L'écrivain de l'Église du troisième
siècle Tertullien a écrit le
fameux: "Je crois parce que c'est absurde". Quelle absurdité!
Evidemment Tertullien (qui est devenu hérétique) n'était pas adepte de l'Apôtre
Thomas! S'il avait dit: «Je crois en dépit du fait que vous (les infidèles
stupides) considérez ma foi comme absurde», nous n'aurions pas de querelle avec
lui. Mais croire à cause de l'absurdité supposée de la foi est une sorte de
nihilisme, et la remise en cause de toute vraie foi et discours rationnel.
Car la foi est rationnelle (et non
rationaliste, ce qui est un rétrécissement et un travail de sape de la
véritable rationalité) mais parfaitement en accord avec la raison. Après tout,
l'Évangile de la résurrection commence par les mots: "Au commencement
était le Verbe" (Jean 1:1), ou "la Parole", Logos en grec,
pourrait aussi être traduit par "Raison". L'Eglise ne dédaigne pas la
raison, mais l'accueille à bras ouverts, car nous savons que le Dieu que nous
adorons est la raison et la signification suprêmes et le Créateur de tout ce
qui est rationnel et logique et significatif. En effet, notre capacité même de
raisonner et de trouver la logique et le sens des choses est fondée sur notre
être créé à l'image de la raison de Dieu. L'univers a un sens car il a été créé
par un Dieu qui est Raison et Qui a implanté sa capacité à raisonner dans nos
esprits et nos cœurs... "Les esprits et les cœurs" car la rationalité
en question n'est pas simplement pensée ou cogitation, mais une vision du cœur.
Mais encore une fois, nous devons nous qualifier. Nous ne parlons pas de «cœur»
au sens de la capacité émotionnelle. La vision du cœur qui est foi est une
vision qui est supra intellectuelle et supra émotionnelle. Elle procède du
centre spirituel de notre être, le point où nous entrons en communion avec
Dieu, où notre raison se heurte à la Raison même, et rayonne pour embrasser à
la fois nos pensées et nos émotions, les ordonnant, les transfigurant et les
exaltant.
Mais pourquoi, alors, la foi et la
science sont-elles si souvent opposées, comme si l'une était incompatible avec
l'autre? Car, comme l'écrit Melanie Phillips, "En Occident postchrétien,
c'est un article de foi laïque que la religion et la raison se repoussent comme
des pôles magnétiques. La religion, dit-on, n'est pas rationnelle et la raison
ne peut pas embrasser tout ce qui se trouve en dehors de l'explication matérialiste
". [2]
Le mot important ici est
«matérialiste». La foi, selon saint Paul, est "la preuve des réalités
qu'on ne voit pas, la preuve des choses qu'on espère" (Hébreux 11.1), où "les
choses espérées" sont par définition des choses aussi qu'on ne voit pas
(encore). Ainsi la foi va très consciemment au-delà de ce que nous voyons avec
nos sens matériels. Mais cela ne signifie pas que cela va au-delà de la raison,
dans une sorte de "saut aveugle", car c'est précisément la raison, la
raison de la foi, qui nous dit qu'il existe quelque chose au-delà de la matière
que nous pouvons voir, non pas avec nos sens matériels, mais avec nos sens
"noétiques". La foi a des "preuves" de cela, elle a même
une "preuve" - "de nombreuses preuves infaillibles" -
paroles qui ne sont certainement partie du langage de la raison.
Mais la foi dépasse la raison, parce
que, même confronté à la Vérité
elle-même, démontrée comme telle par plusieurs preuves, l'homme peut toujours
refuser de croire et se détourner de la vérité, en disant avec Pilate: "Qu'est-ce
que la vérité?" (Jean 18 :38). Il est dans sa capacité de croire ou
ne pas croire en dépit des preuves qui se trouvent dans le libre arbitre de
l'homme, un libre arbitre qui peut incliner vers la raison ou la déraison. La
foi est conforme à la raison, mais elle est toujours un don de Dieu (Ephésiens
2 :9), et elle est donnée uniquement à ceux qui aiment la vérité plus que
le mensonge, qui préfèrent la raison à l'irrationalité.
Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Notes:
[2] Phillips, «Comment l'Occident a
pris congé de ses sens", Standpoint, mai 2010, p. 42.
[3] Rose,
“The Orthodox Patristic Understanding of Genesis”, ch. 5, The Orthodox Word,
№
171, 1993.
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