"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 12 novembre 2011

Dimanche 13 novembre 2011: Journée internationale de prière pour les chrétiens persécutés

PRIONS 
POUR TOUS LES CHRETIENS
 PERSECUTES 
DANS LE MONDE


Ce dimanche qui vient, des millions de chrétiens feront quelque chose qui mettra leur vie en danger: ils iront à l'Eglise. Ces croyants ne prennent pas le culte chrétien à la légère. Ils comprennent combien il serait facile pour eux de devenir un des 40.000 chrétiens qui sont brutalement assassinés pour leur foi chaque année! 

Sur cette video, témoignages de chrétiens d'Inde, "la plus grande démocratie d'Asie (sic)," persécutés pour leur foi...

Un chemin vers saint Silouane (XIX)


Le staretz Philarète, injustement accusé de vol et jugé à Thessalonique fut condamné à payer une amende. Il évita la prison grâce à la générosité d’un fidèle. Comme il n’était plus allé dans le monde depuis cinquante ans, on lui demanda comment il avait trouvé les gens. "Que puis-je vous dire, mes Pères ? Ils étaient tous pressés et affairés pour leur salut. Je suis le seul négligent et paresseux". 
Patéricon Athonite

La voie que nous trace le saint staretz Silouane est ardue, mais fort claire. Si nous devions la résumer brièvement afin qu’elle soit pour nous comme une règle de vie, nous le ferions ainsi.
Dieu est amour. A moins de devenir nous-même amour, nous ne parviendrons pas à nous unir à Lui. Cette mort dès cette vie par le péché et l’indifférence, doit nous faire prendre le chemin du repentir. Dieu Qui est sans discontinuer à nous attendre, nous accorde alors Son amour sans mesure. Nous vivons ensuite à la fois le regret et le remords incommensurable du péché et l’exultation bienheureuse d’un avant-goût du Royaume. Cet enthousiasme en Dieu fait place quelquefois à une exaltation qui, si on ne la combat pas par l’humilité, nous conduira à l’illusion spirituelle. 
L’exaltation passée, le monde terrestre ne paraît plus transfiguré à nos yeux. C’est par la grâce de Dieu et par notre coopération avec Lui que ce monde pourra être à nouveau illuminé par la Lumière. La clef de ce monde transfiguré, où au Ciel comme sur la Terre s’accomplit la volonté de Dieu, est l’amour du frère et de tous les hommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. "Il n’est de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis", ( Jean 15, 13) a dit le Christ à Ses disciples, donc à saint Silouane qui a illustré cette Parole par sa vie, et à chacun d’entre nous, si notre liberté l’accepte avec la Grâce de Dieu.
L’autre doit donc devenir mon frère, tout homme doit devenir mon frère. L’existence de l’autre va me devenir essentielle. "Ceux qui haïssent leurs frères et les rejettent sont amputés de leur propre existence. Ils n’ont pas connu le vrai Dieu qui est Amour embrassant tout, et n’ont pas trouvé la voie qui mène à Lui". (Archimandrite Sophrony, op. cit p. 117)
Cet amour exigeant, impossible sans la grâce de Dieu, qui nous fait "inclure les autres dans [notre] existence personnelle, devra toujours se faire devant le Christ. Hors du Christ, aucune expérience spirituelle mystique ne permet à l’homme de connaître l’Etre divin en tant qu’Objectivité Une, absolue et inconcevable, en Trois Sujets absolus et inconcevables, autrement dit en tant que Trinité consubstantielle et indivisible. Mais dans le Christ, cette Révélation, cette connaissance, devient lumière de la vie éternelle, illuminant toutes les manifestations de la vie humaine" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 184).
Nous garderons la Tradition afin que "la vie religieuse [ne devienne pas] cérébrale et [qu’elle ne prenne pas] la forme d’une connaissance abstraite" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 87), car c’est "la sainte Tradition qui est la source de l’Eglise" ( idem).
Avec la grâce de Dieu, nous approfondirons notre vie de prière comme le fit le staretz en consultant dès le début de notre chemin de prière, un Père spirituel et en apprenant l’obéissance.
Nous ferons mémoire constante de ce que la Vérité est le Christ, vrai homme et vrai Dieu, et nous ne mêlerons pas Son enseignement salvifique à d’autres doctrines.
Par la prière de Jésus, notre souffle restera dans la constante mémoire de Dieu. Par la garde des Commandements, nous resterons à la foi dans Sa Loi et Son Amour.
Le combat sera rude mais par la parole du Christ à Silouane, nous savons que même en Enfer il ne faut pas désespérer. Nous savons que Dieu sera toujours à nos côtés, même lorsque nous souffrirons de ce que nous croyons être Son absence.
Il nous faudra Le prier afin de parvenir à cette haute cime où nous pourrons véritablement parler de Lui comme de notre Père véritable, ainsi que le faisait le saint staretz Silouane.
Nous resterons confiants, non dans notre intelligence bornée qui imagine plus qu’elle ne voit les réalités de Dieu, mais dans la parole de salut que le Père Sophrony nous donna en écrivant : "Un croyant humble et simple se libère du pouvoir de l’imagination par une aspiration totale à vivre selon la volonté de Dieu. Cela est à la fois SIMPLE et si "caché aux sages et aux intelligents", qu’il est impossible de la communiquer par la parole" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 155). 
Nous avons souvent le mépris de la simplicité. Si "le salut consiste à recevoir une vie identique à celle de Dieu" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 175) nous avons l’exemple suprême de la vie du Christ sur terre. Nous pouvons relire Ses paroles et y apprendre la simplicité perdue et être en chemin vers Lui Qui est la Vie.
"Il se peut que la plupart des fidèles chrétiens n’aient pas, au cours de leur vie, vécu leur propre résurrection, mais ils y croient et leur foi les protège. Le staretz parlait souvent de cette foi en citant les paroles du Seigneur : "Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru" (Jean 20, 29). Nous avons vu la résurrection de certains de nos frères et comme membres du Corps du Christ, cela nous est — en plus de la Parole du Seigneur — l’assurance ferme de notre propre résurrection. Nous avons aussi entendu beaucoup de paroles de vie des lèvres du bienheureux Père Sophrony ou de ses disciples et "grâce à la consubstantialité du genre humain, la parole peut parfois provoquer une expérience authentique dans l’esprit de l’interlocuteur et susciter en lui une nouvelle vie" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 201).
La pensée d’humilité selon laquelle tous les hommes seront sauvés sauf nous, nous permettra de nous garder de l’orgueil spirituel et du jugement des autres au temps d’exaltation. La pensée du Jugement et de la mort seront au début de notre chemin et à sa fin.
Nous chuterons et nous nous relèverons sans cesse, fortifiés par l’exemple du staretz Silouane, et nous prierons comme lui pour le monde entier, puisque tout homme, par la grâce de Dieu, deviendra ce qu’il est "notre propre vie", aux yeux du Seigneur.
Nous ne chercherons que la liberté en Dieu et non celle du monde qui "n’est pas liberté mais […] domination du péché sur nous" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., 64).
Nous demanderons au saint staretz et au bienheureux Père Sophrony d’intercéder pour nous afin que nous trouvions, suivant les paroles de saint Silouane "le repos en Dieu" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 280).
Nous nous souviendrons de l’essentiel…
"On ne peut vivre en chrétien ; on ne peut que mourir en chrétien. Tant que l’homme vit dans ce monde, dans cette chair, il est toujours comme recouvert d’un voile, et ce voile ne lui permet pas de demeurer parfaitement et sans interruption en Dieu vers qui son âme s’élance. Tant que l’homme est revêtu de chair, cet aspect de sa vie le maintient toujours dans la contingence de l’existence terrestre ; aussi chacune de ses actions porte-t-elle également ce caractère de relativité, et n’arrive à la perfection que par le grand mystère de la mort, qui apposera le sceau de la vérité éternelle sur tout le chemin parcouru durant sa vie, ou, au contraire, en démasquera le mensonge. En tant que destruction de la vie organique du corps, la mort est semblable pour tous les hommes, mais, en tant qu’événement spirituel, elle prend pour chacun un sens et une signification particuliers. (Archimandrite Sophrony, Op. cit. p. 231-232)

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
aux 
Editions du Désert 
en 2003 
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L'Ermitage du cœur (323)


Chaque prière est une borne
Lumineuse et belle
Sur la Voie du Royaume

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

vendredi 11 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XVIII)




"Sans la sainte Eglise visible, il n’y aurait pas les Saints Mystères du Christ sans lesquels l’homme ne peut hériter la Vie éternelle. Les prières durant les offices ecclésiaux ont une telle puissance et une telle signification, que même les mots « Kyrie éléison » surpassent tous les exercices que l’on pourrait faire en cellule. C’est pourquoi les saint Pères, comprenant cela, lorsqu’ils se tenaient à l’église pendant le service divin, pensaient se tenir au Ciel devant le trône même de Dieu".
Saint Antoine d’Optino

Avant la prière personnelle, il est évident qu’il y a la prière en Eglise, et que c’est elle qui prépare à la rencontre du Seigneur dans l’ermitage du cœur.
Le staretz Silouane a vécu au monastère sacré de Saint-Pantéléimon. Il a régulièrement assisté régulièrement aux offices et communié aux Mystères très purs du Corps et du Sang du Christ. Notre prière personnelle, comme la sienne, doit trouver son origine dans la communauté ecclésiale. Il y aurait grande témérité à vouloir se passer de celle-ci pour prétendre faire seul son salut. Cela ne mènerait qu’à l’illusion spirituelle. Illusion spirituelle serait aussi la prétention, pour nous laïcs, de vivre en pleine solitude afin de mieux nous préparer au face à Face salvifique avec Dieu dans la prière. 
Les meilleurs disciples du staretz, ceux qui ont permis que son enseignement soit répandu à la surface de la Terre, vivent en communauté à Maldon, au monastère Saint-Jean-Baptiste. Comme le staretz, ils sont nourris des trésors spirituels de l’Eglise, c’est-à-dire de ses offices et de ses sacrements.
Il y a danger évident de vouloir faire de l’enseignement de saint Silouane une méthode d’oraison hésychaste détachée de son contexte qui est celui de l’Eglise Orthodoxe, de ses enseignements et des Saints Dons qu’elle accorde à ses fils et à ses filles. Ce serait une grande erreur de penser qu’il y a dans la leçon spirituelle du staretz au monde une simple "mécanique" spirituelle arrachée à son socle, à savoir l’Eglise Par une humilité feinte et une pseudo charité, peu conformes à l’enseignement chrétien bimillénaire, d’aucuns prétendent que nul ne peut posséder la Vérité pour affirmer, en singeant René Guénon, que toutes les vérités se valent. Mais la Vérité pour nous chrétiens, n’est pas un objet ou une idée que l’on possède, elle s’incarne dans la Personne du Christ qui a dit: " Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie." 
Il nous a laissé l’Eglise qui est l’écrin de cette Vérité dans ses enseignements inspirés par l’Esprit Saint) Il arrive que dans certains milieux, on manifeste également l’intention de dépasser le staretz et son enseignement purement orthodoxe. Autant est légitime la vénération du saint staretz par les non-orthodoxes et les non-chrétiens, (quels qu’ils soient et où qu’ils soient car la Vérité appartient à tous), autant il est aberrant de vouloir forcer son enseignement dans le sens d’un relativisme qui, diluant la valeur intrinsèque de son message, en ferait l’instrument d’analyse et la voie d’oraison , d’égale valeur d’un "maître" parmi d’autres maîtres, dans une hiérarchie où le Christianisme ne serait qu’une foi parmi beaucoup d’autres fois. 
L’étape suivante, après avoir nié la pertinence de son enracinement dans l’Eglise Orthodoxe, consistera bientôt à porter un regard critique sur "sa méthode" avant de comparer son efficacité par rapport à d’autres techniques, religieuses ou profanes, pour finalement en faire un simple objet de spéculation intellectuelle.
Dans l’Eglise,, ce sont les moines qui peuvent le mieux nous éclairer sur la pensée du saint staretz, et comme nous l’avons dit précédemment, c’est dans les monastères que nous pourrons le mieux progresser dans la compréhension de son message au monde. 
C’est encore dans l’Eglise et ses sacrements que nous trouverons un appui ferme pour partir à l’assaut du Royaume. "Un seul Kyrie éléison peut remuer le ciel et la terre", disait un Père athonite.
La prière commune dans l’Eglise lors de la célébration eucharistique, nous permet de vivre hors du temps, dans le Royaume. Nous ne pouvons en faire l’économie. Elle est le Ciel descendu sur la Terre des Vivants. Rassemblés au Nom du Christ, nous savons selon Sa promesse Qu’Il est présent parmi nous avec le Père et l’Esprit. Les anges, les prophètes, la Mère de Dieu Très Pure et les saints sont aussi mystiquement avec nous. Nous entrons en vérité dans l’Eternité. Les Saints Mystères du Corps et du Sang du Christ abolissent alors la distance qui nous sépare des défunts, car ils reçoivent comme nous les Saints Dons par la commémoration que nous faisons d’eux dans nos dyptiques. 
L’Eglise est le lieu de Communion parfaite, le pont entre le Ciel et la terre. Là est la possibilité incommensurablement sainte de recevoir véritablement en nous le Christ par l’Eucharistie, et d’être déifié autant que le permet notre nature ici-bas. Saint Silouane communiait deux fois la semaine et chaque jour au temps de sa maladie… Les Pères appelaient la Divine Communion ‘pharmakon’ c’est-à-dire le remède !
Le superbe athlète du Christ, le staretz Gérassime (Ménagias) posait la question suivante : "Pourquoi le Christ désire-t-il si grandement que nous Le recevions dans la Sainte Communion ?" Et il répondait : "Parce que l’amour désire et n’a d’autre but que notre union avec Sa divinité." Il ajoutait : "On dit qu’il y deux sortes d’hommes qui devraient fréquemment recevoir la Communion : les parfaits pour préserver leur perfection, et les imparfaits pour atteindre cette perfection." ( Archimandrite Cherubim, Contemporary Acsetics of Mount Athos, Vol II, Saint Herman of Alaska Brotherhood, Platina, USA, 2000, pp. 693-694)
Nous avons tous besoin des offices de l’Eglise pour notre pèlerinage vers les Cieux. Quiconque a assisté à une Divine Liturgie célébrée par le Père Sophrony ou ses moines à Maldon, a pu constater l’extrême attention portée à la célébration, son caractère saint et, partant, l’importance dans la vie spirituelle des offices liturgiques. Leurs buts, "c’est la sanctification des fidèles, qui par ces Mystères, reçoivent la rémission des péchés, l’héritage du Royaume des Cieux et tout ce que cela implique." ( Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la Divine Liturgie, Sources Chrétiennes 4 bis, p. 57). 
"Nous avons besoin d’être sanctifiés […] par tous les rites de la Liturgie Sacrée […] dans ces formules et ces rites nous voyons la représentation du Christ, des œuvres qu’Il a accomplies et des souffrances qu’Il a endurées pour nous." ( Saint Nicolas Cabasilas, op. cit. p. 60) "Comment dans une telle atmosphère, dans la présence vive de tant de saints, de saintes figures, d’icônes, de reliques, de souvenirs…Comment une vie de sainteté pourrait-elle ne pas s’épanouir ?" ( Archimandrite Cherubim, op.cit. p 540)
Dans l’Eglise est aussi le Lieu privilégié de Dieu où dans les ecténies, nous prions pour tous les hommes, "pour tous ceux qui se trouvent dans les périls, les adversités, les infortunes, mais simplement pour tous ceux du monde tout entier." (Saint Nicolas Cabasilas, op. cit. p. 113)
Lorsque nous sommes éloignés des lieux de cultes, nous pouvons être avec les disciples par l’enseignement de Maldon, qui nous offre aussi l’office de la prière de Jésus, tel qu’il fut conçu par le Père Sophrony pour garder en nous " l’atmosphère monastique" qui est salutaire à notre cheminement dans le monde.

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
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L'Ermitage du cœur (322)





Jette tous tes soucis
Dans l'océan de miséricorde
Du Seigneur magnanime
Et sois en paix

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)


Valaam 7

jeudi 10 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XVII)







Notre aide surnaturelle dans le temps immobile de Dieu

Sur la Voie de Dieu, nous pouvons en vérité espérer l’aide de la Toute Sainte et celle des élus du Royaume. En effet, dans ses écrits, le staretz Silouane nous recommande à la Mère de Dieu Très Pure et aux saints.
Dieu, pour le staretz comme pour nous, est notre Père céleste. Saint Silouane nous présente sobrement la Vierge Pure comme notre Mère selon l’Esprit, et nous comprenons bien que Celle qui a vécu le Golgotha a le pouvoir de comprendre tous les hommes dans leur souffrances. 
De la Mère de Dieu, il connaît "son amour parfait" et "sa douleur […] immense et impénétrable pour nous". Elle est pour nous un recours puissant. Elle réveilla Syméon, le futur staretz Silouane de la nuit du péché, et l’engagea sur la voie du repentir. Plus tard, ce fut devant son icône qu’il reçut le don de la Prière de Jésus, don magnifique par lequel son cœur devint l’écrin précieux où elle était prononcée sans discontinuer, d’elle-même, sans effort de sa part. Par là, le saint staretz comprit dans le Saint-Esprit, qu’à l’instar de son Fils, Elle avait, Elle aussi, compassion de tous les hommes et qu’Elle intercédait pour eux. 
Si son amour avait trouvé le pécheur Syméon, si sa voix prononçait des paroles calmes et douces pour lui reprocher son péché et que cette douceur le staretz ne pouvait l’oublier longtemps après, c’est que cette compassion infinie s’étendait effectivement à tous les hommes et à présent à nous aussi pécheurs.
Les saints unis sur terre à Dieu par l’amour le sont encore plus au Ciel. "Dieu est Amour : et, dans les saints, le Saint-Esprit est amour" (Archimandrite Sophrony, Op. cit,. p. 359).
"Bien des gens ont l’impression que les saints sont loin de nous. Ils sont loin de ceux qui se sont eux-mêmes éloignés, mais ils sont très proches de ceux qui gardent les commandements du Christ et ont la grâce du Saint-Esprit.
Dans les Cieux, tout vit et se meut par le Saint-Esprit ; mais le Saint-Esprit est le même aussi sur la terre. Il est présent dans notre Eglise ; Il agit dans les sacrements, nous sentons son souffle dans la Sainte Ecriture ; Il vivifie les âmes des croyants. Le Saint-Esprit unit tous les hommes, et c’est pourquoi les saints nous sont proches. Lorsque nous les prions [d’intercéder pour nous], alors, par le Saint-Esprit, ils entendent nos prières et nos âmes sentent qu’ils prient pour nous !" (Archimandrite Sophrony, Op. cit,. p.. 360).
Le recours aux saints est obvie dans la mesure où "le Saint-Esprit les a choisis pour prier pour le monde entier et leur a donné d’intarissables larmes. Le Saint-Esprit donne à ses élus un tel amour que leurs âmes sont saisies, comme par une flamme, du désir que tous les hommes soient sauvés et voient la Gloire du Seigneur". "Invoquez avec foi et priez la Mère de Dieu et les saints. Ils entendent nos prières et connaissent même nos pensées" (Ecrits du staretz Silouane, in Archimandrite Sophrony, op. cit. p. 361). "Par le Saint-Esprit, les saints voient les souffrances des hommes sur la terre. Ils voient et savent que nous sommes accablés de peines, comme nos cœurs sont desséchés, comme l’abattement paralyse nos âmes et, sans se lasser, ils intercèdent en notre faveur auprès de Dieu. Les saints entendent nos prières et reçoivent de Dieu la force de nous aider. Cela, tout le peuple chrétien le sait" (Archimandrite Sophrony, Op. cit. p. 361).
Le staretz parle plus longuement de saint Jean de Cronstadt et de saint Séraphim de Sarov. L’enseignement de l’un et de l’autre sont en harmonie avec celui du saint athonite et à la fois leur vie, tout entière consacrée à Dieu, et leur prière incessante ainsi que leur grande compassion pour les pécheurs, leur volonté d’aller chercher toutes les brebis égarées et de les porter dans leur prière vers Dieu, en font des recours précieux pour les pécheurs que nous sommes. 
Avec celle du saint staretz Silouane et de son disciple bien-aimé l’archimandrite Sophrony, demandons l’intercession ardente de saint Séraphim et de saint Jean de Cronstadt afin d’obtenir le secours spirituel qui nous est nécessaire pour nous relever dans nos chutes et pour continuer à cheminer sur la Voie du Christ.
Demandons aussi avec tendresse et ferveur l’aide précieuse de la Toute-Pure. Elle saura, comme une mère aimante, panser nos blessures, apaiser nos craintes et remettre en nos cœurs le baume de la prière comme Elle le fit pour le saint staretz Silouane.
N’écoutons pas les voix du monde qui s’élèvent, parfois même dans nos temples, pour nous dire que les saints ne sont pas des modèles, et que la prière ne doit pas passer par eux. Nous croyons à la Vie éternelle et savons que la mort est pour eux le gain du Christ, leur intercession sur cette terre était déjà source de miracles, "Jésus-Christ, le même hier, aujourd’hui et à jamais" ( Hébreux 13,8), qui les a rassemblés autour de Lui, leur a donné ce pouvoir mystérieux d’intercéder. Si, de leur vivant, l’ombre de saint Pierre ou les mouchoirs de saint Paul (cf Actes,19, 12) guérissaient les corps des fidèles aux temps apostoliques, combien plus les prières de ceux qui aimèrent Dieu jusques à vivre en Lui et par Lui, seront-elles entendues du Père et exaucées à présent qu’ils sont auprès de Lui dans le Royaume des Cieux ?

© Claude Lopez-Ginisty
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Jean-Claude LARCHET/Recension: métropolite Jean (Zizioulas) de Pergame, « L'Église et ses institutions »


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Métropolite Jean (Zizioulas) de Pergame, «L'Église et ses institutions », Textes réunis par l’archimandrite Grigorios Papathomas et Hyacinthe Destivelle, o. p., éditions du Cerf, Paris, 2011, 528 pages (collection « Orthodoxie »).
Ce nouveau volume de la collection « Orthodoxie », dirigée par le père Jivko Panev, propose, réunies par les soins du père Grégorios Papathomas et du père Hyacinthe Destivelle o. p., vingt-quatre études ecclésiologiques (articles et conférences) écrites par le métropolite Jean (Zizioulas) de Pergame entre 1967 et 2005. Ces études viennent compléter, en édition française, la thèse de l’auteur, récemment rééditée dans la même collection, sur « L'eucharistie, l’évêque et l’Église durant les trois premiers siècles », et les cinq études publiées dans « L’Être ecclésial «  (Genève, 1981). Tout en reconnaissant le gros travail réalisé par les éditeurs, on peut regretter qu’ils n’aient pas fait une œuvre exaustive en incluant vingt-cinq autres études d’ecclésiologie que l’évêque Maxim Vassiljevic (qui est avec son mentor, Mgr Athanase Jevtić, et un autre disciple de ce dernier, Mgr Ignatije Midić, l’un des plus ardents propagateurs en Serbie de la pensée de Zizioulas) vient de publier en anglais aux éditions Sebastian Press (John D. Zizioulas, « The One and the Many. Studies on God, Man, the Church, and the World Today », Alhambra, Californie, 2010, 443 p.).
Les études publiées ici permettent cependant de se faire une idée assez complète de la pensée du métropolite Jean, qui repose sur quelques principes simples, appliqués dans tous les domaines et à tous les cas, et qui a de ce fait un caractère assez répétitif.
Ces vingt-quatre études sont réparties en sept parties : 1) Christologie, pneumatologie et institutions ecclésiales ; 2) L’Église comme communion ; 3) Conciliarité et primauté ; 4) Église et eucharistie ; 5) Les ministères dans l'Église ; 6) Théologie et œcuménisme ; 7) Un tournant eschatologique.

On retrouvera dans toutes ces études les principes qui fondent toute la réflexion du métropolite Jean Zizioulas avec ce qui fait leur force, mais aussi leur faiblesse :
— une volonté légitime de redonner, au sein de l’ecclésiologie, une place à la pneumatologie (souvent éclipsée par une insistance exclusive sur la christologie), mais qui se montre excessive en allant jusqu’à donner la priorité à la pneumatologie sur la christologie avec des arguments peu pertinents (comme le fait que le Christ a été conçu du Saint-Esprit et L’a reçu à Son baptême) ; 
— une insistance nécessaire (car elle a été trop souvent oubliée dans le passé) sur la place essentielle de l’évêque dans l’Église, mais dont les excès s’accompagnent d’une dévalorisation de la place et du rôle des prêtres et des autres membres du « peuple » de Dieu, et soulignent exclusivement la fonction liturgique de l'évêque en négligeant ses fonctions de pasteur et de « dispensateur de la Parole de vérité »;
— une insistance légitime sur le lien intime, concret et vivant qui unit l’évêque à l’Église locale dont il est le pasteur, une réalité dont cependant ne donne pas l’exemple le métropolite Jean, qui a lui-même le statut – étranger à l’ecclésiologie orthodoxe, comme il l’a bien vu – d’évêque titulaire (ou « in partibus »), sans diocèse réel et sans fidèles, avec des fonctions purement diplomatiques, comme c’est le cas aussi pour beaucoup d’autres métropolites du Patriarcat de Constantinople dont le métropolite Jean est l’ecclésiologue attitré ;
— une forte valorisation de la personne (justifiée jusqu’à un certain point lorsqu’il s’agit de contrebalancer l’essentialisme d’une certaine théologie occidentale, le piétisme de certaines formes de spiritualité, et l’individualisme du monde monderne), mais qui trouve ses limites lorsque la personne est considérée, selon un modèle emprunté au personnalisme et à l’existentialisme philosophiques modernes: 1) comme seule réalité ontologique et comme fondamentalement libre, au détriment de l’essence considérée comme une abstraction et de la nature considérée comme l’essence, y compris « in divinis », comme source de détermination et d’aliénation, jusqu'au point où la personne se consitue elle-même contre l'essence ou la nature (plusieurs théologiens ont de ce fait qualifié la pensée de Zizioulas d' « ousiomaque »  ; 2) comme une réalité idéale que chacun doit tendre à accomplir (comme si tout homme n’était pas déjà en soi, de par son existence, une personne, et comme si la personne n’était pas susceptible d’être qualifiée en mal comme en bien selon son mode d’existence); 3) comme une réalité relationnelle, opposée à l’individu considéré comme une entité repliée sur elle même et fondamentalement égoïste (alors que les Pères – Grégoire de Nysse, Maxime le Confesseur, Jean Damascène, par exemple – ignorent une telle distinction, et a fortiori une telle opposition entre personne et individu);
— la définition de l’Église et de la personne comme réalités relationnelles conjointes, accompagnées d’une forte tendance à valoriser la dimension collective – et spécialement interhumaine et horizontale – de la vie spirituelle et à dévaloriser ses formes individuelles (ou personnelles au sens courant) – spécialement la relation directe, verticale, de la personne avec Dieu –, considérées systématiquement comme des formes égoïstes de moralisme et de piétisme; accompagnée aussi de la tendance à soumettre la personne à la collectivité (une tendance que dénonçait récemment le père Nikolaos Loudovikos, un ancien disciple de Zizioulas);
— une valorisation légitime de la dimension communautaire des mystères/sacrements (que l’on trouve aussi dans l’œuvre du P. Alexandre Schmemann), mais malheureusement au détriment de leur portée et de leur signification individuelle (ou personnelle au sens courant du terme); par exemple dans plusieurs études de ce livre, l’eucharistie est définie purement et simplement comme une synaxe, c’est-à-dire une réunion, et est vue plus comme une communion avec les autres fidèles que comme une communion au Christ, et le sacrement de l’ordre est considéré comme ce qui donne à celui qui est ordonné non une certaine grâce pour excercer sa fonction sacerdotale, mais une certaine place au sein de la communauté);
— une forte valorisation de l’eschatologie, qui tend à voir le Royaume des cieux comme une réalité à venir, et à comprendre le présent à la seule lumière du futur, au détriment de la foi que déjà « le Royaume est parmi nous » [Lc 17, 21]; cela amène par exemple le métropolite à affirmer de manière inexacte que l’Église ne tire son identité que de ce qu’elle sera;
— une valorisation légitime de la synodalité, mais accompagnée d’une valorisation excessive du primat, considéré comme ayant une primauté non seulement d’honneur mais de pouvoir, ce qui amène le métropolite à se rapprocher dangereusement, au profit du patriarche œcuménique de Constantinople, de la conception latine actuelle de la primauté.
Beaucoup d’autres idées de ce livre sont par un côté utiles (en ce qu’elles corrigent les défauts ou insuffisances de certaines théories ecclésiologiques antérieures), stimulantes et fructueuses, mais par un autre côté contestables en raison de certains excès. Le personnalisme philosophique (Berdiaev, Buber, Lévinas) et l’existentialisme (Heidegger, Sartre) sur lesquels est fondée toute la pensée de Zizioulas (comme aussi celle de Yannaras qui est aussi l'un de ses inspirateurs) lui a permis d’ouvrir des perspectives intéressantes dans le domaine de la théologie, de l’anthropologie chrétienne et de l’ecclésiologique, mais l’enferme aussi dans des catégories de pensée limitées et contestables, étrangères à la tradition patristique (par exemple les oppositions de base entre personne et essence ou nature, ou entre personne et individu; la définition de la personne comme idéal à accomplir et comme entité relationnelle) et dans une dialectique caractérisée par un dualisme assez rigide, qui aboutit à des oppositions forcées, excessives, sources conceptions déséquilibrées et réductrices. L’œuvre de Zizioulas peut être jusqu’à un certain point enrichissante si on la lit avec discernement; autrement elle risque de devenir la base d’une scolastique assez pauvre et de ce qu’Olivier Clément appelait une « théologie de la répétition », comme on le voit chez bon nombre de disciples actuels du métropolite de Pergame.
Jean-Claude Larchet

L'Ermitage du cœur (321)


C'est dans le cœur

Avec le Nom
Que commencent l'éternité
Et la plénitude du Royaume

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)


Valaam 6

mercredi 9 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XVI)




Quiconque aime Dieu aime non seulement son prochain mais aussi toute la création : les arbres, l’herbe, les fleurs. Il aime tout du même amour. Aime les pécheurs, mais déteste leurs œuvres ; et ne les méprise pas pour leurs fautes, de crainte d’être tenté de semblable manière.
Saint Ephrem le Syrien


Saint Jean de Cronstadt recommandait de dire du bien de nos semblables plutôt que de les critiquer, et il est vrai que quelquefois cette stratégie permet de désamorcer des séances de critiques qui sont indignes d’un chrétien.
On peut donc s’abstenir de juger, mais il ne faut le faire ni ouvertement, ni mentalement. Nos critiques et nos jugements peuvent d’ailleurs trouver un autre point de fixation plus utile au salut de notre âme. "Pour demeurer dans l’amour de Dieu, il est indispensable que la colère et la "haine" atteignent leur ultime intensité, mais qu’elles soient dirigées contre le péché qui vit en moi, contre le mal qui agit en moi, en moi, et non dans mon frère". (A. Sophrony, Op. cit. p. 225).
On doit en effet se soucier du salut de son âme premièrement, mais le staretz demande de prier aussi pour les ennemis et de les aimer, d’embrasser tous les hommes dans le même amour. 
Si nous sommes honnêtes, nous découvrons que nous passons avec célérité de l’agacement à la colère, puis à la haine quelquefois envers ceux qui nous sont les plus proches. Ceux qui sont éloignés, ceux que nous ne connaissons pas sont pour notre jugement, notre amour et notre inimitié, des proies plus faciles. De même que nous manifestons de grands sentiments d’amour immense pour ceux qui vivent à l’autre bout de la planète et que nous ne devons donc pas obliger, de même, mais dans une perspective exactement inverse, nous avons le plus grand mal à aimer véritablement ceux qui nous sont les plus proches. Aimer les peuplades d’un pays où je n’irai jamais ne m’engage à rien car, pratiquement et véritablement, je n’aurai jamais de contact avec elles. Aimer mes proches puis ceux qui sont dans mon environnement spirituel immédiat, est plus ardu. Mais ne pas détester, ni haïr ceux qui sont loin, ceux qui, proches ou éloignés, sont unanimement haïs ou détestés et quelquefois condamnés par l’opinion ou la justice humaine, voilà qui est un exploit spirituel véritable. C’est celui que nous demande le staretz en nous rappelant que notre Maître l’a fait avec le Bon Larron.
"Si quelqu’un dit : J’aime Dieu, et ne laisse pas de haïr son frère, c’est un menteur. Comment celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ?" ( 1 Jean 4, 20) dit le saint apôtre Jean le Théologien. La tâche d’aimer tous les hommes est insurmontable, ou paraît telle à notre esprit épris de justice du monde plus que de justesse évangélique, et nous aimerions qu’il soit possible d’être chrétien et de haïr. Une telle aberration est impossible, alors, encore une fois, lorsque nous sommes devant ce mur de notre propre résistance, malgré toutes nos prosternations d’amour au Seigneur, toutes les œuvres que nous pourrions mettre en balance avec la pure Grâce qui est don gratuit, sont inutiles pour Dieu. 
Nous devons admettre nos limites et notre faiblesse. Par un acte d’humilité, il nous faut supplier Dieu de venir Lui-même dans nos cœurs pour pardonner, pour ôter de nos âmes cet esprit de jugement que le monde cultive comme une vertu et le remplacer par l’Amour ineffable du Christ pour toutes les créatures .
Les seuls jugements que nous devons connaître et accepter sont le jugement que nous portons sur nos péchés, et celui redoutable par lequel nous serons dignes ou indignes de Celui qui nous a enjoint d’être "parfaits comme [notre] Père céleste est parfait" ( Matthieu 5, 48). 
Dieu Qui est Amour, n’acceptera notre amour que si nous le manifestons d’abord aux autres, à tous les hommes, à toute Sa création. C’est pour nous un critère de notre amour pour Lui que de nous interroger pour savoir si, véritablement, nous sommes dignes de nous dire disciples de saint Silouane à la suite du Christ ,et que, comme lui, nous embrassons dans notre prière le monde entier. Il nous aidera par son intercession bienveillante auprès du Sauveur et de Sa Mère Toute Sainte.

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
a été publiée
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Editions du Désert 
en 2003 
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L'Ermitage du cœur (320)



Rends sans cesse grâces
Pour le pur miracle de la foi
Et pour la sainte miséricorde
De notre Dieu compatissant

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Valaam 5

mardi 8 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XV)




Le staretz Damascène de la skite de Sainte-Anne avait pour habitude de prier ainsi : "Seigneur, fais que tous les idolâtres, les incroyants, les athées et les hérétiques se repentent, qu’ils apprennent la vérité et qu’ils croient en Toi, afin de devenir un seul troupeau avec un seul berger et qu’ils Te glorifient Toi le vrai Dieu dans la Trinité, Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, afin que nul d’entre eux, ô mon Seigneur, ne soit exclu du Paradis."
Patéricon Athonite


Le saint Staretz nous a demandé, à la suite du Christ, de renoncer au jugement des autres pour progresser vers le Royaume. C’est notre jugement des autres qui nous condamne aux yeux de Dieu. Avec saint Silouane, nous pouvons dire : "Je suis attristé parce que je vis avec négligence, mais je ne peux pas faire mieux. Je sais que je suis peu intelligent, presque illettré et pécheur, mais voici, le Seigneur aime aussi de tels hommes et c’est pourquoi mon âme aspire de toutes ses forces à travailler pour Lui". (Ecrits, p. 417).
Ainsi devons-nous revenir au saint staretz lorsque, par le découragement, nous pensons soudain que Dieu est las de notre médiocrité et que nous ne progresserons jamais dans la vie spirituelle. Mais nous devons aussi comprendre ce qu’implique exactement travailler — et de toutes ses forces — pour Dieu ! Le Seigneur ne nous a appris qu’une seule prière lors de sa venue sur la Terre des vivants. Dans cette prière, nous demandons, à la fois que Son Nom soit sanctifié, que Sa volonté soit faite, que Son règne arrive et nous réalisons avec le saint que cela n’est possible qu’avec la grâce du Saint-Esprit, lorsque nous vivons de et par l’amour de Dieu qui ne connaît aucune limitation.
Les Pères le disent : l’amour et la justice ne peuvent cohabiter. Comment la justice serait-elle compatible avec l’amour fou de Dieu ? Etait-il juste qu’Il sacrifie Son Fils unique pour des pécheurs ? Dans l’enthousiasme de la conversion, tout nous paraît possible, même cet amour. Viennent les épreuves ou les simples difficultés inhérentes à toute vie spirituelle, et nos belles certitudes s’estompent et le désespoir s’immisce dans notre âme et la torture, lorsque nous comprenons qu’il faut choisir entre Christ et le monde. 
Le dépouillement qui nous paraissait admirable nous devient soudain insupportable, et nous aimerions pouvoir concilier deux choses inconciliables. Nous sommes le jeune homme riche qui veut bien du Christ mais refuse de renoncer à ses richesses, malgré tout l’amour qu’il prétend avoir pour le Seigneur. 
Nous devons commencer modestement mais fermement notre ascèse de renoncement. Il devrait être aisé d’abandonner ce qui ne nous concerne pas, et qui nous est très nuisible. Ce à quoi nous devons, nous, renoncer, c’est d’abord et avant tout à l’esprit de jugement, à l’acquiescement même à l’esprit de jugement. C’est un premier pas. L’intercession du staretz nous y aidera. 
Alors qu’on essayait de lui faire critiquer un de ses collègues économes au monastère athonite de Saint Pantéléimon, et malgré les preuves accumulées contre cet homme, saint Silouane ne se permit même pas d’approuver les critiques de ses compagnons. Mais il revint vers un des "juges" et lui demanda :
— Père M., … depuis combien d’années es-tu au monastère ?
— Trente-cinq ans.
— M’as-tu une fois entendu juger quelqu’un ?
— Non, jamais.
— Alors quoi ! Veux-tu que je me mette maintenant à blâmer le père P. ? ( Archimandrite Sophrony, Op. cit. p.60)

© Claude Lopez-Ginisty
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L'Ermitage du cœur (319)




Tout est simple si tu le veux
Entre dans le secret de ton cœur
Ferme les yeux au monde
Et ouvre ton âme à l'ineffable

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)

Valaam 4

lundi 7 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XIV)



L’ermitage du cœur

Tu sais que là est la Vie véritable, la Vérité et la Voie, et tu sais aussi qu’elles portent un même Nom que tu vas savourer en Le prononçant inlassablement dans ton cheminement. Il n'est pas de chemin plus long et plus rude que celui que l'on doit accomplir pour pérégriner jusques aux lieux du silence intérieur où l'on va face à face, comme le saint théopte Moïse, faire la rencontre du Nom.

Ce temps orant est carrefour, croix où les voies multiples se croisent pour montrer au pélerin qu'il est libre d'aller où bon lui semble. Devant lui, l'avenir n'appartient qu'à Dieu. Derrière lui, l'héritage du vieil homme le cloue au monde pour l'empêcher de procéder vers le Royaume.
A droite, la tentation de l'oubli et de la vie matérielle fait briller des étoiles artificielles dans un ciel illusoire; elles clignotent comme pour simuler les battements de cœur mais leur agitation est dérisoire et vouée à l'échec.
A gauche, la certitude des jouissances intellectuelles aussi factices qu'éphémères mime l'illusion de bonheurs accessibles mais passagers.
La seule Voie est au centre de la Croix. Elle est Lieu comme Présence qui transcende toutes les dimensions cosmiques pour s'enraciner dans le Ciel vrai du monde à venir.
Pour ce cheminement abrupt vers les cimes de l'Esprit, le viatique doît être dépouillement, détachement dans la quiétude prégnante du Nom.
Ce ne sont pas les raisonnements qui conduisent au Lieu. Le bagage est léger lorsque sont déposées à terre toutes les entraves mentales du vieil homme.
Renoncer à tout ce qui nous donne l'impression du confort intérieur et arracher les entraves mondaines, est la chose la plus simple et celle qui nous donne le plus de peine pour son accomplissement.
Tendus que nous sommes vers l'accessoire survie selon le siècle, nous allons sans discontinuer d'avant en arrière, sans avancer d'un pas vers le Royaume.
Au point de jonction de la Croix, les yeux levés vers le Dieu-homme, l'unique ascension commence, qui mène à l'ermitage du cœur.
Des bornes saintes jalonnent les étapes d'une lente progression intérieure qui va nous greffer au Bois pour nous donner racines au Cieux.
La paix de l'âme, océan étale après les tempêtes des pensées, s'acquiert à grand prix. C'est tout notre être qu'il faut donner pour acquérir cette perle et la sertir sur notre souffle qui invoque le Nom.
Dans le désert du bruit, de l'agitation et des passions, trouver la brêche qui mène au langage du monde transfiguré de l'oraison et accéder pleinement au souffle pur qui n'est que prière. "Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les esprits, car voici, le Royaume de Dieu est en vous!"
Tu as fermé la porte des sens pour ouvrir à grand ventail les Portes Royales du Temple en Esprit et en Vérité. Les pensées s'agitent et bourdonnent dans ta tête comme des phalènes près d'une lumière humaine. Si tu fixes les yeux de l'icône qui te suit où que tu ailles, déjà se taisent les plus absurdes de ces insectes intellectuels. Ceux qui volent encore, ne tournent plus qu'autour de la flamme de la lampade.
Ton souffle s'affaire à descendre dans ta poitrine vers les battements de ton cœur, comme le disciple bien-aimé se penchait sur la poitrine du Maître lors de la Sainte Cène.
" Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur!"
Tu essaies d'enfermer toutes tes forces dans ces paroles comme dans un cri pour qu'Il t'entende.
Il t'entend toujours, même lorsque tu ne le sens pas. Tu chemines souventes fois sous son regard bienveillant en te croyant abandonné.
Tu répètes la prière à voix haute. Il n'existe plus que ces paroles comme les degrés frêles d'une échelle sainte pour accéder aux cimes de l'Esprit.
Tu voudrais voir le sommet de la prière pour être encouragé et continuer à t'efforcer, à tendre désespérément vers ce but, mais tant que tu n'auras pas renoncé à cette tension, tu n'accèderas pas à l'ermitage du cœur.
Ce que tu crois sentir n'est que la jachère spirituelle qui t'entoure. Tu prends l'idée que tu en as, ce que tu imagines, pour sa réalité.
Ce ne sont ni tes pas, ni tes paroles qui doivent te conduire, mais ton abandon complet en eux et en elles dans ton souffle; tu dois tendre par ton abandon total à demeurer dans le Nom, jusques à ne faire qu'un avec Lui.
On ne chemine pas pour partir, mais pour rester sans cesse dans le Lieu qui est en nous. On ne quitte rien du paysage. On le dépasse soudain et tout y devient aimable et pur. La source claire est toujours là qui offre son onde limpide. Il faut seulement avoir une soif véritable, une soif de Samaritaine au puits de Jacob. Le Seigneur est là pour l’étancher. En Lui sont les ondes vives qui vont nous régénérer. Tendons simplement nos mains orantes avec notre chapelet comme une corde, pour puiser à cette Source qui rejaillit dans la Vie Eternelle.
Gardons en mémoire que lorsque nous aurons visité l’ermitage du cœur, nous pourrions très vite en perdre le chemin si par malheur nous tombions dans l’orgueil spirituel de nous croire déjà sauvés, et si nous avions l’audace, même en pensée, de juger nos frères. Nous devons souhaiter pour tous le même salut en Christ, et notre retraite en l’ermitage du cœur n’est pas un retranchement de l’amour des autres pour obtenir une quiétude personnelle égoïste, mais une halte dans l’agitation du monde pour porter dans notre amour tous les hommes vers le Seigneur compatissant et miséricordieux.


© Claude Lopez-Ginisty
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Editions du Désert 
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L'Ermitage du cœur (318)




Ne dis pas que Dieu est absent
Alors que tu ne vas plus vers Lui
Dans la rencontre de la prière

上帝的朋友 ( L'ami de Dieu)




Valaam 3

dimanche 6 novembre 2011

Un chemin vers saint Silouane (XIII)



Le staretz Modeste de Kostamonitou disait souvent : "A moins de ressentir toute l’humanité comme nos frères et sœurs, et de savoir qu’ils sont nos frères et sœurs, le Saint-Esprit n’habitera jamais en nos cœurs. Le Seigneur aime mêmement tous les êtres, le plus grand pécheur et l’homme le plus saint. Nous devrions de la même manière étreindre tout homme dans notre cœur. L’amour est tolérant, il est généreux, il supporte tout. Dieu est Amour "  
Patéricon Athonite

Le début de l’humilité est peut-être là, dans cette reconnaissance douloureuse que nous disons aimer Dieu sans vouloir, ni pouvoir quelquefois faire ce qu’Il nous recommande. Que l’habitude jamais ne s’installe dans notre vie en Dieu et que le Christ soit à nos côtés lorsque nous entreprendrons les combats spirituels qui ne manqueront pas de se faire jour. "Celui qui prie de tout son cœur connaît bien des épreuves dans la prière : il se trouve en lutte avec l’Ennemi, en lutte avec lui-même, avec ses passions, en lutte avec les hommes ; et en tout cela, il s’agit d’être vaillant" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 276). Ce que l’on acquiert intérieurement par la prière se perd extérieurement par "les jugements, les vaines paroles et l’intempérance" (Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 277).
La tentation peut nous venir de croire que tout cela est vain, inutile et illusoire, et peut nous amener à considérer que certains déséquilibres de comportement, inhérents à notre nature déchue peuvent être créés par le fait de prier. Le staretz remarque aussi que certains pensent que la prière peut être responsable du "prelest" (illusion spirituelle), mais il s’insurge contre cette erreur, disant que ce "prelest" vient de la confiance en soi présomptueuse, et non de la prière.
La prière est rencontre. Pourquoi nous semble-t-il parfois que Dieu n’est pas venu à l’entretien que nous désirions avoir avec Lui ? Nous avons — nous le croyons — tout fait selon l’usage ou notre habitude et aujourd’hui — et souvent — Il n’est pas là. Si nous examinons notre âme, si nous sommes honnêtes, nous pourrons peut-être remarquer que nous agissons avec Lui comme avec les gens du monde. Il se doit d’être là puisque nous avons décidé de Lui parler. Nous nous efforçons dans la prière et nous n’avons pas de "résultat". 
Mais Dieu est toujours là. Nous ne Le voyons pas parce que notre esprit mortel est ailleurs, ou bien parce qu’au tréfonds de notre âme, un péché pèse plus particulièrement sur notre conscience et nous empêche de Le rencontrer. Dire qu’il suffit de l’aveu de notre faiblesse, de notre impuissance, même de notre manque d’amour, pour qu’Il nous console soudain ! 
Malheur à nous si nous nous éloignons de Dieu Qui jamais ne S’est éloigné de nous dans la prière ! Par l’humilité, même aux pires moments de notre vie, de notre péché, nous gardons avec Dieu le contact de Son Saint-Esprit donateur de vie. "L’âme en perdant l’humilité, perd en même temps la grâce et l’amour envers Dieu, et alors la prière ardente s’éteint ; mais lorsque les passions s’apaisent dans l’âme, et que celle-ci acquiert l’humilité, le Seigneur lui donne Sa grâce" (op. cit., p. 278). Cette grâce nous vient par le Saint-Esprit…
Et le Saint-Esprit de Vérité, "partout présent et emplissant tout" selon la prière que nous Lui adressons dans l’Eglise, nous aidera dans notre lutte contre l’esprit paralysant du monde. C’est pourquoi nous devons Lui demander de véritablement venir faire Sa demeure en nous. Il nous apprendra tout ! "C’est une prière, un vœu, une profession de foi qui nous confèrent l’Esprit Saint et les dons divins, qui purifient le cœur, et qui chassent les démons. C’est la présence de Jésus en nous, source de réflexions spirituelles et de pensées divines. C’est la rémission des péchés, la guérison de l’âme et du corps, le rayonnement de l’illumination divine, c’est une fontaine de divine miséricorde qui répand sur les humbles la révélation et l’initiation aux mystères de Dieu. C’est notre seul salut, car elle contient en elle le Nom sauveur de notre Dieu, le seul Nom auquel nous puissions faire appel, le Nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu ; car il n’est pas d’autre nom sous le ciel qui ait été donné, par lequel nous puissions être sauvés  (Actes 4, 12)". (Syméon de Thessalonique – 118).
Pendant les offices, avec les autres fidèles en partance pour le même pèlerinage, la lutte paraît simple. Seuls, nous sommes plus démunis, mais nous ne devons pas abandonner la prière. C’est pourquoi le saint staretz nous recommande de rentrer en l’église intérieure pour y prier. "Tu ne peux pas emporter l’église avec toi et tu n’as pas toujours de livres, tandis que la prière intérieure est toujours et partout avec toi" ( Archimandrite Sophrony, op. cit., p. 276).
C’est dans ce lieu que, suivant l’injonction du Christ, nous adorerons en Esprit et en Vérité (Jean, 4, 24). Il nous faut donc construire spirituellement notre ermitage du cœur et nous y réfugier le plus souvent possible pour rencontrer Celui Qui nous a donné la Vie. Quand nous l’aurons trouvé, ne serait-ce qu’une fois dans notre vie de prière, le simple fait de savoir qu’il existe suffira à nous donner l’envie d’en reprendre le chemin, et notre espoir aura un Lieu, un Sinaï intérieur où rencontrer l’Ineffable dans Son humilité extrême, et dans Son ineffable grandeur.

© Claude Lopez-Ginisty
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Une première version de ce texte 
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