Le texte du document est reproduit in extenso.
L’Église orthodoxe serbe, dès novembre dernier, a été l’une des premières des Églises orthodoxes autocéphales à réagir officiellement, au plus haut niveau (Concile épiscopal), aux intentions du Patriarcat de Constantinople de « résoudre » unilatéralement et autoritairement, en qualité de primus sine paribus et non de primus inter pares les problèmes ecclésiastiques en Ukraine. Elle l’a prié de n’en rien faire, et d’aider effectivement à la résolution de crise dans un dialogue fraternel avec l’Église orthodoxe russe, en concertation avec les autres Églises.
Malheureusement, la voix de l’Église serbe est restée « une voix qui crie dans le désert » : Constantinople n’a pas répondu autrement que par un silence sépulcral. Ensuite, le Saint-Synode de l’Église orthodoxe serbe a adressé un nouvel appel à Constantinople, le priant d’agir sans précipitation, dans un esprit de conciliarité, de charité fraternelle et de responsabilité, non seulement pour l’Église en  Ukraine, mais pour l’unité de l’Orthodoxie en général. La réaction a été la même : un silence sépulcral. Puis le sanctissime patriarche Irénée a personnellement supplié oralement le patriarche de Constantinople, lors d’une rencontre à Salonique. Malheureusement, le résultat a été identique. Il faut préciser que l’Église serbe a chaque fois informé toutes les Églises locales sœurs des mesures prises.
Après tout ce que le Patriarcat de Constantinople a fait à Kiev, qui est, comme chacun sait, la « mère des villes russes », la position de l’Église serbe, également communiquée à toutes les Églises orthodoxes locales, est la suivante :
  1. L’Église orthodoxe serbe ne reconnaît pas « l’intrusion » non canonique de Sa Sainteté le patriarche de Constantinople sur le territoire canonique de la sainte Église russe, dans la mesure où la métropole de Kiev ne peut aucunement être identifié à « l’Ukraine » actuelle, comprenant des dizaines d’autres diocèses. Elle a été transférée en 1686 au Patriarcat de Moscou, ce dont permettent de conclure des locuments du patriarche de Constantinople Denis IV, les résolutions de ses successeurs, les « Taktikon », « Syntagmes », « Dyptiques », « Calendriers » et « Almanachs » officiels publiés depuis non seulement par les autres Églises, mais par le Patriarcat de Constantinople lui-même, jusqu’à avril dernier.
  2. En même temps, l’Église orthodoxe serbe ne reconnaît pas comme telle « l’Église autocéphale d’Ukraine », cette « confédération » de groupes schismatiques ukrainiens (qui se battent déjà entre eux et vont inévitablement à l’éclatement), proclamée, mais inexistante du point de vue canonique et, dans les faits, imposée. Les schismatiques sont restés des schismatiques. Qui a été schismatique est schismatique pour toujours, à moins qu’il ne se convertisse sincèrement et ne se repente profondément. La seule Église que l’Église serbe connaisse et reconnaisse est l’Église orthodoxe ukrainienne canonique, dont le chef est Sa Béatitude le métropolite Onuphre de Kiev et de toute l’Ukraine.
  3. Par ailleurs, l’Église serbe ne reconnaît pas le « concile » de Kiev faussement dénommé « réunificateur » auquel n’a participé aucun hiérarque de l’Église orthodoxe ukrainienne canonique (puisque Sa Sainteté le patriarche Bartholomée avait reçu la veille dans son Église Alexandre Drabinko et le métropolite Syméon de Vinnitsa, sans lettre de congé de leur Église, d’ailleurs). La scène, l’atmosphère, l’environnement et les coulisses de cet étrange ramassis, pour ne rien dire de plus, sont plus ou moins connus de tous. Il s’agit avant tout d’un anti-concile anti-unificateur, conduisant à la division et à la désunion, ayant creusé plus profondément encore le gouffre de l’incompréhension et de la décomposition de la société de la malheureuse Ukraine. Pour toutes ces raisons, l’Église considère ses résolutions comme anti-canoniques, nulles et, par conséquent ne faisant aucunement obligation.
  4. L’Église serbe ne reconnaît pas l’épiscopat schismatique comme épiscopat orthodoxe, ni le clergé schismatique comme un clergé orthodoxe, car ceux qui appartiennent à l’aile Denissenko doivent leur « existence » à un hiérarque réduit à l’état laïc, excommunié et anathématisé (un fait que le patriarche Bartholomée lui-même avait reconnu en son temps), tandis que ceux qui dépendent du groupe de Malétitch sont entièrement dépourvus de toute succession apostolique et du sacerdoce en général. Aucun document, aucun trait de plume, comme on dit, ne saurait annuler ce qui a été, et faire exister ce qui n’est pas. Par conséquent, l’Église serbe ne reconnaît pas Monsieur Doumenko, ou le citoyen Doumenko (Épiphane) comme un hiérarque, et d’autant moins comme le chef d’une Église autocéphale (cette dernière charge ne lui est d’ailleurs même pas reconnu par son « père spirituel », Monsieur Denissenko, ou le citoyen Denissenko, comme on voudra, « primat en exercice » et « patriarche » à vie).
  5. Enfin, l’Église serbe est légitimement tenue de recommander à ses éminents hiérarques et à ses vénérables clercs de s’abstenir de communion liturgique et canonique non seulement avec le susdit Épiphane (Doumenko) et ses adeptes, mais également avec les hiérarques et les clercs qui concélébreraient ou seraient en communion avec eux, conformément aux principes des saints canons comme quoi qui communique avec des excommuniés se met en dehors de la communion.
***
L’Église orthodoxe serbe prie et implore le sanctissime patriarche de Constantinople de revoir les résolutions prises précédemment et de rétablir la paix bénie et l’unité des saintes Églises locales de Dieu, car il n’est rien de plus nécessaire, ni de plus précieux que l’amour, la paix et la concorde entre frères.