"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 30 août 2014

Panayiotis Christou: La Vie Monastique dans l’Eglise Orthodoxe (4)

Mont Athos


La répartition géographique du monachisme

      Aujourd'hui la vie monastique s'est propagée dans le monde entier; mais de nombreuses années d'efforts ont été nécessaires pour atteindre cet objectif. Le mouvement a commencé, comme nous l'avons vu, en Egypte, où les centres monastiques importants, avec des milliers de moines, se développa rapidement, les moines vivant dans les cellules, laures et monastères. Ceux-ci étaient situés à la Thébaïde, à Nitrie, à Scété, à Tabennèse et au mont Sinaï. Le monastère de Sainte-Catherine du Sinaï, fondée à l'époque de Justinien, a survécu avec la même détermination jusques à nos jours. De l'Egypte il s'est propagé très rapidement à la Palestine. Ce pays, qui fut sanctifié par la vie et la mort du fondateur de la foi chrétienne, a suscité l'intérêt des ascètes de tous les coins de l'Empire, parmi les Latins, Jérome et Rufin sont devenus célèbres. Plus tard, de grandes laures y furent établies, au nombre de cinq cents, par Théodose le Coenobiarque, Sabbas le Sanctifié, et Euthyme le Grand.

      Les ascètes apparurent en Syrie au cours des premières décennies du IVe siècle. C’étaient généralement des hommes et des femmes itinérantes, ces dernières s'habillaient comme les hommes. Ils cherchaient à abolir toutes les différences entre les sexes, et évitaient le travail. En raison de la position dominante qu’ils donnaient à la prière, ils furent appelés Euchites (de  ευχή prière en grec), ou, en syriaque, Massaliens (Messalien ou Massalien : celui qui prie, en langue syriaque). Ils furent critiquées par l'Eglise à cause de certaines déviations. Dans le même temps, la forme organisée de monachisme plus douce, atteignit également la Syrie. Le grand hymnographe et théologien Ephrem le Syrien fit également fait des efforts fructueux pour organiser les moines.

      Le monachisme a commencé à perdre du terrain dans ces trois pays depuis le début du septième siècle, c'est-à partir du moment de la conquête [musulmane]; mais il n'a jamais complètement disparu. Aujourd'hui, outre les orthodoxes, les coptes, les jacobites, les arméniens, les nestoriens y ont aussi des monastères.

      Par la Cappadoce et l'Asie Mineure, le monachisme atteignit la capitale de l'empire, Constantinople. Beaucoup de monastères qui furent établis dans les banlieues des deux côtés du Bosphore devinrent des organisations florissantes, et par leurs activités, ils influencèrent le cours des affaires politiques et parfois ecclésiales. Le monastère des Ascémètes [ceux qui ne dorment pas en grec/ ακοίμητο sans sommeil], qui a été fondée par Alexandre aux environs de 430, reçut son nom du fait que les moines louaient Dieu toute la journée et la nuit, étant divisée en trois groupes qui se succédaient dans l'église. Le monastère de Studion, fondé de même au Ve siècle, par le patricien romain Studius, devint le centre de l'évolution liturgique de l'Église orientale et le champion de l'indépendance de l'intervention étatique. Théodore le Studite, qui fleurit au début du IXe siècle, devint par son comportement héroïque un exemple pour tous les moines.

      Dans ces régions, le monachisme a été définitivement détruit au cours de la période de la conquête turque.

     Cependant, des centres forts du monachisme avaient déjà été formés, en Grèce. Parmi ceux-ci, le Mont Athos s’est distingué depuis le Xe siècle, et fut désormais appelé la "Sainte Montagne". En 963, l'empereur Nicéphore Phocas publia un décret accordant au moine Athanase le droit d’y fonder une grande laure, ce qu'il fit. Dans un court laps de temps, là, d'autres communautés de moines furent fondées, et celles-ci furent placées sous la supervision générale du Protos [La Sainte Epistasie (composée de 4 moines), gouvernement du Mont Athos, a à sa tête le Protos] . Afin d’y promouvoir la diffusion du monachisme, Alexis Comnène plaça tous les établissements de l'Athos sous la juridiction de l'évêque le plus proche, celui de Iérissos. Mais une friction compréhensible eut lieu entre lui et les Protos, et pour cette raison, il devint nécessaire de supprimer la juridiction de l'évêque de Ierissos. Cela fut fait vers la fin du XIVe siècle.

      Le Protos de l'Athos fut installé après que l'approbation ait été obtenue du Patriarche de Constantinople. Au début, il était nommé à vie, et vivait à Karyès, capitale de la république monastique. Il ne s’occupait que des problèmes d'ordre général de la communauté, parce que les monastères restaient en autonomie interne.

      Les lieux d'habitation de la montagne sont placés dans un environnement à la fois impressionnant et serein. L'augmentation des raids de pirates après l'affaiblissement de l'empire byzantin et la conquête turque ont influencé leur construction architecturale. Les monastères sont construits comme des forteresses puissantes, avec des tours et des embrasures. Les cellules sont construites au-dessus du mur de la forteresse, sur trois, et même six étages. Au milieu de la cour il y a une église "Catholikon", ou centrale, avec des chapelles sur les côtés.

      La longue occupation étrangère a causé beaucoup de fluctuations dans la puissance et la vigueur de ces établissements. Aujourd'hui, la terre de cette région autonome est répartie entre vingt monastères autonomes. Un représentant de chaque monastère, élu chaque année, est envoyé à Karyes, où la Sainte Communauté, une sorte de parlement, se réunit. Les monastères sont répartis en cinq groupes de quatre, chacune dirigée par un des monastères les plus forts: Lavra, Vatopédi, Iviron, Hilandar, et Dionysiou. Chaque groupe prend à tour de rôle exercer l’administration pour une année à la fois. Ainsi, des vingt représentants, quatre constituent l'organe exécutif, le comité de surveillants, tandis que le représentant du premier monastère du groupe qui a l'initiative administrative est le surveillant en chef. Chaque surveillant garde un quart du sceau de la république monastique.

      Onze des monastères de la Sainte Montagne, la plupart du temps sur son côté ouest, sont cénobitiques, et sont régis par un higoumènequi est élu à vie et a un conseil des anciens pour le conseiller. Neuf, pour la plupart, sur la côte orientale, sont idiorrhythmiques, régis par un comité de trois supérieurs (proistamenoi) qui sont élus pour un an. Le monastère de Hilandari est serbe; celui de Zographos, bulgare; celui de Pantéléimon, russe. Il y a aussi un skite roumain. Le monastère d'Iviron, qui est maintenant grec, était autrefois géorgien (ibérique). Jusques au treizième siècle, il y avait le monastère latin des Amalfitains. Ainsi, la Sainte Montagne est devenue un symbole de la catholicité et de l'unité de l'Orthodoxie; et elle est toujours le centre monastique principal du Patriarcat œcuménique, et elle est unique en son genre dans tout le monde chrétien. Malheureusement, il y a eu une baisse du nombre de moines pendant de nombreuses années, ce qui y réduit la vigueur de la vie monastique.

      Pendant les années du Despotat de l’Épire, les Météores sont devenus un centre monastique célèbre. D’impressionnants monastères ont été construits au-dessus de falaises abruptes, semblables de loin à des nids d'aigles; et de nombreux petits ermitages ont été creusées dans la roche. Il y a encore quelques décennies, l'accès à certains de ces monastères n’était possible que par un treuil et un filet. Sur les vingt-quatre anciens monastères de cette région seulement quatre fonctionnent aujourd'hui, avec un petit nombre de moines. Beaucoup de monastères demeurent et continuent de fonctionner dans toute la Grèce, mais avec un nombre sans cesse décroissant de moines.

      De l'Orient, la vie monastique fut amenée à l'Occident, dès le IVe siècle. Elle  y a fleuri en particulier au Moyen-Age, quand de forts ordres monastiques furent organisés. Ceux-ci ont joué un grand rôle dans la christianisation et la civilisation des peuples du nord de l'Europe. Le monachisme fut également été transmis, avec le christianisme, aux pays du nord de la Grèce: aux Slaves, aux Roumains, et aux autres peuples. Les guides monastiques russes Antoine et Serge sont devenus célèbres. Les ascètes et pères spirituels de la Russie, les startsy, jouissaient d'un grand renom, et d'innombrables foules de gens recherchaient leurs conseils.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après

Tout le psautier du saint Prophète David par le chœur de Valaam ( 5h 38 minutes!)

vendredi 29 août 2014

Panayiotis Christou: La Vie Monastique dans l’Eglise Orthodoxe (3)

Monastère de la tentation à Jéricho


Le système cénobitique

      Une autre étape fut franchie en Egypte par Pacôme (mort en 346). Outre l'administration et la prière, il plaça le logis, l'habillement, l'alimentation et le travail des moines sous surveillance. Habituellement, ils vivaient en groupes dans des dortoirs spacieux. On pourrait dire que, dans ce système, le monachisme est devenu plus facile par le fait que les moines vivaient ensemble et s’associaient les un avec les autres. Une forme de vie communautaire permit aux femmes de se consacrer à l'ascèse dans la solitude: il est dangereux pour elles de vivre dans un isolement complet. Mais le principal avantage de ce système était que le monachisme pouvait désormais jouer un rôle dans des activités philanthropiques.

      Le tournant du monachisme dans cette direction fut le labeur principal de Basile le Grand (mort en 378), évêque de Césarée. Il vécut dans la solitude pendant un certain temps dans sa propriété du Pont, avec les membres de sa famille. Là, il composa son célèbre ouvrage, Ascetica, qui allait devenir la base de l'organisation du monachisme au cours de la période suivante. Il recommanda le rassemblement des moines en groupes organisés, en accord avec la nature sociale de l'homme: "L'homme est un être docile et social, pas un homme sauvage et solitaire. Car il n'y a rien de si caractéristique de notre nature que de s'associer à un autre et d’avoir besoin de l'autre et d’avoir besoin d’un autre pour aimer notre nature " (Grandes Règles:3, IP.G. XXXI, 947). 

Selon cet enseignement, les moines devraient revenir des déserts vers les villes, et y établir des coenobia philanthropiques. Basile lui-même retourna à Césarée et organisa tout un groupe d'institutions d'utilité sociale, qui reçut plus tard, en son honneur, le nom de Basileias. Dès le début, la direction de ces établissements était dans les mains des moines, qui furent appelés "pères des orphelins."
      Le coenobium pourrait être considérée comme la forme finale du monachisme, mais ce n'est pas le cas. Bien qu'au premier abord il ait adouci le joug des ascètes, plus tard, il l'a rendu beaucoup plus difficile à supporter. Pour cette raison, une tendance vers un mode de vie moins strict apparut au cours du Moyen Age, et cela aboutit à la constitution de la vie idiorrythmique. Les "contemplatifs", c'est-à-dire ceux qui se consacrent à la contemplation de Dieu, cherchèrent la libération du travail pratique et social, afin d'être libres pour leur travail spirituel; et en même temps les moines les plus faibles demandèrent un assouplissement de la discipline. 

Dans les monastères idiorrhythmiques, l'administration, le vêtement, la prière, et dans une certaine mesure les lieux de vie restaient communs. Le régime alimentaire et dans une certaine mesure les travaux étaient libérés du contrôle. Ainsi les moines étaient autorisés à acquérir de la propriété privée, qui, cependant, ne pouvait pas dépasser certaines limites. D'un certain point de vue, la vie idiorrythmique peut être considéré comme un retour au système commun de la laure, tandis que d'un autre point de vue, il est une combinaison de la érémitique et des modèles communautaires du monachisme.

      Ces quatre types de monachisme fonctionnent désormais en parallèle les uns avec les autres depuis des siècles. Dans la tradition érémitique apparurent des variations étranges et intéressantes, prenant parfois des formes extrêmes. Ceux qui étaient confirmés s'enfermaient pendant de nombreuses années dans leurs cellules, ne communiquant avec le monde extérieur que par lettre, et recevant leur maigre portion de nourriture. Les stylites habitaient sur ​​des piliers à moitié détruits. Ceux qui sont devenus "fols-en-Christ" pérégrinaient, affichant leur folie, assumée par humilité.

      Tous ces quatre types ont survécu jusques à nos jours. Les ermites se trouvent presque exclusivement sur les points les plus éloignés de la péninsule du Mont Athos; le système communautaire est représenté par les ermitages de l'Athos; et les deux autres systèmes, le cénobitique et l’idiorrhythmique, par les monastères de toutes les régions orthodoxes.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après


Chants de Valaam ( environ 1h 10 minutes!)


jeudi 28 août 2014

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX


15/28 août

DORMITION DE LA TRÈS SAINTE MÈRE DE DIEU

Lectures :  Phil. II, 5 - 11 ; Lc. X, 38 - 42 ; XI, 27 - 28
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LA DORMITION DE LA TRÈS SAINTE MÈRE DE DIEU[1]
L
orsqu’il plut au Christ notre Dieu de rappeler à Lui Sa Mère, Il envoya un Ange, trois jours à l’avance, pour lui annoncer cette nouvelle. En s’approchant, l’Ange dit à la Pleine de Grâce : « Voici ce que déclare ton Fils : “le temps est venu de rappeler auprès de moi ma Mère.” Ne te trouble pas à cette nouvelle, mais réjouis-toi plutôt, car tu vas partir vers la vie éternelle. » Accueillant ce message avec grande joie, la Mère de Dieu, emplie du désir ardent de s’élever vers son Fils, se rendit au mont des Oliviers pour y prier dans la quiétude, ainsi qu’elle en avait coutume. Il se produisit alors un miracle étonnant : au moment où la Toute-Sainte atteignait le sommet de la colline, les arbres qui s’y trouvaient plantés inclinèrent leur ramure, se prosternant et rendant gloire à la Souveraine du monde, tels des serviteurs doués de raison.
Après avoir prié, la Toute-Sainte retourna chez elle, sur le mont Sion. Comme elle entrait dans la maison, tout se mit soudain à trembler. Rendant grâces à Dieu, elle fit éclairer la demeure, et appeler ses parents et ses voisins. Elle mit elle-même tout en ordre, arrangea son lit funèbre et ordonna de préparer ce qui était nécessaire pour les funérailles. Aux femmes qui étaient venues à son appel, elle révéla la nouvelle de son départ vers le Ciel et, en guise de preuve, elle leur remit la branche de palmier, symbole de victoire et d’incorruptibilité, que l’Ange lui avait donnée. Encore attachées par les liens de ce monde, ses compagnes reçurent cette nouvelle avec force larmes et gémissements, suppliant la Mère de Dieu de ne pas les laisser orphelines. Celle-ci les rassura : certes, elle partait vers le Ciel, mais elle n’en continuerait pas moins à les protéger, elles et le monde entier, par sa prière. À ces paroles, les femmes cessèrent leurs pleurs et s’empressèrent de faire les préparatifs. La Toute-Sainte ordonna en outre de donner les deux seules robes qu’elle possédait aux deux pauvres veuves qui étaient ses compagnes habituelles et ses amies.
À peine avait-elle prononcé ces paroles, que la maison fut de nouveau ébranlée par un bruit semblable à celui du tonnerre, et elle se trouva remplie de nuées qui amenaient les Apôtres, rassemblés de toutes les extrémités du monde. C’était donc toute l’Église qui, en leurs personnes, était mystiquement présente pour célébrer les funérailles de sa Souveraine. Au chœur des Apôtres s’était joint celui des saints hiérarques, tels que saint Hiérothée, saint Denys l’Aréopagite et saint Timothée. Les yeux pleins de larmes, ils dirent à la Mère de Dieu : « Si tu demeurais dans le monde et vivais parmi nous, nous en aurions, bien sûr, une grande consolation, ô Souveraine : ce serait comme si nous voyions ton Fils et notre Maître. Mais puisque maintenant, c’est selon Sa volonté que tu vas être transportée au Ciel, nous nous lamentons et pleurons, comme tu le vois. Mais nous nous réjouissons cependant de tout ce qui a été disposé pour toi. » Elle leur répondit : « Ô Disciples et amis de mon Fils et de mon Dieu, ne transformez pas ma joie en tristesse, mais ensevelissez mon corps et gardez-le dans la position que je prendrai sur mon lit de mort. »
À ces mots, arriva à son tour sur les lieux le Vase d’Élection, saint Paul. Il se jeta aux pieds de la Toute-Sainte pour la vénérer et lui adressa cette louange : « Réjouis-Toi, Mère de la Vie et objet de ma prédication. Car, quoique je n’aie point vu le Christ corporellement, en te voyant, c’est Lui-même que je crois contempler. »
Après avoir fait ses derniers adieux à tous les assistants, la Toute-Immaculée s’allongea elle-même sur son lit de mort, disposant son corps comme elle le voulait, et elle offrit d’ardentes prières à son Fils pour la conservation et la paix du monde entier. Puis, ayant donné sa bénédiction aux Apôtres et aux hiérarques, souriante, elle remit paisiblement son âme, blanche et plus resplendissante que toute lumière, entre les mains de son Fils et de son Dieu, qui était apparu en compagnie de l’Archange Michel et d’une troupe angélique. Sa mort s’accomplit en effet sans souffrances ni angoisse, de même que son enfantement avait eu lieu sans douleurs.
Pierre, le Coryphée des Apôtres, entonna alors l’hymne funèbre et ses compagnons soulevèrent la litière, précédés par d’autres assistants qui portaient des flambeaux et accompagnaient le cortège de leurs chants, avec à leur tête saint Jean le Théologien tenant en main la palme de victoire, et suivis en silence par la foule des disciples. On pouvait aussi entendre les anges, qui joignaient leurs voix à celles des hommes, de sorte que le ciel et la terre étaient tout remplis de cette thrène en l’honneur de la Souveraine du monde. L’air se trouva purifié par l’ascension de son âme, la terre allait être sanctifiée par la déposition de son corps, et de nombreux malades recouvrèrent alors la santé. Ne pouvant supporter ce spectacle, les chefs des Juifs excitèrent des gens du peuple et les envoyèrent renverser la litière sur laquelle reposait le corps vivifiant. Mais la justice divine devança leur sombre dessein, et ils furent tous frappés d’aveuglement. L’un d’eux, le prêtre Jéphonias qui, plus audacieux que les autres, était parvenu à saisir la sainte couche, eut en plus les deux mains coupées à la hauteur du coude par le glaive de la colère divine, et ses bras mutilés restèrent accrochés au lit, offrant un spectacle pitoyable. Porté au repentir par ce châtiment, Jéphonias adhéra de tout son cœur à la foi ; et à la parole de Pierre, il se trouva guéri et devint pour ses compagnons un instrument de Salut et de guérison. En effet, comme on lui avait remis un rameau de la palme de la Mère de Dieu, il l’appliqua sur les yeux de ses compagnons, et les guérit tous à la fois de leur cécité corporelle et de leur aveuglement spirituel.
Parvenus au jardin de Gethsémani, les Apôtres ensevelirent le corps très saint de la Mère de Dieu et demeurèrent là pendant trois jours, leurs prières étant sans cesse accompagnées des hymnes angéliques. Conformément à une disposition de la Providence, l’un des Apôtres (Thomas selon certains) ne se trouvait pas aux funérailles. Il n’arriva à Gethsémani que le troisième jour et ne pouvait se consoler de n’avoir pu contempler une dernière fois le corps déifié de la Toute-Sainte. Aussi, d’un commun accord, les autres Apôtres décidèrent-ils d’ouvrir le tombeau, afin qu’il puisse vénérer le saint corps. Une fois qu’on eut enlevé la pierre qui en fermait l’entrée, ils restèrent tous saisis de stupeur en constatant que le corps avait disparu et que seul le suaire qui l’enveloppait restait là, vide, mais gardant la forme du corps. C’était une preuve irréfutable du transfert [2]au Ciel de la Mère de Dieu, c’est-à-dire de sa résurrection et de l’ascension de son corps, de nouveau réuni à son âme, au-delà des cieux, dans l’intimité de son Fils, pour être notre représentante et notre avocate auprès de Dieu.
Marie, fille d’Adam, mais devenue véritablement Mère de Dieu et Mère de la Vie en enfantant Celui qui est la Vie substantielle (Jn 14, 6), est donc passée par la mort. Mais sa mort n’est en rien déshonorante, car, vaincue par le Christ, qui s’y est soumis volontairement pour notre Salut, la condamnation d’Adam est devenue « mort vivifiante » et principe d’une existence nouvelle. Et le Tombeau de Gethsémani, de même que le Saint Sépulcre, est apparu comme une « chambre nuptiale », où se sont accomplies les noces de l’incorruptibilité.
Il convenait en effet que, conforme en tout au Christ-Sauveur, la très sainte Vierge passe par toutes les voies que le Christ a empruntées pour répandre la sanctification en notre nature. Après l’avoir suivi dans sa Passion et avoir « vu » sa Résurrection, elle a donc fait l’expérience de la mort. Dès qu’elle se sépara de son corps, son âme très pure se trouva unie à la Lumière Divine, et son corps, étant resté peu de temps en terre, ressuscita bientôt, par la grâce du Christ ressuscité. Ce corps spirituel fut reçu au Ciel comme le tabernacle du Dieu-Homme, comme le trône de Dieu. Il est la partie la plus éminente du Corps du Christ, et il a souvent été assimilé par les saints Pères à l’Église elle-même, la demeure de Dieu parmi les hommes, prémices de notre état futur et source de notre divinisation. Des entrailles très chastes de Marie, Mère de Dieu, le Royaume des cieux nous a été ouvert, c’est pourquoi son transfert au Ciel est cause de joie pour tous les croyants qui ont ainsi acquis la garantie, qu’en sa personne, c’est toute la nature humaine, devenue porteuse du Christ, qui est appelée à habiter en Dieu.
Tropaire de la Dormition, ton 1
Въ poждествѣ́ дѣ́вство сохрани́ла ecи́, во ycпе́нiи мípa не ocта́вила ecи́ Богоро́дице, преста́вилася  ecи́ къ животу́, Máтищи животá, и моли́твами Tвои́ми избавля́еши отъ сме́рти дýши на́ша.
Dans l’enfantement, Tu as gardé la virginité; dans Ta dormition, Tu n’as pas abandonné le monde, ô Mère de Dieu. Tu as été transférée à la Vie, étant Mère de la Vie, et par Tes prières, Tu délivres nos âmes de la mort.

Kondakion de la Dormition, ton 2
Bъ моли́тваxъ неусыпа́ющую Богоро́дицy, и въ предста́тeльствахъ непрело́жное упова́нie, гро́бъ и умерщвлéнie не удержа́ста ; я́коже бо живота́ Mа́тepь, къ животу́ преста́ви, во yтро́бу всели́выйся приснодѣ́вственную.
Tombeau et mort n’ont pu retenir la Mère de Dieu, toujours vigilante dans ses intercessions, espérance inébranlable dans sa protection, car étant la Mère de la Vie, Il l’a transférée à la Vie, Celui qui demeura dans Son sein toujours virginal.

Au lieu de « il est digne en vérité », ton 1
Áнгели успéнie Пречи́стыя ви́дѣвшe удиви́шася, ка́кo Дѣ́ва восxо́дитъ отъ земли́ на нéбо. Побѣжда́ются ecтества́ yста́вы въ Teбѣ́ Дѣ́вo чи́стая; дѣ́вствуетъ бо poждество́, и живо́тъ предобpyча́етъ смépть, по poждествѣ́ дѣ́ва, и по смépти жива́, cпаса́eши при́сно Богоро́дицe наслѣ́діе Твоé.

Les anges étaient frappés de stupeur à la vue de la Dormition de la Très-Pure. Comment la Vierge s’élève-t-elle de la terre aux cieux ? Les lois de la nature ont été vaincues en Toi, Vierge pure : Ton enfantement est virginal et Ta mort fait pressentir la Vie. Ô Toi qui, après Ton enfantement, es demeurée vierge, et vivante après Ta mort, Mère de Dieu, sauve toujours Ton héritage.


[1] Tiré du Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras.
[2]  Le terme d’« Assomption », récemment adopté comme dogme par l’Église Catholique Romaine (1950), en tant que corollaire de celui de l’« Immaculée Conception » (1854), laisse supposer de manière ambiguë que la Mère de Dieu, ayant été mise à part de l’héritage d’Adam (le péché originel et sa conséquence, la mort), ne serait pas morte, mais aurait été directement emportée, corps et âme, au Ciel.