Il est clair depuis plusieurs mois maintenant que le nouvel
archevêque de l'archidiocèse grec orthodoxe, Elpidophoros Lambrianides, a
probablement eu les yeux plus gros que le ventre.[1]
Pour être juste, la mission que le Patriarche Bartholomée
lui a confiée était plutôt impossible (pardonnez le jeu de mots). Pensez à lui
comme le prochain entraîneur des Dallas Cowboys : peu importe qui c'est, Jerry
Jones va tout faire pour que les choses s'améliorent à jamais parce qu'il
considère cette franchise comme son jouet personnel. De même que le GOA ( Greek
Orthodox Archidiocese), qui est le joyau de la couronne du Patriarcat
œcuménique. Le dernier archevêque indépendant - Iakovos Coucouzis - a été démis
de ses fonctions sans cérémonie il y a vingt-quatre ans et le GOA est dans une
situation pire. Et selon toute vraisemblance, son mandat a été l'apogée du GOA.
La fréquentation est en baisse, les églises sont vendues, la
caisse de retraite des prêtres est épuisée, Holy Cross [Séminaire Sainte-Croix]
risque de perdre son accréditation académique et le Sanctuaire Saint-Nicolas et
le Centre de deuil non confessionnel sont si loin dans le trou que son
achèvement est une question ouverte. Sur le plan social, il ne peut pas décider
s’il approuve ou non la communion ouverte [id est aux hétérodoxes]. Et tout le
blâme est jeté aux pieds de l'archevêque précédent (Demetrios Trakatellis).
Très classe. De plus, les tactiques de Lambrianides ont été pour la plupart
maladroites vis-à-vis des autres juridictions. (On suppose qu'il s'est
ouvertement vanté à des personnes diverses et variées de la façon dont il
allait faire passer l'OCA sous Istanbul). L'Assemblée Episcopale, qui se
flétrissait sur la vigne avant son arrivée, semble plus ou moins défunte, sa
mission de couverture de la domination grecque de l'Orthodoxie américaine est
maintenant exposée aux yeux de tous.
Il y a une lumière au bout du tunnel, mais à ce stade, il
pourrait aussi bien s'agir d'un train en marche, en ce qui concerne le nouvel
archevêque.
Oh bien sûr, il y a une brève rafale de nouvelles concernant
le redémarrage de St Nicolas. Une séance de photos avec le gouverneur
infanticide de New York a été organisée pour les masses en liesse. Il a été
invité à dîner par toutes les personnes appropriées. J'imagine qu'il a mis les
monastères athonites au pas, mais rien de tout cela n'est un progrès en soi. En
fait, ce n'est rien d'autre que de la stase. La réalité est beaucoup
plus sombre : pensez à toute cette activité comme à la furieuse mise à l'eau
d'un canot de sauvetage qui fuit.
Grâce à nos sources à Manhattan, nous avons une indication
de l'ampleur du désespoir. D'abord, il semble que les fédéraux se rapprochent
de la 79ème rue : Jerry Dimitriou, l'ancien directeur exécutif, chante comme un
oiseau au FBI [se met à table !]. Quelque dix-sept millions de
dollars ont disparu (très probablement pour des paiements pour inconduite
sexuelle). Deuxièmement, il semble de plus en plus probable que l'État de New
York devra s'impliquer pour terminer le bâtiment de Saint-Nicolas. Ensuite, il
y a la nouvelle la plus récente selon laquelle, afin de relancer l'effort de
collecte de fonds pour cet édifice, Lambrianides exige 100 $ de chaque femme de
l’organisation Philoptochos [ organisation philanthropique de l’église grecque
des USA]. Pour ajouter l'insulte à l'injure, l'allocation annuelle à Istanbul a
été augmentée d'un million à 1,5 million de dollars. Et puis, que se
passera-t-il quand les documents du Département d'Etat seront enfin divulgués
et qu'il sera confirmé que le Département de la Justice a été prié par eux de
fermer les yeux pour que le Patriarche Bartholomée puisse faire les enchères
russophobes de l'Etat en Ukraine ?
Oh, et le Phanar exige un autre audit de toutes les
propriétés de l’Archidiocèse Orthodoxe Grec ( en anglais GOA) - les églises,
les salles paroissiales, les écoles de jour et les monastères. C'est contraire
à la loi d'ailleurs ; un gouvernement étranger ne peut pas ordonner des audits
d’institutions américaines. Lambrianides, qui se comparait à un " Tournesol
" lorsqu'il recevait ses ordres de marche, a malheureusement mis tout cela
sur son dos. Il a commis l'erreur cardinale de croire à toutes les flatteries
que lui ont faites les courtisans du Phanar. Comparé aux médiocres qui "
président " les diocèses éteints de l'Empire byzantin disparu depuis
longtemps, le Lambrianides, bien éduqué, urbain et multilingue, est un cas à
part. Certes, la barre est basse, mais ses talents n'en sont pas moins réels.
S'il était prêt à venir en Amérique et à s'occuper de ce pays, à travailler
avec les autres pays en toute humilité, il pourrait très bien s'en sortir. Ce
n'est jamais la stratégie de match en ce qui concerne les Phanariotes, donc
même s'il voulait adopter un nouveau paradigme, il ne pourrait jamais s'en
tirer.
En dernière analyse, il a été piégé pour être le bouc
émissaire. Pas par intention, remarquez bien : les Phanariotes ont longtemps
cru à leur propre battage médiatique, vivant comme ils le font dans un monde
imaginaire depuis des siècles.
Oh bien sûr, il est possible qu'il puisse réussir ; à un
certain niveau au moins. Au moins, l'attrition des fidèles pourrait être
stoppée, peut-être même renversée. Cela pourrait se produire au niveau de la
paroisse avec des chants de congrégation, une plus grande utilisation de
l'anglais (correct) dans les offices, plus d'activités philanthropiques
locales, etc. Tout cela ne coûte rien et augmenterait (j'ose le dire)
l'enthousiasme dans les paroisses.
Au lieu de cela, l’Archidiocèse Orthodoxe Grec continue de
fonctionner comme une église " nationale " à forte concentration de
dirigeants, émettant des décrets de haut en bas qui ne reconnaissent pas le monde
différent dans lequel nous vivons maintenant. Pire encore, il est encore
imprégné de nostalgie néo-byzantine qui s'exprime malheureusement dans une
sensibilité zorba-grécienne [2] au niveau paroissial. Il ne peut tout
simplement pas laisser le passé derrière lui. La force d'attraction d'Anthony
Quinn est encore trop grande pour beaucoup.
La dernière preuve en est le dernier projet de lièvre que
certains proposent sur la 79e rue. Arb Elpidophoros a récemment accueilli le
nouveau Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, lors de sa visite d'État en
Amérique. Lors de la célébration annuelle de l'Epiphanie à Tarpon Springs,
l'archevêque a annoncé que le gouvernement grec allait renflouer Holy
Cross/Hellenic College.
Oui, vous avez bien lu : le gouvernement étranger du pays le
plus pauvre de la zone euro, qui ne peut pas faire les paiements minimums sur
sa dette souveraine, va débourser plusieurs millions d'euros pour empêcher Holy
Cross/Hellenic College de fermer ses portes.
C'est de la folie à bien des égards. La pire compréhension
possible est ce que cela dit sur l'engagement de l’Archidiocèse Orthodoxe Grec
pour l'unité juridictionnelle : ça n'arrivera pas. Pire encore, ce n'est rien
de moins qu'une gifle directe aux autres juridictions - en particulier l'OCA [Orthodox
Church in America : Eglise Orthodoxe Américaine Autocéphale].
L'OCA, comme vous le savez, a trois séminaires aux
États-Unis. L'un d'eux (St Vladimir's Seminary) est considéré comme le meilleur
séminaire orthodoxe du monde anglophone. Holy Cross n'a jamais été considéré -
même dans le meilleur des cas - comme étant au même niveau que St Vladimir ou
comme le meilleur dans quelque domaine que ce soit. La juridiction d'Antioche a
longtemps maximisé ses ressources en y envoyant ses jeunes hommes à titre de
boursiers […]. L’Archidiocèse Orthodoxe
Grec devrait également envisager de mettre fin au gaspillage de l'actif que
constitue Holy Cross/Hellenic College et utiliser les millions de dollars
collectés pour établir une bourse d'études qui pourrait être utilisée au
séminaire de St Vladimir (ou de Saint Thikon).
Après tout, s’il vendait sa propriété à Brookline, au Massachusetts, il
pourrait facilement gagner des millions de dollars. Certains estiment que ce
chiffre pourrait atteindre vingt millions.
Mais non. L’Archidiocèse Orthodoxe Grec fera tout pour
éviter l'embarras d'avoir à envoyer ses futurs prêtres pour leur éducation dans
un séminaire "slave". Et bien sûr, à la fin, tout cela n'aboutira à
rien. Le gouvernement grec sera tout sauf généreux avec ses allocations. Il se
comportera en fait de la manière la plus négligente possible, exigeant de
nombreuses concessions pour chaque euro qu'il enverra à Brookline. Sa rigueur
académique ne sera pas non plus renforcée de manière appréciable. Et les fils
plus aisés et intelligents de la communauté gréco-américaine qui est encore
orthodoxe continueront à rechercher une éducation laïque, ostensiblement dans
l'un des domaines STEM [science, technology, engineering, and mathematics] qui paiera davantage à la fin de leurs études. Après
tout, pourquoi pas ? Un ingénieur, un médecin, un MBA ou un avocat peut
facilement faire un salaire à six chiffres.
Quant à savoir pourquoi le gouvernement grec est prêt à
renflouer Holy Cross alors qu'il peut à peine se permettre de remplir ses
propres obligations nationales, il faut en conclure que les avantages
l'emportent sur les risques. Après tout, ils ont déjà emprunté cette voie, il y
a trois décennies, lorsque la hiérarchie de l'Église évangélique orthodoxe
s'est rendue jusqu'à Istanbul pour tenter d'entrer dans l'Archidiocèse
Orthodoxe Grec. Malheureusement, le patriarche de l'époque, Démètre, ne parlait
pas anglais et il a donc été laissé à son bras droit (le futur patriarche
Bartholomée) de leur montrer la porte.
La raison ? Parce que le gouvernement grec ne voulait pas
d'une infusion soudaine et massive de non-Grecs dans l’Archidiocèse Orthodoxe
Grec.
Avec la politique du vieux monde, plus les choses changent,
plus elles restent les mêmes. On en
reparlera plus tard…
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
NOTES:
[1] L’expression américaine employée par l'auteur Monomakhos est
Mordre plus que l’on peut mâcher
[2] Dans le style de Zorba le Grec !
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