mercredi 25 novembre 2015

Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (3)

В монастыре прп. Германа Аляскинского. Платина, Северная Калифорния. Фото: еп. Егорьевский Тихон (Шевкунов)
Au Monastère de saint Germain d'Alaska

- Père Georges : Vos intérêts ont changé ?

- Moniale Cornélia : Mes intérêts ont entièrement changé. Ma conduite a changé, d’elle-même et même sans effort particulier. Pourquoi était-ce devenu particulièrement difficile au travail ? Parce qu’à San Francisco, il y a un milieu tout-à-fait impie, malgré le fait que l’Église orthodoxe russe y soit très forte et que les reliques de saint Jean de Changhaï y reposent. Mais les gens se comportent parfois de façon simplement blasphématoire. 

Et j’ai compris que je ne pouvais plus supporter cela à mon travail. Une fois, je me suis tout simplement levée de table alors que nous buvions du thé avec les collègues et je suis sortie. Pour eux, c’était l’habitude quotidienne de blasphémer, et c’était déjà devenu pour moi inacceptable. Aussi, j’ai commencé à penser comment sortir de ce milieu, qui était pour moi comme une sorte de prison. Et je voulais la liberté. 

C’était le début de la « perestroïka » en Russie. Et beaucoup de Russes venaient en Amérique, dont beaucoup d’affairistes. Et une personne m’aida à obtenir illégalement un visa pour l’Union soviétique. Étant déjà orthodoxe, je décidai d’y aller. J’ai obtenu un congé pour un certain temps au travail, et je suis venue en Russie, sans savoir ce qui se passerait. Mais avant le départ, une paroissienne de la cathédrale m'a chargée de transmettre des bottes à un prêtre, elle me donna le numéro de téléphone de sa sœur. Et il s’avéra que ces bottes étaient destinées au staretz Adrien du monastère de Pskovo-Petchersky. La sœur de cette paroissienne m’a amené à Petchory. Je n’avais jamais vu quelque chose d’aussi beau de ma vie. Je séjournai là, fis connaissance des gens, j'allai tout le temps à l’église et je demandai la bénédiction pour revenir afin d’y vivre plus longtemps. On me donna la bénédiction. Et au bout d’un certain temps je revins à Petchory et j'y restai six mois.

- Père Georges : Vous y viviez en travaillant au monastère ?

- Moniale Cornélia : Oui. Je vivais dans la ville et je travaillais au monastère. Bien sûr, Petchory, particulièrement à cette époque, alors qu’il y avait peu de monastères, était un lieu de haute importance pour la Russie. Je ne pourrai jamais oublier cette année qui a tout changé dans ma vie. Et c’est là que j’en suis arrivé à décider de devenir moniale.

- Père Georges : Et qu’est-ce qui a le plus influencé cette décision ? Pour une personne issue d’un milieu protestant, l’idée de monachisme, habituellement, n’est pas très proche.

- Moniale Cornélia : Lorsque l’on est entouré de moines, le monachisme est perçu comme quelque chose de naturel. Mais en Amérique, le monachisme est quelque chose d’exotique, surtout à cette époque-là. Un tel ascétisme diffère tant de la vie qui nous est habituelle, qu’il est difficile seulement d’y penser. Mais lorsque l’on vit parmi des gens qui le considèrent comme un phénomène naturel, on commence aussi à avoir la même attitude. 

Je ne voulais pas revenir dans le monde. Aussi, j’ai décidé d’aller au monastère. Mais j’ai fait ma profession monastique en Amérique. Revenue en Amérique, j’ai vécu, la première année, en Alaska. 

En Russie, j’avais vécu au moment de la crise, je voyais les étagères vides dans les magasins. Et si je n’étais pas allée au réfectoire du monastère, je n’aurais rien mangé. La vie monastique ascétique en Alaska me semblait comme un luxe, parce que je m’étais habituée en Russie à vivre d’une façon plus ascétique que dans un monastère en Amérique. C’était le temps où, en Russie, tous les Russes étaient involontairement des ascètes.

Version française Bernard Le Caro
d'après




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