"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 10 mars 2024

DIMANCHE Du CARNAVAL


À première vue, ce titre ne semble pas particulièrement ecclésiastique. En effet, il ressemble à quelque chose inventé par les bouchers pour promouvoir le commerce. Bien qu'il soit communément appelé "dimanche de la viande" [ en langue anglaise, Meatfare Sunday!], le titre du Triode (livre de service du carême) est "Dimanche du jugement dernier". Le dimanche de la viande est ainsi appelé parce que, dans la tradition orthodoxe, c'est le dernier jour où l'on peut manger de la viande jusqu'à Pâques [ En français, on disait Dimanche du Carnaval, id est Carne vale: adieu la viande]. Nous progressons, par étapes, vers le jeûne du Grand Carême. La semaine prochaine est la semaine des laitages, au cours de laquelle les produits laitiers (fromage, œufs, beurre, lait, etc.) peuvent être consommés tous les jours, même le mercredi et le vendredi.

St. Porphyre de Gaza

Dimanche dernier, nos pensées se sont tournées vers Gaza, car le calendrier des saints nous a donné saint Dosithée [ou Dorothée] de Gaza. Ce dimanche, nous commémorons saint Porphyre de Gaza. Il est né vers l'an 346 et était originaire de Thessalonique. Sa famille était aisée et elle put lui donner une bonne éducation. Son aspiration à la vie monastique l'amena à se rendre en Égypte à l'âge de vingt-cinq ans, où il vécut dans le désert de Nitrie sous la direction spirituelle de saint Macaire le Grand pendant cinq ans. Après un pèlerinage à Jérusalem, où il vénéra la Croix du Christ donatrice de Vie, Porphyre s'installa dans une grotte du désert jordanien pour y mener une vie de prière et de solitude. Après plusieurs années, comme il souffrait de jambes douloureuses, il se rendit à Jérusalem pour prier en vue d'une guérison. Au pied du Golgotha, il tomba dans une sorte de transe, dans laquelle il vit le Christ descendre de la Croix et lui dire : "Prends ce bois et conserve-le". Au sortir de la transe, il se retrouva en bonne santé et sans douleur. En remerciement, il utilisa les richesses dont il avait hérité et devint un bienfaiteur pour les églises et les pauvres. En conséquence, Porphyre a dû subvenir à ses besoins par son propre labeur et il exerça le métier de cordonnier. Les paroles du Seigneur s'accomplirent lorsqu'il fut ordonné prêtre à l'âge de quarante-cinq ans et nommé gardien de la Vraie Croix. En 395, l'évêque de Gaza mourut et les chrétiens de cette ville demandèrent au métropolite Jean de Césarée de leur envoyer un nouvel évêque qui pourrait les défendre contre les païens agressifs de Gaza. Le Seigneur inspira le métropolite Jean à élever Porphyre au rang d'évêque et à l'y envoyer. C'est avec crainte et tremblement que le prêtre accepta cette nouvelle obédience. 

À Gaza, il n'y avait que trois églises chrétiennes dans cette ville majoritairement païenne et, à cette époque, une longue période sans pluie provoquait une grave sécheresse. Les prêtres païens offraient des sacrifices à leurs idoles, mais en vain. Le saint évêque ordonna aux chrétiens de jeûner et de prier. Après une nuit de veille, ils organisèrent une procession autour de la ville et aussitôt, le ciel se couvrit et une pluie abondante tomba. De nombreuses âmes furent converties à la foi en Christ à la suite de ce miracle, mais cela rendit les autorités païennes encore plus furieuses, qui harcelèrent les chrétiens en leur imposant de lourdes taxes. Saint Porphyre et le métropolite Jean se rendirent à Constantinople où ils obtinrent une audience avec l'empereur. L'impératrice Eudoxie était alors enceinte. Après avoir donné naissance à plusieurs filles, elle espérait que le nouveau bébé serait un garçon. Les évêques lui dirent : "Prie pour nous et le Seigneur t'enverra un fils". C'est ainsi que naquit un fils et héritier. En remerciement, l'empereur ordonna la destruction de tous les temples païens de Gaza. En outre, il donna de l'argent pour construire une église à l'emplacement du principal temple païen. Le saint évêque garda et guida son troupeau jusqu'à la fin de sa vie. Grâce à ses prières, il y eut de nombreuses guérisons et miracles. Il reçut sa récompense céleste en 420. Les reliques du saint furent déposées dans une église de la ville de Gaza, en son honneur. L'enceinte de cette église fut endommagée lors d'une attaque aérienne israélienne en 2023, au cours de laquelle 18 personnes furent tuées. Aujourd'hui, la situation est bien pire. 

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Ce jour est connu comme le dimanche du Jugement dernier parce que la lecture de l'Évangile pour ce dimanche est Matthieu 25, 31-46 et le paragraphe suivant de l'introduction au Triode de Carême résume l'essence du message :

Ce dimanche nous présente la dimension "eschatologique" du carême : le grand carême est une préparation à la Parousie [seconde venue] du Sauveur, à la Pâque éternelle de l'ère à venir. (C'est un thème qui sera abordé au cours des trois premiers jours de la Semaine Sainte.) Le Jugement n'est pas non plus simplement à venir. Ici et maintenant, chaque jour et chaque heure, en endurcissant nos cœurs envers les autres et en ne répondant pas aux occasions qui nous sont données de les aider, nous nous jugeons déjà nous-mêmes.

D'après le dictionnaire [...] eschatologie signifie théologie de la mort et de la destinée finale. Les deux derniers dimanches nous ont rappelé l'amour et la patience de Dieu dans Sa volonté d'accepter tous ceux qui reviennent à Lui dans le repentir. Aujourd'hui, le Seigneur nous donne un avertissement. Nous avons un autre exemple où il est utile de noter le contexte dans lequel ce conseil est donné. Il fait suite à la parabole des dix vierges et à la parabole des talents, qui concentrent toutes deux notre attention sur cette grave question. Dans la lecture de l'Évangile d'aujourd'hui, le Christ fait référence à toutes les nations, ce qui est significatif car il y a des nations où la divinité du Christ est rejetée. 

 Plus tôt dans l'Évangile de saint Matthieu, nous trouvons le Seigneur disant : "Quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père Qui est dans les cieux. (Chapitre 10, verset 33). Gardez cela à l'esprit lorsque nous examinons la discussion qui est rapportée ici au chapitre 25.

Nous ne connaissons pas l'identité des auditeurs, mais il est clair qu'il y avait parmi eux des disciples et d'autres personnes qui suivaient le Christ. Ils supposèrent que les commentaires devaient être pris au pied de la lettre, comme se référant à eux-mêmes, alors que le contexte est celui de la seconde venue, d'où la référence à toutes les nations. Il s'agit d'un précepte qui s'applique à tous les pays et à tous les siècles. Non seulement cela, mais c'est pour tout le monde, y compris les plus petits de mes frères. Nous avons ici un écho d'une autre parabole, celle du bon Samaritain, car l'interlocuteur demande au Christ : "Qui est mon prochain ? (Luc 10:29). Prochain ou frère, nous n'avons pas à ergoter sur les mots, car l'implication est la même. Il s'agit de notre relation avec l'humanité en général et avec tous ceux que nous rencontrons dans notre vie quotidienne en particulier.

St. Théophylacte

Théophylacte souligne que Dieu n'accorde pas d'honneur ou de punition avant d'avoir d'abord jugé. Car il aime les hommes et nous enseigne à faire de même, à ne pas punir avant d'avoir procédé à un examen minutieux. Ainsi, ceux qui seront punis après le jugement n'auront pas à se plaindre. Nous en venons donc à l'examen de la deuxième catégorie, ceux qui n'aiment pas le Seigneur et n'obéissent pas à ses préceptes. Ils reçoivent un châtiment éternel. Le commentaire parle ici de "ténèbres extérieures", expression qui n'est pas utilisée dans ce passage, mais qui se retrouve dans le passage précédent. Le serviteur inutile est condamné aux ténèbres extérieures. Tous ceux qui manquent de vertu et tous ceux qui vivent leur vie sans la lumière du Christ vivent effectivement dans les ténèbres dans une certaine mesure, mais ils ont encore le temps de changer. Après leur jugement, il n'y aura pas de retour en arrière, pas de possibilité de conversion. Ils seront alors dans les "ténèbres extérieures". Dans ce passage, le Seigneur fait référence au châtiment éternel lorsqu'il dit : "Éloignez-vous de moi, maudits ! Retirez-vous de moi, maudits, pour aller dans le feu éternel préparé pour le Diable et ses anges. Le commentaire nous rappelle que l'enfer n'était pas destiné à nous, mais au Diable. Malheureusement, certains membres de la création de Dieu ont librement choisi de suivre le Malin dans ce royaume maudit. Théophylacte observe que l'hérétique Origène a enseigné qu'un jour le châtiment prendra fin et que tout le monde sauvé [apocatastase].  Cependant, cette affirmation est démentie par les propres paroles du Christ et elle fut condamnée comme mensonge par le cinquième concile œcuménique en 553 après J.-C.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après


in Mettingham. 

ENGLAND 



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