Origines
Eulambia Romanides, mère du père Jean Romanides, est originaire d'Aravisso de Cappadoce, une région qui n'a jamais cessé de se préoccuper de thèmes théologiques, même après les grands Pères de Cappadoce (Basile le Grand et Grégoire de Nysse).
Née avant le désastre (en 1895), elle grandit dans un lieu de foi profonde. Dans ce domaine, l'Orthodoxie était la première valeur, tandis que la langue et l'origine étaient secondaires. Elle appartenait au magnifique peuple de Karamanlis (ou Karamanlides), qui, grâce à son écriture grecque unique, à ses monuments importants et à ses coutumes et traditions uniques, a pu traduire l'expérience des ascètes et saints orthodoxes dans la pratique quotidienne.
Le modèle théologique des Cappadociens est l'imitation des hésychastes stricts, comme les saints stylites Syméon et Daniel, saint Alexis l'Homme de Dieu, etc. La personnalité de saint Alexis, en particulier, fit une forte impression sur les cappadociens, en raison de son jeûne excessif, de ses veilles et de son ascèse dure, de sorte que beaucoup de chansons ont été écrites pour lui qui sont encore chantées aujourd'hui. Chaque Grand Carême en Cappadoce y régnait la contemplation, la mémoire de la mort, la prière et l'ascèse. Le centre de la vie sociale en Cappadoce était l'église et l'accomplissement intellectuel était de s'engager dans la prière noétique. Il ne serait pas exagéré de dire que la respiration de la Cappadoce était le rythme de la prière "Seigneur Jésus Christ (inhalation), aie pitié de moi (expiration)".
C'est dans cet environnement spirituel qu'Eulambia Romanides fut élevée.
Années d'enfance
L'enfance de la staritza Eulambia fut marquée par la douleur. La douleur était profonde, mais salvifique. La fillette de douze ans vit le terrible massacre de ses parents, événement qui s'imprima sur ses jeunes yeux et au fond de son âme. Cependant, cette expérience, plutôt que d'être catastrophique pour Eulambie, fut le message céleste pour qu'elle choisisse le bon chemin, celui d'aimer le Christ et l'Eglise.
Socialement, Eulambia resta orpheline, mais elle obtint une puissante protection spirituelle. La Reine du Ciel, l'assistante des orphelins, l'a prise sous sa propre protection. Avec une admirable simplicité pour une expérience si magnifique, la staritza raconta plus tard à ses moniales que la Panaghia [la Toute Sainte Mère de Dieu] lui apparaissait, comment elle la prenait par la main et la sauvait de divers dangers psychologiques. Quand les célébrations se déroulaient autour d'elle, cela la dérangeait et elle prenait ses distances. Elle se rendait alors très disponible pour la prière. De cette façon, le petit enfant communiquait à Dieu par la prière !
On se demande, quelle sorte de prière la petite orpheline Eulambia disait ? Dans une confession écrite qu'elle a laissée, elle a dit ce qui suit : "Quand j'avais douze ans, les prières que j'ai dites étaient les suivantes : la Paraclèse, les Six Psaumes, les Complies, [la lecture de] l'Ancien et du Nouveau Testament. C'est ainsi que je passais mon temps. Ces mots, je ne les laissais pas me quitter l'esprit nuit et jour. Seigneur, ne me prive d'aucun de Tes biens, et d'écouter Tes paroles. De choses indécentes, avec Ton aide, mon Seigneur, protége-moi. Seigneur, selon Ton commandement, comme Tu le sais Seigneur, tout ce que ma gorge prononce est à Toi. Notre Reine la Panaghia, avec ses intercessions et celle des saints... Et avec tout cela, Tu es béni pour les siècles des siècles. Amen."
En exil
Après la Catastrophe en Asie mineure, elle vint en Grèce et s'installa au Pirée. Elle épousa sa compatriote Savva Romanides et donna naissance à son premier enfant, un garçon. Elle le dédia au réfugié Saint Jean le Russe. Quand l'enfant avait deux ans, elle fut trouvée digne d'accomplir son vœu et de le faire baptiser, lui le futur Père Jean, à Prokopi en Eubée, où ses reliques sacrées furent déposées.[1]
La vie en Grèce fut difficile pour la famille Romanides et ils émigrèrent en Amérique en 1927.
Aux États-Unis d'Amérique, Eulambia Romanides aida son mari à la couture, profession qui leur permit d'élever leurs deux enfants. La société multiculturelle, avec ses valeurs religieuses colorées et différentes, ne l'affecta pas, mais lui donna plutôt le défi du travail missionnaire. Elle se battit contre toutes les forces du milieu protestant. La chaleur de sa foi fit impression. Les hétérodoxes prévoyaient que ce serait un grand succès pour eux s'ils convertissaient cette cappadocienne qui avait beaucoup de foi en ses idées. Ils ne reconnurent pas l'adversaire bien entraîné. Ils organisèrent un véritable "projet" pour sa conversion, impliquant 10-15 personnes. Ils lui rendirent visite et essayèrent par la Sainte Bible, avec leurs arguments bien connus, de l'affaiblir. Eulambie avait d'autres arguments, plus importants et plus convaincants. Les laissant seuls un certain temps, elle eut recours aux saints, dans le "coin d'icônes" de sa chambre. Elle pria ardemment Dieu de l'éclairer. Et, Ô miracle !, un bruit fort sortit des icônes. Les protestants l'entendirent et ayant peur s'enfuirent en courant. Depuis lors, ils ne l'a dérangèrent plus jamais.
La Missionnaire
La staritza Eulambia était convaincue que la seule vérité est la foi orthodoxe et qu'il n'y a pas d'autre voie de salut que le saint baptême orthodoxe. Ainsi, lorsqu'elle apprit que sa fille était mariée en Nouvelle-Zélande à un hétérodoxe nommé Malcolm, haut fonctionnaire du gouvernement, elle réalisa quelle était exactement sa tâche. Elle alla en Nouvelle-Zélande et y resta jusqu'à ce qu'elle catéchise correctement le marié pour qu'il soit baptisé orthodoxe sous le nom de Marc. Elle ne quitta pas la Nouvelle-Zélande avant d'avoir accompli son autre but sacré : établir une église orthodoxe à Christchurch, deuxième plus grande ville de ce pays.
Une couturière réfugiée d'Amérique, sans aide missionnaire et sans soutien financier supplémentaire, seule avec seulement Dieu dans son cœur, devint une Égale aux Apôtres et établit l'Église Orthodoxe dans les confins de la terre!
La moniale
Après la mort de son mari, elle offrit ses services comme couturière dans le monastère masculin de la Transfiguration à Boston, tout en commençant à exercer seule la vie monastique. C'est ainsi qu'elle décida fermement de devenir moniale. Il n'était pas trop tard. Son fils, le père John, retourna en Grèce avec sa famille et la staritza le suivit, l'informant en même temps de ses intentions.
Avec l'aide du Père Jean et l'assistance de l'évêque (actuel) de Tyroloë et Serention Panteleimon Rodopoulos et du Père Polycarpe Mantzaroglou, elle se rendit au Saint Monastère "Jean le Théologien" à Souroti de Thessalonique, où elle devient novice le 1/17/1971. Le 5/4/1973, à la demande du Père Jean, elle fut tonsurée au Grand Schème, sans changer son nom de baptême.
En tant que moniale, elle ne faillit jamais à sa règle monastique. À minuit, elle priait continuellement comme elle était habituée à le faire quand elle était jeune. Elle expliquait de la manière suivante son habitude caractéristique : "Alors, mon enfant, le ciel s'ouvre", disait-elle.
Au monastère, elle vécut jusqu'en 1980, quand elle s'endormit dans le Seigneur, comme elle le demandait constamment à Dieu : "Que mon nom soit dans le Livre de Vie. Accorde-moi une fin chrétienne de ma vie dans la paix..."
Ayant eu prémonition de sa mort (en 1980), elle parla aux moniales qui la servaient des événements qui allaient se produire plus tard (la construction de l'église des Saints Archanges). De plus, le fait de sa mort fut la méditation de son cœur dès l'âge de douze ans : "Seigneur, accorde-moi la grâce que je n'oublie pas la mort de mon esprit", disait-elle. Dieu lui donna, durant les derniers mois de sa vie, toutes les informations nécessaires pour préparer son grand départ.
"Mémoire éternelle"
Quelle différence entre cette staritza et tous ces modèles artificiels "introduits" par le "star système" religieux de notre temps.
Ayant la grâce de l'Esprit Saint "humble et tranquille", elle s'est soumise à la volonté du Dieu Trinitaire. Elle a enduré le fait d'être orpheline et réfugiée avec la foi en Dieu et une prière incessante. Elle a vécu dans le monde consacré à ses devoirs d'épouse et de mère, et quand elle a décidé de devenir moniale, elle a opté pour l'humble obéissance dans un monastère orthodoxe.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
NOTE:
[1] Là repose le corps du saint, il est noirci car les Turcs essayèrent de le brûler, mais en vain!
Autre note sur la staritza Eulambia tirée du livre du Père John S. Romanides par le Père George Metallinos (en grec, p. 85) :
"Cette femme bénie d'Asie Mineure était une personne de prière. Elle priait et faisait beaucoup de prosternations. Le Père Jean la voyait comme une petite enfant et riait en disant : "Qu'est-ce que tu fais, une prostration après l'autre ?" Et elle lui répondait : "Continue à plaisanter petit Jean... tu vas devenir prêtre!"