Père Andrew
Archevêque Job
Introduction: Le Naufrage
Chaque fois que des groupes ont quitté l'Église pour
des raisons politiques, c’est-à-dire, pour des raisons séculières, ils ont
inversé les valeurs de l'Eglise et ainsi se sont retrouvés naufragés. Ainsi,
les valeurs fondatrices de l'Empire chrétien, il y a longtemps définies comme « Orthodoxie,
Souveraineté (délibérément mal comprise par les laïcs comme autocratie) et Peuple»,
sont toutes dérivées de notre foi trinitaire chrétienne orthodoxe. «Orthodoxie»
se réfère à notre foi chrétienne au Père de l'Amour, «Souveraineté» se réfère à
l'Incarnation du Fils dans le monde, mais libre et souverain par rapport au
monde, et «Peuple» se réfère à la sanctification des peuples par le Saint-
Esprit.
Nous pouvons voir l'inversion de ces principes dans
les valeurs des rénovationistes et des modernistes en marge de l'Eglise
orthodoxe, comme ceux autour de l'archidiocèse de la Rue Daru à Paris. Ils déforment les valeurs
« d'orthodoxie, de souveraineté et de peuple» en leurs contraires,
«Anti-orthodoxie, laïcité et russophobie». Avec la foi dans le Père rejetée en faveur de
l'humanité déchue, la foi en l'Incarnation du Fils dans l'Empire chrétien
rejetée en faveur de la laïcité de délires privés désincarnés, et la foi en
l'Esprit Saint rejetée en faveur des intellectuels, l'Orthodoxie est réduite à un
simple humanisme rationaliste.
Anti-orthodoxie
L’Anti-orthodoxie
est exprimée par le modernisme liturgique à l'imitation de l'hétérodoxie.
Cela comprend l'utilisation du calendrier catholique (dit «nouveau calendrier),
la célébration des liturgies du soir et l'absence délibérée d’iconostases («pour
être plus comme les catholiques»), la connaissance défectueuse et l'ignorance
de la façon dont les offices sont célébrés, parfois même de la liturgie
eucharistique) et la substitution de la connaissance du Typicon par des
abréviations et des fantasmes, tels que la célébration de la Proscomédie au
centre de l'église, ou l'interruption de la liturgie par la mention «charismatique»
des noms de toute personne pour laquelle on doit prier.
Cela comprend un manque de culture musicale, un mauvais
comportement à l'église (s’asseoir sur le sol, les enfants courant sans aucune
discipline), l'utilisation du russe familier plutôt que du slavon dans la Liturgie,
la disparition de la confession et la communion obligatoire pour tous, y
compris pour les homosexuels pratiquants et les non-orthodoxes. Ce n’est, non
seulement pas la tradition russe, et certainement pas la tradition grecque du
Patriarcat de Constantinople, en fait ce n’est pas du tout la Tradition. Pour les
liturgistes, comme le regretté archevêque Georges (Wagner) de l'archidiocèse de
Paris («Rue Daru»), c’était, et pour d'autres comme lui, seulement de l'ignorance.
Sécularisme
L’archevêque Georges (Wagner) avait l’habitude de se plaindre à moi, disant que le problème de la rue Daru, était qu'elle avait été
fondée par des personnes qui avaient voulu la Révolution. En d'autres termes, pour
eux la politique de gauche (le libéralisme et la franc-maçonnerie) avaient
remplacé l’esprit d’Eglise. En effet, l'ensemble de leur approche de la vie de
l'Église était marquée par la politisation. Leur mouvement était, après tout,
une partie d'une fondation politique avant la révolution russe qui a créé cette
révolution. Dans leur mouvement, les valeurs du Royaume de Dieu sont remplacées
par les modes hétérodoxes et la dépendance à la laïcité dans sa forme libérale
occidentale, essentiellement athée.
Nous pouvons le voir dans les récents meurtres de Charlie
Hebdo et de Copenhague. Ceux-ci ont déclenché des manifestations massives, mais
les meurtres de 21 chrétiens coptes en Libye, comme ceux de milliers de
chrétiens en Irak, en Syrie et en Ukraine, ont été rejetés par les médias
occidentaux remplis de propagande, qui sont si vivement suivis par ces laïcs. A
Paris, les laïcs, «orthodoxes» entre eux, ont opté pour le slogan «Je suis
Charlie» et ceux qui ont rejeté ce slogan en faveur de «Je ne suis pas Charlie»
car cela signifierait qu'ils appuyaient le blasphème, ont été rejetés comme terroristes
et leurs vies furent menacées par les athées.
Russophobie
Au temps du régime athée d'Union soviétique, tous
convenaient que l'idéologie des matérialistes qui avaient usurpé le pouvoir
légitime était odieuse, car ils persécutaient l'Eglise. Cependant, il y avait
ceux qui s’y opposaient pour des raisons purement politiques. Ils étaient ceux
qui avaient usurpé l'autorité, puis avaient perdu le pouvoir en faveur des
bandits et des bolcheviques, et [ensuite] s’étaient exilés à Paris. Ils ne se
souciaient pas beaucoup de la persécution de l'Église, des martyres du tsar et
du clergé, seulement « des droits de l’homme» et de la persécution des
minorités, des libéraux, des francs-maçons, des uniates, des hérétiques, des
intellectuels juifs etc.
En ces temps, ils détestaient l'Eglise en Russie parce
que les évêques mentaient, car ils étaient pris en otage par le régime. Ils auraient
plutôt dû avoir de la sympathie pour l'Église en Russie, y compris pour les
évêques captifs. Aujourd'hui, ils justifient leur maintien dans l'isolement et
le rejet de l'Église par leur russophobie. Ils disent: «Nous ne pouvons pas
revenir à l'Église russe, car elle n’est toujours pas libre, mais elle est
maintenue en sujétion féodale à Poutine». L'absurdité et l'ignorance même de
ces arguments est évidente pour le reste du monde, mais pas pour ceux de ces « politisés »,
qui font partie intégrante de l'establishment
occidental anti-russe et anti-orthodoxe.
Sur les rives des fleuves de
Babylone
Le plus triste dans l'archidiocèse de Paris de la 'Rue
Daru', c’est que ces évêques qui l’ont fondé et dirigé pendant des décennies, les
Métropolites Euloge et Vladimir, l’archevêque Georges (Tarasov), les évêques
Méthode (Kulmann), Alexandre Tian-Chansky et Romain (Zolotov), croyaient
bien que leur rattachement à la juridiction du Patriarcat de Constantinople n’était
qu'un arrangement temporaire qui durerait aussi longtemps que l'Eglise en
Russie n’était pas libre. Ils seraient horrifiés s’ils pouvaient voir où ses
extrémistes ont voulu l’amener au cours des dernières décennies. Un groupe qui s’est
égaré n'a plus à présent qu’une auto-justification.
En exil, ils s’assirent 'aux rives des fleuves de
Babylone', sur les rives de la Seine, et là, ils pleuraient. Le Métropolite
Euloge, émotionnel, ne pouvait pas attendre et, en 1945, il a rejoint l'Eglise
russe - trop tôt, car la persécution n’était pas encore terminée. L’évêque
Méthode, comme le protopresbytre Alexis Knyazev, l’archiprêtre Igor Vernik et
beaucoup d'autres, a également été tenté, fatigué de l'isolement. Il ne fait
aucun doute que si certains d'entre eux étaient encore en vie aujourd'hui, ils
auraient rejoint l'Eglise russe dans les quinze dernières années, comme l’archevêque
Serge (Konovalov) le voulait aussi. Cependant, il y avait toujours des forces
présentes qui ont empêché ce retour inévitable.
Passé
Je connais la Rue Daru depuis 1979. La première chose
qui m'a frappé, c’était combien elle était isolée et insulaire, contrairement à
toute autre chose dans le monde orthodoxe, que je connaissais déjà assez bien.
Et pourtant, il y avait des gens à la rue Daru qui se considéraient comme étant
au centre, alors qu’en réalité ils étaient sur les marges. L’intellectualisme
parisien était leur philosophie, et leur perte de la réalité les a fait habiter
dans des fantasmes. L’archevêque Georges (Wagner) avait l’habitude de me faire
la remarque qu’un jour à la rue Daru, les listes de noms de ceux pour lesquels prier [dyptiques] contiendraient non
seulement des mentions comme «malade», mais aussi «intellectuel» («intelligent» en russe).
Une embarcation de sauvetage a été offerte à l'archevêque
Serge de la Rue de Daru par le Patriarche Alexis II en 2003. Sans aucune faute
de sa part et par sa mort prématurée, elle a été rejetée. Il semble depuis que
l'archidiocèse de Paris a choisi un cours suicidaire de dérive et de naufrage.
Avec la cathédrale de la rue Daru
appartenant à la ville de Paris, la plupart de ses gens actifs de l'ex-Union
soviétique, avec des convertis non intégrés et politisés (bien que beaucoup
d'entre eux voient clair dans toute cela plus tard) manipulés par les
descendants d'émigrés libéraux qui n’ont eux-mêmes jamais connu la Tradition,
mais seulement un imaginaire délirant, [la cathédrale] semble avoir peu
d'avenir, étant devenue marginale.
Présent
Aujourd'hui, l’église Saint Serge et l'Institut
autrefois prestigieux sont fermés, ses étudiants transférés au nouveau
séminaire de l'Eglise orthodoxe russe. Une nouvelle cathédrale et un centre
diocésain, déjà bénis par l'évêque Nestor de l'Eglise orthodoxe russe et
l'archevêque Job de la rue Daru, sont sur le point d'être construits. Seuls les
gens de 80 et 90 ans, vivant dans le passé, croient encore que la Rue Daru,
maintenant très petite et plutôt sans importance, peut être le fondement d'une
nouvelle Eglise locale en Europe occidentale. Cela fait partie de leur fantasme
délirant que Constantinople accordera un jour l’autocéphalie à la Rue Daru et
créera une 'Eglise orthodoxe d'Europe
occidentale'.
Constantinople n’allait jamais le faire et ne leur
accordera jamais leur fantasme chimérique. Enfin l'évêque en exercice, l’archevêque
Job, est en train de faire exactement ce que l'archevêque Georges (Wagner) nous
a promis qu'il ferait en 1981, mais nous a laissé tomber et a fait le contraire
par faiblesse. 33 années ont été perdues. Au fil des décennies tant de gens ont
été chassés par l'idéologie intolérante des libéraux et des modernistes, que
seuls restent quelques fidèles. Enfin aujourd'hui, les individus problématiques
qui ont causé tant de difficultés énormes dans le passé et ont forcé des orthodoxes
sérieux à partir, ont été écartés. Et certains membres sérieux du clergé sont
venus de Russie.
La lutte
Comme je l'ai écrit auparavant, nous devons tous
intensifier nos prières pour l’archevêque Job. Il porte un nom symbolisant
beaucoup de souffrance. Peut-il redresser les erreurs et les faiblesses de ces
cinquante dernières années? Le rénovationisme, une Orthodoxie de Vatican II
dans le style finlandais luthérien, c’est ce que les extrémistes veulent. Pendant
50 ans étape par étape ils sont arrivés au pouvoir, rendant la vie des archevêques
misérable, chassant les orthodoxes avec intolérance, rendant la Rue Daru de
plus en plus sectaire et marginale. Au lieu d'être inclusifs, leur intolérance
a forcé beaucoup à partir. Pourquoi ne rejoignent-ils pas tout simplement les
Uniates? Ceci serait au moins honnête de leur part.
Les mesures disciplinaires actuelles de l'archevêque Job
et sa tentative courageuse pour au moins rétablir dans la juridiction de la rue
Daru isolée des normes orthodoxes canoniques après une décennie de dérive
désastreuse, sont à saluer. Comme un prêtre-doyen de l'archidiocèse de Paris en
Angleterre me l’a dit l'année dernière, la première chose que l’archevêque Job doit
faire en Angleterre, c’est de défroquer trois membres du clergé. En France aussi
peut-être. Nous devons prier pour l’archevêque Job. Peut-il diriger la nef de
l'Eglise loin des rochers des méandres rénovationistes inutiles du passé, vers
son avenir, pour aider à témoigner
de l’ Orthodoxie authentique en Europe occidentale?
L'avenir
Les éléments les plus ecclésiastiques de l'émigration russe ont compris sa mission et son
avenir providentiels - pour témoigner de l'orthodoxie russe authentique dans
les langues occidentales. Ainsi saint Jean de Changhaï a parlé de la mission
russe pour témoigner au reste du monde. Les métropolites Antoine et Anastase,
comme l’archevêque Séraphim de Chicago et beaucoup d'autres, savaient également
que Dieu nous a envoyés pour convertir le monde. Ainsi, en Europe occidentale
la grande tâche de l'Eglise orthodoxe russe, est de devenir une Métropole
autonome, fondation d'une future Eglise Orthodoxe d'Europe Occidentale sous la
direction aimante de notre Patriarche à Moscou.
Nous souhaitons à l’archevêque Job toute bonne chose
dans sa longue et difficile lutte pour au moins tenter de rétablir toutes les
normes et traditions canoniques de la Tradition orthodoxe russe, que la Rue
Daru prétend représenter, mais qu’en grande partie, elle ne fait clairement
pas. Il a la jeunesse pour tenter d'inverser la marginalisation de la rue Daru
qui dure depuis trop longtemps et pour revenir au courant habituel de l'Eglise
orthodoxe. Après une décennie de dérive désastreuse et un nombre [de fidèles] toujours plus petit, seules
ses actions peuvent préparer à réintégrer l'Eglise russe, et à entreprendre au
moins une partie modeste dans la grande tâche de témoigner de l'orthodoxie
russe authentique.
Conclusion: Le salut
L'Eglise russe réunie en Europe occidentale, va de
succès en succès. Elle possède de nombreux monuments historiques, de grandes
églises et un grand nombre d’orthodoxes. En Europe occidentale, les deux
diocèses allemands de l'Eglise orthodoxe russe à eux seuls sont au moins deux
fois plus grand que l'ensemble du groupe de la Rue Daru qui a été construit sur
des communautés minuscules, qui se réunissent dans des chambres privées ou louées,
habituellement à moins de vingt. L'ensemble de la juridiction est forte de seulement
quelques milliers de fidèles et la plupart d’entre eux partiraient demain si
les Eglises auxquelles ils se sentent effectivement en allégeance,
principalement russe et roumaine, étaient équipées pour s’occuper d'eux.
En 1980, je me suis marié à l'église Saint-Nicolas de Boulogne
Billancourt à Paris. Parmi les invités, il y avait l’archevêque Georges (Tarasov),
de qui nous étions proches. Je pense souvent au futur archevêque, venant sur le
front occidental il y a cent ans. Pourquoi se battait-il? Pour la Russie et son
église; pas pour le projet des rénovationistes iconoclastes d'aujourd'hui. Sa
vie comme archevêque de Paris fut rendue misérable, il fut publiquement hué, et
en proie aux sifflets de la Fraternité, et il vécut dans la pauvreté. Ses
humbles larmes « sur les rives des fleuves de Babylone »
peuvent-elles aider à redresser la barre pour orienter la Rue Daru du naufrage vers
le salut? Nous prions pour qu’il en soit ainsi.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après