lundi 23 novembre 2015

Moniale Cornélia [Rees]: « Mon amour de la Russie est venu de ma recherche de la foi véritable » (1)


Монахиня Корнилия (Рис) в Сретенском монастыре
Mère Cornélia



Interview de la moniale orthodoxe américaine Cornélia (Rees) par le prêtre Georges Maximov.

Dans le cadre de la série d’émissions « Ma voie vers Dieu » de la chaîne TV russe «Spas » (« Le Sauveur »), dans laquelle le prêtre Georges Maximov rencontre des personnes qui se sont converties à l’Orthodoxie, la moniale Cornélia (Rees), orthodoxe américaine, rédactrice de la version anglaise du site du monastère Sretensky de Moscou « Pravoslavie.ru », évoque ses recherches de la foi véritable. Elle raconte aussi l’importance du travail qu’elle effectuait au monastère de Pskovo-Petchersky, comment elle a pris la décision de choisir la voie monastique, ses labeurs pour la diffusion de la connaissance de l’Orthodoxie, et quelle est l’attitude, en Amérique, à l’égard du christianisme orthodoxe.

- Père Georges Maximov : Bonjour ! Dans le cadre du programme « Ma voie vers Dieu », nous avons aujourd’hui dans notre studio la moniale Cornélia, rédactrice de la version anglaise du portail internet « Pravoslavie.ru ». Révérende Mère, vous êtes originaire des États-Unis d’Amérique. Pourriez-vous raconter comment a commencé votre cheminement spirituel ? Comme je le comprends, vous êtes née dans un milieu où l’on ne connaissait rien de l’Orthodoxie.

- Mère Cornélia : Oui, c’est ainsi. Je suis née dans l’État de l’Indiana, non loin de la ville de Chicago. Et bien sûr, je n’avais entendu que peu de choses sur l’Orthodoxie, malgré le nombre élevé d’orthodoxes dans la région : une grande diaspora serbe, beaucoup de Grecs. Mais, cela est étonnant, nous ne savions rien, dans notre enfance, au sujet de leur religion. J’ai été élevée dans un milieu protestant, je me rendais souvent au temple. Mes parents étaient croyants, mais comme le veut l’habitude en Amérique, les croyants sont assez superficiels : ils vont à l’église pour les convenances, mais la vie est comme partout, comme chez tout le monde. Toutefois, ma mère voulait nous inculquer certaines valeurs chrétiennes. Devenus adolescents, nous nous sommes éloignés d’une telle vie religieuse, comme cela arrive. Mais, néanmoins, je n’ai jamais renoncé au Christ, et je me suis toujours considérée chrétienne. Aussi, je n’ai jamais eu cette attitude : je ne veux plus en entendre parler, et c’est tout. Mais simplement, la vie est devenue ennuyeuse, disons-le ainsi.

-  Père Georges : le christianisme est-il passé à la périphérie de la vie ?

- Mère Cornélia : Oui. Étant donné que le protestantisme, particulièrement en Amérique, s’est déjà transformé en service social et est exposé à tous les nouveaux courants possibles.

- Père Georges : À quelle dénomination protestante appartenaient vos parents ?

- Moniale Cornélia : Mes parents étaient presbytériens. Mais en Amérique, peu nombreux sont ceux qui considèrent que si, par exemple, ils sont presbytériens, ils n’iront pas dans l’église d’autres chrétiens. Nous aussi, nous allions là, le plus près, où cela nous plaisait, où nous avions des amis. C’est ainsi que si, près de chez nous et si c’était plus intéressant, il y avait un prédicateur méthodiste, nous allions là-bas, de même si c’étaient des baptistes. Les gens changent tout le temps de dénomination, si bien que finalement, il y a beaucoup d’églises qui n’en n’ont plus. Quelqu’un commence simplement à prêcher et les gens vont l’écouter. Et, naturellement, si quelque chose de désagréable se produit, il cesse d’être un exemple et une autorité, et son « église » tombe dans l’abandon, et les gens cherchent quelque chose d’autre.

- Père Georges : Et comment votre vie s’est-elle organisée ensuite ?

- Moniale Cornélia : Je suis entrée à l’université. Mais mon âme voulait quelque chose, parce que je ressentais une sorte de vide. En Amérique, il y a cette habitude : partir de chez soi pour étudier. L’individu se trouve en quelque sorte coupé de la famille, il affronte les difficultés de la vie, il se trouve devant le choix : « Que vais-je faire ensuite ? Quel travail vais-je faire ? Comment ma vie va-t-elle s’organiser ? » 

Et beaucoup commencent à réfléchir sur la religion, le sens de la vie. Or, l’université est un champ immense pour l’activité des missionnaires de différentes sectes et courants. Lorsque j’étudiais, c’était surtout les religions orientales qui étaient populaires. Et maintenant, cela existe toujours, mais ce n’est plus aussi populaire qu’à cette époque. 

Il y avait alors toutes sortes d’ashrams et encore beaucoup d’autres choses. Seule manquait une église orthodoxe. J'habitais à la cité universitaire, et ma voisine de chambre était une fille qui ressentait aussi le fort besoin de trouver le sens de la vie. Et nous avons décidé de tout prendre en considération, il y avait beaucoup de temples et de communautés des différentes sectes. Nous nous sommes mis d’accord pour répartir nos recherches en deux moitiés : elle irait chez les uns, et moi chez les autres, et nous échangerions ensuite nos impressions.

À l’université, il y avait un groupe de partisans du soi-disant « New Age », qui est dirigé vers différents enseignements orientaux et possède un caractère syncrétique. Toutefois, ce groupe reconnaissait le Christ comme Maître, comme Docteur, comme Dieu, mais à sa façon. Je pense qu’il s’agissait de gens qui aspiraient réellement au Christ, mais l’expérience de leur séjour dans les différentes communautés chrétiennes était négatif, ils s’y ennuyaient, et ils voulaient quelque chose de nouveau, de plus spirituel que ce que pouvait offrir le protestantisme. C’était de bonnes personnes. Avec ma voisine, nous commençâmes à fréquenter leurs réunions. Ils n’avaient pas d’églises comme telles. Ils se rassemblaient simplement, lisaient le Nouveau Testament et partageaient leurs impressions. Ils avaient toutefois une sorte de doctrine. J’allais chez eux, je me suis assez profondément immergée dans ce milieu. Mais ensuite, j’ai senti qu’il y avait là quelque chose qui n’allait pas, mon âme commençait à refouler tout cela. Et je les ai quittés. Il y eut une période où je me trouvais littéralement à un carrefour. C’est à ce moment que j’ai fait connaissance de la Russie.

- Père Georges : À quoi cela était-il lié ?

- Mère Cornélia : J’ai toujours éprouvé, même dans l’enfance, un intérêt pour la culture russe, particulièrement pour la littérature. À l’âge de seize ans, j’ai lu Dostoïevsky pour la première fois. Je ne peux pas dire que j’ai alors tout compris, mais je lisais avec grand intérêt. À l’université, je suivais un cours de littérature russe, j’y ai étudié la langue russe, et j’étais très intéressée par ce qui se passait en Russie. C’était en 1982, alors que c’était encore le communisme, le temps de Brejnev. La seule possibilité de se rendre en Russie était l’échange universitaire. C’est ainsi que je suis arrivée à Leningrad, où je perfectionnai le russe.

Version française Bernard Le Caro
d'après

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