mardi 16 juillet 2019

Sur le blog de Laurence



J'ai fait la grève facebook pendant deux jours. quand je suis revenue dessus, le pauvre Vincent Lambert était mort, après neuf jours d'agonie, privé d'eau et de nourriture, pour un type qui ne survivait que parce qu'il était "branché", il a mis du temps à être "enfin délivré". Et des gens s'en réjouissent bruyamment en insultant les parents, forcément, des cathos tradis, autant dire la lie du pays.
Il est certain qu'autrefois, le malheureux serait mort assez vite des suites de son accident, et que cela n'aurait sans doute pas été plus mal, mais voilà, on l'a arraché à la mort, maintenu dans un état pauci-relationnel des années, sans lui accorder la chance d'un établissement spécialisé pour améliorer son existence et son état, et puis on a décidé que ça suffisait comme ça, et qu'on ne le nourrirait plus, parce que sa vie n'en était pas une.
Il avait un regard conscient et intense. J'ai déjà vu un garçon réduit à "l'état de légume", comme on dit charitablement à longueur de commentaires, il avait un regard vide qui ne se fixait sur rien, ce n'était pas le cas de Vincent Lambert, c'est sans doute pour cela que les journaux bien pensants floutaient sa photo... Reste que sans doute d'autant plus, sa vie n'en était pas une, mais ce principe peut-être étendu à des tas de gens, les tétraplégiques, les filles affreusement défigurées à l'acide, les sourds et aveugles, et même les SDF. Des tas de gens ont une vie qui n'en est pas une, selon les critères contemporains de la santé, de la beauté et du succès. Il sera désormais miséricordieux et convenable de les envoyer ad patres.
Pour les bébés à naître, le raisonnement du légume, de l'amas de cellules, du tas de viande et de la vie qui n'en est pas une ou qui n'en sera pas une parce que toutes les fées modernes n'entoureront pas le berceau, est depuis longtemps installé, au point que beaucoup de femmes poussent des cris d'orfraie si on remet cela en question ou que des médecins rechignent à la triste besogne. On a fait mourir l'infirme de faim et de soif, avec une sédation qui ne marchait pas tellement, d'après ses proches. On découpe les gosses dans le ventre de leur mère, on les arrache en pièces détachées, mais ça ne crie pas, à ce stade. C'est juste un acte médical miséricordieux, que deviendrait ce malheureux, avec sa vie qui n'en sera pas une?
Bien évidemment, le raisonnement s'étend maintenant jusqu'à des foetus tout à fait formés ou prêts à naître: mieux vaut les tuer que de leur laisser vivre une telle vie, qui ne débute pas sous les auspices radieux obligatoires.
Et par conséquent, le raisonnement Vincent Lambert s'étendra lui aussi à toutes sortes de gens lourdement handicapés, ou socialement défavorisés, ou trop vieux.
Personnellement, je ne tiens pas à ce que l'on s'acharne à me faire vivre si déjà je ne suis plus viable. Mais m'abrutir de drogue pour me faire crever de faim et de soif, seule dans mon coin, épargnez-moi cela, de grâce. 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire