"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 18 mai 2019

Sagesse spirituelle du staretz roumain Proclu: LE COEUR QUI EST REMPLI DE COLÈRE NE PEUT PAS RECEVOIR L'ESPRIT SAINT !

Moine Proclu (Nicău)

Le staretz Proclu naquit le 13 novembre 1928 dans le village roumain de Micolu Belan, dans la région de Neamts. A l'âge de douze ans, il partit pour le monastère de Sihastria, où il vécut comme novice pendant huit ans et y reçut la tonsure monastique en 1948. 

Le moine Proclu était un fils spirituel fidèle de l'archimandrite Cleopa (Ilie) et il suivi ses paroles toute sa vie. En 1959, commença en Roumanie, la campagne  contre les monastères, quand ils furent fermés tous les moines qui n'avaient pas atteint l'âge de la retraite furent expulsés. Le Père Proclu en faisait partie. Il avait trente et un ans. Avec la bénédiction de du staretz Cléopa, il retourna dans son village natal et commença à vivre la vie érémitique, se réfugiant dans une pauvre hutte. Le Père Proclu passa le reste de ses cinquante-huit années de vie dans ce labeur ascétique et, le 27 janvier 2017, il partit paisiblement vers le Seigneur en la quatre-vingt-neuvième année de sa vie.

***
    
Faisons tout par amour !

Je suis heureux que vous soyez à la recherche du Seigneur Jésus-Christ. Quiconque s'accroche à l'Église acquerra le paradis. Pour qui l'Église est Mère, Dieu est son Père. Sinon, c'est en vain que nous prononçons la prière, "Notre Père". Quiconque prie le "Notre Père" doit accepter l'Église comme sa mère.

En arrivant à l'endroit où il est écrit : "Et pardonne-nous nos dettes, comme nous pardonnons à nos débiteurs"[1], nous devons nous demander si nous n'avons offensé quiconque d'une manière ou d'une autre sans jamais demander pardon pour cela. Ou, quelqu'un nous a-t-il déjà demandé de pardonner son erreur et nous ne lui avons pas pardonné ? Si je ne fais pas ce qui est dit dans la prière, cela signifie que je mens quand je prie, et que je ne suis pas un véritable enfant de Dieu.

En vérité, on ne peut dire le "Notre Père" que si l'on pardonne à tous ceux qui nous ont causé des souffrances, des difficultés, ou ont péché de quelque manière que ce soit contre nous. Celui qui ne pardonne pas, je ne sais pas comment il peut réciter cette prière. De telles personnes se trompent cruellement.

Le plus grand problème de notre époque est l'inimitié. Le cœur qui est rempli de colère ne peut pas recevoir l'Esprit Saint !

Quand vous êtes pris par le souvenir des torts, votre cœur est rempli de colère et votre âme sent qu'elle est en enfer. Au mieux de nos capacités, ne nous vengeons pas de ceux qui nous offensent. Ne nous souvenons du mal de personne ; et si quelqu'un nous dérange, prions pour lui : "Seigneur, pardonne à celui qui m'a contrarié !"

La meilleure façon de vaincre le Diable est de faire preuve de patience. Tant que nous endurons et que nous ne nous vengeons pas, l'esprit de paix nous calme. Dans la mesure où nous prions pour nos ennemis et où nous nous blâmons nous-mêmes, nous sentirons une grande paix dans notre âme. Et si nos pensées nous disent que " tel ou tel est aussi à blâmer et pas seulement moi ", et que cette pensée nous conquiert, alors l'Esprit Saint nous quitte, nous commençons à sentir la lourdeur dans notre âme, et nous ne pouvons plus la supporter.

Si une personne n'a pas d'humilité, alors après de nombreux châtiments, coups et peines, elle commence à reconnaître qu'elle n'est rien d'autre qu'un animal, une bête, et parfois même inférieure à une bête. Alors elle commence à chercher la Vérité, la Lumière, et elle a honte d'avoir péché. Et s'il lui reste encore des jours dans sa vie, elle commence à se repentir. Mais si elle ne le fait pas... Que Dieu nous protège !

Les peines et les épreuves nous aident à acquérir le don de la sérénité et de l'humilité. Le don de la sérénité s'acquiert surtout chez ceux qui ne veulent pas se venger.

Si je veux aider quelqu'un, je dois l'aider avec miséricorde ; je dois avoir pitié de lui, et tout ce que je lui dis doit être dit avec miséricorde. Je n'arriverai à rien en grinçant des dents, car c'est le commandement du Seigneur que de tout faire avec amour.[2]

Le jugement que l'on porte sur notre prochain éloigne l'activité de l'Esprit Saint

Dans les situations difficiles, comme en prison, la prière du soir  est très utile. Prions le Dieu Bon  de tout notre cœur ! Et ce faisant, afin que notre prière soit acceptée, n'ayons de rancune envers personne ; et si quelqu'un nous en veut, il n'obtiendra rien, tant que nous n'aurons pas de rancune envers quiconque. Alors notre prière sera agréable à Dieu. C'est une grande chose de prier sans avoir aucun désagrément avec quelqu'un d'autre ! La prière nocturne est très précieuse.

Certains viennent me voir et me disent : "Untel m'a jeté un sort et le Diable est entré en moi. Je suis tourmenté ; je suis allé aux offices de l'onction, à l'église, mais sans résultat.

Je leur dis : "Regardez, ces prières sont d'une grande aide si, quand vient le temps de s'endormir, nous ne nous endormons pas l'esprit distrait, mais nous nous endormons en priant et que nous ne portons aucun mal contre quiconque.

Tant que je considère qu'un tel ou tel m'a jeté un sort, ma prière n'a aucun pouvoir. Le Saint-Esprit aide quand nous ne portons aucun mal contre quiconque.

S'il m'arrivait de juger quelqu'un ou de dire du mal de quelqu'un, je pourrais corriger ce péché en me confessant, en me souvenant de cette personne en prière et en ne disant jamais du mal de lui.

Si nous voyons que quelqu'un nous regarde avec colère, nous devons prier en pensant pour lui que le Dieu Bon lui apporte la paix. Cela aide beaucoup à gagner une personne qui a de l'inimitié envers vous. Un ennemi peut être conquis de cette façon : avec des cadeaux et un mot gentil. Alors le Saint-Esprit chasse les mauvais esprits qui l'ont emmené captif, et il fait la paix.

Celui qui ne veut pas aller à l'église et prendre un bon départ a une conscience qui ne lui fait plus de reproches, et Dieu l'abandonne. Et puis, puisque le Saint-Esprit l'a abandonné, le Diable prend le dessus sur lui avec force et il peut finir par se noyer, ou tomber sous une automobile, ou même se pendre.

Ne luttez pas contre une personne ; nous devons lutter contre l'esprit du mal. Notre combat est comme ça : Nous ne pouvons rien faire par notre propre force, mais l'Esprit Saint nous aide à la mesure de notre prière avec humilité. [3]


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

NOTES:
[1] Autre versiuon de la phrase du Notre Père, pardonne-nous nos offenses... "Que tout ce que vous faites, se fasse par amour" 1 Corinthiens 16:14

[2] "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (Jean 13:35).

[3] D'après le livre: Moine Proclu Nicau, Conscience, Dis-moi! (Monah Proclu NicăuConștiință, spune-mi tu. Sfânta Mănăstire Putna, 2016).



vendredi 17 mai 2019

Hésychie


C’est simple. Permets-moi de le dire: n'abandonne pas. Tout ce qui te fait penser que cela en vaut la peine, tout ce qui est bon, tout ce qui rend ton cœur vraiment heureux, traque-le, ne le laissez pas partir. C’est si simple. Notre vie est trop courte pour laisser le temps courir inutilement. Indifféremment.

As-tu eu l’opportunité de rendre les choses plus belles? Ne la laisse pas se perdre! Au Nom de Dieu! Même si tout est contre toi, bats-toi ? Tu m’entends? En toi l'espoir est toujours là. Et il attend pour te sourire. Car il nous sourit toujours du côté opposé. Par tout homme que nous rencontrons. À chaque occasion. À chaque respiration. Dans chaque soupir et larme. Dans chacune de nos prières profondes.

Nos mains peuvent peindre les vents. Notre cœur – autant que cela est possible - peut encore sourire. Les fleurs à l'extérieur de la tombe du Christ nous indiquent le chemin. La beauté révoltée, les innocents, cela seulement peut changer le monde. Crois-le. Et tu verras comment ta vérité changera avec le temps. Silencieuse. Humble. Douce.

Version française Claude Lopez-Ginisty


Protodiacre Kedroff : à propos de la situation de l'Archevêché des églises orthodoxes russes


A noter que : la divulgation de cette lettre a été autorisée par l'auteur
Chers Pères, le Christ est ressuscité ! Bénissez !
Je me permets de réagir à votre courrier relatif au destin de l'Archevêché (et par là même, à d'autres avis qui se sont exprimés ces derniers temps). En premier lieu, je déplore l'utilisation de cette phrase de l'apôtre Paul, citée hors contexte, et épinglant à mots couverts une Église Orthodoxe. La compréhension de la "liberté en Christ" signifierait, selon l'Apôtre, qu'il faille se soustraire à toute obédience patriarcale ? Le "joug de l'esclavage" consisterait en notre inféodation au Patriarcat de Moscou ?
Mais il n'est pas nécessaire d'avoir fait une année de théologie pour comprendre que l'Apôtre parle du joug du "monde", joug qui est étranger au christianisme (du monde païen, en l'occurrence) et de celui du péché. Et vous dites qu'il faut s'abstenir de la politique. Mais votre exégèse est purement politique et non spirituelle.
Proclamer notre autonomie : pour qui nous prenons-nous, pour prétendre revendiquer l'autonomie, après seulement quatre-vingt-dix ans d'existence, alors que nous n'avons même plus la possibilité de nous "offrir" un deuxième évêque ? Aussi, il n'y a personne pour ne pas comprendre qu'une telle auto-proclamation nous couperait de l'ensemble de l'Eglise et nous mettrait en situation de schisme. Et vous invoquez l'esprit d'unité ? Mais c'est la division que vous prêchez, et non la réconciliation. D'ailleurs, qui vous suivrait dans une telle aventure ? Pour moi, je vous demande pardon, c'est de l'aveuglement !
Quand vous évoquez les Églises qui, après plusieurs siècles d'existence, ont déclaré vouloir se soustraire au Patriarcat qui les avait engendrées, comment pouvez-vous les comparer à notre pauvre diocèse. Celles-ci ont montré des fruits autrement plus probants. Un peuple entier était devenu chrétien, l'Orthodoxie était devenue l'étendard de toute une nation, des dizaines ou des centaines d'évêques pouvaient assurer la pérennité de cette Église, un peuple fervent et nombreux y priait, on y trouvait monastères, séminaires et écoles de théologie, enfin, pardonnez-moi du peu, de nombreux saints y étaient glorifiés... Tout cela contribuait au témoignage d'une Église mâture qui fit ses preuves. Et nous, que pouvons-nous présenter ? L'absence de monastères, une pénurie de candidats à l'épiscopat, la déshérence d’une école de théologie, la dérive d’un diocèse en fin de course, divisé de surcroît, bref, l'annonce d'un naufrage.
Et malgré ce constat, on se croit important, on se trouve reluisants et dignes d'être convoités. Chers Pères, frères et sœurs, ouvrez les yeux, faites preuve d'un peu de modestie et de sens spirituel. Ne discernez-vous pas l'état dans lequel nous nous trouvons ? Même le Patriarcat Œcuménique ne nous juge plus digne d'exister. Bien sûr, il faudrait de longues pages pour analyser les causes des divisions internes qui rongent notre Archevêché depuis des décennies et qui expliquent, hélas, les carences actuelles. Je le répète, ouvrons les yeux, ne nous aveuglons pas en nous imaginant ce que nous ne sommes pas. En un mot : montrons un peu d'humilité.
Aujourd'hui, le Seigneur a fait preuve de bonté envers nous : nous avons un Archevêque. Nous n'en avons plus qu'un, mais nous l'avons quand-même. Je vous pose la question : Où est-il prescrit dans la tradition spirituelle de l’Eglise qu'il faille continuellement s'opposer à lui, revendiquer, contredire et faire preuve d'insoumission comme nous le faisons ? Est-ce au nom de la "liberté" spirituelle prescrite par l'apôtre Paul ? Est-ce pour ne pas se soumettre au "joug" de l'esclavage ? Mais nous ne sommes pas des syndicalistes pour définir la "liberté en Christ" sous cet angle sociologique. Et qu'on n'invoque pas le concile de Moscou de 1917-1918 pour nous justifier, car c'est ici l'esprit du "monde" qui anime nos prétentions et non celui de l'Eglise. Si les Pères du concile sus-cité avaient vu par avance la manière dont on en exploiterait les thèses au XXIe siècle, ils l'auraient abrogé à l'unanimité pour ne pas cautionner une telle dérive.
La Providence de Dieu nous a mis dans une situation où il n'y a plus d'alternative (si l'on veut prétendre à exister encore). Ce n'est pas une option, c'est un Jugement que Dieu émet sur nous. Nos pères ont semé, certains ont fait fructifier, mais aujourd'hui, force est de constater que la récolte est maigre, beaucoup de fleurs se sont fanées, il n'y a pas de quoi se pavaner, car c’est la survie de notre diocèse qui est en question. Pourquoi cela ? Nous devrions nous poser la question... Si l'on lit attentivement l'enseignement de l'apôtre Paul, il ressort au contraire que la liberté se trouve dans l'obéissance au Christ. Or, comment discerner la volonté du Christ ? Elle est dans l'obéissance à l'Eglise. Que nous prescrit l'Eglise ? L'obéissance à l'évêque et à la Tradition canonique et dogmatique de Celle-ci. Discernons les signes des temps. Les temps sont mauvais. Les voies dans lesquelles s'est aujourd'hui engagé le Patriarcat de Constantinople nous laissent perplexes. Il n’est pas question ici de la politique, mais de la conception même de l'Eglise. Toutes les Églises orthodoxes expriment leur trouble. Douze "startsy" du Mont-Athos sont sortis de leur silence et ont exprimé par écrit leur condamnation absolue des dérives canoniques et ecclésiologiques empruntées par le Patriarcat Œcuménique. La situation est grave.
Pour moi, le Seigneur a permis que nous soyons témoins de ces dérives quelques semaines avant que notre Exarchat soit dissout précisément par le Saint-Synode patriarcal. Après examen attentif, il est apparu qu'aucune autre solution qu’un retour au Patriarcat de Moscou n’est capable de garantir la survie de notre Archevêché. Aucune autre voie n'est ouverte (je parle bien entendu des voies qui respectent le Droit canonique orthodoxe). C'est ce que notre Archevêque a discerné. Les autres "solutions" sont des aventures dénuées de fondement et de justification canoniques. Elles sont vouées à l'échec. J'ajoute : l'Eglise ne nous appartient pas. Elle appartient au Christ. Ne prenons pas le risque de nous être opposés à la volonté de Dieu, n'irritons pas le Seigneur par des revendications inconsidérées. Faisons preuve d'humilité et, son corolaire, l'obéissance. Car pour l'instant, nous créons beaucoup d'agitation en même temps que nous affligeons beaucoup notre Archevêque.
Par la grâce de Dieu, une grande majorité de notre Archevêché a voté la conservation de l'intégrité de celui-ci, et se montre disposé à marcher à la suite de notre archevêque Jean. Je vous implore aujourd'hui : que les choses soient paisibles et se déroulent "dans l'ordre" comme dit l'Apôtre. Je ne dis pas cela pour défendre une idéologie ou une vision nationaliste de l'Eglise. Certes j'ai des préférences, mais j'essaie ici d'être objectif et de considérer ce qui apparaît le mieux pour le plus grand nombre. Pour cela, je m'appuie sur les critères spirituels et sur les canons de l'Eglise. Combien de temps encore allons-nous danser sur les deux jambes ? Nous sommes tous fatigués de cette situation. On ne peut plus attendre indéfiniment. Il faut maintenant trancher. Nous ne pouvons plus rester dans l'incertitude ecclésiale dans laquelle nous nous trouvons. Une dernière fois : faisons preuve d'humilité et cherchons VRAIMENT la volonté de Dieu et non pas nos intérêts privés qui ne mènent à rien. Je demande pardon si j'en ai blessé quelques-uns. J'ai taché d'être sincère et de dire ce qui me semble vrai. Je n'ai d'hostilité envers personne mais je ne veux pas être témoin du naufrage de notre diocèse.
En vérité, le Christ est ressuscité ! Bénissez, chers Pères.
Protodiacre Alexandre Kedroff.
SOURCE
Alpha & Oméga

L'Orthodoxie aujourd'hui

Analyses et actualités du monde Orthodoxe 

jeudi 16 mai 2019

SOLIDARITE KOSOVO


100.000€ de rénovation pour les écoles du Kosovo !
L’état était sans appel pour les écoles chrétiennes de Binač, Budriga et Zupče en matière de salubrité, sécurité et commodité. Mais c’était sans compter sur l’aide de Solidarité Kosovo. Avec plus d’un tour dans son cartable, l’ONG française a dédié une enveloppe de 100.000€ pour la rénovation complète de ces trois établissements scolaires qui accueillent désormais en toute sécurité 200 écoliers.
Au cours de la journée inaugurale marquant la fin des travaux de rénovation scolaire,les élèves de l'école de Zupče tenaient une pancarte avec le portrait d'Arnaud Gouillon, Directeur de Solidarité Kosovo, dont l'interdiction de séjour au Kosovo injustement infligé par les autorités albanaises est toujours en cours. Un bel hommage en image !

Patrimoine scolaire : une priorité renouvelée
Initié en 2012, le chantier de réfection scolaire est renouvelé fidèlement pour la 8e année consécutive. Cette année, la tranche de rénovation concerne les écoles primaires de de Binač, Budriga et Zupče sélectionnés à partir de critère de vétusté, d’hygiène et de conditions de travail. Une attention particulière a été portée à l’isolation et à l’hygiène.
Les sanitaires rénovés dans l'école de Zupče

Si l’instruction est un puissant moteur de développement, le lieu où elle s’exerce n’en est pas moins prépondérant.  Alors que l’école joue un rôle crucial dans le retour à la normalité et dans la transmission de la mémoire collective, elle continue d’être sacrifiée au Kosovo-Métochie au détriment des élèves serbes. Pourtant, le retour à une vie normale est essentiel pour que ces enfants chrétiens puissent se reconstruire et construire leur avenir. Dans ce sens, Solidarité Kosovo insiste sur la nécessité d’un environnement scolaire sûre et sain, bien souvent le seul espace de quiétude pour ces enfants qui subissent une exclusion sociale de fait.
Correspondant humanitaire de Solidarité Kosovo, Père Serdjan assistait au spectacle des écoliers 
organisé en l'honneur de la fin des travaux scolaires

L’école de Binač accède à l’eauGrâce aux trois mois de travaux intensifs supervisés par Solidarité Kosovo, les travaux de réhabilitation dans les trois écoles ont été menées à bien. Les travaux ont notamment concerné l’étanchéité, la plomberie, la boiserie, la peinture et la vitrerie. Sur les trois chantiers, l’objectif était commun : rétablir la sécurité des lieux et améliorer les conditions scolaires des enfants chrétiens malmenés par un destin peu clément.

Une salle classe réhabilitée dans l'école de Budriga



L’école de Binač en est le parfait exemple puisque les écoliers étaient jusqu’à lors privés d’eau potable. Depuis que Solidarité Kosovo a forgé un puits aux abords de leur établissement, les petits résidents ont enfin accès à de l’eau potable via un bloc sanitaire construit au cours de la même tranche. Une ressource qui nous paraît évidente alors qu’elle a été vécue comme un véritable cadeau de Pâques à l’école de Binač!




Apprendre et s’épanouir dans un espace adapté 
C’est un chantier qui lui tient particulièrement à cœur de renouveler tant son rayonnement sur les plus jeunes âmes du Kosovo est bénéfique. Solidarité Kosovo vous remercie pour votre aide qui lui a permis d’intervenir auprès des populations les plus isolées dans les zones serbes du Kosovo-Métochie en renouvelant son programme de réhabilitation du bâti scolaire. Les écoliers de ces trois établissements, tous traumatisés par les épisodes de violence récurrents qu’ils vivent depuis leur naissance, disposent désormais de conditions scolaires dignes et décentes. Pour beaucoup de familles chrétiennes, l’école n’est pas seulement un vecteur de savoirs, c’est un également un lieu «refuge » où les enfants peuvent se reconstruire, espérer et imaginer.


Dans la cour d'école, les jeux sont utilisables en toute sécurité

Le regard franc et doux d'une collégienne



La récitation de poésie




Exercice un peu oublié en France, la récitation de poésie est la parure de toute cérémonie scolaire en Serbie. 

Pas une kermesse, pas une inauguration ne se passent sans entendre de belles proses. Parfois murmurés, parfois déclamés, ces doux mots récités souvent en ouverture de manifestation sont toujours appréciés du public.

"Donner une voix à la poésie" est une pratique qui n'a jamais cessé d'être pratiqué à l'école et se transmet comme un élément traditionnel culturel en Serbie. 

Solidarité Kosovo a même été mis à l'honneur dans une école rénovée qui lui a composé un poème... en alexandrins !


Les fameuses récitations tenues en l'honneur de l'inauguration des travaux scolaires

L'équipe de "
Solidarité Kosovo"
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mercredi 15 mai 2019

Valeria Mikhailova: ST. ALEXIS [METCHEV] : JE NE VEUX PAS ÊTRE FIGE!

Photo de Kirill Milovidov

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Moscou à la fin du XIXe siècle. Les idées des nihilistes et des révolutionnaires affirmant que les gens sont des dieux et des tsars eux-mêmes deviennent de plus en plus véhémentes. Dans les villes, les gens ne communient qu'une seule fois par an à Pâques. Dans les écoles de théologie, on peut souvent rencontrer des gens qui traitent le sacerdoce comme un métier ordinaire. Pour beaucoup de gens, la foi était simplement devenue une tradition.

Dans ce contexte troublant, on entend encore sonner tous les jours les cloches des églises. Dans la petite église Saint-Nicolas du district de Klyonniki, dans le centre de Moscou très peuplé, un prêtre de petite stature ouvre les Portes Royales et proclame : "Béni est le Règne du Père, et du Fils et du Saint Esprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles...".Pourtant, personne ne vient à l'office.

Saint Prêtre Alexis

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"Chaque fois que je passe devant votre église, j'entends les cloches sonner, lui dit un jour un archiprêtre, mais quand j'entre, je vois que l'église est vide... Vous ne réussirez à rien. Vous perdez votre temps à faire sonner les cloches !" Le Père Alexis a entendu ces paroles à maintes reprises, mais il a continué à faire les offices pendant huit années de suite, sans manquer une seule journée.

Cent ans plus tard, ce prêtre ordinaire et modeste sera canonisé et connu sous le nom de de Saint et Juste Alexis de Moscou, thaumaturge et visionnaire. Au début du XXe siècle, les gens venaient le voir en grand nombre pour lui demander conseil, et même aujourd'hui, des miracles se produisent grâce à la puissance de ses prières.

Bienheureux Aliochenka

La réalité du Ciel et de Dieu était évidente et claire pour beaucoup de futurs saints depuis leur jeune âge, et c'est pourquoi ils semblaient souvent différents des autres personnes. Nous le savons à partir de diverses hagiographies, mais il y en a aussi des exemples au XXe siècle. Par exemple, Jean Maximovich, le futur archevêque de Changhai et de San Francisco, était considéré comme étrange et excentrique. Même quand il était enfant, il ne pouvait pas passer devant une église sans s'arrêter et faire lentement le signe de croix et s'incliner. Oubliant les gens autour de lui, il ne se sentait pas du tout mal à l'aise. Un jour pendant ses années dans une école de cadets, le futur archevêque sortit du groupe de cadets lorsqu'ils passaient devant une église pendant un défilé, fit le signe de la croix et courut vers les rangs. Il fut sévèrement réprimandé pour cela par ses officiers supérieurs...

Le futur père Alexis Metchev était surnommé le  "Bienheureux Aliochenka" dans son enfance [1]. Son grand-père était archiprêtre à Kolomensky ouyezd [2] , tandis que son père, Alexis Ivanovitch Metchev, était maître de chapelle dans la cathédrale du couvent de Tchoudov [Miracle] du Kremlin à Moscou. Ils enseignèrent à Aliocha [3] à aimer et apprécier l'Evangile.

Monastère Tchoudov, 1959. 
Source : http://retromap.ru

"Dieu m'a donné une foi simple et enfantine", disait le Père Alexis à ses filleuls. Quand il était enfant, le "Bienheureux Aliochenka" pouvait soudain devenir très sérieux au sein d'une atmosphère de gaieté et de jeux, et quitter la pièce pour trouver une certaine solitude.

Il fut bien élevé dès son plus jeune âge. Evitant les querelles, il essayait toujours de réconcilier et de remonter le moral de tous. Il fut ainsi toute sa vie et il enseigné aux gens à vivre d'une manière telle que d'être avec eux serait facile et joyeux.

Le P. Alexis n'était pas simplement une personne gentille qui aidait certaines personnes de temps en temps. Attentif et désintéressé, il sympathisait avec chaque personne. Il ne pouvait pas faire autrement ! "Dieu n'a jamais rejeté personne, il a accueilli tout le monde et a appelé tout le monde au salut. Il était mourant mais n'oubliait personne, Il sauva le larron pénitent et pensa à Sa Mère. Je ne peux donc rejeter personne non plus ", disait le Père Alexis.

Même lorsqu'il réprimandait les autres, ses reproches étaient délicats et son ton était bon et doux, peu importe le péché ou la paresse des gens et peu importe ce qu'ils faisaient.

"Cher Petyouchka [4]!  écrivit-il  dans une lettre. "C'est avec une grande tristesse que j'ai appris qu'en ces temps de désespoir, tu t'es abaissé à te  conduire mal, à boire du vin et à fumer... et à succomber à l'ivresse. Cette fois, je te pardonnerai et te laisserai rester impuni, à condition que tu promettes de ne plus le faire. Cher Petyenka [5] ne t'inquiète pas et ta peine se transformera en joie. Dieu miséricordieux est avec toi et tous tes frères et sœurs prient pour toi. Reste en bonne santé."

On pourrait penser que c'est la lettre du Père Alexis à son propre fils ! Mais c'est ainsi qu'il traitait tous les gens, qu'il les ait connus toute sa vie ou qu'il les ait rencontrés pendant une minute. "Le monde n'a pas besoin de nos discussions, de nos opinions ou de nos jugements", écrit saint Alexis de Moscou. "Il s'effondre parce qu'il n'y a pas assez d'amour en lui!"

"Tu es si fragile... Il vaut mieux que tu deviennes prêtre !"

Les parents d'Aliocha lui apprirent à être attentionné, généreux, compatissant et sympathique. Il se souvenait toujours que sa mère avait invité sa sœur veuve avec trois enfants à rester dans l'appartement de deux pièces des Metchev à le ruelle Troïtsky, alors qu'elle avait trois enfants, Aliocha, son frère Tikhon et sa sœur Varya. Six enfants et trois adultes vivaient dans cet appartement, et il y avait assez de place et de nourriture pour tous !

Depuis sa jeunesse, le cœur compatissant d'Alexis le poussait à trouver une profession qui lui permettrait de travailler pour le bénéfice des autres, alors il voulut d'abord devenir médecin. Mais sa mère, Alexandra Dmitrievna, disait : "Tu es si fragile, tu ne peux pas être médecin, il vaut mieux que tu deviennes prêtre !" Elle avait prévu avec précision la véritable vocation de son fils.

Le Père Alexis lors d'un office de prière

Après avoir obtenu son diplôme de l'École théologique de Moscou, il fit ses premiers pas vers la réalisation de cet objectif. En 1880, il devint lecteur  dans l'église de Znamenskaya qui était située dans la rue Znamenka [6].

Ici, son amabilité et sa gentillesse furent mises à rude épreuve. Le père George, le prêtre colérique et irritable de l'église, commença à s'en prendre au lecteur de 21 ans, pour une raison ou une autre, exigeant qu'il travaille comme gardien. Il trouva toujours des fautes chez Alexis et parfois même il le frappa. Tikhon, le frère cadet d'Alexis, voyait souvent Alexis en larmes. Demander un transfert dans une autre église aurait semblé logique, mais Alexis tolérait tout sans aucune plainte. Il ne saigrit pas et ne cessa pas de se soucier des gens.

Des années plus tard, aux funérailles de son cruel supérieur, le Père  Alexis pleurait aussi, mais ce furent des larmes de gratitude, car il réalisa que par inadvertance le prêtre lui avait donné une leçon utile et l'avait aidé à surmonter ses faiblesses, dont l'égoïsme que le Père Alexis considérait être le pire défaut humain...

Ma belle épouse...

Il est souvent commode de dépeindre les saints comme des héros légendaires dépourvus d'émotions et de sentiments humains ordinaires. Mais ce n'est pas le cas. Les hagiographies contiennent rarement des détails sur les sentiments des saints, mais dans le cas du staretz Alexis, nous pouvons en apprendre davantage sur ses émotions et ses sentiments grâce à la correspondance existante avec sa femme et ses enfants.

"Ma belle... et précieuse épouse Nyouchenka... amour de ma vie, prends tes médicaments et bois plus de lait" ; "Oublie tout et pense seulement à aller mieux bientôt, trouve consolation dans la pensée que ton mari pense constamment à toi... Même si je suis 25 à 25 kms de toi, ma précieuse femme, j'ai l'impression de savoir à quoi tu penses et ce que tu fais ;" "Mon soleil"...

P. Alexis avec sa famille. Anna Petrovna, 
l'épouse du Père Alexis, est à sa gauche.

C'est ainsi que le futur saint s'adressait à son épouse, Anna Petrovna Moltchanova. Elle venait aussi d'une famille cléricale. Ils avaient une relation si charmante et si attachante !

Ils eurent cinq enfants. Alexandra naquit en 1888, la quatrième année de leur mariage. Puis ils eurent Anna en 1890. Alexis naquit en 1891 et mourut quand il avait moins d'un an. Serge, le futur prêtre martyr, est né en 1892, et Olga naquit en 1896. Même des années après leur mariage, le Père Alexis écrivit des lettres touchantes et sincères à son épouse.

"Ma chérie, tu as laissé ton bracelet et tes bagues sur ma table, mais ne t'inquiète pas pour eux, je les ai trouvés et j'apporterai tes bijoux dimanche. Je t'embrasse beaucoup. Ton Lyonechka."[8]

Anna Petrovna n'était pas exceptionnellement belle, mais elle avait un tempérament aimable et vif (c'est clairement visible sur ses photos à tout âge) et une foi forte et simple. Le Père Alexis, prêtre, ascète et futur saint glorifié, lui écrivait humblement : "Je sais que tu es une personne profondément croyante ; prie pour moi, mon ange, afin que je puisse être aussi croyant que toi".

Le 19 mars 1893, le Père Alexis devint prêtre de l'église Saint-Nicolas le Thaumaturge dans le district de Klyonniki. Il fut ordonné prêtre par l'évêque Nestor, supérieur du monastère Novospassky à Moscou. L'ordination eut lieu dans le monastère Zaïkonospassky qui se trouve encore à quelques pas du Kremlin. La paroisse était très petite et pauvre, et le Père Alexis en devint le seul prêtre. Matouchka [9] Anna partagea le service désintéressé de son époux.

Dieu connaît la profondeur du cœur de chaque personne, c'est pourquoi il envoya une compagne comme elle chez le saint, et elle joua un rôle important dans la vie du Père Alexis.

Il se souvenait toujours de sa femme comme d'une amie qui le guidait doucement et attirait son attention sur les choses qu'il négligeait. "J'étais très heureux, écrivit-il à son fils des années après sa mort, quand ta défunte mère remarquait quelque chose que j'avais mal fait et m'en parlait. Je prendrais immédiatement ses commentaires à cœur et j'ajustais mes actions en conséquence... Je ne veux pas être figé. Comme nous ne remarquons pas nos propres défauts, nous ne pouvons nous améliorer qu'avec l'aide de personnes qui nous sont proches et chères..."

Leur vie ne fut assombrie que par le fait que Matouchka Anna souffrait d'une grave insuffisance cardiaque, et avec les années la maladie progressait. Elle s'était mariée à l'âge de 18 ans et, à 36 ans, elle souffrait beaucoup d'œdème : son corps gonflait, elle se sentait faible et elle avait de la difficulté à respirer. C'était si difficile pour elle qu'à un moment donné, elle demanda à son époux d'arrêter de prier pour qu'elle reste en vie....

Anna Petrovna est décédée le 29 août 1902. Selon l'ancien calendrier paroissial, c'est le jour de commémoration de la décapitation de Saint Jean le Précurseur, jour de repentir et de tristesse où le jeûne strict est prescrit....

Rencontre avec le Juste Jean de Cronstadt

Le juste Père Jean de Cronstadt. 
Photo, début du XXe siècle.

Le père Alexis prit la mort de sa femme très au sérieux. Il s'enfermait dans sa chambre, priait Dieu et pleurait. Plus tard dans ses lettres, il avouera qu'il était très "attaché" à son épouse bien-aimée et qu'il souffrait de solitude et de veuvage...

Il y avait beaucoup de veufs parmi les prêtres à cette époque, mais peu d'entre eux atteignirent la sainteté. Le décès de son épouse bien-aimée marqua une étape importante pour le Père Alexis. Il franchit la ligne entre l'amour humain et l'Amour Divin, se reniant lui-même pour le bien des autres et développant la capacité de comprendre la vraie nature des gens. Pourtant, il ne se glorifia jamais de ce don.

Tout cela est un mystère de la transformation intérieure de l'homme. Nous ne connaissons que certains jalons sur son chemin.

Un jour, le Père Jean (Sergiyev), célèbre prédicateur et thaumaturge de Cronstadt, qui sera canonisé plus tard, entendit parler par ses connaissances des difficultés du Père Alexis et il vint voir le prêtre inconsolable.

"Es-tu venu partager mon chagrin ?" demanda le Père Alexis au prêtre de Cronstadt quand il fut entré. Le Père Jean répondit : "Je suis venu pour partager ta joie et non ton chagrin.

"Dieu te rend visite. Sors de ta cellule et parle aux gens ; ce n'est qu'après cela que tu commenceras à vivre. Tu t'attardes sur tes chagrins et tu penses que personne n'est plus affligé que toi... Va et sois avec les gens, vois les chagrins des autres et compatis avec eux. Alors tu verras que ton chagrin est insignifiant en comparaison, et vous te sentiras mieux."

Après cela, les prêtres célébrèrent ensemble une liturgie dans l'une des églises de Moscou.

Ce fut le début du voyage spécial du Père Alexis, le voyage du staretz. C'était spécial parce que lui, qui était toujours prévenant envers les autres, se privait maintenant de consacrer sa vie à servir les gens.

"Le prêtre doit appartenir au peuple"

Cela ne veut pas dire que le Père Alexis n'était pas en contact avec les gens avant de rencontrer le Père Jean de Cronstadt. Aidantles nécessiteux chaque fois qu'il le pouvait, le Père Alexis mit en place un refuge pour les orphelins et les enfants défavorisés. Il était l'un des rares prêtres de Moscou à célébrer la liturgie tous les jours. Il le fit pendant huit années consécutives, presque tout seul !

Église Saint-Nicolas du district de Klyonniki, 1920-1930. 
Source : http://retromap.ru

Les gens commencèrent à venir dans le district de Klyonniki, parce qu'ils savaient qu'ils pouvaient toujours venir se confesser ou simplement parler au prêtre. Les portes de son église étaient toujours ouvertes. Avec le temps, il se fit connaître à Moscou comme un prêtre à qui l'on pouvait parler et obtenir consolation ou conseils dans les moments les plus difficiles.

Le Père Alexis disait : "Un prêtre doit appartenir au peuple." Dans ses lettres à ses proches, il mentionnait qu'il parlait aux gens jusqu'à tard le soir et qu'il se couchait à 2 heures du matin, pour se lever tôt le matin et être prêt pour le lendemain.

Il est facile de dire : " J'aime tout le monde ", écrivait-il, " mais aimer tout le monde est un engagement de toute une vie qui exige beaucoup d'expérience ".

Développez votre volonté !

En tant que personne très bien organisée et composée, le Père Alexis accordait une grande importance à l'autodiscipline et à la volonté, disant toujours à ses filleuls de rétablir l'ordre dans leur vie et de développer leur volonté.

Maria Nikolayevna Sokolova, 1918.

Selon Maria Nikolayevna Sokolova, sa filleule et célèbre peintre d'icônes qui devint plus tard nonne sous le nom de Juliania, le P. Alexis " encouragaa toujours les accomplissements spirituels de sa congrégation ", disant que " même un petit accomplissement est nécessaire car il aide à développer la volonté. "

Quand les gens lui demandaient comment résoudre leurs problèmes et améliorer leur vie, il leur disait de continuer à prier. "Priez avec ferveur et acharnement", écrivait-il dans une de ses lettres.

Il a admis qu'il avait l'habitude de manquer de volonté et a souligné l'importance de surmonter cette lacune :

"Cher K.P., Dieu nous a montré tant de miséricorde, et pourtant, pécheur et paresseux, nous ne voulons pas prendre un instant de notre vie pour Le remercier. Alors, au lieu de prier, ce qui est de la plus haute importance, nous nous occupons de nos soucis et de nos corvées quotidiennes, oubliant Dieu et notre devoir !"

"Je l'ai dit seulement pour que les autres l'entendent, sotte !"

Les gens étaient attirés par le Père Alexis parce qu'il était évident que Dieu lui avait fait don de la clairvoyance. Le Père Alexis, qui cachait ce don, racontait souvent à ses visiteurs des histoires sur d'autres personnes se trouvant dans des circonstances similaires. Cependant, tôt ou tard, ils se rendaient compte de ce dont il parlait...



Un jour, une femme est venue voir le Père Alexis avec une question difficile : Son époux a disparu pendant la Première Guerre mondiale et maintenant, neuf ans plus tard, un homme bien lui a demandé sa main en mariage. Devrait-elle l'épouser ou attendre encore son mari ? Le Père Alexis, à sa manière habituelle, lui raconta une histoire : "Voilà ce qui peut arriver. Une fois une femme est venue me voir et m'a dit : "Père, donne-moi ta bénédiction pour me remarier, mon mari a été prisonnier de guerre pendant de nombreuses années, il est probablement mort maintenant." Je ne l'ai pas bénie, mais elle n'a pas suivi mon conseil et s'est mariée. Huit ou neuf jours après la cérémonie de son mariage, son mari est revenu de prison. Maintenant elle a deux maris et doit décider de qui elle est l'épouse !" Perplexe, la femme décida de reporter le mariage. Quelques jours plus tard, son mari revint soudain!

Un jour, une femme de Toula est venue voir le Père Alexis. Son fils unique avait disparu. Elle est venue à l'église Saint-Nicolas le Thaumaturgeet a fait la queue pour vénérer la croix. Quand le Père Alexis l'a vue, il a pointé la croix sur les gens qui se tenaient devant elle et a dit : "Priez pour lui comme vous priez pour les vivants !" Plus tard, quand il la rencontra, il dit doucement à la femme en détresse : "Tu es une mère heureuse. Une mère heureuse. Qu'est-ce qui te fait pleurer ? Je te le dis, il est vivant !" Et puis il lui a raconté une histoire qui était censée s'être passée. "Une femme m'a rendu visite il y a quelques jours. Elle s'inquiétait pour son fils ; pendant ce temps, il allait bien, travaillant dans une usine de tabac à Sofia." Quelques mois plus tard, la femme reçut une lettre de son fils dans laquelle il écrivait qu'il travaillait dans une usine de tabac à Sofia.

Une autre fois, deux jeunes filles que le Père Alexis n'avait jamais vues auparavant vinrent lui demander sa bénédiction pour devenir moniales. Il bénit tout de suite  une des jeunes filles et dit à la deuxième qu'elle devait rentrer chez elle. Elle fut très bouleversée, mais quand les gens lui parlèrent, ils découvrirent qu'elle vivait avec sa mère âgée qui était malade et ne voulait pas que sa fille rejoigne le couvent.

Il y avait aussi des situations drôles, mais toujours édifiantes. Olga Séraphimovna, directrice d'un orphelinat, vint à la liturgie avec son employée et elle s'inquiétait intérieurement que le prêtre puisse dire quelque chose à son sujet qui la ferait mal paraître aux yeux de son employée. Elle exhorta donc son employée à se présenter avant elle pour vénérer la croix. Quand le Père Alexis vit Olga Séraphimovna, il leva la croix et, en la bénissant, dit haut et fort : "Olga, tu es si sage ! Quand elle s'approcha de lui, il se pencha et lui murmura à l'oreille : "Je l'ai dit seulement pour que les autres l'entendent, sotte." Et puis il l'a regardée avec son sourire aimable habituel. C'est ainsi qu'il apprenait aux gens autour de lui à ne pas trop penser à eux-mêmes, car il ne se vantait jamais, disant toujours : "Et moi ? Je ne suis pas digne..."

Après la Révolution

La situation en Russie se détériora à l'approche de la révolution de 1917. Les Russes voulaient être avec Dieu, mais pour beaucoup d'entre eux, la vie d'église s'était transformée en une tradition onéreuse qui, selon eux, ne pouvait rien apporter de positif, tandis que les changements offerts par la révolution semblaient si prometteurs, justes, frais et séduisants. Ces changements, cependant, entraînèrent finalement le cauchemar sanglant de la haine et du fratricide. Le Père Alexis parla de la division de la société et de l'indifférence des gens qui en résultait : "Non seulement tous les groupes sociaux, mais même chaque famille vit pour elle-même, sans chercher le bien de tous, ne se souciant que de son bénéfice personnel..."

En 1919, en pleine guerre civile, alors que l'avenir était sombre et imprévisible, le fils du Père Alexis, Sergey, fut ordonné prêtre. Il s'avéra être un homme incroyablement résolu, fort et courageux, et sa foi fut aussi passionnée que celle de son père...

Le Père Alexis vécut les dernières années de sa vie dans la période la plus difficile de l'histoire russe, quand, selon ses contemporains, "en hiver, Moscou ressemblait à un village décrépit. Les rues et les trottoirs n'avaient pas été nettoyés. Les voitures s'étaient arrêtés de tourner. Les gens marchaient au milieu de la rue, portant des sacs dans leur dos dans l'espoir de trouver quelque chose à manger." Mais le Père Alexis continua à rendre des services quotidiens. Le nombre de paroissiens à son église de la rue Maroseyka augmenta et il commença à recueillir des dons pour aider les nécessiteux, les personnes âgées et les familles nombreuses. Par deux fois, il fut convoqué au Département politique d'État [10] où on lui dit de rester loin des croyants. Mais le staretz continua à faire ce qu'il faisait, rassembler les gens autour de lui.

Comme Jean l'Apôtre, le seul des apôtres du Christ qui n'est pas mort en martyr, Père Alexis évita les prisons et les exils et mourut d'une mort naturelle en 1923. Il s'allongea simplement sur son lit et s'éteignit paisiblement...

Son fils, le prêtre Serge Metchev, fut en 1929. Sans prêtres, l'église de la rue Maroseyka fut fermée dans les années 1930....

Des épreuves sérieuses attendaient les enfants spirituels et les parents du Père Alexis. Qu'est-ce que le staretz leur aurait dit ? Dirait-il que la vie était injuste et difficile ? Dirait-il que certains étaient en faveur, tandis que d'autres étaient injustement persécutés et vivaient dans la misère et la pauvreté ? Non, encore et encore, il leur aurait parlé d'amour. "Souvenez-vous, l'injustice de ce monde est une occasion pour nous de montrer notre amour les uns pour les autres et de prendre soin de ceux qui sont dans une situation difficile", enseignait le Père Alexis. "L'occasion de faire une bonne action pour quelqu'un est la miséricorde de Dieu pour nous, et nous devons donc toujours nous efforcer d'aider les autres ! Après chaque bonne action, vous vous sentez joyeux et tranquille... vous n'avez rien à craindre, car personne ne peut vous faire de mal." Et personne ne pouvait faire de mal au Père Alexis, cet homme dont l'amour pour les gens était sans bornes.

Vous devez aimer Dieu de tout votre cœur !

Beaucoup de gens de Moscou vinrent dire adieu au Père Alexis. Les membres de diverses paroisses dirigées par leurs prêtres continuaient à venir à l'église de la rue Maroseyka. Conformément au testament du Père Alexis, les funérailles furent célébrées par l'archevêque Théodore (Pozdeyevsky), l'higoumène du monastère Danilov, qui fut miraculeusement libéré de prison peu avant l'événement. Le Père Alexis fut enterré au cimetière Saint-Lazare. Beaucoup de gens vinrent sur sa tombe pour lui rendre hommage. Dix ans plus tard, le cimetière fut fermé et les restes du Père Alexis et de son épouse furent transférés au cimetière des " Collines de Vvedenskie" («Введенские горы») [11]. Les reliques du staretz Alexis se sont avérées non corrompues...

Les reliques du vertueux  Alexis de Moscou, 
église Saint-Nicolas dans le district de Klyonniki. 
Source : http://www.klenniki.ru

Le Père Alexis et son fils, le hiéromartyr Serge Metchev, exécuté par peloton d'exécution en 1942, furent canonisés en 2000. Les reliques dsu staretz sont conservées dans l'église Saint-Nicolas du district de Klyonniki, à Moscou, dans l'église où il servit pendant 30 ans.

La vie simple, difficile et remarquablement belle du Père Alexis est un exemple étonnant qui nous montre que la sainteté est toujours un choix fait par une personne décidée. Le Père Alexis aurait pu accomplir divers rites religieux demandés par les paroissiens, célébrer des offices les jours fériés et les dimanches et mener la vie tranquille habituelle d'un prêtre, comme beaucoup de prêtres de l'époque le faisaient. Il aurait pu être simplement un prêtre aimable qui, après un certain temps, serait oublié par les générations futures. Mais... Les gens continuent à venir vénérer ses reliques jusqu'à ce jour. Et l'église où il a officié maintient toujours l'atmosphère étonnante d'une vraie communauté chrétienne, malgré des années de persécution.

Les saints sont parmi nous. Ils seront avec nous jusqu'à la fin des temps. Suivant les enseignements du Christ, les saints - qu'ils aient vécu il y a des siècles ou dans le tumultueux XXe siècle - continuent à nous appeler : "Aime, de toute la force de ton âme !"


***
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

N.B.: Une grande vie de saint Alexis est parue dans la collection Grands Spirituels du XXe siècle aux Editions L'AGE D'HOMME en 2011 ( Moniale Juliana, Le Père Alexis Metchev, starets de Moscou)

NOTES:

[1] "Aliochenka" est la forme diminutive affectueuse du nom complet Alexis.

[2] "Ouyezd" est une subdivision administrative de l'Empire russe

[3] "Aliocha" est une forme diminutive du nom complet Alexis

[4] Petyushka est une forme diminutive affectueuse du nom complet Pierre

[5] Idem

[6] Le lecteur est le rang clérical le plus bas. Les lecteurs lisent des textes et des prières de l'Écriture Sainte pendant les offices religieux. 

[7] Nyouchenka est une forme diminutive affectueuse du nom complet Anna.

[8] C'était le surnom que lui donnait son épouse, bien que ce ne soit pas un diminutif d'Alexis!

[9] Nom donné à l'épouse d'un prêtre. Littéralement "petite mère." 

[10] Organisation de sécurité nationale de l'URSS. Guépéou.

[11] Egalement connu sous le nom de cimetière allemand.