La prière n'est pas un moyen de changer la volonté de Dieu, qui, selon la parole de l'apôtre, est bonne, acceptable et parfaite (Rm 12 : 2).
La prière est un moyen d'entrer en communion avec le Créateur, de contacter la source de l'amour, de la vie et de l'immortalité. Par conséquent, le but de la prière n'est pas d'accomplir un désir lié aux circonstances de notre vie, mais de se rapprocher de Dieu.
« La prière ne change pas Dieu, mais elle change celui qui prie », a écrit Søren Kierkegaard, le précurseur de l'existentialisme européen. Son contemporain, notre théologien et ascète russe saint Ignace [Brianchaninov], a interprété la même idée comme suit : « Dieu n'a pas besoin de nos prières ! Il sait, avant même notre demande, ce dont nous avons besoin ; Lui, le Très Miséricordieux, verse d'abondantes bénédictions sur ceux qui ne le Lui demandent pas. Nous avons besoin de prière : elle assimile une personne à Dieu. Sans elle, une personne est étrangère à Dieu, et plus on s'exerce à la prière, plus on se rapproche de Dieu. »
Le plus haut degré de prière est une prière d'action de grâce. Ce n'est pas un hasard si le sacrement central de l'Église est appelé Eucharistie, c'est-à-dire action de grâces.
C'est un sacrifice de gratitude envers Dieu en réponse à Ses bonnes actions au monde, qu'Il a accomplies par la création, la rédemption et le salut de l'humanité. Dans le sacrement de l'Eucharistie, une personne ne se rapproche pas seulement de Dieu, comme saint Ignace l'a écrit, mais elle s'unit à Lui spirituellement et physiquement par l'acceptation du Corps et du Sang de Jésus-Christ sous couvert de pain et de vin. Et il est logique de construire notre prière quotidienne selon le modèle de la prière eucharistique, en mettant la gratitude à Dieu en premier lieu. Ce n'est pas un hasard si l'une des premières prières du matin commence par l'action de grâces : « En me levant du sommeil, je Te remercie, Sainte Trinité ».
Cependant, il nous semble parfois que nous n'avons aucune raison particulière d'être reconnaissants envers Dieu. Ou, à cause de nombreux problèmes et difficultés, nous L'oublions simplement. En ces moments, nous n'offrons à Dieu que des demandes d'aide, de délivrance, de consolation, de guérison, etc. de notre cœur, demandes pleines de peines et de soucis.
La prière de supplication occupe également une place essentielle dans le culte de l'église. Il existe même une forme spéciale d'une telle prière appelée ecténie, lorsqu'un diacre ou un prêtre proclame certaines demandes de prière et que le chœur répond "Kyrie eleison [Seigneur, aie pitié]" ou "Accorde-le, Seigneur". Pendant l'ecténie, nous prions pour le beau temps, la moisson, une vie calme, la santé et le bien-être des vivants et le repos des défunts.
Mais même une telle prière de supplication n'est pas une tentative de manipuler Dieu ou du moins pour qu'Il nous prenne en pitié. On peut plutôt comparer cela à une conversation confidentielle entre un fils ou une fille et son père, au cours de laquelle ils parlent à Dieu de leurs difficultés, de leurs désirs et de leurs espoirs, et en retour, ils reçoivent ce dont ils ont vraiment besoin et ce qui est vraiment utile.
Ce n'est pas un hasard si saint Nicolas de Serbie, répondant à la question de savoir pourquoi nous devrions prier, si Dieu sait tout à l'avance, a écrit : "Après tout, les parents savent aussi ce dont leurs enfants ont besoin, mais ils attendent que leurs enfants leur demandent. Les parents savent que demande adoucit et enrichit le cœur d'un enfant, le rend humble, doux, obéissant, miséricordieux et reconnaissant. Vous voyez combien d'étincelles célestes sculptent la prière du cœur humain ! »
Comme les enfants, nous parlons à Dieu de nos désirs et de nos besoins, mais en même temps nous ne savons pas nous-mêmes si c'est ce dont nous avons besoin, et nous Lui demandons de nous aider à comprendre si ce que nous voulons contribue au but principal de notre vie - le salut de nos âmes et la réalisation du Royaume des cieux. En ce sens, une prière de supplication est plutôt un moyen d'aider les gens à apprendre et à accepter la volonté de Dieu.
La volonté de Dieu reste toujours inchangée - le bien de l'homme, son salut et l'octroi à lui de la vie éternelle. Regretter que nous ne puissions pas changer Sa volonté, c'est comme nous souhaiter du mal. La prière dans cette situation devient une source de vitalité. Elle nous assimile à Dieu, nous rend capables de reconnaître et de percevoir la Providence de Dieu. Le but de la vie d'un chrétien n'est pas de supplier Dieu pour certaines choses terrestres, mais de connaître Dieu et de trouver la joie éternelle en communion avec Lui.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après