"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 30 mai 2015

Archimandrite Melchisédek [Velnic]: Le moine, Don de Dieu (4)



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Prier sans cesse est aussi un hommage laissé par le Rédempteur Jésus Christ (Luc 18: 1), un commandement exprimé également par les saints apôtres. Le saint apôtre Paul écrit aux Thessaloniciens: "Priez sans cesse!" Et "en toute chose rendez grâce" (1 Thessaloniciens 5:17, 18), puis en affirmant fortement, comme un commandement, "n'éteignez pas l'Esprit!" ( 1 Thessaloniciens 5:19). Ne pas éteindre l'Esprit signifie ne pas perdre la grâce, la présence de la piété dans le cœur et l'esprit. Un père contemporain dit souvent que "l'Esprit est très bon": la grâce du Très Saint-Esprit est facilement perdue par nous, il se retire quand nous rejetons le vêtement d'obéissance et d'humble cogitation. Lorsque nous nous débarrassons de ce vêtement, quand le moine, ou même le chrétien, attire en son cœur ces choses contraires à Dieu: le jugement, la colère, la méchanceté, la précipitation et bien d'autres passions, qui sont des esprits du mal, qui sont répartis à travers le ciel et rappelés aux Galates par saint Paul. Et cela parce que, quand vous prenez quelque chose, vous devriez tout de suite abandonner quelque chose en retour, sinon " la dernière condition de cet homme est pire que la première." (Matthieu 12:45)

Tous nos efforts et la lutte vise à gagner l'Esprit Saint, sinon nous restons personnes charnelles: "Mon esprit ne restera pas à toujours dans l'homme, car l'homme n'est que chair" (Genèse 6: 3), dit l'Esprit de Dieu dans la Sainte Écriture.

Afin d'accomplir ceci, la principale préoccupation du moine est "de garder son esprit de son prochain", ce qui signifie avoir une conscience propre, avec lui-même, ne jamais condamner quelqu'un pour quoi que ce soit. "Par le silence et la non-condamnation, la paix de l'âme est sauvegardée", disent les Pères de l'Eglise, et le Père Antime Gaina du monastère de Secou, après la première, deuxième et troisième réprimande pour de vaines paroles, ne reçoivent plus quelqu'un pour la confession - la pire punition donnée un fils spirituel [18]. Cette punition est comme couper une pousse de la tige, comme le bannissement d'Ismael du sein d'Abraham (Genèse 21: 9-12), et c'est une conséquence de l'absence d'obéissance.

Dans le monastère, entre le fils et le père spirituel, le père supérieur, le staretz, comme on dit aujourd'hui, il doit y avoir une communion et une communication complètes. Le moindre manque d'obéissance supprime l'Esprit de Dieu et nous sommes laissés sans discernement. Voilà pourquoi l'obéissance et le retranchement de la volonté [propre] ne sont gardées de façon transparente. Par le retranchement de la volonté propre, ce qui signifie ne pas imposer sa propre volonté, la paix et le bon ordre sont amenés dans un monastère.

De l'obéissance, le Père Sofrony [Saharov], novice auprès de saint Silouane l'Athonite, a déclaré: "L'obéissance est un sacrement révélé seulement dans le Saint-Esprit, et, dans le même temps, c'est le sacrement et la vie dans l'Église; [...] L'obéissance a été découverte comme don d'en Haut, incroyablement grand [...] Renoncer avec confiance, bonne volonté, amour et joie, à sa volonté et à tout jugement de lui-même à son père supérieur, son confesseur, celui qui est obéissant s'éloigne du lourd fardeau des soucis du monde et atteind la connaissance de ce qui est inestimable: la pureté de l'esprit en Dieu "[19].

"Le monachisme est, avant tout, la pureté de l'esprit", dit encore l'archimandrite Sofrony. "Sans obéissance, il ne peut être atteint, et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de monachisme sans obéissance; [...] La pureté de l'esprit, cependant, est le don spécial du monachisme, inconnu par d'autres moyens. [...] Le lien entre père supérieur et novice est un lien de sainteté. " "Pour le novice, ce sacrement consiste en l'apprentissage de faire la volonté de Dieu, pour entrer dans la sphère de la volonté divine, communiant ainsi avec la vie divine; et pour le père supérieur, il consiste à amener le novice, par la prière et l'exigence de sa vie, à la connaissance de ce chemin, à cultiver en lui la vraie liberté, sans laquelle la rédemption est impossible. La vraie liberté est celle où l'Esprit de Dieu demeure, et c'est la raison pour laquelle l'objectif d'obéissance, et de la vie chrétienne en général, consiste à gagner le Saint-Esprit. "(2 Corinthiens 3:17).

Le vrai père supérieur ne cherche jamais à "soumettre la volonté de son novice à sa volonté humaine," mais, au cours de leur vie ensemble, ces circonstances peuvent se produire lorsque le père supérieur trouve qu'il a besoin d'insister pour que son commandement soit accompli; le vrai novice, cependant, ne devrait jamais amener son supérieur à cette extrémité. "[20]

"La volonté du père supérieur est plus lourde que celle du novice, en vertu de sa grande responsabilité envers Dieu. Mais la responsabilité envers Dieu ne repose sur les épaules du supérieur que si le novice obéit; et s'il ne le fait pas, alors tout le poids de ses actions est porté uniquement par le novice, qui perd ainsi le gain de celui qui obéit "[21].

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna

Notes bibliographiques des ouvrages utilisés par l'auteur:

[18] Protosyncellus Ioanichie Bălan, Romanian Pateric, Galaţi, 1990, p. 645.
[19] Archim. Sofronie Saharov 
[Archimandrite Sophrony de Maldon]Of the Foundations of Orthodox Willlesness, p. 60-62.
[20] Ibidem, p. 62-63.
[21] Ibidem, p. 63-64.


vendredi 29 mai 2015

Archimandrite Melchisédek [Velnic]: Le moine, Don de Dieu (3)



Blason de la Moldavie

Accepter le saint sacrement de l'obéissance, l'un des trois vœux monastiques, signifie accepter le saint sacrement du Christ. Les deux autres vœux, la virginité ou la plénitude de la sagesse, et de la pauvreté, dans le sens de renoncer à des possessions matérielles, sont entièrement contenus dans le grand sacrement de l'obéissance. Sans elle, "ni la prêtrise, ni le Saint Sacrement, ni la prière de l'esprit, ni le jeûne ou les veilles, ne sauvent" [15]. Voilà pourquoi l'obéissance devient pour le moine la pierre d'angle. Même ses tâches quotidiennes portent le même nom: "obéissance [obédience]."

Par la soumission, par l'obéissance, le moine suit le Christ dans son obéissance à Dieu le Père, devenant un fils de Dieu, c'est ce qui rend tous ses frères ensemble, "les enfants du Très-Haut." (Psaume 81: 6)

Cette obéissance il la dirige non seulement vers son père supérieur, mais aussi vers tous les autres hommes; En outre, il perfectionne sa disponibilité pour tous dans le monde. Pour chacun, il donne ce qui est bon, se sent redevable envers tous, selon les paroles de l'Apôtre Saint Paul: "Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimer les uns les autres; car celui qui aime les autres a accompli la loi." (Romains 13: 8)

Le moine est celui qui élève le sacrifice au rang de principe unique, sur lequel est centré toute sa vie. Il se sacrifie en permanence; il ne vit plus pour lui-même, mais pour Dieu et l'œuvre des mains de Dieu - l'ensemble de l'humanité. Voilà pourquoi il croit que ses réalisations ne sont pas siennes, mais celles de ses semblables. Cependant, ses échecs, en chutant ou lors de toute autre chose non accomplie, son manquement ou celui de ses semblables, est une plaie pour lui, difficile à guérir, car tout manquement de sa part, sera reflété dans la vie de son semblable. Toute chute, toute chose inaccomplie ou toute impuissance, il la ressentira d'une manière aiguë comme un obstacle sur le chemin de sa prière au nom de ses frères humains. Ainsi sa vie devient une vie d'amendement, de mise au service de son prochain. Ses larmes deviendront un sacrifice de purification pour le monde entier, pour les gens qu'il aimait si bien qu'il se retira du monde. Voilà pourquoi ce n'est pas un hasard si saint Grégoire le Théologien dit que les larmes de moines sont le bain de purification du monde [16].

Dans la vie du moine, nous trouvons ce qui est écrit dans la Sainte Écriture au sujet de Jésus Christ Rédempteur, lorsqu'il avait douze ans et que ses parents allèrent le chercher dans le Temple. La Sainte Vierge le gronda, mais il dit: "Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père?" (Luc 2:49) Par cela, il a montré que toutes choses doivent être canalisés vers Dieu, doivent être soumises à Sa volonté. Rien sans Dieu et tout pour Dieu. Après cela, l'Écriture dit: "Et il descendit avec eux, et vint à Nazareth, et il leur était soumis" (Luc 2:51). Le Christ fit obéissance à Dieu le Père, à la Vierge Marie et au Juste Joseph - dans cet ordre! Envers les autres personnes, il montra Son amour et Sa disponibilité "enseignant dans leurs synagogues, prêchant la bonne nouvelle du Royaume, et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple." (Matthieu 9:35)

Cet épisode montre très bien comment le moine se positionne, dans son obéissance, envers les autres. Il pose d'abord et avant tout sa vie aux pieds du Christ Rédempteur, qui a placé dans son esprit l'appel de la vie monastique. Répondant à cet appel, il obéit d'abord à la volonté de Dieu, envers qui il est obéissant en tout.

Il écoute son père supérieur comme il le ferait pour la Sainte Vierge, lui obéissant comme celui qui connaît le sacrement de son cœur et la hauteur de sa vocation.

Il obéit à ses frères comme il le ferait au Juste Joseph, comme des ouvriers des mêmes labeurs demandés par cette vocation. Et il se rend disponible à tous les hommes, "pour leur bien, pour l'édification." (Cf. Romains 15: 2)

Les autres vertus ne sont pas tissées dans le cœur du moine, ni sans obéissance, ni sans humilité. On ne peut pas parler de la patience, de l'amour, de la bonté, sans avoir comme fondement de la vie monastique le sacrement du Christ - l'obéissance. Saint Jean-Baptiste met dans la bouche de Christ Rédempteur les paroles suivantes pour qui voudra Le suivre:

"Si tu te pares, orne-toi de Mon bijou! Si tu t'armes, arme-toi de Mes bras! Si tu te vêts, revêts-toi de Mes vêtements! Si tu t'alimentes, nourris-toi à Ma table! Si tu voyages, voyage sur Mon chemin! Si tu hérites, hérite de Mon héritage! Si tu vas dans ton pays, entre dans la ville dont je suis le maçon et le constructeur! (Cf. Hébreux 11, 10) Si tu construis une maison pour toi-même, construis ta maison dans Mes tentes! Je ne demande pas de paiement pour ce que je te donnerais, mais je te dois récompenses si tu utilises tout ce qui est à moi!" Quelle générosité peut surpasser celle-ci? "Je suis ton père, te dit le Christ, je suis ton frère, je suis ta fiancée, je suis ta maison, je suis ta nourriture, je suis ta tunique, je suis ta racine, je suis ta fondation, je suis tout ce que tu pourras souhaiter! Je vais te servir de telle sorte que tu ne manqueras de rien! Car je suis venu non pour être servi, mais pour servir! " (Matthieu 20:28). Je suis ton ami et un de tes membres et ta tête et ton frère et ta sœur et ta mère! Je suis tout! je te demande une seule chose: sois près de moi! Je deviens indigent pour toi, mendiant pour toi, [Je suis] sur la Croix pour toi, dans le sépulcre pour toi. Là-haut, j'intercède  pour toi; ici-bas, je suis un messager du Père pour toi. Tu es tout pour moi; frère et héritier et ami et un de mes membres! Que peux-tu demander de plus? "[17]

Ce dévouement, [qui consiste à] se jeter dans les bras du Christ, n'est pas abandon, ni destruction de la personnalité, mais bien au contraire, affirmation de la liberté en Dieu,  liberté de mouvement en Dieu et connaissance de Dieu. Seul celui qui fait don de lui-même  peut le vivre, le goûter et l'avoir!

Ce sacrifice n'est pas simplement pour soi-même, tout comme le Christ Lui-même n'a pas fait don pour Lui-même. L'homme confessionnel voit et ressent les besoins de ce monde; il est transparent, car en lui seul " l'Esprit lui-même intercède par des soupirs ineffables." (Romains 8:26), et le Christ "a été formé en lui" (Galates 4:19). Ainsi, chaque cas devient important et est vécu pleinement par la prière incessante; c'est la présence de Dieu dans le cœur et dans l'esprit. Saint Silouane l'Athonite fois demanda un jour à son confesseur: "Comment puis-je donc pleurer pour ce monde?" Et son confesseur répondit: "Connais par la prière l'état de ce monde, ce que sont ses besoins, et ainsi tu seras capable de pleurer [pour lui]".

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna

Notes bibliographiques des ouvrages utilisés par l'auteur:

[15] Gheron Iosif Isihastul, apud Hierom. Efrem Katunachiotul [staretz Joseph l'Hésychaste et Hiéromoine Ephrem de Katounakia], On Obeisance, p.18.
[16] Irenné Hauserr S.I., The Theology of Tears. Weeping and the Piercing of the Heart According to the Eastern Fathers – With an Anthology of Patristic Texts, Sibiu, 2000, p. 113.
[17] Saint John Chrysostom, Homilies on Matthew, p. 868-869.


jeudi 28 mai 2015

Archimandrite Melchisédek [Velnic]: Le moine, Don de Dieu (2)




Les moines eurent l'amour et le courage de prendre les paroles du Christ, notre Rédempteur dans leur cœur et de les appliquer dans leur vie, pour le bénéfice de leurs semblables. Ils eurent le courage de transformer la terre en Ciel, la poignée d'argile qui est le corps en un coin du Royaume, car ils ont compris que l'on doit aimer Dieu plus que nos péchés, et que l'homme [qui se trouve] près de nous est au-dessus de son péché. Ils ont compris que seul l'amour de Dieu rend possible toutes ces choses, et ils se sont rendus à cet amour, pour qu'il œuvre à travers eux dans le monde.

Suivant le commandement de Dieu et poursuivant son œuvre dans le monde, les moines comprennent qu'ils doivent être au service de Dieu. Ils vivent leur vie comme une Divine Liturgie, qu'ils étendent à la vie quotidienne. Partout où ils peuvent se trouver, tout ce qu'ils peuvent faire, ils ont tout mis au service de Dieu et de leurs semblables, de sorte que les paroles qui précèdent toute Divine Liturgie peuvent devenir comme le début de toute entreprise d'un moine: "Il est temps d'œuvrer pour le Seigneur," Dieu est celui qui œuvre en nous et à travers nous, mais seulement au moment où nous disons de tout notre cœur: "Seigneur, que ta volonté soit faite!" et "Je t'appartiens, sauve-moi !"(Psaumes 118: 94).

Le moine se retire du monde, y renonce, renonce à tous les plaisirs, à toutes les délices de ce monde, en ayant un but précis. Il renonce à sa propre volonté, non par mépris pour les choses de ce monde, mais de par son souhait permanent de les dépasser. Ou, comme le dit saint Jean Climaque, "le moine renonce à sa volonté par une richesse de volonté" [12]. S'élevant au-dessus d'elles, il parvient à découvrir en elles leur vraie valeur, faisant ainsi de tout ce qui l'entoure une occasion de s'élever et d'élever les autres vers Dieu.

Il a renoncé à tout ce que le monde pouvait lui offrir de meilleur, afin que les autres puissent profiter plus pleinement ces choses. Son fruit est le bénéfice de son prochain, et sa crainte est de devenir un obstacle sur le chemin de son prochain, portant gravé profondément en son cœur les paroles des Psaumes: "Ô Dieu, tu connais ma folie et mes péchés ne te sont pas cachés. Ne laisse pas ceux qui espèrent en toi, ô Seigneur des armées, avoir honte à cause de moi: Que ceux qui te cherchent ne soient pas confus à cause de moi, ô Dieu d'Israël "(Psaume 68: 7-8).

Le moine sera consumé, il va brûler pour le monde qu'il a quitté; il ne  s'appartient pas, et devient ainsi le don de Dieu! Il est, dans le même temps, le don que le monde fait à Dieu, mais aussi le don que Dieu redonne au monde. Il siège entre le monde et Dieu; il est à la fois témoin de l'amour de Dieu pour le monde et médiateur silencieux pour le monde en face de Dieu. Toutes ces choses sont trouvées dans l'ensemble de la vie du moine, qu'il soit au sein de l'église élevant la louange vers Dieu, ou vaquant à ses occupations quotidiennes.

Pour cette raison, ses paroles, son enseignement ou ses sentiments, son expérience de la vie et des principes moraux, ne sont pas ce qui rend témoignage de sa vocation, à Dieu et à la vie vécue en lui, mais sa seule présence le fait. Sa présence est la véritable prédication du moine, son cri silencieux. Un vrai moine est celui qui fait s'exclamer celui qui est en face de lui: "Il suffit que je te vois" [13]

Etant et faisant ces choses, le moine est don de Dieu, un homme devenu don pour Dieu de sa propre volonté, seulement par amour pour Dieu et pour son prochain. Saint Théodore le Studite considère le monachisme comme "la troisième grâce". "La première grâce" est la loi de Moïse. La deuxième, la grâce "au-dessus des grâces", dont "nous avons tous reçu la plénitude" (comme le dit de Dieu saint Jean-Baptiste [Jean 1:16]). Et enfin, la troisième... "le visage  monastique de la vie, donnée à l'homme et compris comme vie céleste, comme descente de la vie angélique sur terre, comme touche et incarnation dans l'histoire de ce qui, en soi, est au-delà de ses limites" [ 14].

Saint Jean Le Révélateur, Héraut de Dieu, dans sa première épître, a écrit: "parce que celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde"(1 Jean 4: 4), ce qui signifie l'accomplissement des paroles de Jésus-Christ, le Rédempteur: "le Royaume de Dieu est en vous" (Luc 17:21). Les moines, icône vivante de ces paroles du Rédempteur, sont les successeurs de celui qui, étant Dieu, s'est fait homme pour transformer les hommes en dieux. Car le Christ est descendu du ciel pour y élever les hommes!

C'est pourquoi celui qui a le Christ en lui, dans son cœur - et c'est là qu'est toute la quête du moine, et pas seulement la sienne - est supérieur à tout ce qui semble dans le monde être grandiose et triomphant. Et puis les paroles de Jean-Baptiste que nous avons cités se révèlent être entièrement fondée.

Mais comment pouvons-nous y arriver, à cette mesure? Suffit-il simplement de franchir la porte d'un monastère, et de revêtir un uniforme, comme un soldat dans l'armée? Bien sûr que non! C'est un combat mené sur un terrain confessionnel, et la lutte n'est pas "contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. (Ephésiens 6:12 ). C'est un combat contre le monde des mauvais esprits, le monde des ténèbres, de Satan.

Mais le Christ est arrivé et Il a écrasé la tête du serpent: "lequel, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix." (Philippiens 2: 6-8). La kénose du Christ, son humilité, a vaincu.

De la même façon, à la suite du Christ, qui a dit: "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive" (Marc 8:34), le moine, revêtant le même habit d'humilité et de sacrifice, surmonte toute la multitude de tentations, des esprits qui se dressent contre lui.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna

Notes bibliographiques des ouvrages utilisés par l'auteur:

[12] Saint John Climacus, The Ladder of Holy Willlessness, in Filocalia, IX, translation, introduction and notes by Father Dumitru Staniloae, Bucharest, 1980, p. 79.
[13] Confessional Sources: Pateric, Alba-Iulia, 1993, For avva Antonie, p. 9.
[14] Archim. Sofronie Saharov [Archimandrite Sophrony de Maldon], Of the Foundations of Orthodox Willlesness, p. 31-32

mercredi 27 mai 2015

Archimandrite Melchisédek [Velnic]: Le moine, Don de Dieu (1)








"Jésus lui dit: Si tu peux croire!... Tout est possible à celui qui croit. (Marc 9:23) et "Toutes choses ont été faites par lui [le Verbe], et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans lui."(Jean 1: 3), dit notre Rédempteur Jésus-Christ. Croire en la vie au-delà, croire en la puissance de la création de Dieu l'éternel, croire que Dieu vit et œuvre dans le monde jusques à ce jour, croire qu'il a gouverné et gouverne le monde, sont des questions auxquelles l'homme contemporain trouve des réponses pleines de doute.

Il est difficile aujourd'hui de dire de grandes choses des moines et du monachisme, en général, étant donné que, pour beaucoup de gens, les moines semblent être des personnes vivant en marge de la société, arriérés ou incultes, qui n'ont pas trouvé de but dans la vie, ou qui, peut-être, ont subi une grande déception. Cependant, pour le croyant qui a encore en lui un brin du souffle de son Dieu intérieur, pour celui qui n'a pas froissé le visage de son Dieu intérieur, nous dirons avec force - et, ensemble, dans l'esprit de tous ceux qui ont été frappés par la Lumière du Dieu Très Saint - que sans les moines et le monachisme, le monde, "le christianisme de la laïcité se serait effondré" [1].

Les empereurs tels que Théodose, Justinien, Alexis Comnène, ont émis des lois et protégé le monachisme. "La vie monastique et la contemplation sont une chose sainte", utile à tous les citoyens, "pour sa pureté et sa médiation" de prières par les moines pour le bien commun, a déclaré l'empereur Justinien en 133 à Novella. Alexis Comnène (1081- 1118) a écrit : "Je ne crois pas avoir jamais fait la volonté de Dieu, ce qui est pourquoi je suis convaincu que tout ce que Dieu m'a accordé dans cette vie était due aux prières fidèles de mes saints moines et de la confiance que je mets en eux" [2 ].

La même prise de conscience élevée de la vie monastique, nous pouvons la trouver avec le voïvode saint Etienne le Grand, qui appela les moines "mes donateurs de prières," considérant Putna comme "son monastère bien-aimé" [3].

Le monachisme, fondé et enraciné dans l'enseignement du Christ Rédempteur et des Saints Pères, ainsi que dans 2000 ans d'existence, a prouvé que ce mode de vie est "l'art des arts", "la science des sciences", tout comme le fait de mener une vraie vie chrétienne est un "art confessionnel" [4].

Quel est le but d'une vie monastique? En un mot, nous pouvons dire: la perfection. C'est une chose qui est difficile à saisir, mais encore plus difficile à suivre et à analyser.

Les paroles du Christ, notre Rédempteur sont claires. "Si tu veux être parfait,"  dit Jésus à un jeune homme [riche] qui voulait être racheté, "va vendre ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis moi" ( Matthieu 21: 9). Et Jésus a aussi dit: "Soyez donc parfaits, comme votre Père qui est aux cieux est parfait." (Matthieu 5:48), et "Tu es Dieu" (Psaumes 90: 2).

La perfection! Recherche élevée et profonde! Cependant, beaucoup, très nombreux ont été ceux qui ont atteint ce pic élevé. Les hauteurs appartiennent aux aigles, ils sont seuls  à admirer la beauté au-dessus de laquelle ils se sont élevés. Allant vers celui qui est appelé Bouche d'Or [saint Jean Chrysostome], nous constatons chez lui des termes spéciaux sur ce que les moines sont, ce qu'ils font et quel est leur but. Ils sont "l'hôte du Christ, le troupeau royal, la vie et la vie des pouvoirs d'en Haut" [5], et sont "égaux aux anges" [6], et pour nous, "notre vie" et "l'incarnation lumineuse des choses célestes"[7]. "Toutes ces choses viennent du bon ordre des choses trouvées dans leur âme. Vraiment ils sont saints, et parmi les hommes, ce sont des anges "[8].

Pour saint Jean Chrysostome, le moine est "un homme engagé envers Dieu, un homme qui a choisi une vie solitaire, maître de la passion, de l'envie, de l'amour de l'argent, du plaisir et de tous les autres péchés. Il réfléchit sans cesse et veille à ce que son âme ne puisse être gouvernée par les passions honteuses, que son esprit ne puisse être asservi par la tyrannie amère de la luxure. Il veille à ce que son esprit soit toujours au-dessus des choses éphémères, opposant la crainte de Dieu à ses passions " [9]. Ce sont "des gens [les moines] qui ne pourraient pas nuire aux autres, étant préparés dans leur âme à seulement souffrir" [10], et "leurs quêtes sont correctes et remplies de l'amour de Dieu" [11]

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna

Notes bibliographiques des ouvrages utilisés par l'auteur:


[1] St. Ignatie Brancianinov [ Saint Ignace Briantchaninov], apud Arhim. Sofronie Saharov, Of the Foundations of Orthodox Willesness, translation by Hieromonk Rafail, Alba Iulia, 1994, p. 33.

[2] Tomáš Špidlík, The Spirituality of the Christian East, vol. III, ‘Monasticism’, translation by Deacon Ioan Ică jr. Sibiu, 2000, p. 7.

[3] Stephen the Great and Holy. Chronicle Portrait, The Holy Monastery of Putna, 2003, p. 235.

[4] Ibidem, p. 9

[5] Saint John Chrysostom, Homilies on Matthew, from ‘Church Parents and Writers’, vol. 23, Bucharest, 1994, p. 106.

[6] Ibidem, p. 799.

[7] Idem, from Oratorical Treasures of Saint John Chrysostom, in French by Jean Doublet, translated into Romanian by Deacon Gheorghe Băbuţ, vol. I, Oradea, 2002, p. 236.

[8] Idem, Clarifications on Saint Apostle Paul’s Epistle 1 Timothy, Bucharest, 2005, homily 14, p. 155-156.

[9] Idem, On the Devil’s Narrow Power. On Repentance. On Troubles and Overcoming Sadness, translated by Prof. Father Dumitriu Fecioru, Bucharest, 2002, p. 245.

[10] Idem, On Virginity. The Apology of Monastic Life. On Raising Children, translation from Greek and notes by Prof. Father Dumitriu Fecioru, Bucharest, 2001, p. 189.

[11] Idem, Clarifications on Saint Apostle Paul’s Epistle 1 Timothy, homily 14, p. 156.

mardi 26 mai 2015

LA VIE DE L’EVEQUE BASILE [RODZIANKO] (1915-1999)


Le 22 mai 2015, marquait le 100e anniversaire de la naissance de l'évêque Basile (Rodzianko) de bienheureuse mémoire.
Photo: www.rodzianko.org
Photo: www.rodzianko.org

La mémoire des défunts dans l'Église, diffère de la mémoire du monde à la fois par la façon dont elle est exprimée et par la façon dont elle existe dans le temps. Son expression extérieure n’est pas aussi violente, désespérée, et sans espoir que de telles expressions du souvenir dans l'environnement profane; la douleur elle-même est lumineuse et pleine d'espoir. Tout ce qui est transitoire et accidentel dans les relations humaines s’en va; cela se dissipe dans les prières du service funèbre, et ne vient plus interférer dans la voie de l'amour fraternel sans limite dans le Seigneur. Le souvenir constant dans la prière rend l'image du défunt plus proche de nous, enrichit notre compréhension du sens élevé de la trajectoire de sa vie, et nous permet de détecter les contours de la Divine Providence derrière les événements extérieurs…

Il s’est écoulé assez de temps depuis que l'évêque Basile s’est endormi dans le Seigneur, pour nous laisser voir combien droite et conséquente était la voie sur laquelle le Seigneur le guida pendant plus de quatre-vingt ans. Cette voie conduit d'un pays à un autre, d'une profession à une autre, mais toujours vers Lui et vers la vie éternelle.


Yugoslavia 1926. Photo: www.rodzianko.org
Yougoslavie 1926. Photo: www.rodzianko.org

L'évêque Basile (Wladimir Mikhailovich Rodzianko) naquit en Petite Russie (Ukraine), dans le domaine ancestral de sa famille d’Otrada, où son père, Mikhail Mikhailovich, diplômé de l'Université de Moscou était occupé à gérer son domaine. En 1920, la famille dut émigrer de Russie et s’installa en Yougoslavie, qui à l'époque était devenue l'un des centres culturels et religieux de l'émigration russe.

En 1925, le jeune Wladimir entra au Premier Lycée Classique russo-serbe (Gymnasium) à Belgrade; à l'école, il rencontra le métropolite Antoine (Khrapovitsky) et aussi un jeune hiéromoine Jean (Maximovitch), qui fut ensuite glorifié comme saint après avoir servi comme évêque de San Francisco. La rencontre de telles personnes ne pouvait qu’avoir un impact décisif sur sa vie ultérieure. Il est remarquable que, au moment des troubles graves et des désaccords dans l'Église, qui débuta dans les années 1920 et se poursuivent, le futur évêque était destiné à jouer le rôle de pacificateur. Il servit comme intermédiaire au cours de la correspondance entre le métropolite Antoine et le métropolite Euloge, correspondance qui conduisit à la reprise de la communion eucharistique entre les deux branches de l'Église russe en exil. Plus tard, en plus du métropolite Antoine et de saint Jean [Maximovitch], l'évêque Basile nomma également parmi ses maîtres spirituels le révérend Justin [Popovic] et le métropolite Antoine [Bloom] de Souroge.

 Venice, Italy. Photo: www.rodzianko.org
Venise, Italie. Photo: www.rodzianko.org

  Après l’obtention de son diplôme de l'école secondaire en 1933, Wladimir Rodzianko s’inscrivit dans le département de théologie de l'Université de Belgrade, dont il sortit diplômé en 1937.

En 1938, il épousa Maria Koulyoubaeva, fille de prêtre. La même année, il commença à travailler sur une thèse à Oxford, où il resta également l'année suivante. En 1939, un fils, Wladimir, naquit chez le couple Rodzianko, et l'année d'après, Père Wladimir fut ordonné à la prêtrise.

En 1941, il était sur le point de devenir doyen d'une église dans un lycée où il enseignait la religion, mais la guerre  commença, et il finit de célébrer sa première Divine Liturgie alors que les bombes tombaient sur la ville de Novi Sad, le 6 Avril,  veille de l'Annonciation, événement de mauvais augure, mais tout dans la vie des ascètes chrétiens est de mauvais augure, sans doute parce qu'ils s’ouvrent au Seigneur et à Sa sainte volonté.

Photo: www.rodzianko.org
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Pendant la Seconde Guerre mondiale,  Père Wladimir fut doyen de l'église du village et secrétaire de la Croix-Rouge. Beaucoup de gens lui doivent leur délivrance des horreurs de la guerre. De nos jours, alors que observons la guerre sans fin dans les Balkans, nous sommes en mesure d'apprécier la pleine mesure de la force spirituelle qui était nécessaire pour aider ces gens. En 1949, Père Wladimir fut arrêté par les autorités de Tito, et il passa deux ans dans un camp de travail. En 1951, il fut exilé en France, et de là, déménagea en Angleterre. À partir de 1953, Père Wladimir servit comme prêtre de l'église serbe à Londres. En 1955, il organisa un programme de radio orthodoxe russe à la BBC et poursuivit ce programme sans discontinuer jusqu'en 1979.

Ainsi l'amour respectueux de l'évêque Basile pour la Russie fut réalisé. Plusieurs années plus tard dans une province russe, l'évêque fut conduit à un office dans une paroisse éloignée (il n'a jamais refusé une invitation à venir officier, quelque difficile que le voyage promettait d'être) ; sur une route déserte, il rencontra un homme qui se lamentait auprès du corps d'un vieil homme. C’était un fils qui conduisait son père dans le side-car d'une moto, et le père avait été tué dans un accident.

L'évêque offrit de servir le rite funéraire pour le défunt, s’il se trouvait être orthodoxe. Le fils répondit qu'il n'y avait pas d'église dans leur localité, mais que son père avait eu un père spirituel. Il expliqua comment cela était devenu possible: «Mon père écoutait sans cesse la BBC à la radio, et il écoutait le prêtre Wladimir Rodzianko, alors il avait l'habitude de dire que c’était son père spirituel." Cet incident parle sans doute d’une manière non moins éloquente du service de l'évêque Basile à l'Eglise russe dans les années d'oppression, que des centaines et des milliers d'autres histoires semblables, même si elles sont toutes tout aussi précieuses.

Le service de Père Wladimir comme prêtre comprend un épisode qui est en lui-même marque peut-être dans la vie d'un prêtre, mais qui avait une certaine importance historique: le père reçut la confession sur son lit de mort d’A.F. Kerenski. En cela, le Seigneur semble lui avoir confié la conclusion visible d'une phase spécifique de l'histoire russe.

Photo: www.rodzianko.org
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En 1979, Père Wladimir subit une épreuve difficile: sa femme, Maria, et son petit-fils, Igor, décédèrent tous deux. Ceux qui le connaissaient à cette époque, disent que sa douleur fut pleine de courage spirituel. Il se tourna sans cesse vers le Seigneur avec cette combinaison étonnante d'audace et d'humilité qui frappe tous ceux qui méditent sur les pages du livre de Job. Vladyka pria pour obtenir une consolation spirituelle, il supplia inflexiblement mais avec révérence, et finalement il reçut cette consolation. En 1980, après qu'il soit devenu moine, il fut ordonné évêque de Washington dans l'Eglise orthodoxe d’Amérique [OCA]. La même année, l'évêque Basile devint évêque de San Francisco et de Californie. Déjà évêque, il visita la Russie en 1981 et fut chaleureusement accueilli par ceux qui, pendant de nombreuses années, l'admiraient comme "évangéliste orthodoxe".

À partir de 1984, l'évêque Basile à la retraite, consacra toute sa force, toute sa science spirituelle et toute son expérience extraordinaires au service de l'orthodoxie. À la cathédrale Saint-Nicolas à Washington, D.C., il se souciait des besoins de la paroisse et de chaque croyant, mais le centre de son attention était alors transféré en Russie.

Il alla souvent en  visite au pays et y resta pendant de longues périodes de temps. Il devint doyen honoraire de l'église de l'Ascension de Nikitskaya, et, dans ses dernières années, doyen de la Faculté de théologie et de philosophie de l'université privée de Natalya Nesterova qui visait à préparer les jeunes à des carrières professionnelles avancées dans le monde contemporain, tout en fondant son système éducatif sur les valeurs culturelles et morales traditionnelles.

Enfin, avec la bénédiction d’Alexis II, Patriarche de Moscou et de toute la Russie, il passa près de la moitié d'une année au monastère de la Trinité–Saint-Serge, où il mena des recherches à la bibliothèque, et donna une série de conférences.

À la suite de ce séjour, il termina son livre La théorie du Big Bang et la foi des saints Pères (publié en 1996). Ce livre examine la relation entre l'Orthodoxie et la connaissance scientifique, sujet qui est extrêmement pertinent de nos jours. Par-dessus tout, le livre attire le lecteur par une combinaison rare de qualités affichées par son auteur: érudition et enthousiasme juvénile pour la connaissance,  gravité du style du hiérarque et profonde humilité.

With Patriarch Alexy. Photo: www.rodzianko.org
Avec le Patriarche Alexis. Photo: www.rodzianko.org

  Telle fut la vie remarquable de celui qui se consacra à servir l'Eglise orthodoxe, en pasteur et confesseur, mentor et érudit. Regardant derrière nous ce 20ème siècle, nous ne pouvons que remercier le Seigneur avec joie et étonnement qu’au sein de catastrophes historiques, Il nous ait envoyé tant de sommités de la foi, à la fois en Russie et dans la diaspora. Ils sont tous un dans leur service ascétique, bien que chacun d'entre eux n’ait reçu ce service qu’en fonction de sa résistance, et ils diffèrent tous par leurs propres traits personnels, qui sont particulièrement touchants.

Les archives qui restèrent après la mort de l'évêque Basile nécessitent une étude; clairement elles contiennent beaucoup de matière précieuse, qui attend d'être publiée. Après cette publication, nous serons en mesure de mieux connaître sa vie. Mais il y avait un trait de caractère qui enchanta tous ceux qui l'ont rencontré dans ses dernières années, ce trait que nous pouvons déjà nommer aujourd’hui : la non possessivité de Vladyka.

Photo: www.rodzianko.org
Photo: www.rodzianko.org

  L'évêque Basile n’était pas ce que nous appelons un homme riche, et il n’allait pas en Russie comme un « riche étranger», il arrivait un peu comme un évêque des premiers siècles du christianisme, comme un pèlerin qui conquiert la distance et la difficulté du voyage pour le plaisir de livrer ses paroles de hiérarque aux fidèles, paroles inspirées par son zèle spirituel et son amour ardent pour le Christ et pour son prochain.

La faible santé de Vladyka et son âge avancé servirent à renforcer cette similitude avec les premiers évêques chrétiens. Avec tout cela, il était loin de mépriser les besoins humains de tous les jours (même si lui-même se contentait de peu). Avec joie et amour, il remerciait ses hôtes de l’héberger, de prendre soin de lui, et même pour toute l'attention qu'on lui montrait.

Voici un détail qui est très caractéristique de Vladyka. Dans la préface de son livre, il remercie une longue liste de personnes, en commençant par le nom du Très Saint Patriarche et il y inclue les noms des évêques, des prêtres, des bibliothécaires, des étudiants du séminaire, et des lecteurs, c’est-à-dire tous ceux impliqués de quelque manière dans la création du livre, ceux qui lui prêtèrent un ordinateur, et ceux qui le logèrent, ainsi que ceux qui cousirent pour lui un klobouk et une soutane.

La belle image du staretz est gravée dans le fond de ces expressions touchante détaillées et ingénues de reconnaissance -un staretz qui saluait chaque exemple de bonté envers lui comme un précieux don divin. On prend conscience que l'amour qui émane de Dieu, ce qui, en soi, est déjà le don le plus élevé, rend les gens eux-mêmes capables de dons. On prend conscience que, par ce simple acte humain de donner des dons, les gens font un don d’eux-mêmes aux autres et au Seigneur, et la bonté du Créateur est multipliée dans le monde.

Photo: www.rodzianko.org
Photo: www.rodzianko.org

   La mémoire, dans la prière, de l'évêque Basile ne sera jamais tarie chez ceux à qui le Seigneur a donné la joie de le voir et de l'entendre.

On espère que son exploit spirituel [podvig] sera connu, par les livres et les films, de ceux qui ne l'ont pas rencontré dans sa vie terrestre, et que cette rencontre avec l'évêque Basile leur donnera consolation, renforcera leur foi, et conduira ultimement à un accroissement de l’amour.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après
citant
Alpha et l'Omega, 1 [23] 2000.

lundi 25 mai 2015

Saint Nicolas de Jitcha: Les agissements de l'Ennemi




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La lutte est incessante et continue, interne et externe.

Parfois, l'ennemi agit visiblement, à travers les gens et les choses, et à d'autres, il attaque les gens invisiblement, par leurs pensées.

À l'occasion, il apparaîtra ouvertement, avec une attaque violente et sans pitié, comme un ennemi, mais à d'autres il sera déguisé en ami, qui flatte et vous égare par sa ruse.


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

dimanche 24 mai 2015

Saint Théophane le Reclus: Vivre véritablement

Theophan_the_Recluse

Pour vivre véritablement, nous devons vivre comme Dieu l'a décrété lorsqu'Il nous a créés.
A moins que nous ne le fassions, nous ne vivons pas du tout.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

Putna: L'architecture d'origine et les Métamorphoses ultérieures





Putna, gravure de 1899



Putna actuel

Dès le début, l'église d'Etienne le Grand à Putna était d'une conception complexe à trois absides, avec porche de l'église, narthex, caveau, la nef et l'autel. Le bâtiment initial avait les mêmes espaces que l'église actuelle, reconstruite par Basile Lupu, Georges Stefan et Eustrate Dabija entre 1653 et 1662 et successivement restaurée, avec de légères modifications par Jacob Pruteanul, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, par Romstorfer au début du XXe siècle, et par le Département des monuments historiques dans les décennies les plus récentes. 

Le porche fortifié, le caveau et la chambre des tombes sont considérés comme des éléments qui apparaissent pour la première fois dans l'histoire de l'architecture moldave à Putna. 

L'Eglise de l'Ascension à Neamt, Dobrovat, Probota, Bistrita, Slatina, Galata, Sucevita, Solca et d'autres églises ont été construites sur le modèle offert par la fondation ancienne de Putna, qui est devenu célèbre à la fois par son fonctionnalisme, ses solutions et ses proportions architecturales, et par sa gloire en tant que nécropole du plus grand prince moldave de tous les temps. 

La Tour du Trésor, construite en 1481, sur le côté ouest, en même temps que les murs extérieurs, fortification typique pour l'époque d'Etienne le Grand,  garde le monastère depuis cinq siècles, témoin constant de tous les événements qui ont eu lieu ici pendant son imposante existence. La Tour du Trésor, 18 mètres de haut depuis l'avant-toit, est construite dans le style gothique et se compose d'un rez de chaussée carré et de trois étages supérieurs octogonaux. Le mur de plus de deux mètres d'épaisseur, est renforcé par quatre puissants contreforts. Ingénieusement conçue, solide et efficace pour l'époque où elle a été construite, la tour était destinée à sécuriser le trésor du monastère en temps de détresse. 

Quand ils reconstruisirent l'église, Basile Lupu (1653), Georges Stefan (1653-1658) et Eustrate Dabija (1661-1662) apportèrent quelques modifications au système des voûtes de la nef, dont les arcades en croix sont prises en charge par une succession de pilastres, soutenus à leur tour par des corbeaux; le même motif "peut être trouvé à Dragomirna, Solca et à l'église des Trois Saints Hiérarques, qui n' existait pas à l'époque d'Etienne le Grand." 

Le nombre de fenêtres a été augmenté de une à trois pour chaque abside, tandis que les formes des cadres initiaux avec baguettes entrelacées et arcs de contreventements sont encore conservés telles quelles. 

Au-dessus de la chambre des tombes, il y a deux dômes voûtés, placés transversalement, avec un arc de séparation entre eux, de l'est à l'ouest, sculptées dans la pierre avec des stylisations phytomorphiques. 

L'accès du caveau au narthex est par une porte dans le mur qui les sépare et dont le cadre de pierre, taillé en forme gothique spéciale,  possède une certaine ressemblance avec les cadres des portes de la tour du Trésor. 

Un élément qui ne se trouve dans l'ancienne église se trouve dans le narthex: tel est le motif de la pièce dite moulée de corde, ayant une fonction purement décorative, marquant à la verticale les angles des quatre parois. Le même motif se trouve à la base du système de voûte, composée de deux demi-coupoles  inégales superposées. 

Un porte principale, de forme rectangulaire et avec moulures cintrées se retirant successivement, perce le mur occidental du narthex, menant au porche couvert, qui est voûté, avec deux demi-coupoles transversales, séparées par une nervure médiane d'est en ouest. 

Recevant beaucoup de lumière, le porche a une fenêtre placée sur chacune des parois latérales et trois fenêtres sur les murs de l'Ouest, toutes les cinq d'entre elles étant considérablement plus grandes que celles des autres chambres. La face supérieure des fenêtres marginales du mur occidental porte la marque d'une tête d'aurochs, stylisé en pierre, avec une étoile entre ses cornes. 

On peut accéder à l'église par deux portes gothiques principales dans les murs sud et nord du porche. 

Dans le même temps avec la restauration du mur ordonnée par le Métropolite Jacob, a été construite la tour de la porte, un peu à l'est de l'emplacement de l'ancienne du temps d'Etienne, qui était tombée en ruine après le séisme de 1739. La nouvelle tour carrée, de 8 mètres de long et 10 mètres de haut, a un rez de chaussée et un étage supérieur en voûte. 

En 1761, l'ancien évêque métropolitain Jacob commanda la fontaine qui peut être vue, même aujourd'hui, dans la cour du monastère. 

Dans la même année, l'higoumène Sila commanda la cloche de 102 kg nommée La Petite, qui est maintenant au monastère de Putna. 

Une peinture à l'huile par Knapp, datée vers 1856, montre l'église exactement comme elle se présentait après les restaurations des XVIIe et XVIIIe siècles. 

De nouvelles modifications ont été apportées à Putna en 1882, lorsque le clocher temporaire sur le côté oriental a été démoli et que le présent clocher de style roman a été construit; il a 19,30 mètres de haut, carré, avec trois étages, avec deux fenêtres à demi cintrées de chaque côté des deux premiers étages et trois fenêtres semblables à l'étage supérieur, tandis que le toit a la forme d'une pyramide. 

Suite à un plan fait à l'automne de 1970, l'ancien bâtiment de l'abbaye, sur le côté ouest, a été démoli et le bâtiment actuel du musée et de la bibliothèque a été construit. Inauguré le 6 Juin 1976, c'est un édifice imposant, élégant et sombre, ayant les meilleures conditions pour exposer et préserver les trésors artistiques et historiques inestimables qui ont été conservés ici avec dévouement et sacrifices tout au long des siècles. 

Le bâtiment construit en 1856 a également été démoli et une nouvelle construction se trouve maintenant à sa place: il est destiné à l'abbaye, les cellules des moines, la cuisine et le réfectoire, tous inauguré en 1978. Contrairement à l'ancien bâtiment du XIXe siècle, qui était étranger à l'architecture traditionnelle en ce qui concerne les intérieurs des monastères de Bucovine, la construction dans la partie nord est plus proche du pittoresque de l'architecture roumaine des monastères: ainsi, il a deux porches ouverts dont les toits se tiennent sur des piliers en bois, sculptés dans le même style que les piliers sur les porches des maisons de paysans. 

De 1983 à 1987, la maison princière a été reconstruite sur le côté sud, sur les anciennes fondations de l'époque d'Etienne le Grand. La maison princière est maintenant un édifice imposant, avec un étage et un grenier, avec des porches et des décorations en céramique, dans la bonne vieille tradition moldave. 

Dans la même période ont été entièrement restaurés les murs extérieurs, les toits ainsi que la route sentinelle. 

La croix commémorative érigée par l'higoumène Arcadie Ciupercovici en 1872, commémorant les festivités de Putna, a été quant à elle déplacée en face de la porte principale sud du porche, sur la pelouse entre l'abside de l'autel et le buste d'Eminescu.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna