III. CRÉATION DU VICARIAT DE RIGA
En collaboration avec la venue de l'empereur Nicolas Ier sur le trône, le gouvernement russe a commencé à accorder plus d'attention aux communautés de vieux croyants de la région de la Baltique. Membres du Saint Synode, le métropolite Séraphin (Glagolevsky) de Saint-Pétersbourg et de Novgorod fut chargé d'envisager la possibilité de créer un nouveau diocèse sur le territoire des provinces de Livonie et de Courlande (Kurzeme) avec une cathèdre épiscopale à Riga. L'archevêque de Pskov fut prié de fournir des données sur la situation et le nombre de population orthodoxe sur ces territoires. Le petit nombre de paroisses orthodoxes à cette époque, l'absence de monastères et la pénurie d'argent forcèrent le Saint-Synode d'adresser au tzar une requête pour établir non pas une cathèdre indépendante à Riga, mais un Vicariat à Riga sous l'autorité du diocèse de Pskov. Nicolas I accorda son consentement.
Le premier évêque de Riga Irinarque (Popov, 1790-1877) était une personne très érudite: il parlait plusieurs langues étrangères, était diplômé de l'Académie théologique de Saint-Pétersbourg en tant que Maître ès Théologie, il servit dans les ambassades de Russie à Milan, Florence, Rome et Athènes. Avant de nommer un évêque, normalement, le Saint-Synode préparait une instruction spéciale - un règlement sur les nouvelles activités. Cette instruction fut aussi écrite pour Irinarque. Les paragraphes sur les Vieux Croyants et les relations avec les personnes d'autres religions étaient soulignés: le vicaire de Riga était censé devenir un grand missionnaire.
Vladika Irinarque arriva à Riga le 6 Novembre 1836, et après la réception officielle, les activités du Vicariat de Riga commencèrent sur le nouveau site. La première attention de cet ecclésiastique de haut rang, fut consacrée aux offices du culte, il exigeait un grand dévouement à cette mission, il était sûr que la prière et le prêche pouvaient convaincre ceux qui doutaient. Dans les relations avec les Vieux Croyants, il avait une politique très prudente, étant convaincu que tout bruit excessif ou toute mesure radicale pourrait intensifier l'attitude négative vis-à-vis de l'Eglise orthodoxe. Pendant l'apostolat d'Irinarque, les premiers mouvements de conversion des paysans luthérienne - Lettons et les Estoniens - à la religion orthodoxe commencèrent. La principale cause de ce mouvement fut la dure vie de la population dans la région, en particulier en 1838-1840, durant les années de mauvaises récoltes. L'indifférence des propriétaires et des autorités envers les paysans affamés, des rumeurs sur l'éventuelle réinstallation dans d'autres régions en Russie, poussèrent le peuple à s'adresser à l'évêque Irinarque pour demander de l'aide. Il les écouta très attentivement, et il aida les démunis. Voyant avec quelle délicatesse il étaient reçus par ce prêtre orthodoxe, le nombre de visiteurs augmenta. Ils commencèrent à s'inscrire pour l'immigration et la conversion à l'orthodoxie. Tout cela engendra l'hostilité des autorités locales dirigées par le baron gouverneur-général Palen. Un tel comportement des paysans fut interprété comme une émeute, le général-gouverneur Palen accusa l'évêque Irinarque de l'avoir incitée, et en 1841, il fit une demande pour rejeter le haut prélat orthodoxe de Riga, voyant en lui une menace pour la religion luthérienne, ainsi que pour la noblesse allemande dans la région de la Baltique. La requête reçut une réponse positive et l'évêque Irinarque quitta Riga.
Le 4 Octobre 1841, une nouvel évêque de Riga fut nommé - il était le recteur de l'Académie théologique de Moscou, l'archimandrite Philarète (Goumilevsky, 1805-1866).
En dépit de la prudence de Philarète la tension entre lui et les autorités locales fut ressentie dès le début. Le gouverneur-général Palen et le chef de la gendarmerie Benkendorf avaient peur de voir les événements de 1841 se reproduire. Le vicaire épiscopal de Riga, voyant les possibilités d'élargir son troupeau, promut la traduction de certains livres liturgiques dans les langues lettone et estonienne. La connaissance des langues locales fut un de ses sujets de préoccupation particulier. Dans un délai très court les langues devaient être étudiées et les prêtres devaient les utiliser pour les offices. Vladika Philarète lui-même, maîtrisait aussi bien l'estonien que le letton, il participa personnellement à l'édition des livres traduits et vérifia les compétences linguistiques des prêtres. En 1846, le tsar Nicolas I approuva la décision du Saint Synode pour la création de l'école de théologie de Riga, école qui était censée préparer des prêtres pour le Vicariat de Riga.
En 1844, une autre pénurie de récolte eut lieu dans les provinces de Livonie et d'Estonie. Elle provoqua une nouvelle période de conversion. En 1845-1846, l'évêque Philarète et le clergé du Vicariat agirent très énergiquement et dès que de nouveaux volontaires pour la conversion apparaissaient, ils envoyaient immédiatement une église de campagne, un prêtre, un lecteur et chantre. Depuis Octobre 1845 Derpt (Tartu) devint le centre de conversion orthodoxe, là, la surveillance des autorités locales était beaucoup moins intense qu'à Riga. Du 19 Septembre au 11 Octobre, 2533 paysans estoniens ont présenté leurs demandes pour se convertir à l'orthodoxie. Avec l'arrivée à Derpt du deuxième prêtre, le Père Paul Nevdachine, il devint possible d'avoir des cultes publics en estonien. Le mouvement de conversion fut contagieux: en 1845, le culte public en estonien commença à Räpina et Mustvee; en 1846 à Võru, Sangaste, Põltsamaa et Viljandi. En 1845, en tout, 9519 paysans de Livonie se tournèrent vers l'orthodoxie. Vladika Philarète prit certaines mesures visant rechercher de bons candidats pour devenir prêtres parmi les Estoniens. Les premiers d'entre eux étaient Jean Kolon et Cyprien Sarnet.
Version française Claude >Lopez-Ginisty
d'après