de la lumière. Le mot "lumière" et d'autres termes connexes sont rencontrés presque à chaque page des écrits de Siméon le Théologien et de Grégoire Palamas. Cette lumière est une partie de Dieu. Grâce à une fusion paradoxale de l'historique avec le méta-historique, l'expérience de la déification (theosis) devient possible ici et maintenant. La lumière qui a été vue par les disciples du Christ sur ​​le mont Thabor, la lumière que les hésychastes voient aujourd'hui, et la qualité lumineuse du monde à venir, constituent trois phases d'un seul et même événement spirituel, fusionnés en une seule réalité supra-temporelle.

      La domination unilatérale de la tendance "contemplative" a contribué à la négligence de la mission sociale de la vie monastique en Orient, contrairement à l'évolution de l'Occident. Malgré les tentatives qui ont été faites de temps en temps, la réorganisation de la vie monastique sur les anciennes fondations, en particulier sur la règle de saint Basile le Grand, n'a pas réussi, parce que ces tentatives ont été limitées dans leur portée et en intensité. Sans négliger la "contemplation", à laquelle la littérature et la piété religieuse doivent tant, il y a une nécessité d'agir pour souligner une fois de plus, et pour les monastères d’être établis pour promouvoir les idéaux chrétiens au sein de la société organisée de l'humanité.



Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après

Jean-Claude LARCHET: Recension/Père Marc-Antoine de Beauregard, « Regard chrétien sur l’homosexualité »


Costa
Marc-Antoine de Beauregard, « Regard chrétien sur l’homosexualité »,Éditions de L’Œuvre, Paris, 2013, 127 p.
Tout en restant très minoritaire, l’homosexualité, devient de plus en plus voyante, se répand et se banalise dans nos sociétés occidentales depuis plusieurs décennies, par l’effet 1) de l’active propagande des associations et lobbies homosexuels, 2) de la volonté de l’idéologie libérale (de droite et surtout de gauche), au nom d’une certaine conception de la liberté et de l’égalité, d’en faire une institution bénéficiant de toutes les possibilités et de tous les avantages assurés par la loi au couple marié et à la famille, 3) de l’appui des médias, surtout télévisuels, qui, pour des raisons d’audience, mettent en valeur les minorités déviantes tant dans des reportages que dans des séries télévisées) et donnent l’illusion de leur représentativité, 4) d’une idéologie philosophique (la « théorie du gender » ou genre), largement vulgarisée, selon laquelle c’est le choix de l’individu et non sa nature qui définit son sexe. Ce mouvement dans son ensemble entend déculpabiliser les homosexuels, mais en revanche culpabiliser ceux qui n’acceptent pas de reconnaître l’homosexualité comme une forme normale de sexualité, toute critique de l’homosexualité et des revendications propres aux homosexuels se voyant taxer d’« homophobie », selon un type d’amalgame qui a largement fait ses preuves dans d’autres domaines. Déjà du temps du précédent gouvernement en France, des associations homosexuelles ont reçu du ministère de l’Education le privilège de pénétrer dans les écoles primaires pour apprendre aux enfants, à partir de dessins animés mettant en scène des animaux, à considérer comme normales les relations amoureuses entre êtres de même sexe; la « théorie du genre », selon laquelle l’être humain se définit plus par son orientation sexuelle personnelle que par son identité sexuelle naturelle a été introduite officiellement dans les lycées français en 2011 dans les manuels de SVT (Sciences de la vie et de la terre) de la classe de Première, bien qu’en toute rigueur elle n’ait rien à y faire puisqu’elle relève d’une théorie philosophique qui n’a aucun caractère scientifique. Les adolescents, qui sont, de nos jours, dans beaucoup de cas, sans repères religieux et moraux, en viennent à considérer l’homosexualité comme un terme d’une alternative dont l’autre terme est l’hétérosexualité, ces deux termes étant également possibles et légitimes et s’offrant tous deux également a priori à leur choix. Le mot « hétéroxexualité », qui désigne la sexualité normale a d’ailleurs été créé pour la faire apparaître comme optionnelle face à l’homosexualité, de même que le mot « hétéroparentalité » commence à se répandre pour faire apparaître la parenté normale (d’une père et d’une mère) comme une simple option, tandis que d’autres changements de vocabulaire sont sciemment introduits pour changer les mentalités (par exemple « les parents » au lieu de « le père et la mère », « les familles » au lieu de « la famille », afin d’inclure dans ces notions les pseudo-parents et les pseudo-familles constituées par les couples homosexuels…). Le mariage homosexuel et la possibilité pour les couples homosexuels d’avoir des enfants (par voie d’adoption, par procréation médicalement assistée ou par le recours à des mères porteuses) sont déjà devenus des institutions dans plusieurs pays et sont en passe de le devenir en France, faisant ainsi courir à la société le risque grave d’une destruction de la cellule familiale sur laquelle elle est fondée, et à une multitude d’enfants acquis artificiellement et élevés par deux parents de même sexe de subir des perturbations psychologiques importantes (faute de bénéficier de la relation psycho-affective et spirituelle liée à la gestation et à la filiation naturelles, et faute de disposer, lors de leur croissance psychologique, des modèles d’identification, masculin et féminin, dont ils ont besoin pour se contruire).
La légitimation de l’homosexualité n’est certes pas nouvelle : elle existait dans la société grecque et romaine de l’Antiquité où l’homosexualité était encore plus répandue et banalisée que dans les sociétés occidentales modernes et où les dieux en offraient même des exemples. Mais cela n’est pas fait pour rassurer : le mouvement actuel représente un retour au paganisme des sociétés préchrétiennes. D’autres faits en témoignent, promus actuellement par le même courant idéologique, lequel dans certaines de ses composantes, ne cache d’ailleurs pas son hostilité au christianisme et aux religions qui ont comme référence l’anthropologie biblique. La légalisation (et donc la légitimation sociale) de l’homosexualité, de l’euthanasie, des drogues douces et de la distribution de substituts de drogues dures ayant les mêmes effets par des organismes agréées par l’État, la facilitation et la banalisation de l’avortement et la promotion de la crémation, font partie d’un même plan, appliqué peu à peu (ses protagonistes parlent à chaque fois d’une « avancée ») non seulement en France mais dans la plupart des pays occidentaux, et avec l’appui des institutions européennes et internationales, qui vise à saper les valeurs chrétiennes qui servent encore de fondements à notre civilisation et à établir à leur place un « nouvel ordre », et même une « nouvelle religion » (comme l’expliquait récemment avec franchise le ministre de l’Education Vincent Peillon), où la liberté de tout faire, le désir et la jouissance individuelles prennent le pas sur toutes les autres valeurs. Il n’y a pas que les chrétiens pour constater cette dérive de la civilisation occidentale moderne : qu’on lise par exemple les analyses du philosophe américain Christopher Lasch dans son ouvrage fondamental « La culture du narcissisme ».
Dans le cadre du débat actuel sur l’institution du mariage homosexuel et de la possibilité offerte par la loi à des couples homoxexuels d’ « aquérir » et d’élever des enfants, la réflexion proposée par le père Marc-Antoine Costa de Beauregard, doyen des paroisses de France de la métropole orthodoxe roumaine, est particulièrement bienvenue, d’autant que si les catholiques ont produit à ce sujet une abondante littérature, peu d’orthodoxes se sont à ce jour prononcés sur ces questions.
Ce petit livre comporte trois parties. La première étudie « le sens théologique de la différence sexuelle », la deuxième « l’homosexualité et la loi biblique » et la troisième « l’attitude pastorale de l’Église ».
On peut approuver le sens général et l’intention de l’auteur, qui offre une réflexion large, approfondie, à la fois ouverte et ferme, intéressante, souvent originale.
La première partie, qui entend préciser le sens théologique et les fondements anthropologiques de la différence sexuelle est cependant assez confuse. L’auteur se trompe en voulant fonder la dimension sexuelle de l’anthropologie sur la théologie elle-même, car les personnes et la nature divines sont étrangères à la sexuation, et c’est dans le dépassement de la sexuation que l’homme se trouvera pleinement uni à Dieu (voir Ga 3, 28: « En Christ, il n’y a ni homme ni femme »). Dans la formule de la Genèse (1, 27: « Et Dieu fit l’homme, selon l’image de Dieu il le fit, mâle et femelle il les fit », « mâle et femelle il les fit »  n’est pas précédé d’un double point (comme le présente l’auteur p. 23) et n’est pas une explicitation de la notion d’image, mais une autre affimation, qui s’ajoute à la précédente et désigne un autre plan, sinon cela signifierait que l’image de Dieu se réduit à la différence sexuelle ce qui serait absurde tant par rapport à Dieu que par rapport à l’homme. Dire que « l’altérité sexuelle, qui suggère l’altérité des personnes, inscrit l’altérité des personnes divines en image dans la nature créée » (p. 23), ou que « dans la diversité ontologique [de la différence sexuelle], nous contemplons le seau de la diversité divine » (p. 24), ou que « l’unité diversité-naturelle est l’image de l’unité-diversité des personnes divines ou humaines » (p. 25), ou que « Dieu a donné la différence sexuelle à l’humanité pour lui révéler les sens de la différence ontologique entre lui-même et elle » (p. 29) n’a guère de sens, car la diversité et l’altérité des personnes divines et humaines se fondent dans l’un et l’autre cas sur d’autres critères que la sexualité et sont connues, se perçoivent ou s’éprouvent sans celle-ci. Dire que dans le mariage le Christ se fait l’hypostase divine des hypostases humaines des époux  (p. 31) est tout simplement une erreur dogmatique. Beaucoup d’autres arguments de l’auteur paraissent surfaits et discutables, en raison, surtout, d’un manque de rigueur dans l’utilisation des notions anthropologiques et théologiques chrétiennes de « nature » et d’ « hypostase » ou de « personne », dans leur rapport avec la différenciation sexuelle.
Dans la deuxième partie, l’auteur rappelle à juste titre l’interdiction biblique de l’homosexulité (voir notamment Genèse 19, 7; Lévitique 18, 22 et 20, 13; Romains 1, 18-32; auxquels il aurait fallu ajouter 1 Corinthiens 6, 9-10, 1 Timothée 1, 8-11 et Jude 7) et souligne l’incompatibilité du mode de vie homosexuel avec le mode de vie chrétien.
Dans son argumentation, l’auteur accorde en revanche trop peu d’importance à ce qui a toujours fait l’essentiel de la critique chrétienne de l’homosexualité depuis les origines : son caractère contre nature au sens le plus immédiat (mais qui ne se limite pas au plan biologique), et le fait qu’elle soit une perversion d’un ordre voulu par Dieu; les théories qui visent à justifier l’homosexualité d’ailleurs ne s’y trompent pas, puisque c’est à cette notion d’un ordre naturel et à son fondement religieux qu’elles s’attaquent en priorité. Il aurait été utile ici de citer les formules nettes de saint Paul et de se référer aux nombreux Pères qui se sont exprimé sur l’homosexualité.
L’auteur par ailleurs n’insiste pas assez sur le rapport premier de la sexualité avec la procréation, qui si elle n’en définit pas exclusivement, chez l’être humain, la finalité, en reste, dans le principe au moins, indissociable.
En outre l’auteur a une vision trop réductrice de l’homosexualité en la fondant psychologiquement sur le narcissisme et spirituellement sur la philautie. II y a certes dans l’homosexualité une dominante narcissique, mais il peut y avoir aussi un amour de l’autre, qui reconnaît sa différence et qui s’accompagne d’une certaine abnégation à son profit. Le reproche principal que l’on peut adresser à cette forme d’amour n’est donc pas qu’elle soit narcissique, ne reconnaisse pas la différence hypostatique de l’autre, etc., mais qu’elle implique un usage pervers de la sexualité et de la sexuation physique, psychique et spirituelle.
Si l’approche anthropologique de l’auteur paraît discutable, son approche pastorale, exposée dans la troisième partie, est en revanche convaincante et a la qualité d’être à la fois délicate et ferme. On peut apprécier en particulier la franchise de son appel à l’égard des homosexuels, à la conversion et à la guérison dont l’Église offre les moyens, un appel cependant exempt de toute condescendance et de tout pharisaïsme, mais empreint de compassion et d’amour fraternel. Les témoignages du père Marc-Antoine, présentés dans sa postface, sur les résultats positifs de son activité pastorale en ce sens sont particulièrement intéressants et émouvants.
Le père Marc-Antoine classe à juste titre l’homosexualité parmi les passions. Il a raison de mettre en parallèle avec cette passion les passions sexuelles qui peuvent aussi affecter une vie conjugale normale, et de noter que dans toutes les passions et pas seulement dans l’homosexualité pèse le poids des déterminismes biologiques, sociaux et psychologiques. Les homosexuels sont donc invités – non dans un esprit de condamnation ou de jugement, mais d’amour fraternel – à la conversion et au combat ascétique de la même manière le sont tous ceux qui ont des comportements en décalage par rapport au mode de vie chrétien idéal (ce qui concerne en fait tous les chrétiens, car nul n’est parfait et chacun a à affrontr des passions liées à la nature déchue). Ils doivent pouvoir trouver dans leurs efforts en ce sens l’appui du clergé et de la communauté, et doivent avoir la certitude que la toute-puissance de la grâce peut vaincre les tendances et les pulsions les plus fortes et les habitudes les mieux ancrées en l’homme, de quelque nature qu’elles soient.
C’est avec amour et compassion que l’Église doit accueillir les personnes homosexuelles désireuses de se conformer au mode de vie chrétien pour y trouver le véritable accomplissement d’elles-mêmes. « Ce n’est que dans un climat de compassion, écrit le père Marc Antoine, que peuvent être entendus l’appel à la conversion et le projet thérapeutique qui est celui de l’Église, lieu de guérison. Ce n’est que dans un tel climat que la personne peut se reconnaître malade et accéder au repentir. (…) L’évêque et le prêtre seront l’image du Bon Pasteur qu’est le Christ lui-même s’ils se consacrent à cette personne pour l’aider à découvrir l’incompatibilité entre les actes homosexuels et la vie chrétienne, et en quoi l’homosexualité est une impasse spirituellement parlant. »
Ces considérations rejoignent les directives données au clergé par l’Église orthodoxe en Amérique (OCA): « Les hommes et les femmes éprouvant des sentiments ou des émotions homosexuels doivent être traités avec la compréhension, l’accueil, l’amour, la justice et la miséricorde dus à tous les êtres humains. Les personnes ayant des tendances homosexuelles doivent être aidées (…) à découvrir les causes spécifiques de leur orientation homosexuelle et à travailler pour surmonter ses effets néfastes dans leur vie. Les personnes qui luttent contre leur homosexualité, qui acceptent la foi orthodoxe et s’efforcent de mener le mode de vie orthodoxe peuvent être admises comme fidèles dans l’Église aux côtés de toute personne qui croit et lutte spirituellement. Ceux qui, instruits et conseillés sur la doctrine chrétienne orthodoxe et la vie ascétique, veulent néanmoins justifier leur comportement ne peuvent pas participer aux mystères sacramentels de l'Église, puisque cela ne leur serait pas utile, mais nuisible. Une aide doit être accordée à ceux qui sont en relation avec des personnes d'orientation homosexuelle, afin de les aider dans leurs pensées, sentiments et actions vis-à-vis de l’homosexualité. Cette assistance est particulièrement nécessaire pour les parents et amis des personnes ayant des tendances et des sentiments homosexuels, mais elle est nécessaire aussi pour les pasteurs de l'Église. »
Quoi qu’il en soit, selon l’esprit chrétien, toute personne doit être aimée pour elle-même et en Dieu inconditionnellement, quels que soient son mode de vie, ses comportements et ses fautes. Haïr le péché, mais ne pas juger ni condamner la personne qui le commet et la considérer au contraire avec amour, tel est le principe de base du christianisme qui doit être appliqué ici comme ailleurs.
Tout en évitant dans les rapports entre les personnes toute forme de discrimination, les chrétiens ont cependant le droit d’avoir et le devoir d’exprimer (sans craindre les quolibets et les insultes des groupes de pression christianophobes) leurs propres convictions. Lors de sa visite au Conseil de l’Europe le 2 octobre 2007, le patriarche Alexis II déclarait: « L’Eglise orthodoxe éprouve amour et compassion pour le pécheur mais pas pour ses péchés. Tel est l’enseignement moral de la Bible. Le péché, c’est l’adultère, l’infidélité, des relations sexuelles irresponsables et tous les actes qui altèrent la conscience de l’homme. Si certains se livrent à une propagande en faveur de l’homosexualité, il est du devoir de l’Eglise de dire où est le Bien, car l’homosexualité est une maladie qui modifie la personnalité de l’homme, et ce n’est donc pas une pathologie dont on peut parler avec détachement. »
L’ouvrage est préfacé par le métropolite Joseph et comporte, en annexe, l’exposé très pertinent qu’il a fait au nom de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France lors de l’audition des représentants des cultes à l’Assemblée nationale le 29 novembre dernier, et qui souligne les risques que fait courir à la société le projet gouvernemental actuel de légalisation du mariage et de l’adoption en faveur des couples homosexuels.

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX


18 / 31 août
12ème dimanche après la Pentecôte

Après-fête de la Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu. Sts martyrs Flore et Laure (IIème s.) ; sts martyrs Hermès, Sérapion et Polyen de Rome (IIème s.) ; st hiéromartyr Emilien, évêque et avec lui Hilarion, Denis et Hermippe ( vers 300) ; Sts hiérarques Jean (674) et Georges (683), patriarches de Constantinople ; st Macaire, higoumène de Pelikitsk ( vers 830) ; St Jean de Rila (946) ; st Arsène le Nouveau, de Paros 1877) ; st hiéromartyr Grégoire  Bronnikov, prêtre et martyr Eugène Dmitrev et Michel Eregodsky (1937) ; icône de la Mère de Dieu « Pantanassa ».

Lectures : 1 Кор. XV, 1–11. Мф. XIX, 16–26. Мчч.: Еф. VI, 10–17. Лк. XII, 2-12.


VIE DES SAINTS MARTYRS FLORE ET LAURE[1]


S
aint Flore et son frère jumeau Laure vécurent sous le règne d’Hadrien (117-138). Ils exerçaient la profession de tailleurs de pierre, qu’ils avaient apprise à Byzance des saints Patrocle et Maxime. Recevant aussi de leurs maîtres les semences de la piété, ils mettaient leur art au service de Dieu, et quand ils taillaient les pierres pour leur donner forme et grâce, ils avaient conscience qu’ils travaillaient en fait sur leur âme, pour la dégrossir de ses passions et la faire resplendir de la ressemblance divine par les saintes vertus. Lorsque leurs maîtres, Patrocle et Maxime, eurent subi le martyre, ils quittèrent Byzance et allèrent s’installer dans la ville d’Ulpiana dans la province d’Illyrie[2]. Arrivés là, ils demandèrent au gouverneur Lykôn l’autorisation d’exploiter des carrières et d’en extraire des pierres aptes à être sculptées. Ayant acquis une bonne réputation par leur travail, ils furent convoqués par Licinius, fils de l’impératrice, qui leur confia une importante somme d’argent pour construire un temple en l’honneur des idoles, dont il avait lui-même tracé les plans. Les saints feignirent d’accepter la proposition, mais ils distribuèrent aussitôt l’argent aux pauvres. passant leurs nuits en prière, ils travaillaient durant le jour à la construction du temple, aidés par un ange envoyé par Dieu et par un prêtre des idoles, Mérentios (ou Alexandre), dont le fils, blessé à l’œil par un fragment de pierre, avait été guéri par les saints. Le travail put ainsi être rapidement achevé et les statues des dieux furent installées à l’intérieur du temple. Les saints rassemblèrent alors de nuit les pauvres qui avaient profité de leurs bienfaits et, tous ensemble, ils attachèrent des cordes aux statues et les renversèrent. Puis, ayant purifié le temple, ils le transformèrent en une église du Christ.
Dès qu’il apprit cette nouvelle, Licinius, emporté de colère, donna l’ordre d’allumer une grande fournaise et d’y faire brûler vifs les pauvres qui avaient été complices de Flore et de Laure. Quant à ces derniers, il les fit attacher aux roues d’un char et ordonna de les fustiger sans merci. Devant l’endurance des saints, les dix soldats qui les suppliciaient se convertirent et furent exécutés. Licinius envoya ensuite les deux saints au gouverneur Lykôn qui les fit jeter dans un puits profond, où les saints martyrs remirent leur âme valeureuse au Christ, rendant grâce à Dieu et priant pour tous les chrétiens. Après la persécution, leurs corps furent découverts incorrompus et dégageant un céleste parfum. Ils guérirent de sa cécité le neveu du gouverneur d’alors, et accomplirent ensuite bien d’autres miracles.


Tropaire du dimanche, 3ème ton
Да веселя́тся небе́сная, да ра́дуются земна́я; я́ко сотвори́ дeржа́ву мы́ш-цею Cвое́ю Го́сподь, попра́ cме́ртiю cме́рть, пе́рвенецъ ме́ртвыxъ бы́сть, изъ чре́ва а́дова изба́ви на́съ и подаде́ мípoви ве́лiю ми́лость.
Que les cieux soient dans l’allégresse, que la terre se réjouisse, car le Seigneur a déployé la force de Son bras. Par Sa mort, Il a vaincu la mort ! Devenu le Premier-Né d’entre les morts, du sein de l’enfer, Il nous a rachetés, accordant au monde la Grande Miséricorde.

Tropaire de la Dormition, ton 1
Въ poждествѣ́ дѣ́вство сохрани́ла ecи́, во ycпе́нiи мípa не ocта́вила ecи́ Богоро́дице, преста́вилася  ecи́ къ животу́, Máтищи животá, и моли́твами Tвои́ми избавля́еши отъ сме́рти дýши на́ша.
Dans l’enfantement, Tu as gardé la virginité; dans Ta dormition, Tu n’as pas abandonné le monde, ô Mère de Dieu. Tu as été transférée à la Vie, étant Mère de la Vie, et par Tes prières, Tu délivres nos âmes de la mort.

Tropaire des saints martyrs Flore et Laure, ton 4
Преудо́бренную и богому́друю дво́ицу пресвѣ́тлую восхва́лимъ, вѣ́рніи, по достоя́нію, Фло́ра преблаже́ннаго и Ла́вра всечестна́го, и́же усе́рдно Тро́ицу несозда́нную я́сно проповѣ́дасте всѣ́мъ, тѣ́мже пострада́вше до кро́ве, и вѣнцы́ пресвѣ́тлыми увязо́стеся, моли́теся Христу́ Бо́гу, да спасе́тъ ду́ши на́ша.
Nous les fidèles, nous chantons votre louange, frères saints et resplendissants de beauté, Flore bienheureux et Laure très-digne d'honneur, qui devant tous avez confessé la Trinité incréée; vous qui avez lutté jusqu'au sang pour elle et reçu la brillante couronne sur vos fronts, priez le Christ notre Dieu de sauver nos âmes.


Kondakion du dimanche, 3ème ton
Воскре́слъ ecи́́ днесь изъ гро́ба, Ще́дре, и на́съ возве́лъ ecи́ отъ вра́тъ cме́ртныxъ; дне́сь Ада́мъ лику́етъ и ра́дуется Éва, вку́пѣ же и проро́цы cъ патрiápxи воспѣва́ютъ непреста́нно Боже́ственную держа́ву вла́сти Tвоея́.
Aujourd’hui, ô Miséricordieux, Tu es ressuscité du Tombeau et Tu nous ramènes des portes de la mort. Aujourd’hui, Adam exulte, Ève se réjouit. Tous ensemble, prophètes et patriarches, ne cessent de chanter la force divine de Ta Puissance !
Kondakion des saints martyrs Flore et Laure, ton 8.
Яко благоче́стія му́ченики и страда́льцы Христо́вы богому́дрены, вселе́нная пресла́вно почита́етъ Фло́ра и Ла́вра дне́сь, я́ко да улучи́мъ благода́ть и ми́лость моли́твами и́хъ и изба́вимся бѣ́дъ и напа́стей, гнѣ́ва же и ско́рби въ де́нь су́дный.

L’univers honore glorieusement en ce jour Flore et Laure comme des martyrs de la piété sages en Dieu qui ont souffert pour le Christ, afin que nous recevions la grâce et la miséricorde par leurs prières et que nous soyons délivrés des malheurs et des épreuves, ainsi que de la colère et de l’affliction le jour du Jugement.

Kondakion de la Dormition, ton 2
Bъ моли́тваxъ неусыпа́ющую Богоро́дицy, и въ предста́тeльствахъ непрело́жное упова́нie, гро́бъ и умерщвлéнie не удержа́ста ; я́коже бо живота́ Mа́тepь, къ животу́ преста́ви, во yтро́бу всели́выйся приснодѣ́вственную.
Tombeau et mort n’ont pu retenir la Mère de Dieu, toujours vigilante dans ses intercessions, espérance inébranlable dans sa protection, car étant la Mère de la Vie, Il l’a transférée à la Vie, Celui qui demeura dans Son sein toujours virginal.

Au lieu de « il est digne en vérité », ton 1
Áнгели успéнie Пречи́стыя ви́дѣвшe удиви́шася, ка́кo Дѣ́ва восxо́дитъ отъ земли́ на нéбо. Побѣжда́ются ecтества́ yста́вы въ Teбѣ́ Дѣ́вo чи́стая; дѣ́вствуетъ бо poждество́, и живо́тъ предобpyча́етъ смépть, по poждествѣ́ дѣ́ва, и по смépти жива́, cпаса́eши при́сно Богоро́дицe наслѣ́діе Твоé.

Les anges étaient frappés de stupeur à la vue de la Dormition de la Très-Pure. Comment la Vierge s’élève-t-elle de la terre aux cieux ? Les lois de la nature ont été vaincues en Toi, Vierge pure : Ton enfantement est virginal et Ta mort fait pressentir la Vie. Ô Toi qui, après Ton enfantement, es demeurée vierge, et vivante après Ta mort, Mère de Dieu, sauve toujours Ton héritage.





Hiéromoine Grégoire de la Sainte Montagne

COMMENTAIRES SUR LA DIVINE LITURGIE
DE ST JEAN CHRYSOSTOME

DIPTYQUES ET SUPPLICATIONS

Le prêtre (à voix basse) : Pour saint Jean, prophète, précurseur et baptiste : pour les saints, glorieux et illustres apôtres ; pour saint N… (le saint du jour) dont nous célébrons la mémoire, et tous Tes saints. Par leurs prières, veille sur nous, ô Dieu.
Souviens-Toi aussi de ceux qui se sont endormis dans l’espérance de la Résurrection à la Vie éternelle (Le prêtre commémore ici les noms des défunts qu’il souhaite). Donne-leur le repos là où brille la Lumière de Ta Face.
Nous T’en prions encore : souviens-Toi, Seigneur, de tous les évêques orthodoxes qui dispensent fidèlement la parole de Ta Vérité ; de tous les prêtres, des diacres dans le Christ, de tout le clergé et de tout l’ordre monastique.
Nous T’offrons encore ce culte spirituel pour tout l’univers, pour la sainte Église catholique et apostolique ; pour ceux qui mènent une vie pure et honorable, pour nos rois croyants et amis du Christ, pour leur palais et leur armée. Donne-leur, Seigneur, un règne pacifique, afin que, dans la tranquillité qu’ils assurent, nous menions une vie calme et paisible en toute piété et sainteté.
À voix haute : En premier lieu, souviens-Toi, Seigneur de notre archevêque N., accorde à Tes saintes Églises qu’il vive en paix, en santé en honneur, bien portant, qu’il vive de longs jours et dispense fidèlement la parole de Ta Vérité.

En mémoire des saints

La divine Liturgie est la commémoration de la vie du Christ. Pour cette raison même, elle est également la commémoration des vies de ceux en lesquels le Christ a vécu, les saints christophores.
Dans le cycle liturgique annuel, chaque jour est dédié à la mémoire des saints qui ont reposé dans le Christ en ce jour. C’est, en général, le jour où les saints ont atteint le terme de leur cheminement terrestre, le point culminant de leurs combats, leur perfection par le Saint-Esprit. En ce jour, le Saint (N.N.) a trouvé sa perfection est-il dit dans les livres liturgiques. Le mot grec pour « trouver sa perfection » (teleioutai), vient de la racine telos, et ne signifie pas seulement «la fin» de la vie terrestre, mais également l’achèvement (teleiosis) dans le Christ, auquel parviennent seulement les saints: « Nous appelons le martyre perfection (teleiosis), non parce que le martyr a atteint la fin (telos) de sa vie comme les autres hommes, mais parce qu’il a réalisé dans sa plénitude l’amour » envers le Christ (Clément d’Alexandrie).
LECTURES DU DIMANCHE PROCHAIN : Matines : Mc XVI, 1-8
Liturgie : 1 Cor. XVI, 13–24 ; Мatth. XXI, 33–42.



[1] Tiré du Synaxaire du Hiéromoine Macaire de Simonos Petras.
[2]. Aujourd’hui Lipljan, près de Prizren au Kosovo.