Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (6)

В Жарках, Ивановская обл.
En Russie

- Père Georges : Et maintenant, vous êtes responsable de la version anglaise du site « Pravoslavie.ru » ?

- Moniale Cornélia : Oui, nous nous efforçons de traduire aussi, entre autres, le programme « Ma voie vers Dieu ». Ces émissions sont très populaires chez nous, et cela intéresse beaucoup de gens. C’est ainsi qu’un émigré, vivant au Canada, a demandé de lui donner la possibilité de traduire quelque chose pour notre site. De toute évidence, il est originaire d’Asie centrale, parce que son nom est Talib, alors que son nom de baptême est Paul. Nous demandons à tous de prier pour lui. Il traduit ces programmes, et bien. Nous voulons donner aux gens la possibilité de lire plus en langue anglaise sur la foi orthodoxe. Internet est un phénomène très important. Chaque personne, dans n’importe quel point du globe, si elle a internet, peut visiter notre site. Et étant donné que l’anglais est maintenant une langue si répandue, une langue commune à tous à l’instar du grec dans le monde antique, notre site peut être lu par de nombreuses personnes.

- Père Georges : Non seulement en Amérique, mais aussi dans les autres pays.

- Moniales Cornélia : Oui, par exemple, il y a aux Indes beaucoup d’anglophones. Et nous avons mis en ligne des articles des Indiens orthodoxes. Et également des Pakistanais.

- Père Georges : De votre point de vue, est-ce que l’Orthodoxie est mieux connue en Amérique ? Cette situation a-t-elle changé, ou l’Orthodoxie est-elle inconnue pour beaucoup de personnes ?

- Moniale Cornélia : Je pense que pour beaucoup, elle n’est pas encore connue, mais malgré tout la barrière, peu à peu, se détruit, parce qu’aux États-Unis, des groupes entiers ont commencé à se convertir à l’Orthodoxie. 

Il y a un groupe énorme d’évangélistes qui se sont convertis à l’Orthodoxie. Il n’est pas rare que des paroisses entières se convertissent, si un pasteur quelconque, qui recherche réellement le Christ, Le trouve dans la foi orthodoxe. 

C’est ainsi que de très nombreux Américains sont devenus orthodoxes, alors qu’ils n’ont aucunes racines grecques, orientales ou slaves. À une certaine époque, l’Orthodoxie en Amérique était un phénomène purement ethnique, répandu chez les émigrés des peuples orthodoxes, mais maintenant la situation a changé. Cela ne signifie pas que le facteur ethnique n’a pas de place et qu’il n’est pas important pour les Américains. 

Si l’homme est porteur de l’Orthodoxie, on le regarde avec attention : comment il vit, ce qu’il fait. S’il a été élevé dans l’Orthodoxie, si pour lui, celle-ci est une façon de vivre naturelle et non quelque chose d’imaginaire et de forcé, son exemple est très important. Et là, un rôle immense, au moins pour moi, est celui de l’Église orthodoxe russe hors-frontières, étant donné qu’elle a encore des personnes qui ont été élevées dans un milieu orthodoxe traditionnel, qui ont connu des saints. 

Il y a des prêtres dont de nombreux ancêtres étaient également prêtres, et cela est aussi très important. Il suffit simplement de voir comme ils vivent. Naturellement, le rôle des Grecs orthodoxes est important, ils sont excessivement nombreux en Amérique. Mais ils se sont retrouvés dans ce pays pour d’autres raisons, ils ont fui la pauvreté en vue d’une vie meilleure. Aussi, ils sont passés par une période au cours de laquelle ils ne voulaient pas se distinguer des autres Américains.

- Père Georges : Probablement, aussi que maintenant, un nombre significatif de Grecs américains ne sont pas attachés à l’Orthodoxie ?

- Moniale Cornélia : Ce qui est important pour eux avant tout, c’est d’être grecs. L’Orthodoxie est souvent pour eux une part de leur identité ethnique. Mais il arrive fréquemment aussi que les Grecs, passent, pour ainsi dire,  par un moment de conversion et deviennent des gens très croyants. Et lorsque cela se produit, naturellement, c’est un exemple très élevé, qui nous aide tous. Mais, malheureusement, cela ne concerne pas tous ceux qui ont été élevés dans l’Orthodoxie grecque. 

Il y a des paroisses grecques, dans lesquelles la moitié des fidèles ne sont pas grecs. Par exemple, à Dallas, il y a une immense cathédrale grecque. La moitié de la paroisse est constituée par des Américains, des Texans. Et ce sont des gens particuliers. Des pionniers, des cowboys… C’est la « ceinture biblique* », comme l’appellent les États du Sud, où il y a beaucoup de chrétiens et où le christianisme constitue une partie importante de la vie. 

Là-bas, si une personne ne fréquente aucune église, on le regarde de travers. Il y a là des gens très croyants, à leur façon : des baptistes, des membres de l’Église épiscopalienne. Et lorsque toutes les innovations possibles ont pénétré dans ces communautés, telles que, par exemple, le sacerdoce féminin, ils ont quitté leur dénomination et ont commencé à chercher quelque chose de plus traditionnel. Très nombreux sont ceux qui parmi eux ont trouvé leur place dans l’Église orthodoxe.

Père Georges : Que Dieu fasse que d’autres personnes aussi, qui vivent dans les pays non orthodoxes puissent trouver leur place dans l’Orthodoxie. Merci, beaucoup, Révérende Mère, pour votre récit. Je vous souhaite l’aide de Dieu dans vos labeurs.

Version française Bernard Le Caro
d'après

* Bible Belt!

Émission de radio “Orthodoxie” (France-Culture) du dimanche 29 novembre : “Saint Gabriel, fol-en-Christ de Géorgie”, avec Jean-Claude Larchet

France Culture
L’émission de radio “Orthodoxie” sur France-Culture, de ce dimanche 29 novembre, à partir de 8h07, aura pour thème: “Saint Gabriel, fol-en-Christ de Géorgie ”.
Elle portera sur la persécution de l’Église en Géorgie pendant la période soviétique, puis sur la vie et la personnalité de saint Gabriel, un fol en Christ géorgien (1929-1995) canonisé en 2012, qui a mené une grande partie de son existence dans ce contexte difficile.
L’invité d’Alexis Chryssostalis sera Jean-Claude Larchet, auteur d’une monographie sur saint Gabriel parue dans la collection “Grands spirituels orthodoxes du XXe siècle” aux éditions l’Âge d’Homme.
L’émission pourra être écoutée en direct par l’Internet sur le site de France-Culture, puis, ensuite, sur cette pageoù se trouvent également les précédentes émissions en podcasts.
Une présentation de l’émission, ainsi qu’une bibliographie figure sur cette page du site de France-Culture.

vendredi 27 novembre 2015

Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (5)

Скит блж. Ксении Петербургской, Уайлдвуд, Калифорния. Рождество, 2006
Skite de sainte Xénia de Saint Petersburg/ Noël 2006

- Père Georges : Et quand avez-vous pris la décision de revenir en Russie pour toujours ?

- Moniale Cornélia : Tout s’est fait graduellement. Toutes les moniales et les moines dans notre monastère étaient des convertis américains, seul l’higoumène était russe. Le père Séraphim (Rose), dont notre monastère tirait sa tradition, avait commencé une activité d’édition. C’était ainsi un monastère missionnaire. Il faut rendre leur dû aux gens : avant eux, il y avait extrêmement peu de livres sur l’Orthodoxie en langue anglaise. Et ce qui existait, il était difficile de le trouver. Quant à la langue de ces ouvrages, elle était telle… ce n’était pas du tout de l’américain. Or, la fraternité de saint Germain d’Alaska commença à éditer des livres à grande échelle, ainsi que le périodique « Orthodox Word ». Celui-ci était très important pour moi, lorsque je me suis convertie. J’attendais chaque numéro. C’était une telle joie, revenir à la maison après le travail et trouver dans la boîte à lettres le numéro de « Orthodox Word ». Je me jetais immédiatement sur lui et le lisais de la première à la dernière page. Or, comme je connaissais la langue russe et que j’avais encore étudié la philologie anglaise ainsi que le journalisme, on me donna pour obédience, au monastère, de m’occuper des traductions. 

Aussi, je revins en Californie et nous avons commencé à travailler sur les textes. Mais naturellement, il y avait encore tout ce que doit faire une moniale, l’office, les chants et les lectures, la vaisselle, le nettoyage. Et le temps qui restait était consacré aux traductions. 

Même lors de la profession monastique, alors que, selon la tradition, il faut passer trois jours dans l’église en prière, on m’a dit : « Excuse-nous, mais il faut rédiger le texte d’un livre que nous devons achever ». Aussi, pendant ces trois jours, je restai à l’église et rédigeai le texte. C’était la vie de saint Macaire d’Optino. 

Ensuite, on me donna encore une obédience : on m’envoya en Russie pour acheter des objets et ornements liturgiques, etc. Convertis en dollars, les prix de ces objets étaient ici très bon marché. Même en prenant en compte les voyages, il était avantageux de venir ici et d’acheter des croix, et d’autres objets pour le magasin du monastère des icônes. 

En Russie, j’ai rencontré des gens avec lesquels j’avais fait connaissance lors de mon séjour à Petchory. L’un d’entre eux était moine du monastère Sretensky. Par son intermédiaire, on m’a demandé de traduire le livre « Lettres du père Jean (Krestiankine) » : notre skite féminin l’a édité en Amérique. Ensuite, on m’a encore demandé des traductions. 

Au fur et à mesure, j’ai fini par séjourner plus en Russie qu’en Amérique, et on m’a alors proposé de travailler au site orthodoxe Pravoslavie.ru en langue anglaise. J’ai demandé la bénédiction de mon évêque et de mon supérieur. Ils ont dit : « C’est bien, allez-y ». Et depuis ce temps-là, je suis ici.

Version française Bernard Le Caro
d'après

jeudi 26 novembre 2015

Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (4)

Скит блж. Ксении Петербургской, Уайлдвуд, Калифорния. С епископом Лонгином (Крко) и епископом Йованом (Вранишковским)
Skite de Sainte Xenia de Saint-Petersburg (USA)
avec l'évêque Longin et l'évêque Jovan de l'Eglise serbe

- Père Georges : Et quand avez-vous pris la décision de revenir en Russie pour toujours ?

- Moniale Cornélia : Tout s’est fait graduellement. Toutes les moniales et les moines dans notre monastère étaient des convertis américains, seul l’higoumène était russe. Le père Séraphim (Rose), dont notre monastère tirait sa tradition, avait commencé une activité d’édition. C’était ainsi un monastère missionnaire. 

Il faut rendre leur dû aux gens : avant eux, il y avait extrêmement peu de livres sur l’Orthodoxie en langue anglaise. Et ce qui existait, il était difficile de le trouver. Quant à la langue de ces ouvrages, elle était telle… ce n’était pas du tout de l’américain. Or, la fraternité de saint Germain d’Alaska commença à éditer des livres à grande échelle, ainsi que le périodique « Orthodox Word ». Celui-ci était très important pour moi, lorsque je me suis convertie. J’attendais chaque numéro. C’était une telle joie, de revenir à la maison après le travail et de trouver dans la boîte à lettres le numéro de « Orthodox Word ». 

Je me jetais immédiatement sur lui et le lisais de la première à la dernière page. Or, comme je connaissais la langue russe et que j’avais encore étudié la philologie anglaise ainsi que le journalisme, on me donna pour obédience, au monastère, de m’occuper des traductions. 

Aussi, je revins en Californie et nous commençâmes à travailler sur les textes. Mais naturellement, il y avait encore tout ce que doit faire une moniale, l’office, les chants et les lectures, la vaisselle, le nettoyage. Et le temps qui restait était consacré aux traductions. 

Même lors de la profession monastique, alors que, selon la tradition, il faut passer trois jours dans l’église en prière, on m’a dit : « Excuse-nous, mais il faut rédiger le texte d’un livre que nous devons achever ». Aussi, pendant ces trois jours, je restai à l’église et rédigeai le texte. 

C’était la vie de saint Macaire d’Optino. Ensuite, on me donna encore une obédience : on m’envoya en Russie pour acheter des objets et ornements liturgiques, etc. Convertis en dollars, les prix de ces objets étaient ici très bon marché. Même en prenant en compte les voyages, il était avantageux de venir ici et d’acheter des croix, d’autres objets pour le magasin d'icônes du monastère. 

En Russie, j’ai rencontré des gens avec lesquels j’avais fait connaissance lors de mon séjour à Petchory. L’un d’entre eux était moine du monastère Sretensky. Par son intermédiaire, on m’a demandé de traduire le livre « Lettres du père Jean (Krestiankine) » : notre skite féminin l’a édité en Amérique. Ensuite, on m’a encore demandé des traductions. Au fur et à mesure, j’ai fini par séjourner plus en Russie qu’en Amérique, et on m’a alors proposé de travailler au site orthodoxe Pravoslavie.ru en langue anglaise. J’ai demandé la bénédiction de mon évêque et de mon supérieur. Ils ont dit : « C’est bien, allez-y ». Et depuis le temps je suis ici.



Version française Bernard Le Caro
d'après

mercredi 25 novembre 2015

Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (3)

В монастыре прп. Германа Аляскинского. Платина, Северная Калифорния. Фото: еп. Егорьевский Тихон (Шевкунов)
Au Monastère de saint Germain d'Alaska

- Père Georges : Vos intérêts ont changé ?

- Moniale Cornélia : Mes intérêts ont entièrement changé. Ma conduite a changé, d’elle-même et même sans effort particulier. Pourquoi était-ce devenu particulièrement difficile au travail ? Parce qu’à San Francisco, il y a un milieu tout-à-fait impie, malgré le fait que l’Église orthodoxe russe y soit très forte et que les reliques de saint Jean de Changhaï y reposent. Mais les gens se comportent parfois de façon simplement blasphématoire. 

Et j’ai compris que je ne pouvais plus supporter cela à mon travail. Une fois, je me suis tout simplement levée de table alors que nous buvions du thé avec les collègues et je suis sortie. Pour eux, c’était l’habitude quotidienne de blasphémer, et c’était déjà devenu pour moi inacceptable. Aussi, j’ai commencé à penser comment sortir de ce milieu, qui était pour moi comme une sorte de prison. Et je voulais la liberté. 

C’était le début de la « perestroïka » en Russie. Et beaucoup de Russes venaient en Amérique, dont beaucoup d’affairistes. Et une personne m’aida à obtenir illégalement un visa pour l’Union soviétique. Étant déjà orthodoxe, je décidai d’y aller. J’ai obtenu un congé pour un certain temps au travail, et je suis venue en Russie, sans savoir ce qui se passerait. Mais avant le départ, une paroissienne de la cathédrale m'a chargée de transmettre des bottes à un prêtre, elle me donna le numéro de téléphone de sa sœur. Et il s’avéra que ces bottes étaient destinées au staretz Adrien du monastère de Pskovo-Petchersky. La sœur de cette paroissienne m’a amené à Petchory. Je n’avais jamais vu quelque chose d’aussi beau de ma vie. Je séjournai là, fis connaissance des gens, j'allai tout le temps à l’église et je demandai la bénédiction pour revenir afin d’y vivre plus longtemps. On me donna la bénédiction. Et au bout d’un certain temps je revins à Petchory et j'y restai six mois.

- Père Georges : Vous y viviez en travaillant au monastère ?

- Moniale Cornélia : Oui. Je vivais dans la ville et je travaillais au monastère. Bien sûr, Petchory, particulièrement à cette époque, alors qu’il y avait peu de monastères, était un lieu de haute importance pour la Russie. Je ne pourrai jamais oublier cette année qui a tout changé dans ma vie. Et c’est là que j’en suis arrivé à décider de devenir moniale.

- Père Georges : Et qu’est-ce qui a le plus influencé cette décision ? Pour une personne issue d’un milieu protestant, l’idée de monachisme, habituellement, n’est pas très proche.

- Moniale Cornélia : Lorsque l’on est entouré de moines, le monachisme est perçu comme quelque chose de naturel. Mais en Amérique, le monachisme est quelque chose d’exotique, surtout à cette époque-là. Un tel ascétisme diffère tant de la vie qui nous est habituelle, qu’il est difficile seulement d’y penser. Mais lorsque l’on vit parmi des gens qui le considèrent comme un phénomène naturel, on commence aussi à avoir la même attitude. 

Je ne voulais pas revenir dans le monde. Aussi, j’ai décidé d’aller au monastère. Mais j’ai fait ma profession monastique en Amérique. Revenue en Amérique, j’ai vécu, la première année, en Alaska. 

En Russie, j’avais vécu au moment de la crise, je voyais les étagères vides dans les magasins. Et si je n’étais pas allée au réfectoire du monastère, je n’aurais rien mangé. La vie monastique ascétique en Alaska me semblait comme un luxe, parce que je m’étais habituée en Russie à vivre d’une façon plus ascétique que dans un monastère en Amérique. C’était le temps où, en Russie, tous les Russes étaient involontairement des ascètes.

Version française Bernard Le Caro
d'après




mardi 24 novembre 2015

Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (2)

Монахиня Корнилия (Рис). Скит блж. Ксении Петербургской, Уайлдвуд, Калифорния,. 2006

- Père Georges : N’était-ce pas repoussant d’y aller [id est en Russie]? La Russie soviétique était alors représentée en Amérique comme l’empire du mal!

- Mère Cornélia : Cela produisait l’effet inverse. Nous avons été élevés durant les années de la « guerre froide », et comme cela se produit souvent chez les jeunes gens, lorsqu’on leur dit : « C’est mal, n’allez là en aucun cas », surgit le souhait insurmontable d’y aller. Probablement, cela a aussi excité mon intérêt, lorsque je lisais beaucoup sur la Russie. Or, le premier livre que j’ai lu sur la Russie, était « Nicolas et Alexandra », sur la dernière famille impériale russe. Il avait été écrit par Robert Massie, qui est très connu pour ses romans sur la Russie prérévolutionnaire. Il y avait là, naturellement, pas mal de « sensationnel », sur Raspoutine et autres. Mais aussi autre chose : il y avait une façon de vivre étonnante pour moi : tout en étant des monarques, c'étaient des gens pour lesquels la foi chrétienne constituait une partie essentielle de la vie. C’étaient des gens profondément croyants, et tout, dans leur vie, était construit autour de la foi. Aussi, lorsque s’est présentée la possibilité pour moi d’étudier à Leningrad, j’ai récolté des fonds et je suis partie.

-  Père Georges : Et quelles ont été vos impressions ?

- Moniale Cornélia : De toutes sortes. C’était déjà, on peut le dire, le crépuscule du communisme. Bien sûr, les gens étaient intéressants. On nous emmenait faire diverses excursions. Je me rappelle particulièrement une excursion à Novgorod. Le monastère Saint-Georges était alors un musée. On nous y a amenés. Dans le narthex de l’église se trouvait une exposition d’athéisme avec différents placards primitifs de propagande antireligieuse. Ensuite, nous sommes entrés dans la nef, et là nous avons vu les fresques russes anciennes. Je regarde : l’image du Christ, les thèmes évangéliques ! J’étais tout-à-fait abasourdie. C’était une prédication si éloquente du christianisme, particulièrement de l’Orthodoxie, et ce au moment où, à l’entrée on voit ce primitivisme, puis, dans l’église même on voit de telles choses… On voit ce que les gens peuvent faire lorsqu’ils sont animés par des sentiments religieux, et ce qu’ils font, quel art ils fabriquent, lorsque ces sentiments sont absents. Ce contraste m’a ébranlé profondément. Bien que je ne comprenais encore rien de l’Orthodoxie, parce qu’elle me restait inconnue. Je me suis rappelée encore d’un moment intéressant. Lorsqu’une fois, je sortаis d’une église à Leningrad, je vis un vieil homme assis sur un banc. Je ne sais qui il était, et je ne le saurai jamais. Il était assis et regardait les jeunes gens sortir de l’église. Et il souriait tant en nous regardant, quelle bonté jaillissait de lui ! C’était si inhabituel, que je m’en suis toujours rappelée. Peut-être, qu'il priait pour nous.

- Père Georges : Alors que vous êtes rentrée en Amérique, avez-vous rencontré l’Orthodoxie ?

- Moniale Cornélia : Oui, bien qu’alors je ne pensais pas devenir orthodoxe. À mon retour, j’ai fini mes études à l’université et je suis partie à San Francisco. J’ai vu les églises orthodoxes, il y a là une grande diaspora russe. Et il y avait déjà l’immense cathédrale, bâtie par l’archevêque Jean de Changhaï. Il n’était plus de ce monde. Il y avait aussi un couvent féminin. Je me rappelle que, lorsque j’ai vu cette église pour la première fois, je voulus y entrer, poussée par mon amour pour la Russie. Mais une vieille femme, devant la porte, à laquelle j’avais demandé si je pouvais entrer, me répondit : « Non ! L’église est fermée, va-t'en ! ». Cette réponse m’avait à ce point repoussée que je n’avais pas osé lui demander quand on pouvait venir. Ensuite, j’ai vu une petite église dans une autre rue. C’était simplement une maison que l’on avait transformée en église. On avait bâti une coupole, avec une croix orthodoxe. J’ai pensé : « Que c’est intéressant ! Je vais regarder ». J’y suis allé. Une jeune moniale est sortie. Je lui dis que je m’intéressais à la culture russe, que j’avais étudié à Leningrad. Elle a répondu : « Je suis aussi de Leningrad ». Derrière elle se tenait une femme âgée, habillée tout en noir. Je ne comprenais pas pourquoi elle portait ce vêtement noir. Et la femme âgée dit : « Avec qui parles-tu ? Va-t'en ! ». Après cela, je cessai d’entreprendre des tentatives pour entrer dans une église russe. Je n’accuse pas ces gens, je comprends que mon temps n’était pas encore venu, je n’étais pas encore prête. Et si j’étais entrée, peut-être, je n’aurais rien ressenti d’autre que de la curiosité.

- Père Georges : Comment alors avez-vous fait connaissance de l’Orthodoxie après tant de tentatives ratées ?

- Moniale Cornélia : Il est arrivé que mes connaissances appartenant à la secte « New Age », que je fréquentais à un certain moment à l’université, s’étaient aussi retrouvées à San Francisco. Depuis le temps où nous avions fait connaissance, de nombreuses années s’étaient écoulées et il s’est avéré qu’elles s’étaient converties à l’Orthodoxie entre-temps. Tout le groupe s’était converti, principalement après avoir lu les œuvres du père Séraphim (Rose). Lorsque je les ai rencontrés, ils m’ont dit : « Il te faut absolument venir avec nous quelque part. On y lira des conférences. Laisse tout et viens avec nous ! » 

Дорога в Платину. Фото: еп. Егорьевский Тихон (Шевкунов)

Ce lieu était un monastère en Californie du Nord, dans un endroit perdu, dans la forêt, dans les montagnes. C’était étrange, d’autant plus que c’était pendant les congés, et je pensais que l’on aurait pu sortir ailleurs. Nous nous sommes assis dans la voiture, nous avons roulé pendant cinq heures. Nous sommes arrivés. Il y avait un tel paysage, indescriptible, près du monastère ! Et bien sûr, c’était très exotique pour moi. J’ai dû trouver une jupe, on m’a dit qu’autrement, on n’était pas à l’aise… On m’a donné un fichu. Je suis restée. Les conférences étaient très intéressantes. Mais lorsqu’elles se terminèrent, il s’avéra que des vigiles nocturnes auraient lieu, c’était la fête patronale. Elles commenceraient à 18h et dureraient sept heures. J’ai pensé « Que faire ? Comment partir d’ici ? ». Je suis restée. J’ai persévéré. 

Les vigiles nocturnes ont duré toute la nuit. Et j’ai compris : c’était là ce à quoi aspirait mon âme. Tout pour ainsi dire coïncidait. Je compris que l’amour envers la Russie provenait de ma recherche de la véritable foi, de la véritable image du Christ. Cette véritable image du Christ, je la voyais dans les icônes dans les monastères qui avaient été transformés en musées. Et ici, on m’expliqua tout clairement en anglais. J’étais très enthousiaste et j’ai dit : « Dans une semaine ou deux, je reviendrai et recevrai le baptême ». C’est ce que j’ai fait. Bien sûr, le Seigneur appelle chacun individuellement. Probablement qu'il m’aurait fallu un peu plus de catéchisation. Parce que après le baptême, tout change fondamentalement dans l’âme. Et le besoin a surgi en moi de changer ma vie. Ce fut très brutal. Il fallait tout changer. Des amis m’ont quittée, et ce fut difficile au travail.


Version française Bernard Le Caro
d'après

Jean-Claude LARCHET: Recension/Michel Quenot, « Les glorieux combattants » [Éditions Orthdruk 2015]

Quenot_Combattants


Michel Quenot, « Les glorieux combattants », Éditions Orthdruk, 2015, 229 pages, 141 illustrations en couleur.


Le protopresbytre Michel Quenot poursuit son travail d’exploration systématique des différents thèmes iconographiques en nous présentant cette fois un volume consacré aux saints guerriers.Le premier chapitre évoque la référence aux armes et aux armées dans l’Ancien Testament (affrontements guerriers du peuple de Dieu, forte présence des armées célestes, métaphores du combat spirituel, dans les Psaumes notamment).Le deuxième chapitre souligne que le Christ rompt avec la loi du talion et à l’enchaînement de la violence, opposant le pardon et l’amour des ennemis aux représailles, affirme que son royaume n’est pas de ce monde, répète qu’il est venu apporter la paix, et donne la prééminence absolue au combat spirituel. C’est sur ce « bon combat » qu’insisteront aussi saint Paul et les apôtres, préconisant ainsi une « violence pacifique ».

Le troisième chapitre s’intéresse au statut de la présence chrétienne dans l’armée impériale. Celle-ci est inexistante dans les premiers temps, où les chrétiens sont assimilés par les Romains à des Juifs et sont donc exemptés de service militaire. De l’an 70 à 110 environ, aucun chrétien ne s’engage volontairement dans l’armée. C’est la pression barbare qui, à partir du règne de Marc Aurèle (160-180), entraîne un recrutement forcé. Jusqu’à Constantin cependant, l’armée compte un faible pourcentage de chrétiens. Sous les empereurs païens qui se succèdent, leur situation est difficile: lorsqu’ils refusent de rendre à l’empereur le culte qu’il exige ou de sacrifier aux dieux, ils subissent le martyre. L’avènement des empereurs chrétiens rend leur situation plus facile, mais ne les libère pas de tout problème de conscience: comment concilier les implications du métier des armes avec l’interdiction de tuer et l’idéal de paix inhérents au christianisme ? Saint Athanase d’Alexandrie et saint Ambroise de Milan invitent les soldats à la modération (c’est-à-dire à éviter les exactions) et à ne tuer qu’en cas de nécessité, tandis que saint Basile demande à ceux qui ont tué de se purifier et d’accepter une excommunication de trois ans. L’auteur exprime de manière nuancée le dilemme devant lequel se trouve le soldat chrétien, et le biais par lequel, dans certaines circonstances, une guerre défensive se justifie sans pourtant que la guerre, qui ne peut jamais être mieux qu’un moindre mal, puisse jamais être qualifiée de juste :« Le combat contre le mal requiert un grand discernement, car comment s’y opposer sans commettre soi-même des actes répréhensibles dont chaque conflit armé offre une large palette? Comment faire usage de la force sans céder à la violence? Tâche redoutable que celle du soldat chrétien! Dans sa position d’intermédiaire entre l’agresseur et l’agressé, il lui revient d’agir avec droiture, prêt à défendre l’innocent, mais sans anéantir ou blesser physiquement et psychiquement l’adversaire par pure vengeance ou plaisir. Cet immense contrôle de soi revêt une dimension ascétique indéniable. Le courage manifesté dans la retenue ou dans un type d’action mesuré entraîne souvent reproches et critiques de la part des partisans de la violence aveugle et donc coupable, dans la répression des ennemis.

La guerre étant par nature un mal, le terme de guerre juste devient par conséquent abusif et utopique. Toute guerre entraîne en effet dans son sillage de multiples drames personnels et collectifs. Mais de même que Moïse autorise la répudiation d’une épouse dans l’Ancien Testament, ce qui faire dire à Jésus que cette concession répond à la “dureté de cœur” (Mt 19, 8) des hommes, ainsi la guerre est acceptée en raison de la situation particulière du monde, où l’on ne peut laisser certains groupes ou nations agir impunément lorsque des hommes et des femmes sont cruellement opprimés. »L’auteur cite alors le Document du Concile de l’Église orthodoxe russe du 16 août 2000, qui dans son chapitre 8 intitulé « Guerre et paix » remarque : « Porteurs de la bonne nouvelle de la réconciliation (Rm 10, 15), mais se trouvant dans “ce monde” qui gît dans le mal (1 Jn 5, 19) et est marqué par la violence, les chrétiens sont confrontés à l’obligation de participer à différents combats. Tout en reconnaissant la guerre comme un mal, l’Église ne défend pas à ses fidèles de participer aux opérations militaires, lorsqu’il s’agit de défendre le prochain ou de restaurer la justice bafouée. La guerre est alors indésirable, mais inévitable. »Particulièrement intéressant est cet épisode historique, relaté par ce même Document et également cité par l’auteur :

« Lorsque le patriarche de Constantinople envoya le saint, égal aux Apôtres, Cyrille prêcher l’Évangile et que celui-ci fut arrivé dans la capitale des Sarrasins, de savants disciples de Mahomet disputèrent de la foi avec lui. Il lui fut entre autre demandé: “Le Christ est votre Dieu. Il vous a commandé de prier pour vos ennemis, de faire le bien à ceux qui vous haïssent et vous persécutent, à celui qui vous frappe sur la joue de présenter l’autre, mais que faites-vous? Si quelqu’un vous offense, vous affûtez votre arme, vous combattez, vous tuez. Pourquoi donc n’écoutez-vous pas votre Christ?” Les ayant écoutés, saint Cyrille interrogea ses interlocuteurs: “Si dans une seule loi sont contenus deux commandements, qui sera le vrai citoyen? Celui qui accomplit l’un des commandements ou celui qui accomplit les deux?” Lorsqu’ils eurent répondu qu’accomplit mieux la loi celui qui observe les deux commandements, le saint prêcheur continua: “Le Christ notre Dieu, en nous enseignant à prier pour ceux qui nous ont offensé et de leur faire du bien, a dit, de même, que personne ne peut montrer de plus grand amour en cette vie qu’en donnant son âme pour ses amis (Jn 15, 3). Voilà pourquoi nous supportons avec grandeur d’âme les offenses qui nous sont faites personnellement, mais nous nous défendons les uns les autres et offrons notre vie au combat pour notre prochain, afin que vous, qui avez réduit nos compatriotes en esclavage, ne rendiez pas esclaves leurs âmes avec leurs corps, les contraignant à renier leur foi et à agir contre les commandements de Dieu. Nos soldats chrétiens défendent l’arme à la main la Sainte Église et le souverain en lequel ils honorent le pouvoir du Roi céleste; ils gardent la patrie, sachant que sa destruction serait suivie immédiatement de la chute du pouvoir et de l’ébranlement de la foi en l’Évangile. Voilà les gages précieux pour lesquels les soldats doivent combattre jusqu’à la dernière goutte de sang sur le champ de bataille. L’Église les élève au rang des saints martyrs et les appelle intercesseurs devant Dieu.” ».Le quatrième chapitre présente les caractères généraux de l’iconographie des saints soldats, souligant la place importance qu’elle occupe dans les églises; il analyse les différents attributs militaires dont ils sont pourvus: armure, bouclier, épée, arc, lance, chevaux…, dont la représentation est souvent symbolique.Le cinquième chapitre évoque la figure des premiers grands stratèges (saint Georges, saint Théodore Tiron, saint Théodore Stratilate, saint Mercure, saint Démètre de Thessalonique, saint Procope). Le sixième chapitre est dédié à des soldats chrétiens martyrisés en groupes (le saints martyrs de la Légion thébaine, les 70 soldats syriens d’Apamée, les cent cinquante soldats martyrs en Isaurie, les quarante martyrs de Sébaste, etc.).Le septième chapitre présente les soldats martyrs jusqu’à Constantin le Grand, depuis Longin le Centurion jusqu’à saint Ménas d’Égypte. Le huitième chapitre consacre de brèves notices aux soldats qui, au cours des siècles suivants et jusqu’à la fin du premier millénaire, ont combattu sous le signe de la Croix.Le neuvième chapitre donne quelques exemples seulement de saints soldats du second millénaire (le Grand prince Vladimir, Boris et Gleb, Alexandre Nevsky, Dimitri Donskoï, le prince Lazare de Serbie, l’amiral Théodore Ushakov, et très près de nous, un soldat russe mort martyr au cours de la guerre contre les islamistes tchétchènes: Eugène Rodionoff (1977-1996).À travers toutes les notices qu’il leur consacre, l’auteur montre que ces hommes valeureux ont prioritairement combattu avec les armes de la foi, brillant par leur bonté, luttant surtout contre leurs passions, et se montrant toujours prêts à sacrifier leur vie pour les autres, mais aussi pour le maintien de la foi chrétienne. Beaucoup sont morts en martyrs pour avoir confessé leur foi dans un environnement qui lui était hostile et la mettait en balance avec leur vie.Le dernier chapitre montre comment le combat de ces saints soldats est relié au combat spirituel intérieur dont le christianisme a fait de tout temps sa priorité : les services liturgiques qui leur sont dédiés sont habités par cette notion.

La réflexion de l’auteur se rattache aussi à l’actualité:

« Des événements récents prouvent, s’il en est encore besoin, que nous sommes entrés dans une nouvelle phase concernant la présence chrétienne en Occident. La poussée islamiste radicale, discrète dans un premier temps, gagne en importance et surprend ceux-là même qui l’ont jusqu’à récemment banalisée. Non pas qu’il faille craindre une société pluriculturelle, mais une tolérance aveugle, et donc sans discernement, fait le lit de l’intolérance qui exploite sournoisement les failles des sociétés ouvertes qui finissent par s’autoflageller. L’indifférence religieuse de nombreux citoyens, issus de familles chrétiennes, crée un vide que les idéologies les plus fallacieuses s’empressent de combler, imposant peu à peu leur vision du monde. L’hédonisme, érigé en religion, endort chez les uns la conscience, muselée chez d’autres par la peur et l’angoisse, laissant le champ libre aux nouvelles formes de pensée totalitaire. Dans sa crainte de déplaire aux groupes de pression, l’État devient à son tour complice par son silence et son inaction. Comment expliquer que la moindre atteinte aux intérêts de certains groupes reçoive un vaste écho et produise une réaction musclée, alors que les agressions contre les chrétiens et leur patrimoine restent souvent ignorées et bénéficient de l’impunité? Cette politique à géométrie variable marque le début d’une persécution larvée qui tend hélas à s’amplifier. L’histoire ancienne et récente dans certaines régions du globe livre l’exemple de chrétiens qui ont affronté des conditions d’hostilité extrêmes. Dans ce sens, le témoignage (martyria en grec), auquel chaque chrétien est appelé, revêt parfois une forme aiguë. Les soldats et guerriers, dont il est question ici, ont lutté pour leur foi, pour la défense des libertés fondamentales et ont témoigné en cela de leur attachement au Christ. La tiédeur de nombreux chrétiens résulte d’une perte du sens du sacré liée à l’obscurcissement du regard spirituel. »

Ce livre a le grand intérêt d’offrir une synthèse sur une catégorie de saints très présente dans l’Église orthodoxe, mais souvent mal comprise, en rassemblant des figures dispersées dans les Synaxaires, en les faisant mieux connaître, et en dégageant de manière nuancée la signification spirituelle de leur statut particulier qui ne va pas de soi, puisque l’idéal du christianisme est un idéal de paix qui a priori ne fait pas bon ménage avec les implications du métier des armes.
Comme dans tous les livres précédents du P. Michel Quenot, les illustrations sont abondantes (près de cent quarante), fort bien choisies, et souvent inédites. Les éditions orthdruk ont une fois de plus réalisé un ouvrage de grande qualité typographique et graphique pour un prix modéré.
Le livre est diffusé pour tous pays sauf la Suisse par La Procure, et en Suisse par la Diffusion Albert le Grand. Il peut être commandé en ligne à la Librairie du monastère orthodoxe de la Transfiguration.

lundi 23 novembre 2015

Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (1)


Монахиня Корнилия (Рис) в Сретенском монастыре
Mère Cornélia



Interview de la moniale orthodoxe américaine Cornélia (Rees) par le prêtre Georges Maximov.

Dans le cadre de la série d’émissions « Ma voie vers Dieu » de la chaîne TV russe «Spas » (« Le Sauveur »), dans laquelle le prêtre Georges Maximov rencontre des personnes qui se sont converties à l’Orthodoxie, la moniale Cornélia (Rees), orthodoxe américaine, rédactrice de la version anglaise du site du monastère Sretensky de Moscou « Pravoslavie.ru », évoque ses recherches de la foi véritable. Elle raconte aussi l’importance du travail qu’elle effectuait au monastère de Pskovo-Petchersky, comment elle a pris la décision de choisir la voie monastique, ses labeurs pour la diffusion de la connaissance de l’Orthodoxie, et quelle est l’attitude, en Amérique, à l’égard du christianisme orthodoxe.

- Père Georges Maximov : Bonjour ! Dans le cadre du programme « Ma voie vers Dieu », nous avons aujourd’hui dans notre studio la moniale Cornélia, rédactrice de la version anglaise du portail internet « Pravoslavie.ru ». Révérende Mère, vous êtes originaire des États-Unis d’Amérique. Pourriez-vous raconter comment a commencé votre cheminement spirituel ? Comme je le comprends, vous êtes née dans un milieu où l’on ne connaissait rien de l’Orthodoxie.

- Mère Cornélia : Oui, c’est ainsi. Je suis née dans l’État de l’Indiana, non loin de la ville de Chicago. Et bien sûr, je n’avais entendu que peu de choses sur l’Orthodoxie, malgré le nombre élevé d’orthodoxes dans la région : une grande diaspora serbe, beaucoup de Grecs. Mais, cela est étonnant, nous ne savions rien, dans notre enfance, au sujet de leur religion. J’ai été élevée dans un milieu protestant, je me rendais souvent au temple. Mes parents étaient croyants, mais comme le veut l’habitude en Amérique, les croyants sont assez superficiels : ils vont à l’église pour les convenances, mais la vie est comme partout, comme chez tout le monde. Toutefois, ma mère voulait nous inculquer certaines valeurs chrétiennes. Devenus adolescents, nous nous sommes éloignés d’une telle vie religieuse, comme cela arrive. Mais, néanmoins, je n’ai jamais renoncé au Christ, et je me suis toujours considérée chrétienne. Aussi, je n’ai jamais eu cette attitude : je ne veux plus en entendre parler, et c’est tout. Mais simplement, la vie est devenue ennuyeuse, disons-le ainsi.

-  Père Georges : le christianisme est-il passé à la périphérie de la vie ?

- Mère Cornélia : Oui. Étant donné que le protestantisme, particulièrement en Amérique, s’est déjà transformé en service social et est exposé à tous les nouveaux courants possibles.

- Père Georges : À quelle dénomination protestante appartenaient vos parents ?

- Moniale Cornélia : Mes parents étaient presbytériens. Mais en Amérique, peu nombreux sont ceux qui considèrent que si, par exemple, ils sont presbytériens, ils n’iront pas dans l’église d’autres chrétiens. Nous aussi, nous allions là, le plus près, où cela nous plaisait, où nous avions des amis. C’est ainsi que si, près de chez nous et si c’était plus intéressant, il y avait un prédicateur méthodiste, nous allions là-bas, de même si c’étaient des baptistes. Les gens changent tout le temps de dénomination, si bien que finalement, il y a beaucoup d’églises qui n’en n’ont plus. Quelqu’un commence simplement à prêcher et les gens vont l’écouter. Et, naturellement, si quelque chose de désagréable se produit, il cesse d’être un exemple et une autorité, et son « église » tombe dans l’abandon, et les gens cherchent quelque chose d’autre.

- Père Georges : Et comment votre vie s’est-elle organisée ensuite ?

- Moniale Cornélia : Je suis entrée à l’université. Mais mon âme voulait quelque chose, parce que je ressentais une sorte de vide. En Amérique, il y a cette habitude : partir de chez soi pour étudier. L’individu se trouve en quelque sorte coupé de la famille, il affronte les difficultés de la vie, il se trouve devant le choix : « Que vais-je faire ensuite ? Quel travail vais-je faire ? Comment ma vie va-t-elle s’organiser ? » 

Et beaucoup commencent à réfléchir sur la religion, le sens de la vie. Or, l’université est un champ immense pour l’activité des missionnaires de différentes sectes et courants. Lorsque j’étudiais, c’était surtout les religions orientales qui étaient populaires. Et maintenant, cela existe toujours, mais ce n’est plus aussi populaire qu’à cette époque. 

Il y avait alors toutes sortes d’ashrams et encore beaucoup d’autres choses. Seule manquait une église orthodoxe. J'habitais à la cité universitaire, et ma voisine de chambre était une fille qui ressentait aussi le fort besoin de trouver le sens de la vie. Et nous avons décidé de tout prendre en considération, il y avait beaucoup de temples et de communautés des différentes sectes. Nous nous sommes mis d’accord pour répartir nos recherches en deux moitiés : elle irait chez les uns, et moi chez les autres, et nous échangerions ensuite nos impressions.

À l’université, il y avait un groupe de partisans du soi-disant « New Age », qui est dirigé vers différents enseignements orientaux et possède un caractère syncrétique. Toutefois, ce groupe reconnaissait le Christ comme Maître, comme Docteur, comme Dieu, mais à sa façon. Je pense qu’il s’agissait de gens qui aspiraient réellement au Christ, mais l’expérience de leur séjour dans les différentes communautés chrétiennes était négatif, ils s’y ennuyaient, et ils voulaient quelque chose de nouveau, de plus spirituel que ce que pouvait offrir le protestantisme. C’était de bonnes personnes. Avec ma voisine, nous commençâmes à fréquenter leurs réunions. Ils n’avaient pas d’églises comme telles. Ils se rassemblaient simplement, lisaient le Nouveau Testament et partageaient leurs impressions. Ils avaient toutefois une sorte de doctrine. J’allais chez eux, je me suis assez profondément immergée dans ce milieu. Mais ensuite, j’ai senti qu’il y avait là quelque chose qui n’allait pas, mon âme commençait à refouler tout cela. Et je les ai quittés. Il y eut une période où je me trouvais littéralement à un carrefour. C’est à ce moment que j’ai fait connaissance de la Russie.

- Père Georges : À quoi cela était-il lié ?

- Mère Cornélia : J’ai toujours éprouvé, même dans l’enfance, un intérêt pour la culture russe, particulièrement pour la littérature. À l’âge de seize ans, j’ai lu Dostoïevsky pour la première fois. Je ne peux pas dire que j’ai alors tout compris, mais je lisais avec grand intérêt. À l’université, je suivais un cours de littérature russe, j’y ai étudié la langue russe, et j’étais très intéressée par ce qui se passait en Russie. C’était en 1982, alors que c’était encore le communisme, le temps de Brejnev. La seule possibilité de se rendre en Russie était l’échange universitaire. C’est ainsi que je suis arrivée à Leningrad, où je perfectionnai le russe.

Version française Bernard Le Caro
d'après

dimanche 22 novembre 2015

Le cheval de saint Columba d'Iona


Saint Columba et le cheval venu lui dire adieu

Aujourd'hui [9/22 juin] en Ecosse, c'est la fête de l'un des grands saints celtiques, saint Columba d'Iona. 

Il est une anecdote qui narre que, vers la fin de sa vie, il prit conscience qu'il ne lui restait pas longtemps à passer dans ce monde. La semaine de sa mort, fatigué après une marche, il s'assit et le cheval de trait blanc fidèle du monastère accourut vers lui, posa sa tête sur sa poitrine, et pleura comme un homme. 

Le saint fut étonné que l'animal soit au courant de réalités que ses moines ne connaissaient pas, et qu'il soit venu lui dire adieu. Il bénit le cheval, qui se détourna et poursuivit son chemin.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après