Père! dis-je, nous voulons tous savoir depuis longtemps, de quelle la façon Dieu t'a conduit au monachisme, mais d'une certaine façon, personne d'entre nous n'a eu le courage de te poser une question à ce sujet.
Chacun de nous savait, certes, que Père Nicolas avait été marin, commandant de l'un des cuirassés de la flotte russe; un brillant avenir l'attendait, le Souverain lui-même le connaissait en personne. Son oncle, Akimov, était président du Conseil d'État. De très graves raisons, mais apparemment inconnues, avaient fait que Père Nicolas avait changé sa vie et était devenu moine.
Naturellement, les circonstances de ce changement nous intéressaient au plus haut point.
Le Père n'a pas répondu tout de suite.
- Bien que j'ai été élevé dans une famille orthodoxe, j'étais loin de l'Église et de sa doctrine. La vie séculière avec ses tentations constantes et son vide, étouffèrent le peu de spiritualité qui avait été laissé par l'enfance.
Au cours de ma première croisière autour du monde, j'avais fait beaucoup de nouvelles connaissances. J'étais aussi devenu familier de ce que l'on appelle les enseignements ésotériques secrets de l'Orient. Je ne vais pas dire où et quand cela est arrivé. Je vais seulement dire, qu'à partir de là, ma vie prit une direction totalement différente. J'ai commencé à rencontrer des gens en qui j'avais totalement confiance en tant que porteurs de la connaissance suprême, et dont les paroles furent pour moi une loi absolue. C'était comme si l'un des principaux postulats de l'ésotérisme était justifié: "Quand l'élève est prêt, le maître apparaît toujours."
De toute mon âme, j'aspirais sincèrement à être porteur de bonté, dont, comme il me le semblait alors, j'étais un serviteur éprouvé. Et Dieu, moi le grand pécheur, maintenant j'en suis fermement convaincu, voyant ma sincérité et ne voulant pas ma mort spirituelle, m'a miraculeusement sauvé. Cela s'est passé ainsi...
Un jour, j'ai reçu de manière inattendue une demande pressante de venir, au Ministère de la Marine. La conversation a été brève.
- Vous avez été désigné, m'ont-ils dit, pour une tâche extrêmement difficile. Il est absolument nécessaire pour nous de livrer une cargaison de mines à l'un des ports de l'Extrême-Orient. La cargaison est totalement secrète. Toutes les mesures ont été prises afin que les États intéressés, en particulier l'Angleterre, ne puisse pas découvrir ce qu'il en est. Cette fois, vous commanderez un bateau chargé de bois en guise de camouflage. Vous apprendrez l'itinéraire et le nom des ports, où vous aurez le droit d'entrer seulement pour le chargement de charbon, lorsque vous serez en mer... Vous comprenez, bien sûr, combien nous avons confiance en vous, et vous en tirerez les conclusions qui s'imposent.
En deux semaines, tout était prêt pour le départ. Mes préparatifs personnels furent courts.
La plupart des choses nécessaires ont été emballées, et j'ai seulement demandé à ma gouvernante d'emballer les livres que j'avais choisis moi-même, surtout sur des sujets qui m'intéressaient à l'époque.
Et ainsi, nous sommes partis en mer. Nous avons passé la Baltique en sécurité et nous sommes entrés dans le vaste espace ouvert de l'océan. Et là, cela a commencé ...
A cet ce point de l'histoire, la voix du Père Nicholas a commencé à trembler, et nous avons ressenti une anxiété grandissante, qui s'emparait de nous involontairement.
- L'océan, continua le Père, nous accueillit avec une tempête, de celles que nous, les marins, en voyons rarement. Pendant deux jours, nous avons lutté avec les éléments, tendus de toutes nos forces dans cette lutte, mais la tempête n'a pas faibli.
Épuisé, je suis descendu dans ma cabine pour me réchauffer avec une tasse de thé. Ma cabine était en grand désordre, parce que beaucoup de choses, y compris les livres, étaient tombées à cause du roulis, et toutes ces choses étaient en mouvement chaotique dans ce lieu.
À peine capable de garder mon équilibre, j'ai automatiquement ramassé le premier livre gisant sous mes pieds, il s'est ouvert et j'ai immédiatement vu le portrait de quelque staretz en habit monastique et le titre du livre: "La vie et les exploits ascétiques (Podvig) du staretz du monastère de Sarov, le hiéromoine Séraphim." Comment ce livre était arrivé là, je n'y pensais pas du tout à ce moment-là. L'apparition du staretz courbé attira en quelque sorte mon attention. Je n'avais jamais entendu parler du hiéromoine Séraphim auparavant. En fait, je savais très peu de choses sur nos ascètes.
Installé de façon précaire sur le lit, j'ai commencé à lire. Un monde spirituel intérieur nouveau et jusqu'alors totalement inconnu me fut révélé.
La lumière calme et la paix spirituelle, que j'avais cherchées et que je n'avais pas pu trouver, envahissaient maintenant mystérieusement mon âme avec une inexprimable douceur.
J'ai terminé la lecture, et une fois de plus j'ai regardé le portrait du staretz et j'ai embrassé involontairement son image. Pour la première fois depuis de nombreuses années, des larmes ont coulé de mes yeux ...
La tempête semblait se calmer. Je me suis mis à somnoler, puis tout à coup quelqu'un a commencé à me réveiller avec précaution. C'était mon assistant. Pâle et inquiet, il a murmuré: "Nous sommes en grande difficulté. Une mine s'est arraché de son habitacle et elle est ballottée dans la cale".
Nous avons couru en bas. Lors de chaque rouleau du navire, on pouvait clairement entendre le bruit sourd de la mine arrachée de son nid par les vagues, en mouvement contre les côtés.
Une explosion pouvait suivre à tout instant et détruire le navire avec sa cargaison meurtrière et tout son équipage, qui ne réalisait pas pleinement encore le danger. Qu'étions-nous supposés faire? Le navire était chargé de bois, il était complètement impossible de parvenir à la cale du navire, notamment dans ces mauvaises conditions météorologiques. Si un miracle avait lieu et que le navire n'était pas détruit, nous aurions toujours besoin d'aller dans le port le plus proche, qui ne pouvait être qu'anglais, mais il était strictement interdit d'y entrer, en fonction de l'ordre confidentiel. J'ai pris la seule décision possible: désobéir à l'ordre et aller dans le port, afin de sauver des vies. Même maintenant, il m'est douloureux de me souvenir de mes scrupules, mais qu'en était-il alors?
Le Père Séraphim était le seul rayon de lumière. Je savais trop bien, que rien ne se passe dans le monde par accident, et qu'à ce moment-là, Dieu m'a envoyé Son protecteur céleste, en la personne du Père Séraphim. J'ai mis toutes mes forces dans ma faible prière, demandant au saint de Dieu de nous sauver de la mort certaine.
Et véritablement un grand miracle s'est produit. Nous avons atteint en sécurité l'un des ports anglais les plus proches, et là encore, la miséricorde de Dieu et les prières de Saint Séraphim nous ont miraculeusement protégés.
En dépit de la plus minutieuse enquête sur notre navire par les autorités du port, rien n'a été trouvé. Inutile de dire qu'après l'enquête, nous avons enlevé le bois d'au-dessus de notre cargaison mortelle, et je vis par moi-même, combien le danger était grand: nos vies étaient à un rien de la mort. Je ne serais pas là à parler avec vous maintenant, si Saint Séraphim ne nous avait pas aidés.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
http://www.fatheralexander.org/booklets/english/chudesa_e.htm#_Toc75662184
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