Illustration: Le Moine Russe 1910
Alexandra Avdeyevna vécut vers les années 1820. elle passa la plus grande partie de sa vie à Toumbotine ( Province de Gorbatovsk), village où elle mourut.
Sa vie fut étrange et curieuse. Elle séjournait souvent dans les bains et autres lieux inhabitables pour le commun des mortels. Ainsi, elle vécut lontemps dans le jardin de Père Alexandre Tchernovsk. Elle vécut aussi dans un dense buisson de framboisiers, se roula nue dans les orties, et parla en utilisant des phrases sans rapports les unes avec les autres... Au milieu de la journée, elle avait l'habitude d'aller en courant vers le clocher de l'église paroissiale et elle commençait à sonner les cloches. Quelquefois, elle était extrêmement agitée et criait jusqu'à en avoir la voix enrouée. Quelle que fût la période de l'année, hiver ou été, elle portait un manteau de peau de mouton en haîllons.
Les gens considéraient qu'elle n'était qu'une folle, et attribuaient cela au fait que son époux la battait. Elle était la fille du diacre Avdi de l'Eglise de la Protection de la Mère de Dieu à Nijni-Novgorod. Son père avait été défroqué à cause de son intempérance. Ayant perdu son premier mari, diacre lui aussi au diocèse de Semenov, elle épousa Vassily Ivanov Glazunov, paysan du villade de Toumbotine.
Il avait une grande famille de sa première épouse: neuf enfants!. Il était extrêmement rude et sévère et se comportait d'une manière inhumaine avec Alexandra. Fréquemment, il la déshabillait, l'attachait par ses cheveux à une clôture et la battait sans merci avec sa ceinture. Il faisait cela, disait-il, parce qu'elle refusait de l'aider au travail de la ferme; en fait Alexandra venait de la ville et n'était pas capable de faire le rude labeur de la ferme. Les gens attribuaiuent sa folie à cette vie pénible.
Quelle qu'en ait été la raison, pendant vingt ans, Alexandra Avdeyevna vécut d'une manière étrange. Pendant cette période, elle refusa de manger de la nourriture qui ne soit pas carémique. Sa sœur, femme de diacre, la suppliait souvent de rompre le jeûne à Pâques, mais elle répondait toujours: " Je suis rassasiée, Matouchka ma sœur. Quel jour radieux [id est Pascal]sommes-nous aujourd'hui? Non, c'est le Grand Vendredi [Vendredi Saint]. Ces "Grands Vendredis" continuèrent toute sa vie. Elle n'acceptait pas d'autre nourriture que des biscuits carémiques durs et du pain noir avec de l'eau. Si quelqu'un lui offrait quelque chose de meilleur, elle refusait, disant que la nourriture offerte était mêlée d'arsenic!
Pendant les jeûnes stricts, Alexandra Avdeyevna se montrait quelquefois clairvoyante. Anna, veuve d'un prêtre local, vivait à Toumbotine avec son gendre, le prêtre Vassily Pguioulkovski. En 1839, il déménagea dans une autre paroisse et la vieille femme dut aller avec lui. Longtemps avant que cela n'arrive, longtemps avant que personne n'y pense même ou ne puisse deviner que cela arriverait, à chaque fois que la vieille femme rendait visite à Alexandra Avdeyevna, cette dernière s'adressait à elle comme à "Anna, celle qui va partir..."
Quand le gendre d'Alexandra Avdeyevna, le père diacre Shakov mourut, sa sœur et le reste de la famille en furent réduits à une telle pauvreté, qu'il dûrent accepter l'aumône. Un jour, un bienfaiteur discret, laissa quatre paquets de concombres frais dans la remise de la maison. Aucun des menbres de la famille ne savait cela. A ce moment, Alexandra Avdeyevna étaiit comme éà son habitude assise sur le poële. Bien qu'elle n'ait pas quitté le poële pendant plusieurs jours, elle se tourna soudain vers sa sœur et lui dit: " Regarde, Annie, Peux-tu croire que la petite Marina nous a apporté tant de concombres?" Et en fait, comme Alexandra Avdeyevna l'avait indiqué, un boisseau entier de concombres fut trouvé dans la remise.
Un paysan du village de Zavalistch laissa Alexandra Avdeyevna habiter dans sa maison. A partir de ce moment, soudain, toute son affaire fermière, devint prospère d'une manière inattendue.. En toute situation, il avait de l'aide. Ce paysan mentionna cela lui-même à ses voisins et à ses amis, et il fut convaincu que la miséricorde de Dieu le visitait parce qu'Alexandra Avdeyevna vivait dans sa maison.
Après avoir vécu trois ans dans la maison du paysan, elle partit dans la maison de sa sœur à Tomboutine. La femme du diacre, elle et sa famille étaient dans une noire misère. A partir du moment de l'arrivée d'Alexandra Avdeyevna dans cette maison, leur pauvreté fut comme enlevée par une main inconnue. Les paroissiens de Toumbotine, avaient un grand respect pour Anna. Il pleuvait littéralement sur sa sœur des aumônes de tous côtés, et ce n'étaient pas de pains durs, mais de sacs entiers de farine!
La veuve du prêtre de Neapolitansk avait été extrêment malheureuse dans sa vie d'épouse car son mari avait été alcoolique. Avant que cette femme ne soit mariée, Alexandra Avdeyevna l'avait appelée martyre, six, sept, dix fois!
Beaucoup de gens rendaient visite à Alexandra Avdeyevna, non seulement des paroissiens de Toumbotine, mais aussi des villages et des villes environnants. Elle avait l'habitude de faire des reproches -directement ou indirectement- s'ils avaient des vices graves et cachés. Elle était plus particulièrement intolérante avec les gens qui vivaient en concubinage. Elle disait que le monstre de Babylone aux treize têtes était enroulé autour du cou de ces gens. D'eux, non seulement elle refusait les offrandes, mais elle leur jetait leurs cadeaux au visage.
Elle eut une mort merveilleuse. En bonne santé ce jour-là, elle lava le sol de la maison de sa sœur et dit à sa famille qu'elle attendait des invités rares et précieux. Puis elle jeta sa chemise usée, en mit une blanche propre et prépara tout pour l'office de la Sainte Onction, annonçant qu'elle mourrait ce jour-là!
Alexandra Avdeyevna demanda à ses nièces Synclétique et Marie d'appeler le prêtre afin qu'il lui donne la Sainte Communion et la Sainte Onction. Quand la nièce plus âgée refusa catégoriquement de lui obéir, considérant cette requête comme venant d'une vieille femme folle ayant des lubies ( sa sœur était au marché à Pavlov), elle dit à la plus jeune: Matouchka petite Marie, ( plus tard, elle devint en effet Matouchka [femme de prêtre]; elle épousa un séminariste qui servit une paroisse prospère du diocèse de Kostroma), va chercher le Père Michel!" Et elle y alla...
Le Père Michel prenait son déjeuner à ce moment-là et il demanda à la jeune fille d'attendre qu'il ait fini. Tout de suite après le déjeuner, il prit les Saints Dons de réserve et le Trebnik ( Livre des offices) et s'en alla avec la jeune fille vers Alexandra Avdeyevna.Quand il offrit de lire les prières de la Communion, Alexandra Avdeyevna fit une prosternation et dit: " Je suis profondément reconnaissante, Batouchka [petit père]que vous m'ayez confessée et donnée l'Onction. A présent, s'il vous plaît, lisez les prières pour les mourants." Mais le Père Michel, ne prêta aucune attention à ses paroles, et lut quand même les prières appropriées pour la Communion. Pendant ce temps, Alexandra Avdeyevna était allongée sur le banc. Elle fit le signe de la Croix et en un bref instant, son âme passa dans l'éternité.
Ceci arriva le 5/18 mai.
Alexandra Avdeyevna était très pâle et décharnée à cause du jeûne.
Servante de Dieu Alexandra Avdeyevna, intercède pour nous!
Version Française Claude Lopez
d'après
"Strugglers for Piety of the 18th and 19th Centuries"
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