"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 24 septembre 2018

Prêtre Srboliub Miletitch: "Le patriarche Mélétios Métaxakis (1871-1935) : métropolite, archevêque, pape et patriarche"



Le Chef de l'Eglise

 *
Mélétios Métaxakis
Juillet 1935. Zurich, Suisse. Après six jours difficiles dans les affres de la mort, meurt un homme dont la personnalité est l'une des plus scandaleuses de l'histoire bimillénaire de l'Église orthodoxe. Son corps est transporté au Caire en Égypte et enterré en grande pompe. L'un des plus grands réformateurs de l'Église laisse derrière lui une situation douloureuse, instable et alarmante, dont les conséquences se feront sentir pendant de nombreuses décennies, probablement même des siècles. Dans le contexte de son image et de ses actions, une question se pose. Quelle a été sa contribution personnelle aux tribulations, préoccupations et défis actuels et futurs de l'Église orthodoxe ?
Nous sommes maintenant à une distance historique suffisante pour que les historiens et les théologiens puissent en donner une évaluation objective. Aujourd'hui, à notre avis, sa personnalité et sa contribution l'exigent. Nous allons essayer de montrer pourquoi. Nous ne présentons que les informations de base et certains des faits historiques qui concernent cette personnalité, sans précédent dans l'histoire de l'Eglise. Dans sa vie relativement courte, mais très tumultueuse, cet homme a réussi à devenir le chef de trois Églises locales autocéphales et à prendre un certain nombre de décisions, qui jusqu'à son époque étaient incompatibles avec l'Orthodoxie. C'était là un homme qui tentait de changer les bases mêmes de l'ecclésiologie orthodoxe, soulevant des questions auxquelles de nombreuses générations de théologiens orthodoxes doivent encore répondre avec maturité et sobriété spirituelle. Mais commençons par le début.
Le Patriarche Mélétios Métaxakis est né le 21 septembre 1871 dans le village de Parsas en Crète et fut baptisé Emmanuel. En 1889, il entra au séminaire de la Sainte Croix à Jérusalem. En 1892, il devint moine et fut ordonné hiérodiacre. Après avoir achevé sa formation théologique, le Patriarche Damien le nomme, en 1900, secrétaire du Saint Synode du Patriarcat de Jérusalem. Huit ans plus tard, en 1908, le même Patriarche expulsa Mélétios de Terre Sainte pour " activités contre le Saint Sépulcre ". (1)
Selon l'historien Alexander Zervoudakis, un fonctionnaire du ministère britannique de la Défense (1944-1950), en 1909 Mélétios visita Chypre et là, avec d'autres membres du clergé orthodoxe (2), devint membre d'une loge maçonnique britannique (3). L'année suivante, Métaxakis devint Métropolite de Kition à Chypre et, dès 1912, essaya de devenir Patriarche de Constantinople. A défaut, il se consacra à devenir archevêque de Chypre. Entre-temps, ses ambitions politiques non dissimulées, son caractère autoritaire et, surtout, son modernisme semblent avoir joué un rôle décisif dans sa défaite (4). Désillusionné, il quitte son troupeau et en 1916, il se dirige en Grèce. Là, en 1918, avec le soutien de son parent Vénizelos, qui dirigeait le gouvernement grec, il devint archevêque d'Athènes. L'année suivante, lorsque Vénizelos perdit les élections grecques, Métaxakis fut destitué.
Alors qu'il était encore archevêque d'Athènes, Mgr Métaxakis visita la Grande-Bretagne avec un groupe de ses partisans. C'est là qu'il mena des discussions sur l'unité entre l'Église anglicane et les Églises orthodoxes. C'est à cette époque qu'il a également fondé le célèbre " Archidiocèse grec d'Amérique du Nord ". Jusque-là, il n'y avait pas eu de juridictions séparées en Amérique, mais seulement des paroisses composées de groupes ethniques, y compris des Grecs, et officiellement sous la juridiction de l'évêque russe. Avec la chute de la Russie impériale et la prise du pouvoir par les bolcheviks, l'Église russe s'est trouvée isolée et ses diocèses hors de la Russie soviétique ont perdu leur soutien. La fondation par l'archevêque Mélétios d'un diocèse ethnique purement grec en Amérique fut la première d'une série de divisions qui suivirent. En conséquence, divers groupes demandèrent et reçu le soutien de leurs Églises nationales(5).
Après avoir perdu le siège d'Athènes, en février 1921, Mélétios part pour l'Amérique. À l'époque, selon la décision du Conseil épiscopal sacré de l'Église orthodoxe serbe (SOC), l'évêque (aujourd'hui saint) Nicolas Velimirovitch avait été envoyé avec un mandat " pour enquêter sur la situation, les besoins et les souhaits de l'Église orthodoxe serbe aux États-Unis ". Dans son rapport au Conseil épiscopal sacré les 13 et 26 juin 1921, Vladyka Nicholas mentionne la rencontre de Mélétios, en les informant également :
« La position des Grecs m'a été expliquée au mieux par le métropolite d'Athènes, Mélétios Métaxakis, qui est maintenant en exil en Amérique, et l'évêque Alexandre de Rhodes, que le même métropolite Mélétios a envoyé en Amérique il y a trois ans et à qui il a délégué des fonctions d'évêque de l'Église grecque en Amérique.
Le Métropolite Mélétios considère que, selon les canons, le contrôle suprême de l'Église en Amérique doit d'appartenir au Patriarche de Constantinople. Il cite le canon 28 du IVe Concile œcuménique, selon lequel toutes les Eglises des pays "barbares" relèvent de la juridiction du Patriarche à Constantinople. Selon lui, cette compétence serait plus honorifique qu'autre chose et ne serait plus réelle qu'en matière d'appel de la part d'une partie insatisfaite " (6).
Naturellement, c'était une nouvelle intéressante pour Mgr Nicholas et il l'a mentionnée dans son rapport au Conseil du SOC, parce que personne jusqu'alors n'avait interprété le Canon 28 du Quatrième Conseil de cette manière. Pas un seul Patriarche de Constantinople jusqu'à ce que Mélétios n'ait encore essayé de substituer une primauté du pouvoir à la primauté de l'honneur, ou un mythe de jugement suprême en " matière d'appel par le parti insatisfait " pour la catholicité de l'Église.
Outre son travail pour établir des arrangements complètement nouveaux entre les Églises locales et leurs diasporas, en Amérique, Mélétios a aussi montré un grand souci de développer des relations exceptionnellement cordiales avec les anglicans (épiscopaliens). Le 17 décembre 1921, l'ambassadeur de Grèce à Washington informa les autorités de Thessalonique que Mélétios, revêtu [de ses ornmements], participait à un service anglican, s'inclinait avec les anglicans dans la prière, embrassait leur autel, prêchait et bénissait ensuite ceux présents! (7).
Lorsque le Saint Synode de l'Eglise de Grèce apprit les activités de Mélétios en novembre 1921, une commission spéciale fut mise sur pied pour enquêter sur sa situation. Entre-temps, pendant que l'enquête se poursuivait, Mélétios fut élu à l'improviste Patriarche de Constantinople. La commission synodale étendit ses travaux et, sur la base de ses conclusions, le 9 décembre 1921, le Saint Synode de l'Église de Grèce expulsa Mélétios Métaxakis pour toute une série d'infractions au droit canon et aussi pour avoir créé un schisme8. Malgré cette décision, le 24 janvier 1922, Mélétios fut élevé au siège patriarcal. Et puis, sous une forte pression politique, le 24 septembre de la même année, la décision de l'expulser fut révoquée.
Le métropolite Germanos (Karavangelis), qui à cette époque avait déjà été légalement élu archevêque de Constantinople, raconte ce qui suit au sujet des circonstances liées au changement inattendu de situation : " Mon élection au trône œcuménique en 1921 ne faisait aucun doute. Sur 17 votes, 16 étaient pour moi. Puis un laïc que je connaissais m'a offert 10 000 livres si je renonçais à tous mes droits à l'élection en faveur de Mélétios Métaxakis. Naturellement, irrité et ennuyé, j'ai rejeté l'offre. Immédiatement après, une délégation de trois personnes de la Ligue de défense nationale m'a rendu visite un soir et m'a convaincu énergiquement de renoncer à mon élection en faveur de Mélétios Métaxakis. La délégation m'a dit que Mélétios pouvait obtenir 100 000 $ pour le Patriarcat, qu'il était en très bons termes avec les évêques protestants d'Angleterre et d'Amérique, qu'il pouvait être très utile aux intérêts nationaux grecs et que les intérêts internationaux exigeaient que Mélétios soit élu comme Patriarche. Tel était le souhait d'Eleutherios Vénizélos.
Toute la nuit, j'ai réfléchi à cette proposition. Le chaos économique régnait au Patriarcat. Le gouvernement grec a cessé d'envoyer de l'aide et il n'y avait pas d'autres sources de revenus. Les salaires n'avaient pas été versés au cours des neuf derniers mois. Les organisations caritatives du Patriarcat se trouvaient dans une situation matérielle critique. Compte tenu de ces considérations et dans l'intérêt du bien-être de la population, j'ai accepté la proposition (9).
Après cet accord, le 23 novembre 1921, une proposition du Synode du Patriarcat de Constantinople de reporter l'élection du Patriarche fut acceptée. Immédiatement après, les évêques qui avaient voté pour reporter les élections ont été remplacés par d'autres, de sorte que deux jours plus tard, le 25 novembre 1921, Mélétios fut élu. Les évêques destitués se sont réunis à Thessalonique et ont fait une déclaration dans laquelle ils disaient que " l'élection de Mélétios était complètement contre les saints canons " et ils ont promis " de conduire une élection honnête et canonique du Patriarche de Constantinople " (10). Malgré tout cela, deux mois plus tard, au milieu de l'étonnement général, Mélétios devint néanmoins Patriarche de Constantinople.
On peut dire qu'à partir du moment où il a été élu, un tout nouveau chapitre de l'histoire de l'Église orthodoxe commence. Guerrier ardent des idées politiques du panhellénisme, moderniste énergique et réformateur de l'Église, Mélétios initia une série de réformes et influença l'acceptation de nombreuses résolutions qui eurent des conséquences extrêmement tragiques. En 1922, le Synode de son Patriarcat publia une encyclique qui reconnaissait la validité des ordres anglicans (11) et, du 10 mai au 8 juin, à l'initiative de Mélétios, un " Congrès Pan-Orthodoxe " eut lieu à Istanbul.
Malgré les résolutions des Conciles de 1583 (12), 1587 et 1593, le Congrès a pris la décision de modifier le calendrier de l'Eglise orthodoxe. Il est remarquable qu'à cette Conférence, qui porte différents noms - " Congrès panorthodoxe ", " Assemblée orthodoxe " (13) et ainsi de suite - seuls des représentants de trois Églises locales étaient présents : de Grèce, de Roumanie et de Serbie. Dans le même temps, des représentants d'autres pays, et d'ailleurs des plus proches - les Patriarcats d'Antioche, de Jérusalem et d'Alexandrie - ont décidé de ne pas y participer. En tant que Patriarche œcuménique, Mgr Mélétios a présidé les sessions de la rencontre, à laquelle l'évêque anglican Charles Gore était présent. A l'invitation de Mélétios, Gore s'assit à sa droite et participa aux travaux du Congrès (14).
On peut dire que l'introduction du nouveau calendrier a provoqué une grande déception dans tout le monde orthodoxe, parmi le clergé paroissial et les laïcs, et surtout parmi les moines. Ce geste a été considéré comme le signe visible de l'intention de Constantinople de se rapprocher de l'Occident au détriment de l'unité liturgique séculaire des Églises locales orthodoxes. Le soi-disant " Congrès pan-orthodoxe ", composé de représentants de trois Églises locales, est parvenu à accepter le nouveau calendrier pour les mêmes raisons que l'Unia, pour lesquelles les précédents Conciles orthodoxes l'avaient condamné et rejeté : " En vue de la célébration simultanée des grandes fêtes chrétiennes par toutes les Églises " (15).
Quoi que cette conférence ait représenté et qui que ce soit qu’elle ait représenté, les historiens seront très probablement forcés de reconnaître qu'il s'agissait de l'un des événements les plus tragiques de la vie de l'Église au XXe siècle. L'ordre du jour, fixé d'en haut et imposé à des personnes en contradiction avec des décisions conciliaires précédentes, a introduit sous la pression politique le soi-disant nouveau calendrier. Cela a provoqué des schismes et des affrontements sanglants dans les rues, auxquels Mélétios lui-même n'a pas échappé. Les réformes modernistes de l'Église de Mélétios n'étaient pas du goût des fidèles. A Istanbul, de graves incidents se sont produits, au cours desquels la population orthodoxe indignée a saccagé les appartements du Patriarche et battu physiquement Mélétios lui-même (16). Peu après, en septembre 1923, il fut contraint de quitter Istanbul et de renoncer au trône patriarcal.
A en juger par tout cela, le Patriarche Mélétios avait des plans ambitieux et cette petite et peu glorieuse réunion a examiné plus d'un problème. Outre la question de la modification du calendrier, ils se sont également penchés sur la question de savoir s'il fallait refuser un jour de Pâques fixe, le mariage des prêtres et des diacres après l'ordination, les seconds mariages des prêtres, le relâchement des jeûnes, le transfert des grandes fêtes au dimanche, etc (17). Au sujet de cette rencontre, l'Archimandrite (aujourd'hui souvent vénéré comme un saint) Justin Popovitch écrivait dans sa présentation de mai 1977 au Conseil épiscopal sacré du SOC : "La question de la préparation et de la tenue d'un nouveau "Concile oecuménique" de l'Eglise orthodoxe n'est pas nouvelle et ne remonte pas seulement à hier dans notre époque de l'histoire ecclésiale. Cette question a déjà été soulevée à l’époque du malheureux Patriarche Mélétios Métaxakis, le célèbre et présomptueux moderniste, réformateur et créateur du schisme dans l’ Orthodoxie, lors de son "Congrès pan-orthodoxe" à Istanbul en 1923.
En tant que Patriarche œcuménique, Mélétios a accordé une attention particulière aux tentatives de réorganisation complète des relations entre les Églises locales orthodoxes dans le monde, notamment en ce qui concerne leurs diasporas. Ses décisions, ses lettres, ses tomos et ses encycliques n'étaient pas seulement controversées, mais se contredisaient parfois selon la logique. Ainsi, refusant de reconnaître l'autocéphalie de l'Église orthodoxe albanaise sous prétexte que la population orthodoxe était minoritaire, Mélétios, malgré tous les documents officiels de l'Église russe, reconnut la séparation de l'Église polonaise, qui est également minoritaire en Pologne (18), exactement de la même manière.

Comme l'a dit Vladyka Nicholas Velimirovitch dans son rapport, le Patriarche Mélétios a tenté d'étendre l'interprétation du Canon 28 du Quatrième Concile oecuménique et, d'une certaine manière, de saisir non seulement la diaspora grecque, mais aussi les autres diasporas nationales. Pour la première fois dans l'histoire, un Patriarche essayait de lancer le Patriarcat de Constantinople dans une campagne d'invasion administrative absolument scandaleuse et absolument anticanonique dans les pays des autres peuples et contre les troupeaux des autres peuples. Le P. Jivko Panev écrit à ce sujet :
Sans consulter le Synode d'Athènes, en 1922, il utilisa ses liens avec la diaspora grecque d'Amérique et la subordonna à lui-même. Cette année-là, il publia un Tomos sur la fondation d'un archidiocèse en Amérique du Nord et du Sud à New York, avec trois évêques, à Boston, Chicago et San Francisco. Dans le même temps, il prit également des mesures pour subordonner aux diasporas de Constantinople d'autres nationalités. Le premier pas dans cette direction fut fait en 1922, lorsqu'il nomma un Exarque pour toute l'Europe occidentale et centrale à Londres, avec le titre de métropolite de Thyateira. Par la suite, Constantinople commença à contester le droit du Métropolite Euloge de diriger les paroisses russes en Europe occidentale.
Le 9 juillet 1923, Mélétios se subordonne à lui-même les diocèses de l'Église russe en Finlande sous la forme d'une Église finlandaise autonome. Le 23 août 1923, le Synode de Constantinople publia un Tomos sur la subordination à Constantinople des diocèses russes en Estonie, sous la forme d'une Église autonome.
Présidé par Mélétios, le Synode de Constantinople décida qu'il était indispensable de former un nouveau diocèse pour la diaspora orthodoxe en Australie, avec une cathédrale à Sydney, sous Constantinople. Cela fut fait en 1924' (19).
Grâce aux activités de Mélétios, l'Église serbe s'est également heurtée au Patriarcat de Constantinople. Elle avait son diocèse en Tchécoslovaquie, pour lequel le Patriarche serbe Dimitri consacra le 25 septembre 1921 l'évêque morave tchèque Gorazd Pavlik (abattu le 4 décembre 1942 par les Allemands et maintenant canonisé) (20). Malgré cela, le 4 mars 1923, le Patriarche Mélétios consacra un Archimandrite Sabbace comme " Archevêque de Prague et de toute la Tchécoslovaquie " et lui donna le Tomos n° 1132 sur la restauration de l'ancien archidiocèse de Saint Cyrille et Méthode qu'il plaça ensuite sous la juridiction de Constantinople (21).
Outre l'Église autocéphale albanaise, que Mélétios ne reconnaissait pas, il y avait aussi des Serbes qui vivaient sur le territoire albanais et dont l'Église serbe avait la charge spirituelle. Le secrétaire du monastère de Detchani, Victor Mikhaïlovitch, fut consacré le 18 juin 1922 comme vicaire-évêque de Scutari. Entre-temps, le Patriarcat de se disputa pendant de nombreuses années avec l'Eglise serbe sur la question de la juridiction en Albanie. Entre-temps, la propagande de l'Unia, diffusée directement par le Vatican, fut couronnée de succès. L'évêque Victor de Scutari subit de terribles épreuves dont il fut délivré le 8 septembre 1939, date de sa mort. Il fut enterré au monastère de Detchani à sa demande (22).
La reconnaissance par Mélétios des ordres anglicans a même provoqué l'indignation des catholiques romains. Les innovations de Mélétios dans l'Église ont provoqué l'indignation et la colère et le nouveau calendrier a même provoqué des schismes. A Istanbul, le 1er juin 1923, un grand groupe de clercs et de laïcs indignés s'est rassemblé pour attaquer le Phanar dans le but de déposer Mélétios et de le chasser de la ville. Cependant, Mélétios résista encore un mois dans l'atmosphère surchauffée, le 1er juillet 1923, pour quitter Istanbul sous prétexte de maladie et de nécessité d'un traitement médical. Plus tard, sous la forte pression du gouvernement grec et l'intervention de l'archevêque d'Athènes, le patriarche Mélétios démissionna finalement de son poste le 20 septembre 1923.
Au début, seules trois Églises orthodoxes locales introduisirent le nouveau calendrier, qui avait été accepté sur son insistance lors du malheureux congrès d'Istanbul en 1923. Il s'agit de Constantinople, de la Grèce et de la Roumanie. Il n'a pas été introduit dans d'autres pays par crainte d'autres perturbations et schismes et aussi en raison de la forte réaction négative. Le Patriarche de Jérusalem déclara que le nouveau calendrier était inacceptable pour son Eglise à cause du danger du prosélytisme et de la propagation de l'Unia en Terre Sainte. L'opposition la plus sérieuse au nouveau calendrier venait probablement de l'Église d'Alexandrie. Là, le Patriarche Photius, après un accord avec les Patriarches Grégoire d'Antioche, Damien de Jérusalem et l'Archevêque de Chypre, Cyrille, appela un Concile local, où il fut décidé qu'il n'y avait aucun besoin de changer de calendrier. Le Concile regretta vivement que cette question figure à l'ordre du jour, soulignant que le changement de calendrier représentait un danger pour l'unité de l'Orthodoxie, non seulement en Grèce, mais partout dans le monde.
Cependant, de grands changements se produisirent bientôt au Patriarcat d'Alexandrie lui-même. Après la défaite grecque de 1924 en Asie Mineure aux mains de Kemal Ataturk, de grands changements eurent lieu sur la scène politique et militaire grecque. Vinrent ensuite les échanges de population, à la suite desquels quelque 1 400 000 Grecs d'Asie mineure furent contraints de se réinstaller en Grèce et quelque 300 000 Turcs quittèrent la Grèce (23). Après sa démission du siège de Constantinople et les événements orageux et fatidiques qui s'y déroulèrent, le Patriarche Mélétios se présenta à Alexandrie, où, avec un soutien politique, il fut nommé deuxième candidat pour le siège du Patriarcat d'Alexandrie (24).
A cette époque, l'Egypte était sous mandat britannique et le gouvernement égyptien avait le droit de confirmer la candidature de l'un ou l'autre des deux candidats qui avaient été présentés. Le gouvernement du Caire traîna les pieds sur la décision pendant une année entière, et seulement le 20 mai 1926, sous la pression du gouvernement britannique, pour confirmer leur choix de Mélétios au siège du Pape et Patriarche d'Alexandrie. Pas du tout découragé par le Concile local appelé par son prédécesseur, prétextant l'unité de la diaspora grecque avec sa patrie (le nouveau calendrier avait déjà été introduit en Grèce sous la pression du gouvernement révolutionnaire), Mélétios introduit également le nouveau calendrier à Alexandrie. Ainsi, la prétendue préoccupation pour la diaspora ethnique grecque a pris le pas sur le souci de l'unité de l'Eglise et les décisions des Conciles précédents.


Le Métropolite Mélétios et l'Archevêque de Canterbury, Cosmo Lang, 
à la Conférence de Lambeth en 1930
   
En 1930, à la tête d'une délégation de l'Église, Mélétios Métaxakis participa à la Conférence de Lambeth (25), où il négocie l'unité entre anglicans et orthodoxes.
Avant la mort de Mélétios Métaxakis, cet exilé de Terre Sainte, de Kition, d'Athènes et de Constantinople, avec son esprit instable, infatigable et ambitieux, malgré une maladie grave, tenta de faire avancer sa candidature pour le siège de Jérusalem. Cependant, le 28 juillet 1935, il mourut et fut enterré au Caire. Dans son sillage, il y a encore une période orageuse, une période agitée de pressions politiques et d'intrigues diplomatiques, inacceptables dans l'Église du Christ, dont les conséquences se feront sentir pendant de nombreuses années à venir...

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
*
NOTES :
1] Batistos D., Actes et décisions du Conseil panorthodoxe à Constantinople, 10 mai - 8 juin 1923, Athènes, 1982. ( en anglais)

2] L'un d'eux était le futur métropolite Vasilios ( Basile), représentant officiel du Patriarcat de Constantinople.

3] Alexander I. Zervoudakis,'Célèbres francs-maçons', Bulletin Maçonnique, No. 71, janvier - février 1967 ( en anglais)

4] Benedict Englezakis, Études sur l'histoire de l'Église de Chypre, IVe - XXe siècles, Vaparoum, Ashgate Publishing Limited, Aldershot, Hampshire, Grande-Bretagne, 1995, p. 440. ( en anglais)

5] Métropolite Théodose, archevêque de Washington, The Path To Autocephaly And Beyond:'Miles To Go Before We Sleep' http://www.holy-trinity.org/modern/ theodosius.html

6] Évêque Nikolaï Velimirovitch, Œuvres complètes, vol. 10, 1983, p. 467 (en serbe)

7] Delimpasis, Pâque du Seigneur, Création, Renouveau et Apostasie, Athènes, 1985, p.661. ( en anglais)

8] Delimpasis, Pâque du Seigneur, Création, Renouveau et Apostasie, Athènes, 1985, p.661. ( en anglais)

9] Ibid, p.662.

10] Ibid, p.663.

11] Encyclique sur les Ordres anglicans, du Patriarche œcuménique aux Présidents des Églises orthodoxes orientales particulières, 1922, http://www.ucl.ac.uk/~ucgbmxd/ patriarc.htm ( en anglais)
12] Le Concile local de 1583 à Constantinople fut convoqué en réponse à la proposition du pape Grégoire XIII aux orthodoxes d'accepter le nouveau calendrier. Le Patriarche Jérémie de Constantinople, le Patriarche Sylvestre d'Alexandrie, le Patriarche Sophronios de Jérusalem et d'autres pères ont participé au Concile. Le Concile a dit clairement : Si quelqu'un ne suit pas les coutumes de l'Église, fondées dans les conciles œcuméniques, y compris la sainte Pâques et le calendrier qu'ils nous commandent de suivre, mais souhaite suivre la nouvelle Pâque et le calendrier des astronomes athées du Pape et contradictoires (avec les coutumes de l'Église), qui veulent rejeter et souiller les dogmes et coutumes de l'Église, que nous avons hérité de nos pères, qu’ils soient ANATHEME et qu’ils soient excommuniés de l'Église et de la communion avec les fidèles.
13] Sibev T., La question du calendrier de l'Église, Éditions synodales, Sofia, 1968, pp. 33-34 (en bulgare).
Le nom même de " Congrès " témoigne du fait que cette réunion ne s'inscrit pas dans la Tradition orthodoxe.
15] L'Encyclique du Patriarcat de Constantinople, "À toutes les Églises du Christ", janvier 1920 ( en anglais)

16] "Le calendrier julien", Orthodox Life, n° 5, 1995, p. 26 ( en anglais)

17] Hieromoine Sava (Evtitch), L'œcuménisme et le temps de l'apostasie, Prizren, 1995, p. 11 (en serbe)

18] Le prêtre Jivko Panev. La question de la diaspora - Une revue historique et canonique, Paris, manuscrit (en russe)

19] Ibid.

20] Sava, évêque de Choumadia, Hiérarques serbes du IXe au XXe siècle, Belgrade 1996, pp. 135-135 (en serbe)

21] Serge Troitsky, Juridiction ecclésiastique sur la diaspora orthodoxe, Sremski Karlovtsy, 1932, p. 4 (en serbe)

22] Dimsho Peritch, L'Église orthodoxe serbe et sa diaspora, Istotchnik, The Journal of the Serbian Orthodox Diocese in Canada, 1998, no 38. ( en anglais)
23] Au XXe siècle, la population grecque de Turquie subit de terribles persécutions et un génocide. En 1920, rien qu'à Istanbul, il y avait environ 100 000 Grecs. Après la Première Guerre mondiale et la défaite grecque à Smyrne (Izmir) en 1922, les Grecs y ont subi un véritable désastre - " le grand désastre ". Les Grecs d'Asie Mineure ont fui et se sont réinstallés ailleurs. Cela s'est produit après la signature de la paix à Lausanne, en Suisse, en 1923. Après cela, il ne restait plus qu'un nombre insignifiant de Grecs à Istanbul et de Turcs en Thrace occidentale. A l'heure actuelle, il y a environ 4 000 Grecs à Istanbul". Archiprêtre Radomir Popovitch, L'Orthodoxie au tournant des siècles, Belgrade, 1999, p.23 (en serbe)
24] Le premier candidat fut le Métropolite Nicolas de Nubie
25] La Conférence de tous les évêques anglicans qui lieu tous les dix ans au Palais de l'Archevêque de Cantorbéry. Il se penche sur les questions de foi, de moralité et d'ordre dans la Communion anglicane.

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