"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 11 août 2018

Père Gabriel [Zsafos] (1944-2018): Le staretz de la joie!

Père Gabriel

Le Père Gabriel (baptisé Georges) naquit le 6 juin 1944 à Athènes, il était le quatrième enfant de Vasileios et Eleni Tsafos, pieux réfugiés d'Asie Mineure, qui  installèrent dans le quartier des réfugiés de Polygono. Influencé par les expériences des gens ordinaires, ainsi que par les histoires de sa mère sur le désastre de l'Asie Mineure et la fuite des terres ancestrales, il parla toujours de la tradition d'Asie Mineure, soulignant la foi fervente, la simplicité et la joie de vivre qui caractérisent les gens d'Asie Mineure même dans les moments les plus difficiles.

Dès son plus jeune âge, il ressentit un fort appel au sacerdoce. Il étudia à l'École théologique de l'Université d'Athènes et fut ordonné diacre le 3 juillet 1969 par le regretté métropolite Gabriel de Thira, servant dans l'église de Saint-Basile, rue Metsovo, à Athènes.

Le 21 juillet 1974, il fut ordonné prêtre par le Métropolite Anthimos, alors d'Alexandroupolis, aujourd'hui de Thessalonique, et  ensuite il servit sans interruption dans la chapelle de Saint André dans la rue Leukosias, près de la place Amerikis.

Comme il l'a dit lui-même, c'est en 1967, alors qu'il était étudiant à l'école Rizario et catéchiste laïc, qu'il est entré pour la première fois dans la chapelle byzantine sacrée de Saint André, où toutes les icônes sont peintes par Fotis Kontoglou. Là, il demanda au Christ d'être autorisé à achever sa vie de prêtre dans cette église, dans laquelle saint Philothée d'Athènes fut martyrisée en 1588. Et le Christ lui a en effet accordé cette bénédiction.

Pendant une cinquantaine d'années, il servit l'Église avec un dévouement et un désintéressement sans pareil. Il servit magnifiquement, fut un guide spirituel au grand discernement et très attentionné pour des milliers de personnes, et il apporta une contribution silencieuse mais substantielle dans les temps difficiles et dans une région qui, ces dernières années, est également devenue un endroit tout aussi difficile à Athènes. Si vous le rencontriez, vous ne pouviez pas vous empêcher de ressentir de la joie, de l'espoir et de l'optimisme. Il avait toujours le sourire aux lèvres. Il était impossible pour le P. Gabriel de concevoir des chrétiens croyant et aimant le Christ et ne faisant pas l'expérience de Sa joie, quelles que soient les difficultés rencontrées dans leur vie. Son cœur était plein de la joie et de l'amour du Christ. Il était le staretz de la Joie.

Il a amené des dizaines de membres du clergé et de moines à l'Église, a béni et soutenu de nombreuses familles, soutenu des personnes faibles et solitaires, tandis que Dieu seul sait combien de personnes il a consolées, inspirées et amenées au Christ.

En 1996, il a fondé le monastère de Notre-Dame de Vryoula (Vourla), et il y a aujourd'hui cinq moniales vivant dans la dépendance du monastère d'Oropos, toutes sont ses filles spirituelles.

Le grand saint contemporain, Païssios l'Athonite, sans nommer le Père Gabriel, a donné une description succincte et charmante de l'essence de sa personnalité et de sa contribution :

Je connais un père spirituel qui est corpulent - bien sûr, c'est la façon dont il est fait, mais peut-être qu'il ne fait pas attention à ce qu'il mange non plus. Mais savez-vous à quel point il se soucie des autres, à quel point il se préoccupe des gens qui souffrent ? Il a de l'humilité parce qu'il dit qu'il n'est pas très ascétique, mais en même temps il a beaucoup de gentillesse. Il y a tant de gens qui se sentent plus à l'aise avec lui qu'avec un guide spirituel ascétique. Un père spirituel qui n'est pas prêt à aller même en enfer pour l'amour de ses enfants spirituels n'est pas un père spirituel'. (Elder Paisios, Spiritual Counsels, Volume III).

Puissions-nous avoir sa bénédiction!

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

vendredi 10 août 2018

Homélie de saint Jean de Changhaï et San Francisco: La Vie après la Mort





De nombreuses questions ont été soulevées récemment au sujet de ce qui arrive à l’âme lorsqu’une personne meurt. Le sermon de saint Jean Maximovitch qui suit expose dans les grandes lignes l’enseignement orthodoxe. J’y ai joint, sous forme de notes, des commentaires additionnels étayés par de nombreuses sources patristiques.
Il est fondamental pour nous, alors que nous abordons ce sujet important entre tous, de laisser de côté toutes idées préconçues et d’être désireux d’accepter ce qu’enseignent les Pères de l’Eglise. Votre opinion et mon opinion ne sont que cela : des OPINIONS ; ce qui est présenté ici est la VERITE !
(Père John Mack).

*

Infini et sans consolation aurait été notre chagrin pour nos proches décédés, si le Seigneur ne nous avait donné la vie éternelle. Notre vie n’aurait aucun sens si elle se terminait avec la mort. Quelle utilité retirerait-on alors des mérites et des bonnes actions ? Ils auraient alors raison ceux qui disent : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ! »
Mais l’homme a été créé pour l’immortalité, et par Sa Résurrection le Christ a ouvert les portes du Royaume des Cieux, d’éternelle béatitude pour ceux qui ont cru en Lui et ont vécu avec droiture.

Notre vie terrestre est une préparation à la vie future, et cette préparation prend fin avec la mort. « Il est fixé à l’homme de mourir une fois, et après cela vient le jugement » (Heb. 9 :27). L’homme laisse alors tous ses soucis terrestres ; le corps se décompose dans l’attente de se relever à la Résurrection Générale (1). Pour les mourants, cette perception spirituelle commence même avant la mort, et tandis qu’ils voient et parlent encore avec ceux qui les entourent, ils voient ce que les autres ne voient pas.

Mais lorsque l’âme quitte le corps, elle se retrouve parmi d’autres esprits, bons et mauvais. En général, elle incline vers ceux qui lui sont spirituellement le plus familiers, et si, alors que dans le corps, elle était sous l’influence de certains, elle demeurera sous leur dépendance lorsqu’elle quittera le corps, aussi désagréable que cela puisse s’avérer en les rencontrant (2).

Durant deux jours, l’âme dispose d’une relative liberté et peut visiter des lieux sur terre qui lui étaient chers, mais le troisième jour elle se déplace vers d’autres sphères (3). A ce moment-là (le troisième jour), elle passe au travers de légions d’esprits mauvais qui entravent son chemin et l’accusent de divers péchés, pour lesquels ils l’avaient eux-mêmes tentée. Selon différentes révélations, il y a vingt de ces obstacles, appelés les « péages », à chacun desquels une forme ou une autre de péché est mise à l’épreuve. Après avoir franchi l’un, l’âme arrive au suivant, et c’est seulement après avoir réussi à passer au travers de tous qu’elle peut continuer son chemin sans être jetée immédiatement dans la géhenne.
Combien sont terribles ces démons et leurs péages peut être relevé dans le fait que, à la demande de Mère de Dieu Elle-même, informée de l’approche de Sa mort par l’Archange Gabriel, le Seigneur Jésus vint en Personne des cieux pour accueillir l’âme de Sa Très Pure Mère et la conduire au ciel.

Terrible, en effet, est le troisième jour pour l’âme du défunt, et c’est pour cette raison qu’elle a alors particulièrement besoin des prières à son intention (4).

L’âme ayant alors passé avec succès les péages et s’étant prosternée devant Dieu visite, durant sept autres jours, les demeures célestes et les abîmes de l’enfer, sans savoir encore où elle demeurera ; et c’est seulement le quarantième jour que sa place lui est assignée jusqu’à la résurrection des morts (5).  Certaines âmes se retrouvent (après les quarante jours) dans une condition d’avant-goût de la joie et de la béatitude éternelles, et d’autres dans la terreur des tourments éternels qui s’accompliront intégralement après le Jugement Dernier. Jusque-là des changements peuvent intervenir dans la condition des âmes, en particulier par l’offrande du Sacrifice Non Sanglant (la commémoration à la liturgie), de même que par d’autres prières (6).

Combien importante s’avère la commémoration à la Sainte Liturgie peut se constater dans l’épisode suivant : avant la mise au jour des reliques de saint Théodose de Tchernigov (pour sa glorification en 1896), le hiéromoine qui dirigeait le revêtement de celles-ci (le célèbre starets Alexis, de l’hermitage de Goloseyevsky de la Laure des Grottes de Kiev, qui mourut en 1916), alors qu’il était assis près d’elles, subitement las, somnola et vit devant lui le Saint, qui lui dit : « Je te remercie de la peine que tu prends pour moi. Je t’implore également, lorsque tu célébreras la liturgie, de commémorer mes parents » - et il donna leurs noms (le prêtre Nikita et Maria). Le hiéromoine interrogea : « Comment peux-tu, ô Saint, demander mes prières, quand toi-même tu te tiens devant le Trône Céleste et accorde aux hommes la miséricorde divine ? » « Oui, cela est vrai, » répondit Saint Théodose, « mais la commémoration à la Liturgie est plus puissante que ma prière. »

Les panikhides et les prières privées pour les défunts leur sont donc bénéfiques, de même que les bonnes œuvres faites en leur mémoire, telles que les aumônes ou des dons pour l’église. Mais la commémoration à la Divine Liturgie est spécifiquement salutaire. Il y a beaucoup d’apparitions de défunts et d’autres manifestations qui confirment combien leur commémoration est favorable. Beaucoup de ceux qui moururent en attitude de repentance, mais qui ne furent pas capables de manifester cela alors qu’ils étaient en vie, ont ainsi été délivrés des tourments et obtenu le repos. Dans l’Eglise, des prières sont constamment offertes pour le repos des défunts et, aux Vêpres de la Descente du Saint Esprit, lors des prières de génuflexion, il est même fait une demande particulière « pour ceux qui sont en enfer ».

Chacun de nous désireux de manifester son amour pour les défunts et de leur apporter une aide véritable peut le faire au mieux par le biais de prières à leur intention, et tout particulièrement en les commémorant à la Sainte Liturgie, quand les parcelles prélevées pour les vivants et les morts sont versées dans le Sang du Seigneur avec les paroles : « Lave, ô Seigneur, par Ton Précieux Sang et les prières de Tes saints, les péchés de ceux qui sont ici commémorés. » Nous ne pouvons rien faire de mieux ou de plus grand pour les défunts que de prier pour eux en offrant cette commémoration à la Sainte Liturgie. De cela, ils en ont constamment besoin, et spécialement pendant ces quarante jours où l’âme du trépassé est en chemin vers les demeures éternelles. Le corps, alors, ne ressent rien : il ne voit pas ses proches qui sont rassemblés, ne sent pas le parfum des fleurs, n’entend pas les oraisons funèbres. Mais l’âme perçoit les prières offertes pour elle et est reconnaissante envers ceux qui les adressent et est spirituellement proche d’eux.

Ô parents et proches des défunts ! Faites ce qui est nécessaire et en votre pouvoir pour eux. Utilisez votre argent non pour les ornements extérieurs du cercueil et de la tombe, mais pour venir en aide aux nécessiteux en mémoire de vos proches trépassés, et pour les églises où des prières sont offertes pour eux.
Soyez miséricordieux pour les trépassés, prenez soin de leurs âmes (7). Devant nous tous se tient le même chemin, et combien désirerons-nous alors que l’on se souvienne de nous dans la prière ! Soyons donc nous-mêmes miséricordieux pour les défunts.

Dès que quelqu’un est mort, appelez ou informez immédiatement un prêtre afin qu’il lise les prières devant être dites sur tout chrétien orthodoxe nouvellement décédé. Dans la mesure du possible, essayez de faire les funérailles à l’église et que le psautier soit lu auprès du défunt jusqu’à celles-ci. De façon encore plus certaine, organisez tout de suite le service des quarante jours, c’est-à-dire la commémoration quotidienne à la Sainte Liturgie tout au long de cette période. (Note : Si les funérailles sont célébrées dans une église où il n’y a pas de services quotidiens, la parenté devrait s’efforcer de demander le mémorial de la quarantaine en un lieu où se font des célébrations quotidiennes.) Il est bon également d’envoyer des contributions en vue de la commémoration à des monastères, de même qu’à Jérusalem, où il y a une prière continuelle sur les Lieux Saints.

Prenons soin de ceux qui sont partis avant nous dans l’autre monde. Faisons pour eux tout ce que nous pouvons, en nous souvenant que « bienheureux les miséricordieux, car il leur sera fait miséricorde ».



Icône de saint  Jean avec des scènes de sa vie




 NOTES
1) Son âme, elle, continue à vivre. Elle ne cesse pas d’exister un seul instant. Notre vie extérieure, biologique et terrestre, se termine avec la mort, mais l’âme continue à vivre. L’âme est notre véritable existence, le centre de toutes nos énergies et de nos pensées. L’âme meut et donne la vie au corps. Après la séparation d’avec le corps, elle continue de vivre, d’exister, d’être consciente.
St Théophane le Reclus, dans son message à une femme mourante, écrit : « Vous n’allez pas mourir. Votre corps va mourir, mais vous allez passer à un monde différent, en restant vivante, restant consciente de vous-même et reconnaissant tout le monde qui vous entoure. »
St Dorothée (6e siècle) résume l’enseignement des premiers Pères ainsi : « Car comme les Pères nous l’enseignent, les âmes des défunts se souviennent de tout ce qui s’est passé ici – pensées, paroles, désirs – et rien ne peut être oublié. Mais, comme il est dit dans le psaume, « en ce jour périssent ses pensées » (Ps. 145:5), les pensées dont il est question sont celles du monde, concernant les maisons et possessions, les parents et enfants, et les affaires commerciales. Toutes ces choses sont détruites immédiatement quand l’âme sort du corps. Mais ce qu’il a fait contre la vertu ou contre ses passions mauvaises, il s’en souvient, et rien de tout cela ne se perd. De fait, l’âme ne perd rien de ce qu’elle a fait dans le monde, mais se souvient de tout lorsqu’elle quitte ce corps. »
St Jean Cassien (5e siècle) enseigne de même : « Les âmes, après la séparation d’avec le corps, ne sont pas inactives, ne demeurent pas sans conscience. Ceci est prouvé par la parabole de l’Evangile de l’homme riche et de Lazare (Luc 16:22-28). Les âmes des défunts ne perdent pas leur conscience, elles ne perdent même pas leurs dispositions – c’est-à-dire l’espoir et la crainte, la joie et la peine -, et ont déjà un avant-goût de ce qui les attend au Jugement Dernier. »


2) Celui qui quitte ce monde éprouve beaucoup de consolation quand il voit des gens amicaux entourant son corps mort. Une telle personne perçoit, dans les larmes de douleur de ses bien-aimés, leur amour et leur dévouement sincère. La plus grande joie terrestre est indubitablement de constater que nous mourons honorés et appréciés par tous ceux qui nous ont connus. Mais tout comme le corps, au moment de la mort, est entouré de parents et d’amis, de même l’âme, qui abandonne le corps et se dirige vers sa patrie céleste, est accompagnée par les êtres spirituels qui lui sont apparentés. L’âme vertueuse est entourée d’anges de lumière lumineux, alors que l’âme pécheresse est entourée d’êtres sombres et mauvais, c’est-à-dire de démons.
St Basile le Grand (4e siècle) l’explique ainsi : « Que personne ne vous trompe avec de vaines paroles ; car la destruction s’abattra sur vous de manière soudaine, elle surgira comme une tempête. Un ange sévère (c’est-à-dire un démon) viendra et entraînera avec force l’âme qui s’est liée aux péchés ; et ton âme se tournera ici-bas  et souffrira en silence, ayant déjà été expulsée de l’organe des plaintes (le corps). Ô comme tu seras tourmenté dans la douleur à l’heure de la mort ! Comme tu gémiras ! »
St Macaire d’Egypte écrit à ce sujet : « Quand tu entends qu’il y a des fleuves de dragons et des gueules de lions (cf. Heb. 11:33 ; Ps. 22:21)  et des puissances des ténèbres sous le ciel et un feu brûlant (Jer. 20:9) qui crépite dans les membres du corps, tu dois savoir ceci : à moins que tu n’aies reçu le gage du Saint Esprit (2 Cor. 1:22 ; 5:5), au moment où ton âme se sépare du corps, les démons mauvais la retiennent avec force et ne te laissent pas t’élever vers les cieux. » Le même Père nous enseigne également : « Lorsque l’âme abandonne le corps, un certain grand mystère prend place. Si le défunt s’en va non repenti, une horde de démons, d’anges déchus et de puissances ténébreuses accueillent cette âme et la gardent avec eux. Tout le contraire se passe avec ceux qui se sont repentis, car près des saints serviteurs de Dieu se tiennent maintenant des anges et de bons esprits, les entourant et les protégeant, et quand ils quittent le corps le chœur des anges accueille leur âme dans la pure éternité. »
Le champion de l’Orthodoxie contre l’hérésie nestorienne, St Cyrille d’Alexandrie enseigne pareillement : « Lorsque l’âme se sépare du corps, elle voit les épouvantables, farouches démons, impitoyables et féroces, se tenir là en attente. L’âme du juste est emmenée par les saints anges à travers les airs et transportée vers les hauteurs. »
St Grégoire le Dialoguiste écrit : « Il faut profondément considérer combien effrayante va être l’heure de notre mort, quelle terreur l’âme va alors éprouver, quelle remémoration de tous les maux, quel oubli complet du bonheur passé, quelle peur et quelle appréhension du Juge! Alors les esprits mauvais feront ressortir les actions de l’âme quittant ce monde ; puis ils présenteront à sa vue les péchés auxquels ils l’avaient disposée, pour entraîner leur complice vers les tourments. Mais pourquoi parler seulement de l’âme pécheresse, alors que, parmi les mourants, ils viennent même auprès des élus et recherchent ce qui leur appartient en eux, s’ils y ont réussi ? Parmi les hommes, il n’y en eut qu’Un seul Qui avant Sa passion déclara sans crainte : "Dorénavant, je ne parlerai plus guère avec vous : car le prince de ce monde vient, et il n’a rien en Moi. " (Jean 14:30). »
Cette vérité est confirmée dans de nombreux services liturgiques. Par exemple, aux Petites Complies, nous demandons à la Mère de Dieu : « Sois miséricordieuse envers moi, non seulement dans cette vie misérable, mais également à l’heure de ma mort ; prends soin de mon âme misérable et repousse loin d’elle les sombres et sinistres visages des démons mauvais. »
Dans une prière de l’office de minuit du samedi (adressée au Sauveur), nous prions : « Maître, sois-moi miséricordieux et ne laisse pas mon âme voir la sombre et sinistre vision des esprits mauvais ; mais fais que des anges lumineux et joyeux l’accueillent. »
Ailleurs, dans un autre hymne à la Theotokos (de l’office des matines du lundi), nous prions : « A l’heure effrayante de la mort, délivre-nous de la terrible sentence des démons qui cherchent à nous condamner. »
De semblables prières, adressées au Seigneur et aux saints anges, se retrouvent tout au long de l’office des défunts.


3) Ici, saint Jean Maximovitch répète simplement un enseignement courant de l’Eglise.
St Macaire d’Alexandrie (qui en a reçu la révélation non des hommes, mais d’un ange) explique : « Quand une offrande (c’est-à-dire l’Eucharistie) est faite dans l’Eglise le troisième jour, l’âme du défunt reçoit un soulagement de son ange gardien pour la peine éprouvée par la séparation d’avec son corps. Durant deux jours, l’âme peut parcourir la terre, où qu’elle veuille, en compagnie des anges qui sont avec elle. De ce fait, l’âme qui est attachée au corps erre quelquefois dans la maison où celui-ci est déposé, et passe ainsi deux jours comme un oiseau cherchant son nid. Mais l’âme vertueuse va vers les lieux où elle avait coutume de faire de bonnes actions. Le troisième jour, Celui Qui Lui-même S’est relevé des morts ce jour-là, ordonne à l’âme chrétienne, à l’imitation de sa Résurrection, de monter vers les cieux pour adorer le Dieu de toutes choses. »
St Jean Damascène, dans l’office des funérailles, décrit de manière frappante l’état de l’âme qui a quitté le corps mais est toujours sur terre, impuissante à entrer en contact avec les êtres chers qu’elle voit : « Malheur à moi ! Quel supplice subit l’âme lorsqu’elle se sépare du corps ! Hélas ! Combien nombreuses sont les larmes, et il n’y a personne pour témoigner de la compassion ! Elle lève les yeux vers les anges ; et vaine est sa prière. Elle tend ses mains vers les hommes, et ne trouve personne pour lui venir en aide. Pour cette raison, mes frères bien aimés, méditant sur la brièveté de la vie, implorons du Christ le repos pour celui qui est parti d’ici, et pour nos âmes grande miséricorde. »
St Théophane, écrivant au frère d’une mourante, déclare : « Votre sœur ne va pas mourir, le corps meurt, mais la personne de la défunte demeure. Elle passe simplement à un autre mode de vie. Ce n’est pas elle que l’on va mettre dans la tombe. Elle sera aussi vivante que vous l’êtes maintenant. Les premières heures et les premiers jours, elle se tiendra près de vous. Seulement, elle ne dira rien, et vous ne pourrez pas la voir ; mais elle sera réellement là. Ayez cela à l’esprit. »

4) Il ne fait absolument aucun doute que l’enseignement des péages est celui de l’Eglise Orthodoxe. Nous le trouvons dans la Sainte Ecriture (cf. Eph. 6:12), les écrits de tous les Pères de l’Eglise (aussi bien anciens que modernes), et dans les prières de l’Eglise. La place manque pour rendre compte entièrement de la matière des sources, mais, à la lumière de récentes discussions sur le sujet, je citerai de manière étendue certains Pères et prières.
St Athanase le Grand, dans sa célèbre Vie de Saint Antoine, décrit ce qui suit : « A l’approche de la neuvième heure, après avoir commencé de prier avant le repas, Antoine fut soudain ravi par l’Esprit et élevé par les anges dans les hauteurs. Les démons des airs s’opposèrent à son voyage ; les anges, se disputant avec eux, exigèrent qu’ils fassent connaître la raison de leur opposition, car Antoine n’avait aucun péché. Les démons luttaient pour mettre en avant les péchés commis par lui depuis sa naissance même, mais les anges fermèrent la bouche des calomniateurs en leur disant qu’ils ne devaient pas prendre en compte les péchés depuis sa naissance, qui avaient déjà été effacés par la grâce du Christ ; mais qu’ils présentassent – s’il y en avait aucun – les péchés qu’il avait commis après être entré dans la vie monastique et s’être consacré à Dieu. Dans leurs accusations, les démons proférèrent de nombreux mensonges effrontés ; mais comme leurs calomnies manquaient de preuves, la voie libre s’ouvrit pour Antoine. Revenant aussitôt à lui, il vit qu’il se trouvait à l’endroit même où il s’était mis en prière. Oubliant la nourriture, il passa la nuit en prière avec des larmes et des gémissements, méditant sur la multitude des ennemis de l’homme, sur la bataille contre une telle armée, sur la difficulté du chemin vers le ciel à travers les airs, et sur les mots de l’Apôtre, qui a dit : « Notre lutte n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances de l’air » (Eph. 6:12, Eph. 2:2). Sachant que les puissances aériennes ne cherchent qu’une seule chose, s’en préoccupent avec la plus grande ferveur, et s’efforcent de nous priver du libre passage vers le ciel, l’Apôtre exhorte : « Prenez l’armure complète de Dieu, afin que vous soyez capables de résister au jour mauvais (Eph. 6:13), afin que l’adversaire soit confondu, n’ayant rien à dire de mauvais à notre sujet (Tite 2:8). »
St Jean Chrysostome, décrivant le moment de la mort, enseigne : « Alors nous aurons besoin de beaucoup de prières, de beaucoup d’auxiliaires, de beaucoup de bonnes actions, d’une grande intercession des anges lors du voyage au travers des espaces aériens. Si, lorsque nous voyageons dans un pays étranger ou une ville inconnue, nous avons besoin d’un guide, combien plus nous seront nécessaires des guides et des auxiliaires pour nous diriger au-delà des invisibles dignités, puissances et souverainetés de ces airs, qui sont appelés persécuteurs, publicains et percepteurs d’impôts. »
St Isaïe le Reclus (6e siècle) enseigne que les chrétiens devraient « avoir quotidiennement la mort devant les yeux et se préoccuper de comment effectuer le départ hors du corps et comment passer au travers des puissances des ténèbres qu’il faudra rencontrer dans les airs. »
St Hésychius, prêtre de Jérusalem (5e siècle), enseigne : « L’heure de la mort nous trouvera, elle viendra ; et il sera impossible de lui échapper. Oh, si seulement le prince de ce monde et des airs qui viendra alors à notre rencontre pouvait trouver comme vaines et insignifiantes nos iniquités et ne pas être en mesure de nous accuser à juste titre. »
St. Ephrem le Syrien (4e siècle) décrit le moment de la mort et du jugement aux péages : « Lorsque vient l’heure effrayante, lorsque les ravisseurs aériens ordonnent à l’âme de quitter le corps, lorsqu’ils nous tirent de force et nous mènent au lieu inévitable du jugement – alors, en les voyant, le pauvre homme se met à trembler de tout son être, comme s’il s’agissait d’un tremblement de terre, est tout entier saisi d’un frémissement. Les ravisseurs aériens, saisissant l’âme, montent dans les airs où se tiennent les chefs, les autorités et les souverains des puissances ennemies. Ceux-ci sont nos accusateurs, les terribles publicains, taxateurs, et collecteurs d’impôts ; ils l’affrontent sur son chemin, l’enregistrent, la soumettent à l’examen et comptent toutes les fautes et dettes de cet homme – les péchés de la jeunesse et de la vieillesse, volontaires et involontaires, commis en action, en parole et en pensée. Grande est ici la peur, grand le tremblement de la pauvre âme, indescriptible la revendication qu’elle souffre alors de la multitude incalculable de ses ennemis qui l’entourent là par myriades, la calomnient de telle sorte qu’elle ne puisse monter vers les cieux, habiter dans la lumière des vivants, entrer dans le pays de vie. Mais les saints anges, prenant l’âme, l’emportent. »
St Cyrille d’Alexandrie explique de plus : « Alors que l’âme monte, elle trouve les taxateurs gardant l’ascension, arrêtant et empêchant les âmes de s’élever. Chacune de ces stations de péage présente à l’âme ses propres péchés particuliers. Mais, en cette occasion même, les bons anges n’abandonnent pas l’âme dans ces stations mauvaises. Au moment du compte, les anges présentent en retour les bonnes oeuvres de l’âme. En effet, les saintes puissances angéliques énumèrent aux mauvais esprits les bonnes actions accomplies en parole, en acte, en pensée et imagination. Si l’âme est trouvée comme ayant vécu pieusement et d’une manière plaisant à Dieu, elle est reçue par les saints anges et transportée à cette joie ineffable de la vie bénie et éternelle. Mais si elle est trouvée comme ayant vécu de manière insouciante et prodigue, elle entend les paroles les plus sévères : « Que l’impie soit enlevé, afin qu’il ne voie pas la gloire du Seigneur » (Isaïe 26:10). Alors les saints anges, avec un profond regret, abandonnent l’âme et elle est accueillie par ces sombres démons pour être jetée, avec beaucoup de malveillance, dans les prisons de l’Hadès. »
Un catéchiste de l’Eglise primitive, se référant aux percepteurs officiels qui prélevaient les impôts, nous rapporte l’enseignement commun de l’Eglise : « Je connais d’autres collecteurs d’impôts qui, après notre départ de cette vie présente, nous examinent et nous arrêtent pour voir si nous avons quelque chose qui leur appartienne. » Le même catéchiste continue en disant : « Je suis saisi de stupeur en considérant combien nous devrons souffrir des mains de ces anges mauvais qui contrôlent tout et qui, lorsque quelqu’un est trouvé impénitent, exigent non seulement simplement l’acquittement d’impôts, mais qui également s’emparent de nous et nous retiennent totalement captifs. » (Origène).
Ce point de vue est confirmé par notre père St Basile le Grand. Parlant des courageux athlètes de la foi, il enseigne qu’eux aussi seront scrutés minutieusement par les «agents des douanes », c’est-à-dire les esprits mauvais. Le même Père dit également que les esprits malins guettent le départ de l’âme avec encore plus de vigilante attention que ne le font les ennemis d’une ville assiégée ou des voleurs sur une maison contenant un trésor.
St Jean Chrysostome, de la même manière, appelle les démons « agents des douanes », qui nous menacent et qui sont « des puissances dominatrices avec une expression épouvantable terrifiant l’âme qui les regarde ».
A un autre endroit, St Jean déclare que ces esprits mauvais sont appelés « persécuteurs et agents des douanes et collecteurs d’impôts dans la Sainte Ecriture ».
Selon St Jean, même les âmes des enfants innocents doivent passer par ces péages, car le démon mauvais cherche également à saisir leur âme. Toutefois (selon St Jean), les enfants font la confession suivante : « Nous sommes passés par les esprits mauvais sans subir aucun mal. Car les sombres agents des douanes virent nos corps sans tache et furent couverts de honte ; ils virent l’âme bonne et pure et furent embarrassés ; ils virent la langue immaculée, pure et irréprochable, et restèrent muets ; nous passâmes outre et les humiliâmes. C’est pourquoi les saints anges de Dieu qui nous accueillirent et nous reçurent se réjouirent, les justes nous saluèrent avec joie et les saints dirent avec délice : "Soyez les bienvenus, agneaux du Christ!" ».
Le rapport le plus clair et le plus complet sur les péages est probablement celui qui fut donné par un ange du Seigneur à St Macaire d’Egypte : « De la terre au ciel, il y a une échelle et sur chaque échelon se trouve une cohorte de démons. On les appelle péages, et les mauvais esprits viennent à la rencontre de l’âme, apportent la liste écrite de ses actions et la montrent aux anges en disant : tel jour et tel autre, et tel autre du mois, cette âme a fait ceci : soit elle vola, ou forniqua, ou commis l’adultère, ou la sodomie, ou mentit, ou incita quelqu’un à une mauvaise action. Et tout autre mal qu’elle a commis, ils le présentent aux anges. Les anges montrent alors tout le bien que l’âme a accompli, en charité, prières, ou liturgies, jeûnes ou quoi que ce soit d’autre. Puis les anges et les démons font le compte, et s’il se trouve que le bien est plus grand que le mal, les anges prennent l’âme et la font monter à l’échelon suivant, cependant que les démons grincent des dents comme des chiens sauvages et se précipitent pour saisir cette âme pitoyable. L’âme, pendant cela, se recroqueville devant eux et la terreur la submerge, au point de vouloir se cacher dans le giron des anges, tandis que s’élève un grand débat et beaucoup de trouble jusqu’à ce que l’âme soit délivrée des griffes des démons. Alors ils arrivent à un autre échelon et trouvent là un autre péage, plus terrible et plus effrayant. Et dans celui-ci également, il y a un grand tumulte et une grande et indescriptible turbulence pour déterminer qui prendra cette âme misérable. Et poussant de hauts cris, les démons font subir à l’âme un interrogatoire, la plongeant dans la terreur et disant : « Où vas-tu ? N’es-tu pas celui qui a forniqué et a entièrement souillé le Saint Baptême ? N’es-tu pas celui qui a souillé l’habit angélique ? Retourne ! Descends ! Va-t’en dans le sombre Enfer. Va-t’en au feu extérieur. Rends-toi vers ce vers qui jamais ne repose ! » Alors, s’il advient que cette âme est condamnée, les démons l’emportent sous terre, dans un lieu sombre et de tourment. Et malheur à cette âme dans laquelle cette personne est née. Et qui pourra dire, saint Père, l’épreuve dans laquelle les âmes condamnées se retrouveront en ce lieu-là ! Mais si l’âme est trouvée pure et sans péché, elle s’élève au Ciel avec tellement de joie ! »
Des descriptions des péages aériens peuvent également être trouvées dans les vies de saints suivantes : St Eustrate le Mégalomartyr (4e s.), St Niphon de Constantia à Chypre (4e s.), St Syméon le Fol en Christ (6e s.), St Jean le Miséricordieux (7e s.), St Syméon Stylite le Jeune (7e s.), St Macaire le Grand (4e s.), St Colomba (6e s.), St Adamnan (8e s.), St Boniface (8e s.), St Basile le Nouveau (10e s.), le soldat Taxiote, St Jean de l’Echelle (6e s.), etc.
Ce très ancien enseignement des premiers Pères de l’Eglise et des saints ascètes est confirmé par l’expérience et l’enseignement de saints plus récents. St Séraphim de Sarov rapporte : « Deux moniales décédèrent. Les deux étaient higoumènes. Le Seigneur me révéla que leurs âmes avaient des difficultés pour passer au travers des péages aériens. Trois jours et trois nuits, moi pauvre pécheur, j’ai prié et imploré la Mère de Dieu pour leur salut. La bonté du Seigneur, par les prières de la Très Sainte Mère de Dieu, eut finalement pitié d’elles. Elles passèrent les péages et reçurent le pardon de leurs péchés. »
De même, St Théophane le Reclus écrit : « Peu importe combien l’idée des péages aériens peut paraître absurde à nos "hommes instruits", ils ne pourront éviter de passer par eux. Que recherchent ces gardiens de péage chez ceux qui traversent ? Ils cherchent si ces personnes sont en possession de quelques uns de leurs biens. Quelles sortes de biens ? Les passions.  Par conséquent, chez une personne dont le cœur est pur et étranger aux passions, ils ne peuvent trouver de quoi se quereller; au contraire, la qualité opposée les frappera comme l’éclair.
A ce sujet, quelqu’un, qui a un peu d’instruction, a exprimé la considération suivante : les péages sont une chose terrible. Mais il est tout à fait possible que les démons – en place de quelque chose d’effrayant – exposent quelque chose de séduisant. Ils peuvent présenter, à l’âme qui passe d’un péage à l’autre, quelque chose de trompeur et séduisant selon les types de passions. Lorsque, durant le cours de l’existence, les passions ont été chassées du cœur et que les vertus opposées y ont été implantées, alors peu importe l’objet attirant que vous lui montrez, l’âme, n’ayant aucune sorte de sympathie pour lui, passera son chemin, s’en détournant avec dégoût. Mais si le cœur n’a pas été purifié, l’âme se précipitera vers toute passion pour laquelle le cœur a le plus d’affinité, et les démons s’en saisiront comme d’un ami, et sauront alors où la placer. Donc, il est très improbable qu’une âme ne soit pas couverte de honte aux péages, aussi longtemps qu’il reste en elle des liens d’attirance pour une quelconque passion. Couverte de honte signifiant ici que l’âme est jetée en enfer. »
A un autre endroit, St Théophane, poursuivant sa lettre au frère de la femme qui était sur le point de mourir, écrit : « Chez la défunte commence bientôt le combat pour passer par les péages. C’est là qu’elle a besoin d’aide ! Tenez-vous alors attentif, et vous l’entendrez vous crier : A l’aide ! C’est alors que vous devriez diriger toute votre attention et tout votre amour vers elle. Plongez-vous dans la prière pour elle dans sa nouvelle condition et ses nouveaux besoins, inattendus. Ayant commencé ainsi, restez dans une supplication incessante à Dieu pour qu’Il l’aide au long de six semaines, et en réalité, pour plus longtemps que cela. Au sujet de Théodora, le sac duquel les anges se servir pour se séparer des collecteurs péagiers était les prières de son père spirituel. Vos prières agiront de même ; n’oubliez pas de le faire. C’est cela, l’amour ! »
De manière significative, tous ces témoignages sont confirmés par les prières liturgiques de l’Eglise. St Ignace Briantchaninov cite plus de 20 exemples de références aux péages dans les livres de l’Office Divin et ce n’est pas une liste complète !


5) Selon la révélation de l’ange  à St Macaire, la commémoration particulière de l’Eglise pour les défunts le neuvième jour après le décès est célébrée (en plus de la signification générale relative aux ordres angéliques) parce que jusque-là il est montré à l’âme les beautés du Paradis, et seulement après cela, durant le reste des quarante jours, lui sont montrés les tourments et les horreurs de l’enfer, avant que lui soit assigné, le quarantième jour, le lieu où elle attendra la résurrection des morts et le Jugement Dernier.


6) L’enseignement de l’Eglise sur la situation des âmes au ciel et en enfer avant le Jugement Dernier est mis en avant de la manière la plus claire par St Marc d’Ephèse dans son dialogue avec les catholiques romains au sujet de la doctrine romaine du purgatoire (que les Orthodoxes rejettent comme erronée). Il s’agit d’un ensemble considérable de textes, dont une partie dépasse le sujet de cette étude limitée. Ce qui suit devrait toutefois suffire pour illustrer l’orthodoxie des paroles de Saint Jean Maximovitch :
« Ceux qui reposent dans la foi sont sans aucun doute aidés par les liturgies, les prières et les aumônes accomplies pour eux, et que cet usage soit en vigueur depuis l’antiquité, nous en avons le témoignage par les nombreuses et diverses déclarations des Pères, latins et grecs, orales et écrites en diverses époques et divers lieux. Mais que les âmes soient délivrées grâce à une certaine souffrance purgatoire et un feu temporel possédant un tel pouvoir (purgatoire) et ayant la propriété d’un secours – cela nous ne le trouvons ni dans l’Ecriture ni dans les prières ou les hymnes pour les défunts, ou les paroles des Pères. Il nous a toutefois été transmis que même les âmes qui sont détenues en enfer et sont déjà livrées aux tourments éternels - soit dans une expérience réelle soit dans l’attente désespérée d’une telle réalité - peuvent recevoir un allègement, non cependant dans le sens de les libérer totalement des tourments ou de leur faire espérer une libération finale. Et ceci est indiqué par les propos du grand ascète Macaire l’Egyptien qui, ayant trouvé un crâne dans le désert, apprit cela par l’action de la Puissance divine. Et Basile le Grand, dans les prières lues à la Pentecôte, écrit littéralement ce qui suit : "Toi Qui, en cette fête éminemment parfaite et salutaire, daignes recevoir nos prières d’intercession pour ceux que retiennent les enfers, et Qui nous as donné grandement l’espérance de Te voir accorder aux défunts la délivrance des souillures qui les ont emprisonnés et leur soulagement" (Troisième prière de génuflexion des Vêpres du Saint Esprit). Mais si des âmes ont quitté cette vie dans la foi et l’amour, emportant cependant avec elles certaines fautes, soit légères, dont elles ne s’étaient pas repenties du tout, soit graves pour lesquelles – même si elles s’en étaient repenties – elles n’avaient pas produit de fruits de repentance, de telles âmes, croyons-nous, doivent être purifiées de cette sorte de péchés ; mais non par le biais d’un feu purgatoire ou d’un châtiment définitif en un certain lieu (car ceci, comme nous l’avons dit, ne nous a pas du tout été transmis). Certaines doivent être purifiées par leur départ même du corps (comme St Grégoire le Dialoguiste le montre littéralement) ; tandis que d’autres doivent être purifiées après l’avoir quitté, avant d’aller adorer Dieu et d’être honorées avec la multitude des bienheureux, ou – si leurs péchés étaient plus graves et les liaient pour un temps plus long – elles sont gardées en enfer, non pour rester à jamais dans le feu et les tourments, mais comme se trouvant en prison et incarcérée sous une garde. Toutes ces âmes, affirmons-nous, sont secourues par les prières et les offices célébrés pour elles, avec la coopération de la Bonté et de l’Amour Divins pour l’humanité. Et ainsi, nous implorons Dieu et croyons délivrer les défunts (des tourments éternels), et non pas d’un quelque autre tourment ou feu en dehors de ces tourments et de ce feu qui ont été proclamés éternels. »
St Marc explique plus loin la situation des défunts de cette manière : « Nous affirmons que ni les justes n’ont encore reçu la plénitude de leur gain et cette condition bénie pour laquelle ils se sont préparés ici-bas par leurs œuvres, ni les pécheurs n’ont, après la mort, été emmenés au châtiment perpétuel dans lequel ils seront tourmentés éternellement. L’une et l’autre chose, plutôt, devra nécessairement prendre place après le Jugement du Dernier Jour et la résurrection des morts. Pour l’instant, toutefois, aussi bien l’un que l’autre sont placés dans des lieux appropriés : les premiers, libres et dans un repos absolu, se trouvent au ciel avec les anges et devant Dieu Lui-Même, déjà comme au Paradis duquel Adam tomba, venant souvent nous visiter dans les sanctuaires où ils sont vénérés, écoutant ceux qui les interpellent et les prient auprès de Dieu en accomplissant des miracles à travers leurs reliques, ayant reçu de Lui ce don incomparable, trouvant leurs délices dans la vision de Dieu et l’illumination accordée par Lui de manière plus parfaite et plus pure qu’auparavant, lorsqu’ils étaient en vie ; tandis que les seconds, quant à eux, détenus aux enfers, demeurent dans la fosse la plus profonde, dans les ténèbres et l’ombre de la mort (Ps. 87:7), comme le dit David, de même que Job : " Dans le pays où la lumière est ténèbres " (Job 10:21-22). Les premiers donc reposent dans une joie complète et se réjouissent, attendant déjà – sans en être toutefois en pleine possession – le Royaume et les biens ineffables qui leur ont été promis ; alors que les seconds, au contraire, restent dans une captivité totale et des souffrances inconsolables, comme des condamnés attendant la sentence du Juge et prévoyant d’avance les tourments. Ni les premiers n’ont déjà reçu l’héritage du Royaume et ces biens "que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, qui ne sont pas entrés au cœur de l’homme" (I Cor. 2:9) ; ni les seconds n’ont été encore livrés aux tourments éternels et au feu qui ne s’éteint pas. Cet enseignement nous a été transmis par nos saints Pères dès les temps anciens et nous pouvons aisément l’exposer à partir des Saintes Ecritures mêmes. »

St Grégoire le Grand, répondant à la question « Y a-t-il éventuellement quelque chose dont puissent bénéficier les âmes après la mort ? » enseigne : « Le Saint Sacrifice du Christ, notre Victime salvatrice, apporte de grands bienfaits aux âmes même après la mort, à la condition que leurs péchés soient tels qu’ils puissent être pardonnés dans la vie à venir. C’est pour cette raison que les âmes des défunts demandent parfois que des offices leur soient consacrés. La voie la plus sûre étant, naturellement, de faire pour nous-mêmes ce que nous espérons que d’autres fassent pour nous après la mort. Il est préférable de se ménager une issue tant qu’on est libre, plutôt que de rechercher la liberté une fois que l’on est enchaîné. Nous devrions, de ce fait, mépriser le monde de tout notre cœur comme si sa gloire était déjà passée, et offrir notre sacrifice de larmes chaque jour à Dieu de même que nous sacrifions Son Précieux Corps et  Son Précieux Sang. Seul ce sacrifice a le pouvoir de sauver l’âme de la mort éternelle, car il offre mystiquement pour nous la mort du Fils Unique. » Beaucoup d’épisodes des Vies des saints et ascètes orthodoxes confirment cet enseignement.


7) Les Constitutions Apostoliques (1er et 2ème siècles) enseignent que les commémorations pour les défunts soient célébrées avec « des psaumes, des lectures et des prières » le troisième jour après le décès de nos bien aimés, à cause du Seigneur Jésus « Qui ressuscita le troisième jour ».
Elles prescrivent une commémoration le neuvième jour « en mémoire des vivants et des morts », de même que « le quarantième jour après le décès selon un usage ancien ». C’est ainsi que le peuple d’Israël prit le deuil pour le grand Moïse.
En plus de celles-ci, nous devons célébrer des commémorations annuelles en mémoire des défunts. Cet enseignement est également transmis par St Isidore de Péluse, St Siméon le Nouveau Théologien et St Grégoire le Théologien.    
En plus de ces célébrations, notre Sainte Eglise a ordonné que le sabbath (samedi) soit un jour commémoratif des Saints Martyrs et de tous les défunts. Car le sabbath, en tant que septième jour à partir du début de la Création, est le jour qui vit la mort corporelle, imposée à l’homme par le Dieu juste. Ce jour se continue, dans la mesure où la mort de l’homme continue également en même temps ; alors que dimanche est le « jour de la Résurrection, le huitième jour, qui symbolise l’âge anticipé de l’éternité, la résurrection des morts et le Royaume de Dieu sans fin. »
Notre Mère l’Eglise a également prescrit des commémorations collectives deux fois par an : le samedi avant le dimanche de carnaval (précédant la semaine de la tyrophagie) et le samedi précédant la grande fête de la Sainte Pentecôte. St Jean Damascène ajoute : « les apôtres qui parlent pour Dieu et les Pères Théophores ont décrété cela avec inspiration et d’une manière plaisant à Dieu. »

Traduction française :
hypodiacre Pierre

 d'après
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of the Russian Orthodox Church Outside Russia.




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jeudi 9 août 2018

Iuliana Tenchiu: L'aveuglement spirituel



Aujourd'hui, les générations ont toutes accès à beaucoup d'images dans les films, dans les publicités ou dans l'espace virtuel. Nous vivons dans un monde d'images. 

Et quand nous regardons ces images, nous pouvons effectivement, selon l'Evangile d'aujourd'hui, être aveugles parce que nous ne voyons pas la signification spirituelle des réalités que nous regardons, mais nous voyons les choses matérielles.

Si nous prenons le texte de l'Apôtre Paul qui nous dit: "Pour la nation élue, la loi de Moïse était comme un voile sur leurs yeux, et ils regardaient le Christ et ne voyaient pas le Messie", alors nous pouvons penser à nous qui savons que la culture d'aujourd'hui est comme un voile sur nos yeux.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


                     Bains de mer 2018 : deux excursions magnifiques !                          

Normalement, nous aurions dû vous partager ce compte-rendu au milieu de la classe de mer, c'est-à-dire mardi 7 août dans l'après-midi. Mais il se trouve que mardi 7 août dans l'après-midi, nous étions au beau milieu des montagnes, à une vingtaine de kilomètres au Nord de Tivat, au bord d'un lac aux eaux claires coincé entre les pics rocheux. Faut-il le préciser ? Internet ne passait pas... De retour à l'hôtel, nous prenons donc enfin le temps de vous donner des nouvelles, après une bonne nuit de repos.
Un repos bien mérité : lundi et mardi furent sans conteste les deux sommets de ce séjour. Dimanche avait été une journée à la plage comme les précédentes, marquée seulement par une chaleur particulièrement élevée qui a poussé un à un les enfants, lors de la baignade de fin d'après-midi, à abandonner la mer pour la piscine de l'hôtel, qui présente l'avantage non négligeable d'être à l'ombre. D'habitude si tranquille, puisque fréquentée principalement par des personnes âgées, la petite piscine ronde fut rapidement remplie d'un bouillonnement d'enfants agissant exactement comme s'ils avaient encore la mer entière à leur disposition.
Que ce soit dans la mer ou dans la piscine, personne n'est jamais à l'abri de l'oeil du photographe !
Lundi matin, on notait que la plupart des enfants qui les premiers jours s'avançaient dans l'eau avec des précautions de funambules y courraient maintenant comme tous les autres, s'arrosant avec le même enthousiasme.
Pendant le déjeuner, Arnaud annonça qu'on partirait en fin d'après-midi, après le temps de repos et quelques jeux, faire un tour en bateau sur la baie de Kotor. On se dirigea donc à l'heure dite vers le village voisin de Donja Lastva, dont on aperçoit, depuis la plage de l'hôtel, la jolie église. C'est au pied de celle-ci qu'on vit arriver le bateau qui allait nous emmener. Et quelle surprise : au lieu d'un de ces petits bateau-taxis qu'on voit régulièrement faire la navette d'un bout à l'autre de la baie, c'est un énorme bateau-mouche qui se présenta devant nous. Un bateau-mouche venu prendre ici sa retraite après avoir monté et descendu la Seine pendant des années : son nouveau propriétaire, un marin de la région, raconte avec fierté l'avoir amené lui-même de Paris à la baie de Kotor par la mer, ce qui implique tout de même de contourner la Bretagne, l'Espagne puis l'Italie et de naviguer sur l'océan Atlantique, la Méditerranée et l'Adriatique. 
C'est donc sur un bateau typiquement parisien que 40 enfants des enclaves chrétiennes du Kosovo – qui tous ont les yeux qui brillent quand vous leur faites comprendre que vous venez de « près de Paris » – ont parcouru plus de deux heures durant la sublime baie de Kotor.
Un bateau-mouche tout droit venu de Paris pour faire le tour de la baie de Kotor : la rencontre improbable de deux mondes si éloignés.

Ce furent deux heures de ravissements successifs : chaque village qui borde la baie est plus joli que le précédent, chaque montagne plus impressionnante, chaque courant dans la mer plus bleu. Au beau milieu de la baie, le sommet de la croisière est sans aucun doute le contournement de l'église Notre-Dame du Rocher, jolie église posée sur une île que les marins de la baie ont mis plus d'un siècle à faire émerger de l'eau, suite à la découverte d'une image de la vierge sur quelques récifs qui se trouvaient là. Pendant un siècle, chaque bateau qui menaçait ruine était empli de cailloux et coulé sur le récif, chaque pêcheur prenant la mer emportait un panier de gravats qu'il jetait à l'emplacement de la future île. Quelle foi, quelle persévérance, génération après génération !
Aujourd'hui, l'église Notre-Dame du Rocher protège les nombreux navires de toutes tailles qui croisent dans la baie et émerveille de nombreux touristes et pèlerins. Cette traversée fut aussi une belle occasion pour les enfants d'approfondir leurs amitiés naissantes, par petits groupes se faisant et se défaisant dans tous les coins de l'immense bateau-mouche dont nous étions les seuls passagers.

Photo de groupe devant un des superbes bateaux mouillés devant Porto Montenegro, le "Saint-Tropez du Monténégro".

Le lendemain en début d'après-midi, nous avons eu l'occasion de revoir ces mêmes endroits sous un autre angle : d'en haut. En effet, juste après le déjeuner nous avons pris un car pour nous rendre dans l'arrière-pays de Kotor, dans les montages du Nord. Le trajet nous a fait prendre une longue route à flanc de montagne que nous avions pu voir la veille depuis notre bateau-mouche. Par les fenêtres du car, nous avons à nouveau pu admirer la beauté incroyable de cette baie, des montagnes qui l'entourent, des villages tapis au bord de l'eau au pied de ces immenses amas de roche. Et au milieu, Notre-Dame du rocher, entourée d'une eau bleu vif et de navires lui faisant une auréole d'écume. 
Puis on s'enfonça dans les montagnes pendant près d'une demi-heure, chaque intersection nous faisant emprunter une route un peu plus petite, jusqu'à ce que sous nos roues ne se trouvent plus qu'un chemin de terre et de cailloux, au bout duquel le car s'arrêta. En petits groupes bruyants de rires et de chansons, les enfants s'enfoncèrent dans l'ombre d'une belle forêt de pins, où un vent presque frais envoyait à nos narines une odeur de sous-bois et de résine chaude.

Changement radical de décor : venus des rivages bleutés de la baie de Kotor, nous plongeons soudainement dans la verdure dense d'une forêt de montagne.

Après une dizaine de minutes de marche sur le chemin qui grimpait entre les arbres, nous sommes arrivés soudainement au bord d'un lac. D'un côté, un grand barrage en arc de cercle, partout ailleurs des rochers décharnés lancés vers le ciel. Et sur l'eau transparente du lac, un vieux pédalo dont on se demande encore comment il a pu arriver là. Une famille était déjà là, qui nous attendait : une table était dressée, couverte de bouteilles de jus de fruit, et sur un barbecue grillaient quelques pièces de viande pour le goûter. L'odeur de la viande cuite se mélangeait à celle de la résine chaude, l'ensemble étant adouci par la fraîcheur montant de l'eau. Dans les pins et les herbes, les grillons chantaient les louanges du soleil.
Les enfants eurent vite fait de se mettre en maillot et de plonger à l'eau, précédés par quelques grenouilles surprises dans leur sieste et plongeant rapidement à l'abri. D'autres préférèrent traverser le barrage et grimper quelques rochers, découvrant alors une vue grandiose non seulement sur le lac entier mais aussi sur une bonne partie de la région et à l'horizon, vers le Sud, devinable à la clarté du ciel, la mer que nous venions de quitter.
Nous passâmes là quelques heures, nos yeux – pourtant déjà habitués à la beauté depuis quatre jours que nous étions à Tivat – se rassasiant de ce paysage incroyable, à la fois très rude et très paisible.

Pédalo et pêche à la ligne au milieu des montagnes. Un petit air d'école buissonnière.

Dans le car, au retour, les ronflements le disputèrent aux chansons. Quelques-uns, silencieux, le nez collé à la vitre, profitèrent une seconde fois de la vue plongeante sur la baie.
Le soir, tout le monde alla se coucher avant que l'heure fut venue. Il ne fait pas de doute que les rêves furent peuplés de paysages grandioses, de montagnes dressées vers le ciel, de vols au-dessus des océans infinis. Et au matin du mercredi 8 août, certains avaient encore les yeux qui brillaient au-dessus de leur petit-déjeuner.
Voilà deux jours que ces enfants n'oublieront pas de sitôt.

L'équipe de "Solidarité Kosovo"

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