"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 18 juillet 2017

Entretien de conversion de l'hypodiacre Pierre 3


3. Comment et en quoi voyez-vous des différences et des similarités entre l’Orthodoxie et d’autres religions ?

On ne compare pas le Christ et Bélial.
Dieu Lui-même, en tant que Deuxième Personne de la Trinité, s’est incarné – Vrai Dieu et vrai Homme – pour sauver l’homme de sa chute, et nous a offert son Corps vivant, l’Eglise, dont Il est la Tête. Lui qui est la Voie, le Vérité et la Vie. C’est dans l’Eglise qu’il est possible d’expérimenter véritablement ces trois réalités, qui en forment une seule.

On peut certes trouver diverses formes de piété et de mystique d’apparence respectable dans les autres religions et de nombreux exemples de foi tout à fait admirables.
(En ce qui concerne les hérésies issues du christianisme – le papisme et les diverses branches du protestantisme -, la déformation de la vérité reçue est telle qu’elle apparaît malheureusement comme une caricature appauvrissante, et parfois blasphématoire).
De même, l’on peut trouver ailleurs des doctrines qui sécurisent le mental et tranquillisent, des règlements qui indiquent une conduite d’action existentielle et apportent un certain équilibre pour la gestion du quotidien.
Toutefois, s’il est possible de rencontrer une sagesse – relative -, une paix – relative -, ou même une compassion – toujours relative – dans d’autres formes de religions, partout règne le grand Manque, ou la grande Absence : celle de la présence du Christ, seule Plénitude capable de tout remplir – la terre, le ciel et les enfers.

Pour exemple : l’amour des ennemis, dans le christianisme, est bien plus qu’une attitude morale et un commandement.
On peut, dans n’importe quel courant religieux, faire l’effort de développer une attitude de compassion pour autrui, ou de détachement vis-à-vis de l’ego et de la haine, mais cela relève alors d’une règle de morale ou de comportement. Dans l’Orthodoxie, si cela est un commandement divin et une révélation du Christ lui-même, qui doit être continuellement travaillé et développé, cela ne peut être réel que parce que cela est une conséquence, propre à la Révélation même, de ce que « Dieu nous a aimé le premier, alors que nous étions encore dans l’inimitié », et qu’Il nous donne donc Sa grâce.

De même, en ce qui concerne le pardon (indissociablement lié dans son fondement à l’amour des ennemis) : celui-ci – spécificité caractéristique du christianisme, puisqu’il est élevé à la hauteur d’un sacrement – n’est possible et réel que parce que le Dieu Vivant et Vrai est une Personne : seule une personne peut pardonner à une autre personne – un principe ou une loi cosmique ne le peuvent pas. Et ce mystère va encore plus loin. En ce qui nous concerne, il nous révèle quelle est notre vraie nature : celle d’une personne – et non pas d’un simple individu parmi d’autres, composé de paramètres biologiques et de pulsions –, c’est-à-dire d’un être vivant qui trouve sa réalité pleine et son identité dans sa relation avec la seule Personne Vivante et Vraie, qui lui a donné la vie, par amour.
Il y aurait encore beaucoup à développer sur ce sujet, bien sûr. Qu’il suffise de synthétiser en indiquant que la spécificité de la Révélation chrétienne par rapport à toutes les autres « religions » -qui relient à Quoi, ou à Qui ? – trouve sa clé dans le mystère de la personne (dont, parmi les saints récents, le Père Justin Popovic a parlé d’une façon des plus admirables et explicites).

Partant de ce principe, il est encore instructif de constater que la « Connaissance », ou gnose, – fondement et levain de toutes les traditions orientales et des idéologies initiatiques qui en découlent sous l’étiquette de « spiritualités » diverses, prétendant trouver leur origine dans les « mystères » d’un passé des plus lointains : philosophies sous l’égide d’un « maître », théosophie, maçonnerie, néo-paganisme, et autres ésotérismes et « traditions primordiales », correspondant toutes à la « Sagesse des Grecs » – la gnose, donc, est à la base d’une contradiction primordiale dans la posture de « l’homme moderne » : ce n’est, en effet, pas le moindre des paradoxes qu’il croie pouvoir « se libérer » par la connaissance « d’une doctrine cachée » - en écoutant le sifflement du serpent dans l’arbre du même nom, prétendant : « Vous serez comme des dieux » -, alors qu’il se replace ainsi à nouveau dans le déterminisme des lois cosmiques et des puissances célestes, dont le Christ Lui-même est venu nous libérer (Gal. 4, 8).
Ce mythe de la gnose est en effet aussi vieux que le Serpent lui-même : la « connaissance » apporterait la libération totale ( …même par rapport au Créateur!) et l’homme serait son propre maître – traduit dans le langage des traditions orientales, cet arbre où se trouve le serpent a entre autres pour nom kundalini, et sa « montée » (dans l’arbre) est censée apporter des pouvoirs occultes à l’initié et, en finalité, « l’illumination », i.e. la connaissance ultime et absolue sur tout. L’hameçon de Satan à ce sujet n’est pas moins virulent aujourd’hui qu’il ne l’était au Paradis.
Il est notable de remarquer que « l’arbre de la connaissance du bien et du mal » met l’homme en contact avec deux concepts appartenant au monde abstrait des idées et l’introduit dans le domaine de la dualité, alors que la relation avec le Dieu Vivant et Vrai le maintient dans l’Unité, soit dans un rapport vivant avec le monde et Celui Qui peut dire « Je suis Celui Qui Suis ».

Et pourtant la connaissance est bien, en effet, le fondement primordial de la Révélation chrétienne, au point que l’ignorance est désignée par de nombreux de Pères comme « la cause de tous les vices », « la mère et la nourrice de tous les maux », « la maladie la plus fondamentale de l’âme », etc., puisque, selon les paroles mêmes du Christ «  la vie éternelle c’est qu’ils Te connaissent, Toi le seul vrai Dieu, et Celui que Tu as envoyé, Jésus Christ »  (Jean 17, 3). Il s’agit donc ici de connaître la relation qui existe entre l’homme avec son Créateur – et non pas de s’imaginer devenir indépendant de tout et devenir en même temps son propre dieu -, mais cette connaissance s’obtient par les sacrements de l’Eglise et l’ascèse personnelle, et, comme l’a si bien formulé le P. Justin Popovic, c’est dans le Verbe que réside le principe dynamique et métaphysique de la connaissance.

Sur ce sujet aussi, il y aurait beaucoup à développer, ne serait-ce que pour rappeler combien la fièvre de la connaissance a pris possession de l’homme occidental depuis des siècles d’une manière exacerbée – de la « Renaissance » (du paganisme), en passant par les « Lumières » et le positivisme -, au point que la norme de la vérité quotidienne – indubitable, inaltérable et objet de vénération absolue – se résume dans cette formule incontournable : « C’est scientifique ! », autant dire : vrai de manière absolue et irréfutable, reléguant au plan de l’imprécision subjective tout ce qui est dévoilé par la Révélation, (même si la science remet périodiquement en cause ses propres conclusions, et si elle reconnaît elle-même que l’objectivité absolue n’existe pas, mais est dépendante de la position de l’expérimentateur – mais ceci est une autre histoire).
Rappelons simplement ici que l’homme a fondamentalement besoin de croire, de croire en quelque chose ou quelqu’un pour trouver un ancrage lui donnant une assise, et que la prétendue « science » offre par sa crédibilité  cet avantage confortable de fournir une pseudo vérité déjà « prémâchée » et « prédigérée », qui exempte l’homme-consommateur de la nécessité de la réflexion, c’est-à-dire de l’expérimentation personnelle – à l’inverse de la Révélation chrétienne qui exige de chacun une ascèse, i.e. une mise en pratique, sans laquelle il n’est pas possible de faire sienne ni réelle la vérité qui nous est transmise.



Dans l’Orthodoxie, la Révélation à l’homme du mystère du salut se fait par la voie théanthropique, soit divino-humaine, c’est-à-dire d’un Dieu qui se fait homme : pas par un avatar de type hindou ou monophysite où Dieu n’aurait pris que l’apparence de l’homme, ni par une « réalisation spirituelle », où l’homme, par ses efforts, est parvenu à une « illumination » qui le libère des lois cosmiques de cause à effet.
La réalité du mystère chrétien – au sens étymologique de ce mot, soit : ce qui est au-delà la parole, ce qui ne peut être expliqué pleinement par les mots – est que Dieu n’est pas un principe cosmique supra-personnel et anonyme, mais qu’Il est « philanthropos », « tchelovekolyubets », c’est-à-dire fondamentalement Ami-de-l’homme, et qu’Il s’est manifesté comme Vrai Dieu et Vrai Homme (seul Homme véritable), ce qui est bien « scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs » : une telle kénose – abaissement, et humiliation, au niveau de l’homme – est scandaleuse pour un dieu, et revêtir la chair-prison et la glorifier par la résurrection est simplement un non-sens pour un esprit qui aurait été libéré.

L’Orthodoxie n’est pas une religion parmi d’autres religions.
L’Orthodoxie est la Vie divine – infusée directement par le Christ Dieu-Homme Lui-même dans Son Corps, qui est l’Eglise.

Il n’y a pas d’autre endroit où La recevoir.

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