(+ 24 octobre/6 novembre 1890)
Quand
elle vivait au monastère, elle fabriquait des chaussures pour les moniales, et
pour cela elle était tout le temps exposée au goudron. Quelquefois, elle
tricotait de petites coiffes avec de l’herbe des marais. Lorsqu’elle remarquait
qu’une des moniales commençait à l’estimer, elle devenait très dure avec elle.
L’été
elle s’habillait en vêtements chauds; en hiver, elles marchait pieds nus,
et ne se couvrait pas les oreilles, même par le temps froid le plus intense.
Elle marchait ainsi dans Toula. Elle n’acceptait aucun don de quelque sort que
ce soit pour elle, et elle disait
à une jeune fille proche d’elle, qu’elle ne permettait à personne de lui
apporter un don, car si on laissait une personne le faire, il n’était plus
possible de s’en débarrasser. Mais quand on apportait quelque chose à manger à
son chat, alors elle l’acceptait.
Elle
supplia une moniale de la laisser vivre dans un grenier froid, et là, elle vécut, pendant dix-sept années durant les hivers, dans un froid terrible.
Plus
d’une fois, elle voyagea jusques à Kiev, été comme hiver. Habillée comme
d’habitude, elle supportait tous les désagréments du voyage, et elle aimait ces
voyages, car ils lui donnait une occasion d’être dans une parfaite solitude
orante. Et le Seigneur Lui-même, gardait visiblement Sa fidèle servante. La
plupart du temps durant son voyage, elle aimait passer la nuit, non pas dans
les villages, mais sous les arbres, dans de petites forêts.
Un jour, alors qu’elle se reposait dans une forêt, deux loups
s’approchèrent d’elle, se tinrent longtemps près d’elle, puis, sans lui faire le
moindre mal, ils s’en allèrent. Quand la jeune fille à qui elle racontait
cela demanda à la bienheureuse* si elle ne fut pas effrayée, Evdokia répondit pas du tout, car elle ne les gênait pas. A une autre occasion, quand la glace sur
la rivière se brisait, elle traversa sans dommage sur un bloc de glace alors
qu’il semblait qu’il n’y avait aucune chance qu’elle en réchappe.
Après dix-sept ans de vie dans le grenier, la bienheureuse, ayant enduré
beaucoup de maux des esprits malins et de gens méchants, fut forcée de quitter
ce grenier. Elle s’installa alors dans une cave sous une autre cellule où elle vécut cinq ans. Une
jeune fille proche d’elle raconta ainsi sa vie dans la cave : "J’étais chez elle l’hiver dans son abri incroyable où il il y avait de très
petites fenêtres, mais aucun poële… On se tient dans sa pièce en silence… On
regarde seulement comment elle vit… Sur ses murs il y a une telle abondance de
neige que tout est couvert de blanc. Et elle allait chez elle comme dans une
cellule ornée de marbre, avec un vieil habit monastique, avec seulement des bas
et un petit bonnet d’été sur la tête."
Quand la propriétaire eut besoin de cette cave, elle vécut dans une
petite baraque pendant toute une année. Avec la permission de l’higoumène, un
bienfaiteur fit une cellule en pierre de 3 mètres soixante de long pour la bienheureuse,
mais même là, elle se faisait une vie très rigoureuse. Elle n’allumait pas le
poële: il faisait froid dans la cellule, et elle laissait la porte presque à
moitié ouverte. Dans cette pièce, la bienheureuse apporta vingt grosses poules
avec lesquelles elle vécut constamment ; et il y avait aussi des
pigeons. Il y avait de petites rigoles pour les oiseaux et du fourrage. Par cette
pauvreté, dans la cellule froide, pleine de poules, d’une saleté inimaginable,
la bienheureuse s’isolait des gens, et s’adonnait pleinement au combat de la
prière.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Ascetic Strugglers of Piety
Volume II
(original Russian Strugglers for Piety
of the 18th and 19th centuries
October Volume, Moscou 1909 [en russe])
Saint Païsius Orthodox Women Monastery
Safford, Arizona
USA
Note:
* Le terme de bienheureux (bienheureuse) appliqué à un saint, signifie qu'il était fol-en-Christ, il n'est en rien l'expression d'un grade dans la hiérarchie de la sainteté, comme dans la conception hétérodoxe occidentale.
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