"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 27 février 2018

Archimandrite Kirill [Pavlov]: La douce Lumière de l'authenticité (4)



Pour autant que je puisse en juger, il ne s'est jamais considéré comme un staretz. Mais il ne considérait pas non plus qu'il avait le droit de refuser quiconque serait venu vers lui. Cela a causé de gros problèmes - comment pourrait-on faire en sorte que les gens puissent avoir l'occasion de lui rendre visite dans sa cellule de Peredelkino et s'assurer en même temps qu'il ait au moins un peu de temps pour se reposer? 

"Que puis-je faire?" Disait-il à l'époque, "sinon d'écouter quelqu'un [qui veut me parler]? Et il les écoutait... Il y avait des moments où cela durait de midi à deux heures du matin... À l'heure du déjeuner j'allais en courant, oubliant d'enlever mon tablier, et lui demandais de venir au réfectoire, à nous dans le bâtiment voisin. Même s'il n'avait aucun désir de nourriture, il arrivait toujours à l'heure. De plus, il considérait qu'il était de son devoir de participer au lavage de la vaisselle ensuite. Sans la moindre ombre de sérieux morose, sans édification moralisatrice, mais heureusement, de bonne humeur, comme s'il allait de soi qu'il rincerait la montagne de nos plats et de nos tasses sales (les sœurs et moi avions réussi à cacher l'autre montagne avant qu'il puisse y arriver), puis irait recevoir plus de gens. Et ainsi, tous les jours. À la fin, tout cela a commencé à nous sembler normal. Eh bien oui, Batiouchka fait la vaisselle, qu'y a-t-il de si étrange?

N'ayant pas connu le Batiouchka comme les autres (à quarante, cinquante ou soixante ans), je fus autorisé à ne voir que cette vieillesse éclairée, rayonnant de joie et de paix, incapable de colère ou même la moindre irritation à cause du ridicule de quelqu'un d'autre... cela semblait lui venir facilement, gaiement, organiquement à sa propre nature. 

Mais à en juger par ses propres histoires, son chemin monastique était un chemin de contrôle de soi dur, continu et approfondi. Tout cela exigeait, quoique invisible, un travail colossal. 

Pas de compromis avec quoi que ce soit qui contredisait les commandements de l'Évangile. C'est une autre affaire que sa rigueur envers lui-même n'a jamais conduit à une sévérité ascétique à l'égard de ceux qui l'entouraient. 

Il avait vraiment un coeur très gentil et miséricordieux. Personne ne pouvait jamais l'accuser d'insensibilité ou de réticence, ou du comportement que les ascètes inexpérimentés justifient habituellement par leurs travaux ascétiques «exclusifs» et leur éloignement envers la vanité terrestre. 

J'ose penser que ce qui avait pris la première place dans cette ascèse personnelle n'était pas le nombre de prosternations et de chapelets de prière, mais le commandement de l'amour. Ne jamais offenser qui que ce soit, préserver la paix dans son cœur - c'était là le souci principal de Batiouchka, sa principale préoccupation à toute heure. 

Et après tout, combien de ceux qui venaient à lui étaient simplement psychologiquement malades, ce qui est a priori impossible à satisfaire. Mais le père Kirill écoutait docilement les millions de critiques qui lui étaient adressées, exigeait d'écouter encore et encore, de recevoir des confessions...

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après




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