Hiérodiacre Innocent tenant le trikerion-dikerion
avec des abeilles qui volent autour de lui
Beaucoup de moines se sont occupés des ruches du monastère, mais nous parlerons de l'un d'entre eux, l'apiculteur Père Innocent.
Père Innocent, (Igor Pretov dans le monde) naquit le 15 mai (ancien Calendrier) 1915 dans le gouvernement de Primorsk, dans une famille cosaque. La mère d'Igor était pieuse et lui-même avait le goût de la prière. Ses amis se moquaient de lui, " Pourquoi pries-tu tout le temps?" Beaucoup étaient surpris de voir Igor constamment à l'église, seul parmi les vieilles femmes. Pendant les jours du soulèvement russe, la famille d'Igor quitta la Russie en même temps que l'armée blanche et termina son périple en Mandchourie. Là, Igor se maria et il apprit aussi le métier d'apiculteur. De Mandchourie, il déménagea en Australie avec sa famille. Il devint assez riche là-bas, pourtant il donnait toujours de l'argent aux pauvres. Les richesses ne pouvaient retenir son âme pieuse dans son aspiration à servir Dieu. Dans la seconde moitié de sa vie, Père Innocent décida de quitter ce vain monde et de devenir moine. Au monastère, en plus de son service de diacre, Père Innocent avait deux autres obédiences monastiques: il travaillait au rucher et il remplissait et allumait les lampades des icônes et les cierges avant les offices.
Au rucher, Père Innocent travaillait sans filet de protection. Il n'avait pas peur des abeilles et elles n'avaient pas peur de lui et elles ne le piquaient pas. Il disait souvent que les abeilles étaient comme ses propres enfants. Quand le Père Innocent commença à chanter dans le chœur, les choristes remarquaient quelquefois une abeille posée sur sa soutane. Il prenait doucement l'abeille, la mettait dans sa poche et la remportait au rucher. Voici ce qui arriva un jour... Le second jour de Pâques, les frères marchaient en procession autour de l'église. Soudain venant de nulle part, arriva un essaim d'abeilles et elles fondirent toutes sur les fleurs de lilas qui ornaient le dikerion et le trikerion. Les hypodiacres furent effrayés, mais Père Innocent ne l'était pas le moins du monde, et en fait, il était vraiment content. Il marcha avec solennité avec la procession, tenant le dikirion et le trikirion qui étaient totalement recouverts d'abeilles.
Tant que Père Innocent était vivant, il y avait beaucoup de miel au monastère. Il donnait généreusement ce miel comme bénédiction du monastère, et les gens faisaient de généreuses donations. Père Innocent recevait des commandes du monde entier, d'Argentine, d'Australie, et d'autres pays. Même si on pouvait trouver partout du miel, tout le monde voulait en obtenir de Père Innocent lui-même, comme bénédiction. On pouvait voir que ce miel était produit avec des prières.
Et Père Innocent était un grand homme de prière. La prière était sa condition naturelle. Quand il était au rucher, il travaillait d'une manière mesurée, sans hâte et il priait sans cesse. Pour lui son obédience monastique était comme la suite de la Liturgie.
Un jour, l'incident suivant très instructif, eut lieu... Père Innocent devait aller quelque part pour ses obédiences et il dit à un novice: "Je serais de retour dans peu de temps, j'ai besoin de me laver les mains pour enlever l'huile des lampades." Et il s'en fut. Dix minutes passèrent, puis une demie heure et il ne revenait toujours pas. Le novice alla voir ce qui était arrivé. Il alla et trouva le Père Innocent debout devant l'évier, tenant ses mains sous l'eau, dans un état de demie-conscience: il était immergé dans la prière contemplative.
Père Innocent pratiquait la prière de Jésus et était capable de voir le monde spirituel, celui des anges et celui des démons. Pour lui, c'était naturel. Quelquefois il demandait aux gens autour de lui s'ils avaient ou non senti la présence d'un esprit impur. Evidemment, personne ne pouvait rien voir.
Les démons battirent Père Innocent en plusieurs occasions. Les frères du monastère étaient déconcertés par les marques de coups qui apparaissaient quelquefois sur son visage. Un jour, l'archimandrite Serge (Romberg) dont la cellule était proche de celle de Père Innocent, entendit un bruit de remue-ménage qui venait de la cellule de son voisin et puis tout redevint calme. Au matin on entendait des gémissements étouffés venant de la cellule de Père Innocent. Père Serge y entra et vit que le locataire de la cellule avait été poussé, tête la première dans une étroite ouverture entre le mur et la tête du lit. D'abord il essaya de libérer Père Innocent tout seul, mais il n'y parvint point, alors il appela deux autres frères pour l'aider. Tous trois eurent beaucoup de mal à libérer Père Innocent.
Il est difficile de dire exactement combien de temps dormait Père Innocent. Le matin, il se levait avant les autres frères pour allumer les lampades de l'église. Le soir, revenant à sa cellule après les complies, Père Innocent commençait à lire sa règle de cellule monastique. Il s'immergeait profondément dans la prière. Il pouvait rester encore longtemps concentré dans la prière devant son coin d'icônes après cela. On voyait souvent une lumière dans sa cellule la nuit. On dit que quelquefois il se tenait ainsi debout jusques au matin. Et alors, il était temps d'aller à l'église allumer les lampades des icônes avant l'office de minuit, qui commence à cinq heures du matin à Jordanville.
Père Innocent jeûnait rigoureusement et pour cela, il était ascétiquement maigre. Pourtant il cachait son jeûne. En général, son comportement était modeste et humble. Si quiconque était fâché à cause de lui, il essayait toujours d'être le premier à demander pardon. Il se prosternait à terre devant l'autre personne même s'il n'avait rien à se reprocher. Quand quelqu'un demandait de l'aide à Père Innocent,il essayait d'être secourable. Il recevait des lettres de remerciements du monde entier. On lui envoyait des dons qu'il donnait à ceux qui étaient dans le besoin. Cependant, il n'acceptait jamais d'argent de quiconque. Un jour une compagnie australienne lui envoya 10.000 dollars en paiement de quelques services rendus par Père Innocent quand il était encore laïc. Pourtant, il refusa catégoriquement le chèque et insista pour qu'il soit renvoyé.
Holy Trinity Monastery ( Jordanville)
*
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après le Patéricon de Jordanville
du moine Vsévolod F.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire