"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 31 décembre 2019

Archiprêtre Serge Baranov "QUAND LE CHRIST ARRIVE, LES QUESTIONS DISPARAISSENT." (1)



Conférence sur l'acquisition du goût de la prière

L'archiprêtre Serge Baranov (photo), réalisateur et scénariste bien connu, s'entretient avec de jeunes adultes au monastère Novospassky à Moscou sur la sainteté comme but de la vie et trouve celle-ci dans la prière. Le Père Serge est largement connu pour ses films lyriques et profonds. Sa première conférence portait sur le court métrage "Le prix de ma vie". Et si la vie est si précieuse, alors son but n'est rien de moins que la sainteté. 

***
Le trait distinctif des chrétiens

Un jour, lorsque le futur staretz Sophrony (Sakharov) aborda des sujets très élevés, un moine expérimenté dit :

"Père Sophrony, parlons ds choses qui sont pertinentes à notre niveau... Nous devrions être prudents avec les thèmes qui sont trop élevés."

Mais alors le très jeune hiéromoine a répondu par ces arguments :

"Bien sûr, je suis d'accord avec vous dans une certaine mesure. Mais pourquoi est-ce que je me permets de parler de choses élevées, sans craindre que cela ne nuise à mon âme ? Tout d'abord, lorsque vous avez un objectif illimité devant vous en tant qu'idéal, son inaccessibilité vous fait agir tout le temps. Puisque vous le poursuivez continuellement, vous ne pouvez pas le posséder pleinement, et cela vous fait travailler sans arrêt. Et, deuxièmement, lorsqu'un idéal élevé est devant vous, vous sentez votre petitesse en contraste avec lui. Vous avez peu de chances de devenir prétentieux parce que vous vous sentez tout le temps inadéquat."

En l'écoutant, le vieux moine mégaloschème athonite répondit :

"Eh bien, Père Sophrony, si c'est le cas, cette conversation est possible."

J'ai osé appeler notre réunion : "La sainteté est le but de la vie." Certains la trouvent trop audacieuse ; d'autres, tout simplement inintelligible ; d'autres encore reculent devant une telle hauteur....

Selon moi, pour les premiers chrétiens, la sainteté était le but de la vie. C'était simplement leur mode de vie. Les apôtres dans leurs épîtres s'adressaient les uns aux autres : "Écrivez aux saints de telle ou telle Église."

Quand il s'agit du but de la vie, l'expression banale suivante est souvent utilisée : "Tu devrais construire une maison, faire pousser un arbre et élever un fils." Mais à un moment donné, j'ai commencé à évaluer ma vie en fonction de ces critères et j'ai réalisé que j'avais grandi avec plus d'un arbre, construit plus d'une maison, élevé six enfants et maintenant des petits-enfants... En plus de cela, j'ai construit des églises et peint des icônes. Le Seigneur m'a fait faire les fresques de petites cellules sur le mont Athos... J'ai été au service des prisonniers pendant vingt-trois ans, j'ai organisé un foyer pour les SDF et je l'ai géré pendant treize ans. J'ai construit une cathédrale. J'ai écrit des livres, fait des films, écrit des scénarios pour le théâtre... J'ai travaillé dans tant de domaines. J'ai même chanté dans une chorale d'anciens combattants soviétiques de la ville. Alors, et maintenant ? On me demande souvent pendant les réunions : "Père Serge, êtes-vous satisfait ? Vous avez participé à de nombreuses et diverses activités dans votre vie..."

Mais je ne sais pas quoi leur répondre. Je sens une sorte de vide. Ces sentiments sont semblables aux réflexions du livre L’Ecclésiaste du Sage Salomon : 9Je devins grand, plus grand que tous ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem. Et même ma sagesse demeura avec moi. 10Tout ce que mes yeux avaient désiré, je ne les en ai point privés; je n'ai refusé à mon coeur aucune joie; car mon coeur prenait plaisir à tout mon travail, et c'est la part qui m'en est revenue. 11Puis, j'ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise à les exécuter ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n'y a aucun avantage à tirer de ce qu'on fait sous le soleil. (Ecclésiaste 2:9-11).

Il semblerait que l'Ecclésiaste du Sage Salomon puisse être qualifié de livre pessimiste, sauf pour sa dernière phrase : Crains Dieu et observe ses commandements. C'est là ce que doit faire tout homme (Ecclésiaste 12:13). Mais je dirais que le sens orthodoxe de "crainte" ici est "amour". "crainte" dans le sens de "peur de le perdre, de l'insulter, de le trahir, ou d'être laissé seul sans Lui." Parce que c'est vraiment terrible.

Plantation d'un jardin monastique tous ensemble

Après tout ce que j'avais fait dans ma vie, j'ai réalisé que tout cela est vanité des vanités. La dernière réalisation, la plus importante, la plus précieuse et la plus sainte fut le couvent d'Iveron. J'ai passé trois jours loin de notre couvent d'Iveron d'Orsk (où je suis le père-confesseur), et j'ai l'impression que nos moniales, notre règle, notre esprit, notre liturgie de nuit me manquent tellement ! Et notre règle de la prière de Jésus me manque, quand tout le couvent se calme le soir, et les mêmes mots se répètent dans chaque cellule" Seigneur, Seigneur, Seigneur..." J'ai enfin trouvé le but.

Tout le reste n'a de sens que lorsqu'il s'agit de la chose la plus importante. Tout est christocentrique en Orthodoxie. S'il n'y a pas de Christ, alors tout est vanité, comme disait le Sage Salomon.

Et où est le Christ ? Il est très regrettable que parfois les gens vont à l'église pendant cinquante ans, parfois même plus longtemps, mais ils n'ont jamais rencontré le Christ. Ils en savent beaucoup sur le Christ, se disputent sur le Christ, étudient sans cesse quelque chose en rapport avec le Christ... Mais ils n'ont jamais fait l'expérience du Christ. C'est comme une situation où vous allez dans la mauvaise direction, même si vous êtes sincère, zélé et constant. Quelqu'un marche, fait des efforts, transpire... Mais il va dans la mauvaise direction ! Il ne se dirige pas vers le Christ !

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


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lundi 30 décembre 2019

Archimandrite André [Konanos]: LES SIGNES D'UNE VIE SPIRITUELLE CORRECTE


Quelqu'un m'a demandé un jour : "Comment savoir si je mène une vie correcte dans l'Église ? Certains vont souvent à l'église, prient, participent aux offices, participent aux sacrements, mais je ne vois aucun changement notable dans leur vie, ou plutôt, je vois le même genre de personnes dans le monde ; j'attendais plus de leur part. Quels sont les signes d'une vie d'église convenable ?"

Je ne peux pas dire qu'il y a un certain nombre de signes. Dieu fait les "calculs", parce que les changements sont internes, secrets, cachés de l'extérieur. D'un côté, seuls vous et Dieu savez ce qui se passe dans les recoins de votre âme, et de l'autre, certaines choses sont déterminées par votre comportement avec votre conjoint, vos enfants, avec les autres. 

Certaines personnes âgées disent : "Je vais à l'église depuis que je suis enfant." Et alors ? Quel est le résultat ? Qu'avez-vous accompli au fil des ans ? Je veux dire, vous ne pouvez pas dire que vous allez à un gymnase, disons, depuis cinq ans et cinq mois, et que vous pesez 80 kilos, mais maintenant vous pesez 110 kilos. Ou que vous apprenez l'anglais depuis de nombreuses années, mais quand vous arrivez à l'aéroport, vous n'êtes pas capable de réunir de façon cohérente deux ou trois mots. 

Quand vous dites que vous êtes près de Christ, il y aura du fruit, il n'y a pas d'autre manière. Votre vie intérieure se manifestera d'une manière ou d'une autre à l'extérieur. 

Quand vous vous approchez du Christ, vous obtenez le bonheur non pas de l'extérieur, mais de l'intérieur de vous-même ; c'est-à-dire que vous ne vous affligez pas de certains événements, vous n'êtes pas déçus par des choses insignifiantes. Quelqu'un dit quelque chose et vous êtes offensé ; le temps est mauvais dans la rue et vous tombez dans la mélancolie ; tandis que celui qui réussit dans la vie spirituelle ressent la paix et la tranquillité dans le fond de son cœur, et cela se manifeste dans toutes ses actions. 

Saint Isaac le Syrien a dit : "Imagine dire à un ivrogne : "Ta maison est en feu. Et il répond : "Ne t'inquiète pas, laisse-la brûler." C'est une métaphore, bien sûr. Votre ivresse, d'autre part, votre bonheur, c'est ce que l'Église appelle la béatitude. Quand vous avez la béatitude du Saint-Esprit en vous, aucun facteur extérieur ne peut perturber votre paix intérieure.

Je me souviens des paroles suivantes de Mère Gabriela : "Il n'y a pas encore un homme né qui puisse blesser mon âme, qui puisse m'enlever ma joie." Pourquoi en est-il ainsi ? Bien sûr, il y avait des gens qui l'ennuyaient, l'offensaient, la dérangeaient, la calomniaient. Mais la façon dont vous vous comportez avec les autres est votre propre problème. La façon dont vous y répondez dépend de votre position dans la vie, et votre position de vie est une question de choix personnel. Ce que vous voulez, c'est ce que vous leur répondez. Si vous commencez à être nerveux et à crier, alors je perçois, selon saint Porphyre, que vous êtes comme celui qui est blessé, frappé et qui saigne. Si je vous vois dans cet état, mon comportement devrait être approprié. Nous devons devenir plus perspicaces, comprendre à la fois notre propre âme et celle de notre frère.

Un jour, il y a longtemps, je me suis fâché contre quelqu'un et j'ai commencé à lui parler grossièrement, mais il continuait à me regarder calmement. Longtemps après, je lui ai demandé : "Comment as-tu supporté tout ce que je t'ai dit ?" "J'ai compris que tu avais un problème. Je ne voulais plus te contrarier, je ne voulais plus te faire de mal", dit-il. Écoutez calmement votre prochain, mais ne vous mêlez pas de son problème. Ça ne veut pas dire que vous le méprisez. Essayez de le comprendre.

Un jour, le Père Païssios voyageait sur un bateau de Daphné à Ouranoupolis. On lui a offert une chambre séparée pour les moines afin d'éviter tout peuple mondain. Géronda répondit : "Pour quoi faire ? Pourquoi devrais-je m'asseoir seul, à part si je cachais quelque chose ? Nous sommes tous pareils." 

C'est quelque chose de très important. Nous devons nous rendre compte que nous sommes tous frères et sœurs en Christ et que nous avançons vers le même but. Plus vous grandissez spirituellement, plus vous vous connectez avec votre prochain. Quand vous arrivez à comprendre les paroles du Christ sur ce que signifie être le serviteur de votre frère, vous commencez à comprendre ce que cela signifie de laver les pieds d'un autre.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

dimanche 29 décembre 2019

FREDERICA MATHEWES-GREEN : Comprendre les icônes

Icône de la Mère de Dieu "Portaïtissa" de Hawaï

La première chose que nous ressentons à propos d'une icône, c'est son grand sérieux. 

Comparez une icône dans votre esprit et une grande peinture religieuse occidentale, une icône qui vous pousse à une foi plus profonde ou même aux larmes. Vous remarquerez qu'il y a une différence dans la "façon" dont elle vous émeur, cependant. Une peinture occidentale - qui va indéniablement être davantage accomplie en termes de réalisme, de perspective, d'éclairage, d'anatomie, et ainsi de suite - nous émeut par notre imagination et nos émotions. Nous nous y engageons comme si nous le ferions pour un film ou une histoire.

Une icône nous frappe d'une manière différente, cependant. En comparaison, elle est très calme. Elle est silencieuse. Nous nous trouvons à garder le silence alors que nous nous tenons devant elle. Une icône prend en quelque sorte le contrôle de l'espace qui l'entoure. Elle remet en question le point de départ de notre prise de conscience.

Il y a de nombreuses années, mon époux a acheté notre première icône, une copie de la célèbre icône russe du 12ème siècle connue sous le nom de Vierge de Vladimir. Nous l'avons accrochée à un mur chez nous et avons regroupé autour d'elle d'autres tableaux et peintures plus petits. Mais ça n'a jamais eu l'air bien. Nous avons continué à réarranger les tableaux, puis nous avons commencé à en prendre quelques-unes. Ça n'a toujours pas marché d'une façon ou d'une autre. En fin de compte, nous avons fini par enlever tous les autres tableaux, de sorte que la Vierge régnait seule dans cet espace. Elle a fait sauter tous les autres tableaux du mur. Telle est la qualité de sa présence dans cette image, une qualité que l'on ne peut décrire sans des mots comme "majesté", "mystère" et "gravité."

C'est la gravité d'une icône qui est l'autre chose que je veux que vous remarquiez. Les gens sur ces images sont très sobres. Leur silence est troublant. Nous ne savons pas comment réagir et nous sentons mal à l'aise. Je pense que c'est quelque chose comme ce que saint Pierre a ressenti quand le Seigneur lui a dit de lâcher ses filets pour une prise. Lorsqu'il leva des filets, saint Pierre dit : "Éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur, Seigneur !"

La présence sobre du Seigneur dans une icône nous met mal à l'aise parce qu'elle nous fait réaliser combien nous sommes loin de la beauté et de la puissance ineffables de Dieu. 

Parfois, les gens accusent les chrétiens d'essayer de faire en sorte que les gens se sentent mal ou coupables, d'être critiques dans leurs paroles. Quand c'est le cas, c'est malheureux. Mais dans ce cas, nous ressentons l'effet du jugement du seul vrai Juge, du seul Juge possible, et Il le fait sans une parole. Pourtant, c'est un jugement enveloppé d'une promesse de guérison. Ce n'est pas un rejet, mais une invitation. C'est une occasion de recevoir la guérison que seul Dieu peut donner, parce qu'il nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes.

Le regard fixe et troublant du Seigneur dans une icône est comme le regard d'un chirurgien qui regarde le corps blessé et brisé d'un patient. Le chirurgien comprend mieux nos blessures que nous ne le faisons nous-mêmes, et il sait exactement ce qu'il faudra faire pour les guérir. Notre Seigneur voit en nous des bris et des échecs que nous ne pouvons pas, que nous ne voulons tout simplement pas, ou que nous ne pouvons pas supporter de voir. Et Il nous invite à nous ouvrir à Sa guérison, une guérison qui progressera très doucement, très graduellement, à mesure que nous pourrons la supporter.

Cela ne veut pas dire que la guérison sera toujours confortable. Il peut nous demander d'abandonner des choses dont nous pensons ne pas pouvoir nous passer. Il peut nous demander de prendre en charge des choses que nous pensons que nous ne pouvons pas commencer à porter. Lui seul sait ce qu'il faudra pour nous guérir. Pas étonnant qu'une icône ait l'air si sérieuse. Notre état est grave. Par la condescendance miséricordieuse de notre Seigneur, nous n'avons pas à entrer en guérison avec un chirurgien que nous n'avons jamais vu. Il nous a révélé Son visage, et au fur et à mesure que nous apprenons à Lui faire confiance, nous pouvons nous révéler nous-mêmes en retour.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après









samedi 28 décembre 2019

DU BOUDDHISME AU LUTHÉRANISME ET À L'ORTHODOXIE


Le Père Chiril [Cyrille] est allemand. Bien qu'il soit né et ait grandi en Allemagne, il vit depuis de nombreuses années au monastère Radu Voda de Bucarest [1]. Il tomba amoureux de l'orthodoxie et de la Roumanie et décida d'y rester pour toujours, non pas comme laïc mais comme moine d'un des monastères les plus célèbres de la capitale.

Moine Chiril (Karthaus)

Le "Dieu injuste"

La petite fille n'avait que huit ans. Il s'en souvient aussi clairement que si c'était hier. Elle était infectée par le SIDA depuis sa naissance, comme c'est souvent le cas en Inde où plus de deux millions d'adultes vivent avec cette maladie. Elle devait mourir comme ses parents étaient morts. Elle savait ce qui l'attendait, de même que les religieuses qui la soignaient et les bénévoles qui travaillaient à l'orphelinat. Ils savaient qu'ils ne pouvaient pas l'aider parce que cette maladie n'épargne personne, même les enfants. Mais malgré ses souffrances et sa pauvreté, la fillette de huit ans était heureuse et sereine, tandis que tous les autres patients autour d'elle étaient profondément désespérés.

"Un jour, nous nous sommes tous rassemblés autour de son lit et avons pleuré. Elle nous a regardé calmement : "Arrêtez de pleurer, je rentre chez moi ! Et dans la détresse, j'avais l'impression que mon cœur se brisait dans ma poitrine. Ces mots m'ont frappé ! J'étais un jeune homme de dix-huit ans, enchanté par le bouddhisme, mais cette rencontre m'a mis face à face avec l'ampleur choquante de la souffrance humaine. Ayant pitié de la petite fille, je ne trouvais aucun réconfort dans le chagrin. "Pourquoi y a-t-il tant de douleur sur cette terre ?" me suis-je demandé. Pourquoi Dieu permet-il à une petite fille innocente de mourir d'une maladie incurable ? Qu'a-t-elle fait pour mériter cela ?

A partir de ce moment, je ne me contentais plus de la réponse typique des bouddhistes : " La jeune fille a été punie dans cette vie pour quelques mauvaises actions qu'elle avait commises dans sa vie antérieure selon les lois du karma." J'en conclus que le Dieu qui n'est guidé que par les lois du karma doit être impitoyable. Je me suis donc progressivement éloigné du bouddhisme et de l'hindouisme et j'ai recommencé à lire la Bible. Ce n'est que dans le christianisme, c'est-à-dire dans le christianisme orthodoxe, que j'ai découvert que Dieu nous pardonne, qu'Il est Lui-même Amour et Miséricorde.

"Cet incident avec la poetite fille qui a fini par mourir dans cet orphelinat est devenu le tournant de ma vie."

Une maison qui a été convertie en temple

Le petit Niman avec son père

"Hare Krishna, Hare Krishna,
Krishna, Krishna, Hare, Hare, Hare,
Hare Rama, Hare Rama,
Rama, Rama, Hare, Hare, Hare !"

Avant que le soleil n'ait le temps de se lever au-dessus de l'horizon, la maison de Herr Karthaus du village d'Argestorf près de Hanovre se transformait en un petit temple bouddhiste. Le rite commençait à cinq heures du matin. Herr Karthaus répétait le Maha-Mantra (grand Mantra), essayant de s'unir à Krishna par la méditation.

C'est dans cette atmosphère que le petit Niman (nom séculier du Père Chiril) grandit. Sa mère, une pieuse protestante, lisait la Bible et faisait des enclins devant un crucifix et une statue de la Mère de Dieu, tandis que son père (qui s'était converti à l'hindouisme dans sa jeunesse et avait rejoint le mouvement Hare Krishna) lisait la Bhagavad-Gita et chantait des mantras du matin.

"J'ai grandi à Argestorf, et mes parents y vivent toujours. C'est un petit village près de Hanovre. J'ai eu une enfance merveilleuse. Je jouais beaucoup en plein air et je passais beaucoup de temps dans la forêt. J'ai toujours senti la présence de Dieu. Je lui parlais dès mon enfance, je lui racontais tout comme s'il était mon ami. Pour moi, Dieu était très réel, mais je me souviens d'une certaine anxiété. Je voulais mieux Le connaître...

"Imaginez, il y avait des statues de Bouddha, de Krishna et de la Très Sainte Mère de Dieu dans notre maison. Maman lisait une prière chrétienne avant chaque repas, tandis que papa priait Krishna chaque matin. Par conséquent, dès ce jeune âge, je me suis demandé : quelle religion est vraie ? Ayant cette question en tête, j'ai regardé attentivement toutes les grandes religions, mais je n'avais pas l'impression d'avoir trouvé la vérité."

Inde

En tant que bénévole à Paris

Quand Niman eut seize ans, son père l'emmena en Inde. Il n'imposa jamais rien à son fils et ne le força jamais à choisir une religion particulière ; il essaya plutôt de l'aider à mieux les connaître. Ils visitaient ensemble les ashrams et les temples, se prosternaient devant toutes les divinités hindoues, dansaient devant elles, méditaient et priaient. Mais Niman n'était pas satisfait. Bien que l'Inde, avec toutes ses couleurs, ses parfums et sa vie pleine de respect, l'ait fasciné, elle ne gagna pas son cœur.

Enfin, ils arrivèrent à Dharamshala dans le nord-ouest de l'Inde (où vit la diaspora tibétaine en Inde) et y rencontrèrent le Dalaï Lama.

"Je reçus la bénédiction du Dalaï Lama, mais je ne lui posai aucune question. Je me sentais attiré par le bouddhisme et je décidai que lorsque j'aurais atteint une maturité suffisante, j'irais dans un monastère pour suivre le chemin spirituel du Bouddha Chakyamuni. Mais deux ans plus tard, une occasion de faire du travail social comme volontaire en Inde se présenta. J'ai volontiers accepté, espérant de cette façon, étudier le bouddhisme de plus près.

"J'avais dix-huit ans et je voulais faire quelque chose de spécifique pour les autres et les aider. Dans ma naïveté, je pensais même être capable de changer le monde, d'en faire quelque chose de meilleur et de beau. Mais il y a eu l'incident de la petite fille infectée par le VIH dont j'ai parlé plus haut, alors j'étais déjà incertain de savoir si je voulais vraiment être moine bouddhiste. Et je me suis de nouveau tourné vers le christianisme, j'ai commencé à lire la Bible et à prier. Mais c'est grâce à l'Orthodoxie, à l'Orthodoxie roumaine pour être plus précis, que j'ai été complètement transformé."

Un hymne à Jésus

A l'église du monastère de Radu Voda

  
Tout a commencé lorsqu'un jour Jésus s'adressa à lui dans un hymne inhabituel. Il lui fut chanté par deux Roumains en France. C'était le soir dans un centre, où les jeunes voulaient présenter le pays d'où ils venaient. Tous ceux qui s'y étaient rassemblés étaient des activistes publics.

Les Roumains choisirent un hymne de l'Église, désireux de transmettre l'esprit de leur tradition séculaire, la foi paysanne roumaine, à travers elle. Niman fut envoûté en l'écoutant. Il n'avait jamais rien entendu de tel auparavant. La musique était très émouvante et profonde.

C'était sa première rencontre avec l'Orthodoxie. Aussitôt, il décida d'aller en Roumanie et de trouver un poste bénévole dans un centre social de Bucarest qui travaillait avec des enfants sans abri. C'est ainsi qu'il finit à un service au monastère de Radu Voda, où son âme s'attacha à la beauté du Christ, qui entre dans le monde par des icônes, des hymnes, des vêtements et d'anciens offices byzantins.

"Le premier office auquel j'ai assisté était les Vêpres. Même si je ne comprenais pas un mot en roumain, je fus très impressionné. Je me suis demandé : "C'est peut-être la vérité ? Peut-être que ma recherche est enfin terminée ?

"Maintenant, quand je dis aux Allemands que les offices monastiques orthodoxes, surtout pendant les jeûnes, peuvent durer cinq à six heures, ils sont étonnés et ne comprennent pas comment les orthodoxes parviennent à tenir si longtemps pendant tout le service religieux. Mais cela ne me semble pas difficile parce que je pense que les services orthodoxes sont très dynamiques et non statiques. Aux offices luthériens ou catholiques romains, vous vous asseyez sur votre banc, comme dans un théâtre où vous venez séjourner pour un certain temps et rien d'autre. Mais vous avez une expérience particulière aux offices orthodoxes, qui ont beaucoup de vie ! Nous ne considérons pas l'office comme un service extérieur - nous y participons. Parce que c'est ainsi que l'Église est vraiment - l'Église n'est pas seulement un prêtre, ou juste des moines, ou simplement la chorale qui chante. Non, nous formons tous l'Église et participons aux offices par nos prières, nos enclins et parfois en chantant.

"Les icônes byzantines sont très propices à la création de cette atmosphère. Dans les églises catholiques, les icônes sont principalement considérées comme des œuvres d'art sans aspect spirituel ; quant aux luthériens, leurs icônes ont été retirées aux églises pendant la Réforme. Les icônes sont toujours présentes dans les églises orthodoxes comme des " fenêtres sur Dieu " qui nous aident à communiquer avec Lui. Après tout, les êtres humains ont besoin de quelque chose de tangible, et chaque fois que nous parlons de Dieu comme d'une chose abstraite, ils trouvent cela difficile à comprendre. Mais quand il y a une icône devant moi, cela m'aide à penser à Dieu, à parler personnellement avec Lui et à avoir une relation spécifique avec Lui.

"À mon avis, cela explique le fait que, ces derniers temps, des icônes sont apparues dans de nombreuses églises luthériennes et catholiques. Ces gens aspirent à l'authenticité et à la recherche des origines de l'Église. Après tout, les icônes existaient dès les premiers siècles du christianisme."

La prière du cœur [2]

Y a-t-il eu un événement particulier, un point particulier lorsque vous avez décidé fermement de choisir l'Orthodoxie ?

-Après avoir assisté aux premières Vêpres dont j'ai parlé plus haut, j'avais le désir de parler à un prêtre et d'en savoir plus sur l'Orthodoxie. Et j'ai rencontré ici le Père Polycarpe - nous avons eu des entretiens avec lui et il m'a guidé dans ma recherche. De retour en Allemagne, j'ai commencé à lire les livres que le Père Polycarpe m'avait recommandés. C'est alors que j'ai découvert saint Silouane du mont Athos, dont les écrits ont également été traduits en allemand ; son amour pour le monde entier a profondément touché mon cœur.

Archimandrite Polycarpe (Chițulescu)

Mais le point crucial était quand j'ai lu le livre, Les Récits du Pèlerin Russe - à propos d'un [pèlerin] russe anonyme qui apprenait sans cesse à faire la prière du cœur. Cela eut un effet énorme sur moi. J'ai été stupéfait par la prière de Jésus et j'ai commencé à la réciter. J'ai vraiment rencontré les profondeurs de l'Orthodoxie à l'époque. Cette expérience ne s'est plus jamais répétée. Cette douceur de la prière du cœur, la joie sans fin de rencontrer le Christ au plus profond de mon cœur, une relation personnelle avec Dieu qui n'est possible qu'en Orthodoxie, particulièrement par la prière de Jésus, tout cela m'a convaincu que c'était la fin de ma recherche.

J'ai donc décidé de retourner en Roumanie pour recevoir le baptême orthodoxe et être absorbé dans cette prière. Le Père Polycarpe du monastère de Radu Voda m'a dit d'attendre un peu, de me préparer pour ce sacrement et de lire certains livres. Nous sommes restés en contact avec lui, et à un moment donné, le Père Polycarpe m'a invité au monastère pour la Nativité du Christ, si j'étais vraiment déterminé. C'est précisément ce qui s'est passé ! Je suis venu y passer mes vacances de Noël et j'ai été baptisé en Orthodoxie à Radu Voda le jour même de la fête de la Nativité. Je suis né spirituellement le jour même où Dieu est né sur terre ! Après cela, j'ai été tonsuré dans le même monastère.

"Les Roumains sont une nation humble"

Père Chiril, pourquoi avez-vous choisi de vivre en Roumanie plutôt que dans un autre pays orthodoxe ? Après tout, il y a aussi le mont Athos, la patrie d'une foule de moines orthodoxes.

-Les gens me posent souvent cette question : pourquoi j'ai choisi l'Orthodoxie roumaine (et non grecque ou russe, ces deux dernières ayant une forte présence en Allemagne) et pourquoi j'ai rejoint le monastère Radu Voda à Bucarest et non une lignée de laures athonites. Je réponds à chaque fois que c'était naturel pour moi. Ma première rencontre avec l'Orthodoxie s'est faite par les Roumains et j'ai été baptisé ici, au monastère Radu Voda de Bucarest. C'est ainsi que j'ai développé un lien très intime avec la Roumanie en tant que pays et avec les Roumains en tant que nation.

Et j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de très humble, de très authentique dans l'Orthodoxie roumaine. Les églises roumaines - souvent si petites et si humbles - n'ont rien à voir avec la mégalomanie. Je ne veux pas critiquer les autres églises, mais leur esprit est différent, alors que j'adore cet esprit d'humilité que l'on trouve ici, en Roumanie.

Il est impossible de séparer le peuple roumain de l'Église parce que l'Église n'est rien sans les gens. Et ici, les bâtiments de l'église et les gens sont très humbles. Même lorsque vous étudiez l'histoire de la Roumanie, vous voyez que vous avez affaire à une nation modeste et humble. Et, comme on le sait généralement, l'humilité est la vertu chrétienne principale, sur laquelle reposent toutes les autres vertus (qui sont complétées dans l'Amour).

Un oiseau qui s'envole vers Dieu

L'église du monastère de Radu Voda

-Nous nous préparons actuellement à la Résurrection du Sauveur [L'entretien eut lieu peu avant Pâques]. Pouvez-vous comparer la préparation à Pâques dans les Eglises protestantes d'Allemagne avec la façon dont elles le sont en Roumanie ? Y a-t-il une différence significative ?

-Dans l'Église luthérienne, du moins dans ma communauté, les gens ne se sont presque jamais préparés pour Pâques. Peut-être que dans la Bavière catholique, ils préparaient la Résurrection du Christ, mais d'une manière différente. Les gens n'observent plus les jeûnes en Occident, et le sacrement de la confession a été abandonné dans le protestantisme - mais ces deux choses nous aident à bien nous préparer pour Pâques. Aujourd'hui, l'Allemagne est un pays laïque et les gens perçoivent la Résurrection du Sauveur comme une fête sans signification particulière : ils prennent des vacances, vont à la campagne ou se promènent pendant cette saison.

Contrairement à l'Allemagne, je pense que toute la nation roumaine se prépare à cet événement de la Résurrection. Pendant le Carême, l'église du monastère de Radu Voda est pleine de gens - ils viennent pour confesser leurs péchés et jeûner, et ils nous demandent sans cesse ce qu'ils doivent faire pour s'améliorer et se rapprocher de Dieu. Différentes personnes - jeunes et moins jeunes - viennent ici, ressentant le besoin de s'approcher de Dieu.

Pendant le Carême, nous avons des offices que je considère comme les plus beaux de l'année liturgique. Ils nous donnent l'occasion de sentir notre état de péché ; et ils ne s'arrêtent pas là, mais ils nous montrent comment nous élever, comment devenir meilleurs, et j'aime beaucoup cela. Pendant cette période, nous, les moines, essayons de jeûner davantage, de prier davantage et de parler moins - c'est quelque chose qui crée une merveilleuse atmosphère d'attente de Pâques et d'effort spirituel dans le monastère.

-En attendant Pâques, les moines ont l'habitude d'observer un "jeûne noir"[jeûne complet]. Ça ne vous semble pas trop sévère ? Après tout, les Roumains s'y sont habitués dès l'enfance.

-C'est une expérience fantastique dont je n'avais rien connu avant ma conversion à l'Orthodoxie. Il me semble que lorsque vous gardez les jeûnes, vous vous soulagez de ce fardeau insignifiant que vous portez avec vous et vous vous sentez comme un oiseau qui vole, vous vous sentez beaucoup plus à l'aise. Il devient alors beaucoup plus facile pour vous d'élever votre esprit vers Dieu, car aucun fardeau ne pèse plus sur vous ; parce que, par essence, nous venons seulement au monastère pour avoir une chance de nous concentrer sur notre relation avec Dieu.

Mais nous devons tenir compte du fait que le jeûne a été établi pour nous aider et non l'inverse. C'est-à-dire que nous ne jeûnons pas pour le jeûne, mais nous le faisons pour que cela nous aide sur notre chemin pour nous approcher et rencontrer le Christ face à face. C'est une sorte d'arme de combat que Dieu nous a donnée pour que nous puissions gagner la guerre contre nos passions.

P. Chiril, en conclusion, je voudrais vous demander si vous avez réussi à trouver dans l'Orthodoxie, une réponse à la question qui vous hantait toujours: pourquoi y a-t-il de la souffrance dans ce monde ?

-Je crois qu'il y a de la souffrance parce que le plus grand don de Dieu à l'humanité est le libre arbitre. Mais nous n'utilisons pas notre liberté pour apprendre à connaître Dieu ; nous l'utilisons plutôt pour débrider nos passions. Mais Dieu ne veut pas violer notre liberté. Donc, si nous décidons de ne pas être avec Lui, Il respecte notre libre arbitre. Ainsi, la souffrance existe parce que nous, les humains, nous la choisissons et la répandons.

Quant à la petite fille innocente d'Inde, je ne sais pas, je n'ai pas encore trouvé de réponse à la question de savoir pourquoi Dieu lui a permis de souffrir autant et de mourir. Mais je sais par ma propre expérience que le Christ, le Dieu chrétien, conquiert la justice par amour, et je trouve cela admirable. Et bien que je ne comprenne pas pourquoi cette petite fille a dû mourir, je crois en l'Amour divin à cent pour cent pour elle et pour nous tous, humains, puisque j'ai vécu cet Amour dans mon cœur.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

vendredi 27 décembre 2019

Artemy Slezkin: COMMENT JE VEUX ÊTRE AU MOMENT DE MA MORT ?


Les paroles suivantes appartiennent à saint Ignace (Brianchaninov), un grand ascète russe du XIXe siècle :

"Vivez chaque jour comme si tu allais mourir ce jour-là. Si nous pouvons mourir n'importe quand, nous devons être prêts à mourir n'importe quand. "Sois toujours ce que tu veux être au moment de la mort."

Ce sont des mots clés pour chrétiens. Car les chrétiens croient et savent que la vie humaine ne se termine pas après la mort - elle continue dans un autre monde spirituel, entrant dans sa phase principale et éternelle. Et cette "grande transition" peut se produire à tout moment de notre vie sur terre. C'est pourquoi beaucoup de croyants essaient de vivre chaque jour comme si c'était leur dernier jour.

Comment veux-je être au moment de ma mort ? [Je veux] être avec le Nom de Dieu sur mes lèvres et dans mon cœur. Dans ce cas, pendant la journée, je ne manquerai aucune occasion de murmurer une prière à Dieu, de me repentir des péchés que j'ai commis, de Lui demander de l'aide, de Lui rendre grâce et de Lui chanter un chant de louange.

Comment veux-je être au moment de ma mort ? Etre paisible, c'est-à-dire avoir une âme en paix, qui n'est perturbée par rien ni personne; une conscience tranquille, la paix avec tous et une bonne disposition envers tous ; être calme, avec une âme tranquille et inspirée. Dans ce cas, je devrais chercher toutes ces choses tous les jours, c'est-à-dire me réconcilier avec mes offenseurs, faire des concessions, pardonner, endurer, ne pas rendre le mal pour le mal, travailler consciencieusement, ne pas mentir ou agir malhonnêtement, et chercher à comprendre mes proches et avoir des relations cordiales avec eux. En un mot : tout couvrir d'amour. C'est un travail difficile ; mais il est agréable à Dieu, donc il  donnera sûrement Sa grâce et son aide à celui qui œuvre - il n'y a aucun doute là-dessus !

Comment veux-je être au moment de ma mort ? Aimer Dieu et mon prochain ; ceci est atteint par des aumônes constantes et d'autres bonnes œuvres pour la gloire de Dieu. Ainsi, chaque jour, je devrais chercher toutes les occasions d'actions caritatives en cherchant ceux à qui je peux donner de l'argent, du pain, une tasse de café chaud, ou une bouteille d'eau. Chaque jour de ma vie devrait être celui de la miséricorde et de la compassion envers ceux qui en ont besoin. Chaque jour, nous devons avoir ce désir et être prêts à donner un coup de main à notre prochain quand le besoin s'en fait sentir.

Comment veux-je être au moment de ma mort ? Espérer le salut et la vie éternelle. C'est pourquoi, chaque jour et chaque heure, nous devons demander au Seigneur de nous donner la vie éternelle et de nous délivrer de la mort éternelle. Nous devons être très conscients du fait que la vie éternelle a déjà commencé le jour où nous avons été conçus. Nous vivons sur terre, mais notre vie dans l'éternité continue en parallèle. La mort prendra la vie de nos corps, mais la vie éternelle de nos âmes continuera. Et c'est cette vie éternelle que nous devons implorer le Seigneur de nous accorder chaque jour, chaque heure et à chaque respiration.

Comment veux-je être au moment de ma mort ? Etre pur et libre du péché dans la mesure du possible ; car comment quelque chose d'impur, de sale et de sombre peut-il entrer dans le Royaume de la Lumière ? Dans ce cas, nous devons faire de la repentance notre second souffle. Nous devons, chaque jour et chaque heure, pousser des soupirs de remords vers Dieu et nous considérer comme damnés, comme les saints Pères nous l'ont ordonné. Que signifie "nous considérer comme damnés" ? Cela signifie ne rien voir de bon en nous-mêmes et discerner l'impureté de nos âmes avec des yeux vigilants - l'impureté qui se révèle dans nos conversations, nos actes, nos actions et nos pensées.

Même si vous ne semblez pas être coupable de "crimes", creusez plus profondément et au fond de votre âme vous trouverez un "marécage profond" d'orgueil, de vanité, de morgue, et de vaine gloire qui par de "fins tubes" de pensées empoisonnent vos actions, surtout les actes charitables. Nous devrions en être conscients et demander chaque heure la guérison, le pardon et le salut du Seigneur. Lui seul peut nous guérir ; Il est venu en ce monde pour être crucifié pour nos péchés au Golgotha afin que nous puissions être sauvés par Sa croix et avoir la vie éternelle.

Comment veux-je être au moment de ma mort ? Participer au Corps et au Sang du Christ. Cela signifie que nous devrions aller à l'église, confesser nos péchés et communier aussi souvent que possible. Communiez au moins une fois par mois, ou même plus souvent si nous en avons la force. Ce serait bien de recevoir la communion juste avant la mort et d'être unis au Christ dans ce grand sacrement. Mais aurons-nous cette chance ? Nous ne le ferons pas si nous rencontrons une mort subite après avoir repoussé de communier de façon impardonnable. Essayons donc de ne pas retarder notre participation à ce sacrement "pour plus tard". Le temps peut passer irréversiblement, et nous partirons vers Dieu sans la préparation chrétienne nécessaire.

Comment veux-je être au moment de la mort ? Etre sauvé. C'est pourquoi je chercherai le Sauveur partout dans ma vie, Le désirant de tout mon cœur, de toute ma pensée et de toute ma force (cf. Marc 12, 30). Vivre et espérer qu'en dépit de toute la souillure de mon âme, Il veut me sauver. Tout ce que je dois faire, c'est de vouloir la même chose pour que nous puissions marcher l'un vers l'autre dans l'union de ce désir mutuel.


La mort viendra, que ce soit aujourd'hui ou demain, mais nous y serons préparés, car nous avons vécu dans une tension spirituelle permanente, dans la sobriété d'esprit et dans l'attente de l'aide d'En-haut. Croyons que le Seigneur ne nous abandonnera pas, que la mort ne nous éloignera pas de Lui, mais qu'elle ouvrira les portes du monde éternel et infini de l'Amour Divin.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

jeudi 26 décembre 2019

AIDEZ LE MONASTERE DE LA TRANSFIGURATION DE TERRASSON LA VILLEDIEU


Commencé en 2014, le projet de construction en 4 phases est aujourd'hui bien avancé.Les phases 1 à 3 sont achevées grâce aux économies du Monastère et au soutien de nombreux donateurs. Aujourd'hui, la façade ouest du catholicon (l'église) commence à prendre son aspect définitif avec la construction du mur extérieur de parement en pierre. Après la pose d’une mousse isolante sur le béton, les maçons ont entamé, depuis le début du mois de mai 2019, l’élévation du mur de parement extérieur.Les travaux avancent vite et déjà on ne peut qu’admirer les variations de teintes douces entre le rose et l’ocre des pierres calcaires provenant de carrières de la région de Sainte-Enimie (Lozère).Les ouvertures dans le mur ont reçu leurs encadrements extérieurs en pierre, surmontés de très beaux arcs byzantins.
Il reste à poser les vitraux en onyx et leurs huisseries !

Pourquoi choisir l'onyx plutôt qu'une autre technique pour clore les ouvertures de l'église ?

L’onyx est une pierre translucide, de la famille des marbres.
Une pierre qui laisse passer la lumière est l’illustration de la "transfiguration de la matière", ce qui convient bien à une église dont le patronage est justement la Transfiguration. Pierre et lumière sont unies et irradientà l’image du Christ qui, "transfiguré sur le mont Thabor" selon les évangélistes, laissait transparaître la gloire de sa nature divine à travers sa nature humaine visible par tous et toujours.

Faire un don pour les vitraux, c’est participer à la création du Beau, image du resplendissement de la Gloire de Dieu sur la terre
Le projet architectural, tel qu'il a été défini par le père Élie et le cabinet d'architecture Emmanuel HEMON, a pris soin de respecter les traditions.
D'inspiration byzantine, le catholicon (l'église) est un ouvrage original s'apparentant aux églises de Constantinople des VIème et VIIème siècles, autant qu'à l'église San Vitale à Ravenne (Italie) ou à lachapelle Palatine d'Aix-la-Chapelle (Allemagne).
LIEN POUR PARTICIPER AU FINANCEMENT: http://www.monastere-transfiguration.fr/

mardi 24 décembre 2019

Père André Nikolaïdi: Médias sociaux et vie spirituelle



Les moyens de communication modernes font irruption dans la vie privée et les chrétiens orthodoxes ne font pas exception. Presque tous les paroissiens et clercs s'illuminent périodiquement le visage avec la lumière bleutée d'un écran de smartphone ou s'assoient devant un ordinateur pour se connecter à des réseaux sociaux, discuter avec des amis, trouver des nouvelles, lire des enseignements édifiants et des citations de personnes sages et parfois très sages envoyées d'un groupe à l'autre sous forme de toutes ces images et cartes émouvantes. Dans l'immensité du réseau mondial, un certain terme s'est déjà formé - "orthonet". Il désigne le segment orthodoxe de l'Internet.

En effet, Internet est une excellente chose qui vous permet de recevoir et de fournir instantanément de l'information, d'apprendre, de partager des expériences et, surtout, de communiquer. Et tout chrétien orthodoxe peut utiliser cet outil pour l'aider dans sa croissance spirituelle. Probablement, les sermons accusateurs de certains chrétiens orthodoxes zélés et déraisonnables, rejetant toute nouvelle invention de l'esprit humain et déclarant l'ordinateur, le téléphone et Internet comme une obsession diabolique, ont disparu depuis longtemps. A cet égard, il convient évidemment de rappeler les mots justes d'un des hiérarques vénérable et respecté: "Il est plus facile d'appeler la télévision démon que d'aller à la télévision et d'y prêcher". 

La même logique, sans doute, convient pour caractériser l'attitude d'un chrétien face aux dernières inventions de l'humanité, y compris l'Internet. Après tout, les apôtres utilisaient l'équipement technique de leur époque - ils naviguaient sur des navires, voyageaient sur des chars, envoyaient des lettres à leurs disciples, etc. Et les saints de tous les temps n'ont pas eu peur et n'ont pas refusé diverses innovations. Par conséquent, nous, enfants de notre temps, pouvons et devons utiliser les avantages que nous offre cette époque.

Mais parfois, beaucoup de gens oublient qu'il y a toujours deux versions pour chaque histoire. Et, en donnant au chrétien orthodoxe de nouvelles occasions de prêcher l'Évangile et de grandir dans la vie spirituelle, l'Internet comme le World Wide Web nous offre de nouvelles formes de tentation, qui peuvent  annuler toutes nos bonnes entreprises.

La toute première tentation est probablement la tentation du temps. Ce n'est pas un hasard si, parmi les utilisateurs du World Wide Web, il y a un dicton plein d'amère ironie : "Internet est un pays des merveilles, vous allez en ligne pendant une heure, mais disparaissez pendant une journée." En effet, la communication dans les médias sociaux et les messageries instantanées, le visionnement d'innombrables sites Web et vidéos sur YouTube créent une telle dépendance qu'une personne perd la notion du temps. Et puis il s'avère qu'il n'y a pas assez de temps pour prier et lire l'Evangile. 

Vous vouliez faire une bonne action - partager une citation d'un saint Père avec un ami en Christ, mais vous vous en êtes pris à une canaille dans les commentaires, vous l'avez maudit, vous avez perdu votre tranquillité d'esprit, vous n'avez pas pu prier et vous avez perdu votre journée pour l'Eternité avec un cœur agité. 

Parfois, la lecture de nouvelles ou de messages sur Internet fait perdre à un chrétien un état d'esprit paisible et calme et lui fait perdre l'occasion de prier calmement. Ceci est particulièrement familier aux jeunes et aux enfants qui n'ont pas encore appris à contrôler et à gérer correctement leur temps. Que faut-il faire, alors ? Refuser l'Internet et les médias sociaux ? Apparemment, s'il n'y a absolument aucune force pour résister à la tentation, une telle façon de sortir de la situation peut s'avérer être la seule bonne, car elle peut vous sauver de la dépendance à Internet.

Mais le plus souvent, on peut se contenter de méthodes moins radicales. Vous avez simplement besoin de gérer votre temps correctement. Il suffit de décider combien de temps nous pouvons consacrer à fouiner par jour dans notre propre gadget mobile? Une heure ou une demi-heure, à condition que toutes les tâches urgentes soient résolues et que tous les actes nécessaires soient accomplis ? Réglons alors notre réveil pour le temps dont nous avons besoin et quand il sonne, éteignons impitoyablement tout et procédons à la chose la plus nécessaire et la plus importante : la prière.

Une autre tentation est une forme spéciale de vanité, qui trouve son expression dans la course. Le prêtre affiche une pensée salvatrice sur Facebook ou écrit un bon sermon et jette un coup d'œil à l'écran à chaque minute - qui le commente, qui aime son idée, combien l'aiment ? La question se pose alors : pour qui faites-vous cela, pour qui prêchez-vous ? Si vous faites cela pour le Christ, si vous comprenez que vous faites l'œuvre de Dieu - eh bien, pourquoi vous souciez-vous alors de la réaction du monde ? Vous êtes un semeur, votre affaire est de semer, et Dieu Lui-même va faire croître et moissonner. Si cette activité est accomplie par un berger pour satisfaire l'orgueil et la vanité, alors une si mauvaise excuse pour un prêtre peut à juste titre être appelé un adultère de la parole de Dieu.

Dans la communication dans les médias sociaux et dans divers groupes orthodoxes, il y a une tentation subtile, qui est très dangereuse tant pour le pasteur que pour le laïc. C'est un danger que de confondre faussement un groupe artificiellement limité de personnes avec une attitude particulière pour le monde réel et une situation réelle dans ce monde. C'est très pratique et confortable de se cacher dans son petit monde, dans son "cas" et de censurer agressivement tous ceux qui ne sont pas d'accord avec son opinion. 

Quelqu'un écrit un commentaire qui ne correspond pas à votre opinion - il suffit de l'interdire, et pas de problème. Et encore une fois, tout est bon, douillet et confortable. Mais nous devons comprendre qu'Internet n'est pas du tout un monde réel, mais seulement sa simulation, tantôt lumineuse, tantôt laide, mais toujours déformée, sans refléter toute la richesse de la vie dans toute sa diversité. Et pour ne pas entrer dans cette pseudo-réalité pour toujours, il faut se donner l'opportunité de respirer l'air de la vraie vie. 

Pour le clergé, c'est la communication la plus productive avec les vrais paroissiens, la solution de leurs problèmes spirituels, la prière pour eux et avec eux. 

Pour les laïcs - une communication fréquente avec le Père spirituel et le désir de ne pas tomber de la réalité de la communion avec Dieu dans la douce "orthodoxie" féérique, qui n'a rien à voir avec la véritable Orthodoxie.


Parfois, la communication sur Internet cherche à remplacer la communication la plus importante - avec le prochain. Ce n'est pas un hasard si un enfant a dit un jour : "J'aimerais tellement être le téléphone de ma mère pour qu'elle passe plus de temps avec moi !" Nous devons comprendre qu'aucune communication virtuelle ne peut remplacer la joie de communiquer avec notre famille. Et si l'Internet et le téléphone rendent nos enfants malheureux, pourquoi en a-t-on besoin ? Si Internet et le téléphone deviennent nos téraphim - des dieux de la maison, dévorant notre communication et notre bonheur familial, alors nous serons condamnés avec les idolâtres.

Il est probablement important que chaque chrétien apprenne, en rentrant à la maison, à éteindre son téléphone et sa tablette, à éteindre son ordinateur et son ordinateur portable, sans plus y prêter attention. Alors notre vie nous ouvrira de nouvelles facettes et de nouvelles perspectives, et ne se rétrécira pas et ne diminuera pas, se concentrant progressivement sur une seule chose - l'électronique.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
la version anglaise de
et
(en russe)



lundi 23 décembre 2019

Serge Guerouk: BIENHEUREUSE OLGA, FOLLE-EN-CHRIST DU COUVENT FLOROVSKY DE KIEV, UNE "FOLLE POUR LE CHRIST" [4/4]


Un paroissien local du village de Vishnyovoye près de Kiev Valentina K. raconta :

"Chaque matin, à quatre heures du matin, la Bienheureuse Olga et Mère Marie se rendaient sur la colline de Saint Vladimir pour prier. Elles avaient encore un long chemin à parcourir. Ma tante, qui allait toujours travailler de Podil à Pechersk par le premier tramway, a souvent vu les deux femmes ascètes se dandiner en descente, enveloppées dans un foulard.

Un jour, ma tante a été témoin de l'événement suivant. La moniale Olga se jeta sur l'une des moniales près de la source du couvent près de l'église de l'Ascension. Olga la renversa et commença à " sauter " et à faire des mouvements de danse sur elle. Effrayée, la gardienne Maria saisit les mains de la bienheureuse : " Qu'est-ce que tu fais ? Qu'est-ce que tu fais ? Arrête ! Arrête ! Tu vas la mutiler ! Olga s'est finalement calmée et s'est retirée très joyeusement. Le lendemain, ma tante rencontra la moniale " offensée " et lui demanda avec sympathie : " Oh, pauvre petite chose ! Olga t'a battu si fort hier ! Mais la moniale répondit : "Mon bras a été paralysé pendant deux ans, mais maintenant je peux le bouger - j'ai été guérie !""

***

Un jour que la moniale Olga est tombée dans sa cellule et s'était cassé la jambe. Les sœurs appelèrent immédiatement une ambulance. Mais la staritza répondit : "Que ceux qui ont appelé l'ambulance reçoivent le traitement. Quant à moi, je souffrirai pour mes péchés et les péchés du monde entier." Ainsi, la bienheureuse femme endura des tourments pendant trois ans - les moniales devaient la retourner dans son lit et la nourrir. Finalement, l'os brisé s'est progressivement ressoudé. C'est ainsi que la sainte femme supporta encore trois années de souffrance sans murmurer.

La bienheureuse Olga habitait là.

    
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La bienheureuse Olga disait aussi : "Toutes les moniales sont des higoumèness. Et je suis aussi higoumènee." Quelqu'un lui demanda : "Comment est-ce possible, mère ? Nous n'avons qu'une seule higoumène." Et elle répondit : "Ne sois pas bête. Chacune de nous s'enferme dans sa cellule et peut prier autant qu'elleveut. Elle est donc sa propre higoumène."

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Dans les années 1960, l'archiprêtre Eugène Baliy dit à la bienheureuse Olga après ses farces habituelles : "Mère, si tu continues à agir de la sorte, je ne te donnerai plus la communion et je ne t'enterrerai pas quand tu mourras". "Mais tu n'auras pas à le faire, de toute façon Batioushka," répondit-elle. "Tu n'as plus que sept jours à vivre." Le Père Eugène eut peur. A partir de ce jour, il célébra tous les offices avec un respect particulier et pria avec ardeur. Il vécut exactement sept ans après cette conversation et précéda le décès de la bienheureuse Olga.

***

Un jour, deux moniales étaient assises sur un banc dans le jardin. Il n'y avait personne autour d'elles. Elles ont eu la conversation suivante : "Pourquoi Mère Olga ne se signe jamais ? Elle ne le fait ni à l'église ni au dehors." Le lendemain, elles étaient assises sur le même banc, quand la bienheureuse Olga s'approcha d'elles, s'assit entre elles et dit : "Elles disent que je ne me signe pas", et elle fit le signe de croix.

***

Au début des années soixante, on tenta de fermer le couvent et presque toutes les moniales en furent expulsées. Une personne des autorités vint et dit aux moniales : "Faites vos valises et déménagez dans des appartements." Après cela, quelques moniales partirent, tandis que d'autres sont restées et ont attendu la réaction de Mère Olga. Cette dernière passait la majeure partie de son temps à l'église de l'Ascension à cette époque. Quelques jours plus tard, elle dit aux sœurs : "Déballez vos affaires." Bientôt Khrouchtchev fut forcé de prendre sa retraite, et de nombreuses moniales revinrent au couvent.

Sur la tombe de la bienheureuse Olga.

***

Maria, la gardienne de cellule d'Olga, a vécu avec la staritza pendant près de cinquante ans. Quand la sainte femme était sur son lit de mort, on lui demanda par l'intermédiaire de la gardienne Maria ce qu'elle voulait transmettre à ses enfants spirituels comme son dernier testament. Et la sainte femme dit : "Dites ceci à tous ceux qui me connaissent : S'ils se souviennent de moi et prient Dieu, j'intercéderai aussi pour eux devant le Tout Puissant.

Ce sont les dernières paroles de la bienheureuse Olga du couvent Florovsky.

Bienheureuse Mère Olga, prie Dieu pour nous!

Version française Claude Lopez-Ginisty