Icône de Père Serge par Georges Kordis
-->
Extraits des lettres du père Serge
(Chévitch) à l’une de ses filles spirituelles
1. Tous les saints et les justes ne prêtaient
aucune attention ni à la sécheresse, ni aux pensées, ni aux combats, pas plus
qu’à la joie, à la douceur ou à la consolation spirituelle. Ils n’aspiraient qu’à
une seule chose : être fidèles au Seigneur, dans un accomplissement de chaque
instant de Ses commandements, dans le service du prochain, dans la garde du
cœur et dans tout ce qui s’y rattache.
2. La seule et unique cause de tous nos
désordres intérieurs et extérieurs est l’abandon de la prière ! Prier, prier,
prier, et tout sera harmonieux. Voilà la recette générale et universelle. Il n’y
en a pas d’autre. Nous sommes faibles parce que nous sommes seuls. Nous sommes
seuls parce que le Seigneur est absent ! Le Seigneur est absent parce que nous
ne Lui demandons pas d’être avec nous ! Tout est là. Plus nous prierons avec
ferveur, sans interruption, avec attention, plus s’ouvrira au-dedans de nous,
vite, véritablement, le Royaume de Dieu ; voilà le bonheur et la félicité !
Rien de plus ne nous est nécessaire ici bas. Et celui qui [demeure] dans le
Royaume, il règne !
3. La vie spirituelle véritable c’est la paix et
la joie dans le Seigneur. Pour construire la paix du cœur, il faut, de notre
côté aussi, y consacrer tous nos soins et toutes nos peines, tout en sachant
que la paix intérieure véritable est un don de Dieu. Pour cela, il faut
extirper du cœur tout ce qui peut troubler cette paix intérieure, c’est-à-dire
les sentiments mauvais, l’irritation, l’envie, la convoitise, les vains soucis,
etc. Tout cela nous ravit la paix intérieure et le repos [spirituel]. Ayez la
paix en vous-même et le but est atteint. Tel est l’état bienheureux (благобытие)
et la béatitude. Ne vous souciez
que de cela. Dès que vous voyez que la paix est endommagée par quelque chose,
tout de suite rétablissez-la, et cela du matin jusqu’au soir. Vous avez péché ?
ne vous découragez pas, mais avec simplicité demandez au Seigneur de vous
pardonner, invoquez de nouveau son saint Nom, et vous goûterez alors une douce
paix du cœur. Voilà quelle est la vie spirituelle véritable – ce ne sont
ni les prosternations, ni les exploits ascétiques, ni les jeûnes, mais la paix
et la joie dans le Saint-Esprit. Cela est parfaitement adapté, facile et
accessible, à tous et à chacun. « Prends et garde ! » – Il suffit de
le vouloir!
4. La confession est uniquement l’énonciation
de ce qui est conçu clairement par le cœur comme enfreignant la Volonté de
Dieu.
Lorsqu’on a le désir de s’entretenir d’un sujet
spirituel, il est tout à fait possible soit d’échanger avec des amis spirituels
ou par correspondance avec des gens qui ont une expérience spirituelle, des Anciens
à Valaam, à l’Athos – je peux vous communiquer des adresses –, ou enfin par la
lecture d’ouvrages spirituels. Il est nécessaire de lire sans interruption. Ce
que vous lisez aujourd’hui, demain, tout d’un coup, jettera la lumière sur une
quelconque difficulté spirituelle ; [lisez] principalement l’évêque Théophane
[le Reclus], l’évêque Ignace [Briantchaninof], la Philocalie.
La prière de Jésus, c’est l’amour pour Dieu et le
premier commandement, aussi bien de l’Ancien que du Nouveau Testament : « Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu » (ce qui veut dire : pratique la Prière de
Jésus qui est justement amour de Dieu). Grâce à cette prière, sans l’avoir
cherché, le cœur s’enflammera d’amour pour le prochain et pour toute créature
de Dieu. Il n’est pas possible d’aimer sincèrement le Créateur sans aimer l’œuvre
de Ses mains. Aimez ceux qui vous entourent : c’est cela aussi la Prière de
Jésus. À chaque effort dans cette direction, de votre cœur jaillira aussitôt « la
source d’eau vive jaillissant jusque dans la vie éternelle », c’est-à-dire
l’amour de Dieu, la toute-allégresse du Saint-Esprit, c’est-à-dire la prière
incessante.
5. Toi seul sais, Seigneur, l’Unique et le
seul Sage, « les temps et les moments ». Et nous, non pas comme des
démons ingrats, mais comme des enfants de Dieu reconnaissants, aimants et bien-aimés,
nous supporterons tout avec patience, avec reconnaissance dans le cœur, avec
action de grâce sur les lèvres. Réjouissez-vous dans le Seigneur et que votre
âme brûle incessamment de cette joie salvatrice. Restez fermement attachée au
Seigneur par la pensée : « Je Te rends grâce pour tout ! Je Te rends
grâce, à Toi le Sage, Toi le Tout-Bon, Toi le Seul-Aimant et Bien-aimé ! Tu m’as
donné de connaître la voie de la Vie. Tu m’as abreuvée à la coupe de Ton Amour.
Tu m’as conduite dans Ton Temple ! Tu m’as fait communier à Ta Souffrance et à
Ta Gloire ! »
Je voudrais toujours vous apaiser complètement,
afin que vous suffise pour longtemps cette réserve de quiétude. Il ne faut pas
exiger beaucoup du Seigneur – [sinon] c’est le signe d’une relation à la vie
spirituelle qui n’est pas juste. Le Seigneur enverra tout ce qui est utile,
mais quand ce sera le moment et quand ce sera nécessaire. Il ne faut pas que la
vie spirituelle soit seulement la soif de consolation et de plaisir [spirituel].
Le Seigneur veut de notre part la fidélité, le dévouement, la constance dans la
patience, et la reconnaissance. C’est cela qui a du prix ; tout le reste n’a
aucune valeur dans la vie spirituelle. Ceux qui sont expérimentés dans la vie
spirituelle n’accordent aucune signification ni aux consolations, ni à leur
arrêt, ni à leur absence. Dans le livre La
lutte invisible, l’évêque Théophane [le Reclus] dépeint très bien tout le
chemin de la vie spirituelle, et il y a des chapitres tout à fait
compréhensibles sur la prière et sur la Prière de Jésus. Essayez donc de vous
procurez cet ouvrage quelque part et lisez-le soigneusement, repassez dans
votre mémoire tout ce qui se rapporte au chemin spirituel et discernez ce qui vous
est profitable et ce qui ne l’est pas.
Par-dessus tout, luttez contre l’acédie. C’est votre
combat principal. Si vous avez le dessus sur l’ennemi, le reste sera pour vous
simple et facile. L’acédie a pris de la force en vous à la suite des épreuves
de votre vie, d’où la nécessité pour vous de beaucoup vous battre contre elle ;
mais vous la vaincrez ; mettez seulement du cœur à la lutte ! Montrez-lui
que vous êtes un lutteur et un combattant valeureux, et elle n’osera plus s’approcher
de vous.
N’attendez aucun succès facile et rapide dans la
vie spirituelle – c’est d’abord l’indice d’un manque de fermeté. D’ordinaire,
celui qui cherche à réussir vite et facilement dans la vie spirituelle, se
refroidit et se détache du Seigneur. Mais si nous sommes prêts à peiner toute
notre vie, afin de récolter, à la fin, des fruits bons et murs, tout cela aussi
nous le recueillerons en son temps. Il ne faut pas non plus se comparer avec
qui que ce soit. C’est un terrain favorable aux tentations de l’Ennemi. Le
dicton « qui va lentement, va sûrement » se vérifie largement dans la
vie spirituelle.
Que brûle toujours en vous le désir d’être ferme,
reconnaissante à Dieu – les démons sont orgueilleux et ingrats – et
répandez sur les autres une gaîté chaleureuse, la joie, la vaillance, la
consolation !
6. Je vous félicite à l’occasion de la
merveilleuse fête de la Protection de la Mère de Dieu ! Que nuit et jour la joie
et l’amour inextinguible du Christ réchauffent votre cœur et votre esprit ! Je
vous félicite également pour votre participation au Mystère le plus doux au
monde de l’Amour de Jésus, pour l’Union Très Douce et Très Vivifiante ! Quel
Trésor ! Et combien notre négligence nous éloigne de nouveau de cet Amour ! Si
nous étions toujours, à l’avenir, [recueillis] en nous-mêmes, dans la divine
garde du cœur, il nous réjouirait de l’intérieur, nous réchaufferait et
nourrirait avec une grande douceur notre esprit, nos sens et notre corps !
Seuls ceux qui n’ont pas connu ni goûté l’Amour de
Dieu peuvent accorder du prix à tout ce qui est extérieur ; mais pour ceux qui
sont intérieurement réchauffés par l’Amour du Christ, il est irrésistiblement
doux de demeurer au-dedans du cœur et là, de se délecter de la Joie et de l’Amour
de Dieu ! Voilà la Vie ! « La Joie en Dieu est plus forte que la vie d’ici-bas »,
selon les paroles de saint Isaac le Syrien. Et toute la vie consiste à
rechercher et à acquérir cette Joie salvatrice et vivifiante ! Et qu’importe où
nous recueillons des miettes de cette Joie, de ce Bien ! Dans le désert, dans
un skit, ou dans une famille – c’est égal ! Pour ceux qui aiment Dieu sincèrement,
ni le lieu ni l’heure, ni la condition n’ont d’importance ! Où que nous nous
trouvions nous sommes bienheureux et très bienheureux, que ce soit dans des
palais, ou dans des taudis, ou dans « des antres de la terre ». Tout
le mystère réside dans le fait d’aimer le Seigneur de tout son cœur ; et cela,
qu’est-ce qui peut l’empêcher ? Daniel dans la fosse aux lions, les Trois
Enfants dans la fournaise de feu,
les Apôtres à toutes les extrémités du monde, n’ont pas laissé s’éteindre cette
flamme. Mais elle brûlait en eux et par eux enflammait les autres ; tels
de grands Flambeaux de Dieu, ils ont glorifié Son Nom !
7. « N’éteignez pas l’Esprit ! » Ce
commandement a une grande signification et requière de nous, en toute situation
et toute condition, un travail spirituel intense sur nous-mêmes... C’est
pourquoi il ne faut pas accorder d’attention à notre situation extérieure. Être
mère et aimer le Seigneur de tout son cœur est bien plus élevé que de vivre au
monastère sans amour pour le Seigneur... J’ai vécu dans deux monastères et j’y
ai trouvé même presque moins de compagnons de route spirituels que dans le
monde... L’amour de Dieu et la prière accomplie de tout son cœur peuvent
acheter partout une réussite unique – tout dépend du zèle et de notre intention.
8. C’est toujours avec la joie du cœur dans
le Seigneur que je reçois vos lettres. Je m’étonne toujours de voir que vous
souffrez, que vous êtes dans l’acédie. Mais pourquoi ? D’autres peut-être, mais
vous, vous ne devez agir ainsi ! Vous qui avez connu toute la profondeur de l’Amour
de Dieu (ou bien ne l’avez-vous pas encore totalement perçue ???). D’autres
peut-être mais vous, vous ne devez pas agir ainsi ! Car il n’y a rien en dehors
de cet Amour.
De la nécessité de combattre nos passions, non seulement
il ne faut pas se décourager, mais au contraire se réjouir ! C’est en effet l’indice
qu’à l’intérieur il y a la vie, la mêlée, la lutte ! Quand au dedans tout est
mort, l’homme alors ne s’inquiète de rien ; il ne sent rien en lui-même, il ne
remarque rien. Prenez le cadavre d’un mort : même si vous le coupez, si
vous le brûlez, rien ne troublera sa quiétude glacée ! Mais quand il y a de la
vie à l’intérieur, immanquablement, c’est ou l’envie qui surgit au-dehors, ou l’irritation,
ou l’intempérance, ou l’impatience, etc., etc.
C’est en cela que consiste la vie. Voilà ce qu’est
la vie : c’est essentiellement la lutte contre ces états! Retrousse seulement
tes manches, jette-toi dans la bagarre – c’est à qui battra l’autre !
Les ascètes expérimentés se réjouissent de ce
temps de lutte et de combat. Alors seulement, c’est l’occasion d’obtenir des
couronnes et des victoires. Moments ardents, bons, bénis ! C’est le signe que
la vie va de l’avant, que la libération de toutes les passions, que la paix et
la joie de demeurer éternellement aux doux pieds du Maître sont de plus en plus
proches ! Ce n’est pas le moment de tomber dans l’acédie mais de se réjouir, de
rendre grâces ! Voilà l’ordre et l’obédience que je vous donne : rendre grâce,
rendre grâce et être dans la joie !!!
9. Je suis profondément touché par l’envoi
des prières des startsi d’Optino et du métropolite Philarète (Drozdov). Elles m’ont
plu extraordinairement – en elles souffle un esprit de profond amour et de
consécration au Seigneur. C’est le balbutiement d’un cœur aimant, reconnaissant
et fidèle au Seigneur. Puissions-nous, nous aussi, atteindre à ce balbutiement,
car c’est cela la perfection de la prière et de toute la vie spirituelle. Plus
élevé, plus spirituel est l’homme, plus il est simple, aimant, doux, plus il
acquiert une absence de malice, une pureté, une limpidité d’esprit, un esprit
pacifique enfantins, et ce qui est le plus élevé que tout : l’amour, l’élargissement
du cœur, brûlant pour tous de compassion, d’affection, de sympathie, de
tendresse...
C’est cela que nous chercherons à obtenir dans
toutes nos prières et c’est pour ces fruits que sont indispensables toutes les
prières, c’est-à-dire pour les fruits de l’Amour de Dieu, qui est Dieu
Lui-même. Et là où est Dieu, là est aussi l’amour.
La Prière de Jésus est une prière parmi toutes les
autres prières, son but est le même. Cependant elle est plus commode, elle unit
ensemble plus facilement et plus rapidement la pensée et le sentiment. Quant à
dire sa forme brève ou complète, ce n’est qu’une question de commodité et n’a
pas de signification. Comme l’âme s’habituera à la dire, c’est cela qui sera
bien. La force n’est pas dans les mots mais dans le sentiment de la présence du
Seigneur, de Sa proximité, de Son très doux amour pour nous.
Moi-même, je ne vaux rien en tant qu’homme de
prière et ne considérez pas mes conseils comme expérimentés, etc. Priez comme c’est
le mieux et le plus facile pour vous – le principal est que vous stimuliez en
vous-même l’amour pour le Seigneur comme vous savez le faire : lectures, action
de grâces pour tout, repentir dans les péchés et les fautes, miséricorde et
sympathie pour tous les hommes et même pour les créatures de Dieu. Sur ce
chemin-là, on ne peut s’égarer... Donnez-vous des ailes par la pensée que vous
êtes aimée du Seigneur, en qui j’ose vous convaincre et vous persuader que vous
n’avez rien fait de mal, car rien n’était selon votre volonté mais selon Sa
Sainte Volonté... Et tout est extrêmement sage et admirable au plus haut point
! Enflammez-vous d’amour et de reconnaissance envers Lui pour tout. Brûlez
devant Lui comme le cierge de Jérusalem – du feu pur de l’amour, de la douceur
et de l’espérance !
Tous vos proches, à leur tour, s’enflammeront à
votre contact. L’amour appelle l’amour. L’amour vient de la prière, de la
lecture, de l’effort de purification de soi. Confessez plus souvent toutes les
mauvaises herbes – cela fait monter dans le cœur de douces larmes devant le
Seigneur... La confession peut être journalière, comme dans les bons skits et
les bons monastères, auprès de startsi expérimentés ; c’est le moyen le
plus sûr pour réchauffer en soi l’amour pour Dieu. Que le Seigneur Dieu vous
aide et vous garde. Qu’Il fortifie en vous la joie, l’amour, la paix.
10. Réellement il y a beaucoup de choses que je
ne sais pas et sur beaucoup de points je peux me tromper, mais je ne pense pas
me tromper en ceci : il faut aller vers Dieu avec légèreté, avec une grande
simplicité et une grande espérance. Son Amour est sans limite et les signes de
cet Amour, nous les trouvons autour de nous dans la vie de tous les jours.
Alors pourquoi se décourager ou de quoi nous attrister ? Consacrons-nous
entièrement à Lui et marchons à Sa suite. Comme Il l’a dit à l’apôtre Pierre : « Suis-Moi
! » Et nous aussi, suivons-Le.
Et tout sera pour nous léger, il n’y aura aucune
difficulté. Il y a des difficultés là où règne ce qui est humain, mais là où
est le Seigneur, là sont la joie et la liberté. Et vous êtes libre, vous n’êtes
la servante de personne, hormis celle de Dieu. Allez à Sa suite, aimez-Le de
tout votre cœur, avancez-vous vers Lui légèrement, avec plus de simplicité. Il
n’y a aucune raison de souffrir ou d’être dans l’amertume, sinon pour nos
péchés et nos transgressions ; mais cela aussi, Il nous l’a pardonné ; de
quoi donc pouvons-nous nous attrister ? Nous aimerons Dieu et nous porterons
tous nos désirs vers Lui ; nous regarderons les gens, comme les choses
terrestres, avec paix et indulgence, sans nous attacher à rien ni à personne et
nous ne souffrirons de rien ni de personne.
Sa Résurrection a changé nos lamentations et nos
pleurs en joie. Nous irons à la rencontre de Sa Résurrection, et tout ce qui
est humain s’enfuira devant nous « comme se dissipe la fumée, comme fond
la cire devant la face du feu ». Notre cœur goûtera à la Joie éternelle de
la Résurrection et jamais nous ne mourrons... Là où est le Seigneur, il n’a pas
de difficulté. Toutes les difficultés fuient devant Sa face. Rien ne peut
résister devant la lumière de Sa Face ! Nous ne sommes esclaves de personne,
sinon de Lui. Certes les hommes restent les hommes et ce qui est humain reste
humain. Mais nous avons été baigné dans Son Sang et nous avons été libérés de
tout. Son Amour nous a baigné ! De quoi donc avoir peur ? À propos de quoi se
décourager ? Sa Résurrection a changé nos larmes en joie !...
Son amour est plus élevé que tout, la joie en Lui
est plus forte que la vie d’ici-bas... Regardez les choses avec calme, allez
vers Lui avec légèreté. Il vous aime, et rien ni personne ne peut vous séparer
de Son amour... Allez librement. Sachez que c’est Lui notre Guide principal,
notre Directeur et notre Maître, que tous les directeurs et les conducteurs d’ici-bas
ne sont que des compagnons de route sur le chemin et des conseillers, rien de
plus. Nous ne sommes en rien obligés vis-à-vis d’eux ni eux vis-à-vis de nous.
Un vrai père spirituel se contente d’apporter son soutient, de consoler sur le
chemin et de redonner courage... N’en cherchez pas qui donne des ordres, car il
n’y en a pas – s’il y en eu jamais, ce fut rare et où, et quand ?...
À présent c’est le Seigneur Lui-même qui est le
Guide, mais les écrits des saints anciens nous expliquent où, quand et comment
il convient de nous comporter. Ne vous confiez à la conduite de personne sinon
au Seigneur et, dans les circonstances difficiles, réfugiez-vous vers celui, à
cette minute, que le cœur vous indique, évidemment vers quelqu’un de digne et d’expérimenté
par la vie comme par la sagesse.
Réjouissez-vous davantage. Souvenez-vous des
paroles de saint Séraphim : « La tristesse en a tué beaucoup et elle n’apporte
rien de bon. » Mais nourrir l’âme de joie lui redonne de la force et la
rend courageuse et invincible au péché.
11. La vie spirituelle est la lutte contre le
péché. C’est un combat à mort même, entre la Lumière du Christ et les ténèbres
du péché. Et les jours de notre vie sont les pages où s’écrivent ces batailles.
Il est absolument sans importance qu’elles soient menées dans un monastère où
dans le monde. Pour le Seigneur c’est absolument égal. Que dix fois vous
preniez l’habit monastique et que dix fois vous retourniez dans le monde, cela
n’a absolument aucune importance. Ce qui a un sens, c’est uniquement la lutte
et, à la fin, la victoire finale : « Le jour de la Résurrection ! »...
Et arrivent là, non pas ceux qui ne sont jamais tombés mais tous ceux qui, même
s’ils ont été blessés de nombreuses fois dans cette lutte, jusqu’à la fin, n’ont
jamais baissé les bras. Personne n’y arrivera sans blessure ni plaie... Mais
tous y goûteront la Joie qui leur est préparée.
Rendez de plus en plus grâce au Seigneur pour l’art
avec lequel Il a purifié si merveilleusement votre cœur, pour lui confier
désormais un trésor de grand prix : votre amour pour Lui ! Que fuient loin
de vous tout découragement et toute crainte... Que seules la gratitude et la
joie rayonnent dans votre âme ; tout cela vous mènera à un plus grand amour
encore pour Lui et à plus de reconnaissance...
Mais maintenant, à l’œuvre ! Lancez-vous dans le
combat contre le péché... Luttez, mettez-le à mort en vous – ces péchés
mesquins de tous les jours : jugements, irritation, envie, paresse, scepticisme,
froideur... Et voilà l’arme qui triomphe de tout : le Nom de Jésus ! En
pénétrant dans le cœur, il y installera un paradis permanent, d’une douce
chaleur et qui embaume la lumière de l’Amour de Dieu. Et alors, votre ennemi
perfide n’osera plus s’approcher de vous, même de loin. Considérez les épreuves
vécues comme les pages merveilleuses d’un combat parfait pour la Lumière, pour
le Bien ! Et gloire à Dieu pour tout ! Gloire à Sa Lumière, sage, bien-aimée, instructrice,
directrice, conductrice ! Épanchez-vous devant Lui dans votre plus profonde
gratitude pour tout, tenez vous devant Lui pendant des heures et versez de
votre cœur de la reconnaissance envers Lui pour tout, peu importe les mots que
vous emploierez...
Dites : « Je Te rend grâce pour tout ! Je Te
rend grâce pour le jour de ma naissance à cette vie merveilleuse ! Pour la
grâce du Baptême que je porte ! Pour la foi admirable à laquelle Tu m’as
attirée ! Pour Ton Amour, que Tu m’as donné de connaître et de goûter ! Pour
les conducteurs et les directeurs rencontrés sur le chemin ! Pour les ami(e)s
spirituel(le)s ! Pour Ton Évangile admirable, Livre de Vie et d’Amour ! Pour le
glorieux et redoutable Mystère qui nous fait goûter à Ta Vie, unissant notre
petite vie avec Ta Vie vivifiante, éternelle, incorruptible ! Je Te rends grâce
pour toute ma vie, pour ce combat pour Toi, afin que je n’aime que Toi seul,
Toi l’unique, et personne ni rien d’autre au monde ! » Voilà quelle sera
la prière incessante de votre cœur et, avec elle dans votre cœur, la Vie incorruptible
!
12. Cherchez toujours le Seigneur et vous Le
trouverez. Frappez aux portes du Royaume par la miséricorde, l’amour du
prochain, la prière de tout votre cœur, et elles s’ouvriront ! Même si une
montagne de péchés pesait sur vous, ils seraient dispersés par le vent de l’amour
et de la miséricorde. Devant la puissance de la miséricorde, rien ne peut
résister ni sur la terre ni au ciel. Sa puissance est invincible...
13. En aucun cas ne vous épuisez plus ainsi.
Cela n’est pas juste du tout. Il n’y a d’ascèse utile que celle qui est
accomplie régulièrement. En toute chose, il faut commencer avec peu, et non
avec beaucoup pour abandonner ensuite. Une heure est tout à fait suffisante
pour votre règle de prière du soir. Et je voudrais vous conseiller de limiter
la lecture des prières à une, ou au plus à deux courtes prières : « Notre
Père » ou « Roi Céleste », et de consacrer le reste du temps aux
prosternations accompagnant la prière « Seigneur Jésus aie pitié ! »
Saint Isaac le Syrien parle de cela en ces termes : « Ne considère pas comme de
la paresse, parce qu’il t’amène à abandonner la récitation des psaumes, le fait
de prolonger une prière recueillie et sans distraction. Plus que la pratique de
la psalmodie, aime les prosternations durant la prière. Quand la prière te sera
donnée, elle tiendra la place de ta liturgie.. » [Discours ascétiques, 34].
Le principal, c’est l’attention. Mais si l’intellect
s’est fatigué pendant la règle [de prière], il ne peut soutenir l’attention
durant la Prière de Jésus. Priez avec le sentiment vivant de la présence du
Seigneur, sans vous dépêcher, en concentrant votre attention sur les mots de la
prière, et avec le temps viendra à vous sans aucun doute la chaleur du cœur,
mais alors entretenez-la seulement, comme vous savez et comme vous pouvez le
faire...
14. Soyez avec le Seigneur simplement, comme avec
l’air : respirez-Le et vivez : voilà toute la science de la vie spirituelle.
Chacun y va par les chemins qui lui sont propres, mais le but est unique : s’unir
à Lui. L’avoir dans le cœur.
15. Voilà que le Seigneur, pour votre foi et votre
patience, vous a envoyé la brise légère du sud, tiède et douce, de Sa
miraculeuse bienveillance. Il en est toujours ainsi pour ceux qui font patience
avec sagesse et ne perdent ni l’espoir ni l’espérance.
Ainsi à l’avenir persévérez dans votre course,
sans trop de réflexion, sans créer de difficultés – en fait elles n’existent
pas; ce sont les fruits de notre état de pécheur et des suggestions du Malin.
Aimez Dieu simplement, non d’une manière sentimentale mais en Lui obéissant
constamment dans les moindres détails, avec humilité devant Lui.
Son Amour parfait et prévenant n’oubliera rien, ne
méprisera rien ! Soyez consolée! Dieu vous aime! Aussi souvent que possible
ramenez à Lui par la pensée le regard de votre cœur, et votre cœur sera
submergé de vagues de joie et d’espérance !
Priez pour le misérable que je suis, je ne cesse
de prier pour vous.
RAPPEL
Aux Editions du Cerf:
Jean-Claude LARCHET/Le starets Serge
Correspondant de saint Silouane et du célèbre Higoumène Chariton de Valaam, ami de Jacques Maritain, Louis Massignon, Olivier Lacombe, Charles du Bos, Emmanuel Mounier et Gabriel Marcel, père spirituel de Nicolas Berdiaev, de Vladimir Lossky et du grand iconographe Grégoire Kroug, le Starets Serge Chévitch (1903-1987) fut l'une des figures les plus charismatiques et les plus lumineuses de l'émigration russe et de l'Eglise orthodoxe en Occident.
Cet ouvrage présente la vie, la personnalité et l'enseignement de ce grand spirituel. Un enseignement simple, très concret, proche des sources évangéliques et patristiques, et profondément ancré dans l'expérience intérieure de " la vie en Christ ", dont pourront tirer profit tous les chrétiens soucieux d'approfondir au quotidien leur vie spirituelle.
*